mercredi 4 octobre 2023

Retorn

Has tornat a la llengua
dels teus avantpassats,
assaborint la flaire
d'uns girs desconeguts.

Mastegant les paraules
que et costaven un poc,
has llegit als mainatges
uns contes peregrins.

Quantes hores passades
a retrobar un món
on passejava l'àvia
per collir-hi colors.

Une facture

C'était une facture,
une page enlaidie
par des calculs abscons
et d'ennuyeuses courbes.

Et pourtant elle offrait
au verso de son être
la blancheur d'une feuille
avide de couleurs.

Ma fille s'en saisit
pour y tracer d'un trait
un joli papillon
épris de liberté.

À reculons

J'ai rêvé de septembre
puis me suis endormi.
La route était poudreuse,
au sortir de la ville.

La mer léchait le sable
du bon Saint Cyprien,
m'octroyant une ondée
pour prix de mon audace.

J'aimais croquer la pomme
et feuilleter des livres
qui parlaient d'absolu
dans leur petit format.

Horloges

Que dansent les horloges
qui dorment dans la nuit
et qu'elles quittent le nid
des commodes anciennes.

Leur pas est compassé
et leur course ennuyeuse.
Pour remplir tout un jour,
elles s'y prennent à deux fois.

Je rêve de cadrans
aux chiffres fantaisistes.
À l'infini d'un huit,
au charme d'un zéro.

Desig

És un desig de dies,
de dies i de nits.
Un temporal plaent
amb borrasques sobtades.

Quan s'entreobren els llavis,
és per somriure al món.
Un buf, un baf silents
del meu cor que batega.

Camino vora l'aigua
dels sentiments somniats
i quan dormo a la nit,
és per fer-t'hi costat.

mardi 3 octobre 2023

Estranya tardor

Estranya és la tardor
d'aquest any de poetes
quan s'adorm el sol vell
com una singlantana.

M'estan cridant les barques
del Racó del meu oncle
amb llurs colors de pomes
i la mar d'organdí.

Quan vingui Sant Martí
amb tota sa comparsa
que'ns vulgui oferir
aquest sol de tardor.













© Gumersind Gomila

Fruits d'automne

J'aime les fruits d'automne
qui craquent sous la dent,
quand faiblit la lumière,
à l'approche du soir.

Je les dispose alors
dans un beau compotier
comme un petit Cézanne
avide de couleurs.

Et la faim disparaît
sous ce regard si lent
qu'il dérobe aux horloges
leurs aiguilles d'argent.



Verdes taronges

Verdes són les taronges
del taronger d'octubre,
mirant-me tot el dia
amb mil ulls de paó.

Aviat seran uns sols
de planetes rodons
oferint als meus hostes
llur dolça melmelada.

Per ara són callades
i m'observen escriure
uns versos amb el suc
de llur promesa tendra.



Escriptura dual

Escriptura dual,
d'estovalles florides,
quan s'apropa el migdia
al cor de l'altiplà.

Les lletres es combinen
i la llengua frueix.
De prosa i poesia
són amants llaminers.

I no hi ha cap moment
que no els atregui quan
es posen a escriure,
pensant en l'avenir.

Son uns éssers de mots,
de tinta i de sang tébia,
barrejant els idiomes
amb sengles llengües dolces.

Étrange

J'ai fait un rêve étrange,
est un vers qui me vient
du fond de mon enfance
en marelle oubliée.

Étrange est la mémoire
qui néglige l'oubli
pour s'inventer un monde
où nagent des chimères.

Le rêve est un salut
pour qui croit naviguer
sur le coton orange
de ses draps automnaux.

Rires marins

Rions à la ferveur
des vieilles bigoudènes,
promenant leur dentelle
au sortir de l'office.

Rions des vains appels
des sirènes de brume
s'essayant au grand large
au milieu du radoub.

Rions des loups de mer,
la casquette vissée,
pêchant des bigorneaux
aux étals du marché.

Appel

Que vienne l'insomnie,
que je croyais partie.
L'ivresse silencieuse,
prodigue en poésie.

Que viennent les nuits blanches,
les épousées d'un soir,
avec leur traîne grise
sur mes paupières claires.

Que viennent ces moments,
arrachés à l'horloge
par quelque diablotin
en manque d'absolu.

Douceur angevine

J'aimerais déboucher
un peu de ce vin clair.
Du rosé de l'Anjou,
gouleyant et sucré.

Puis je mettrais en poche
le liège du bouchon,
en souvenir exquis
de nos repas d'un jour.

Alors le temps jouerait,
exhumant de l'écorce,
le parfum angevin
des coupes partagées.

M'agraden...

M'agraden els silencis,
el silenci en plural,
el frec de les orelles
contra la lluna plena.

M'agraden els insomnis,
la son dels somnis clars,
les ganes de t'escriure
més enllà del silenci.

M'agraden els murmuris,
el rierol dels plors,
quan el goig els amara
al bell mig de la nit.

Et puis...

Et puis il y eut ta peau.
Ta peau dans le soleil.
Ta peau dans la verdeur,
pudique et enjouée.

La rosée de l'automne,
le rosé débouché,
le rêve des pas tendres
que j'aimais inventer.

Et puis il y eut ces mots
que j'osai murmurer,
comme une envie d'automne,
en plein cœur de l'été.

lundi 2 octobre 2023

Une sortie au jardin

Aux élèves de la seconde 12

Pareille était leur herbe,
pareil était leur ciel.
Et pourtant chacun d'eux
portait un regard neuf.

Précis et ciselé
ou réduit à un geste,
l'espace de Maillol
prenait un nouveau tour.

Ils avaient fait un cercle,
au bord du carrefour, 
négligeant la rengaine
des radios du faubourg.

Et pendant près d'une heure,
ils m'ont donné des signes
de leur goût pour la vie
et de ce qui nous lie.

dimanche 1 octobre 2023

Sur un brouillon de joue

Sur un brouillon de joue,
la nuit n'a pas de prise.
L'encre bleue n'y tient pas
et le graphite y meurt.

Seul peut y écrire
le renflement des lèvres,
cherchant à exprimer
ce que le jour ne peut.

Sur un brouillon de joue,
j'ai écrit mes mystères,
humant de chaque pore
les désirs à venir.

jeudi 28 septembre 2023

Penyora de tinta

Un home qualsevol,
un home sense ulleres
a la mà un full blanc
amb un llistat d'horaris.

Té els ulls ametllats
a força de buscar
un lloc per descansar
abans de continuar.

És un ambaixador
del moll d'una revista.
Sota el braç la carpeta
que sempre duu amb ell.

La nit me'l menjarà
cap a l'altre vilatge,
deixant-me com penyora
uns fulls de tinta bona.

Gala de la igualtat

Gala de la igualtat
ets una festa trista
on només van els rics
per presumir dels seus.

La vida té un gual
al bell mig del corrent,
on tots hem de passar
en un moment o l'altre.

Deixem-nos doncs de festes
i d'amargs rebomboris.
Iguals hem de ser tots,
del bressol a la tomba.

Mon petit Liré

Légale égalité,
létale et alitée,
que t'ont donc fait les hommes
pour te couvrir d'opprobre ?

La France est différence,
contre l'indifférence,
drapant dans son drapeau,
les anciens oripeaux.

C'est bien ce que proclame
sa devise aux frontons
des églises laïques
qu'incarnent les écoles.

Et pourtant que d'insultes,
de souverain mépris,
pour les autres que soi
et leur parole libre.

Je rêve d'un pays,
de mon petit Liré,
où je serais l'égal
de tous les inégaux.



Poussière du jardin

Poussière du jardin
sur les outils aimés.
La pelle et l'arrosoir
tout couverts de rosée.

La poudre s'y mélange
en un fin tégument
comme une robe d'ange
sous les yeux d'un amant

Je sens déjà les fleurs
qui s'ouvrent au matin
appelant le bonheur
d'un sourire badin.

Les hasards du lézard

Les hasards du lézard
font un monde en petit.
Sans oreilles de loup,
il glisse dans les trous.

Sa marche est un mystère
pour les gens terre à terre,
si prompts à enfiler
leurs bottes de sept lieues.

À ceux qui le convoitent,
il leur lâche sa queue,
au nez et à la barbe,
pour moquer les envieux.

mercredi 27 septembre 2023

En marge du faubourg

J'ai rêvé de désir
puis me suis endormi.
La nuit était épaisse
des senteurs du faubourg.

Mes rêves m'ont porté,
en dehors de la ville,
au bord d'un lac tout rond
et de ses eaux glacées.

La vouivre y chantonnait,
en tenant à deux mains
un bien curieux ouvrage
de dentelle et de fil.

J'ai cru y deviner
mon prénom en carmin
suivi de ton sourire
en lèvres de coton.

La vouivre chantonnait,
étrangère à mon être,
qui tremblait les pieds nus,
en marge de l'abîme.

La noirceur était telle
qu'elle avalait la lune
laissant à sa surfece
des bulles mordorées.

Il n'en fallut pas plus
pour casser mon sommeil
et me rendre au lit chaud
embaumant le faubourg.

Les travaux et les jours

Je regarde tomber,
sur l'écran de mes rêves,
la poussière discrète
des heures de travail.

Ma vue s'est abîmée
au cadran de leurs heures,
cherchant à reproduire
un peu de mes lectures.

Des vers de Saint-John Perse,
le divan d'un marquis,
l'iode d'un cimetière
qui regarde la mer.

Mais c'est en observant
un message d'erreurs
que j'ai enfin compris
le prix de chaque instant.

Qu'importent la poussière
et les lents démarrages
quand on voit s'écouler
les travaux et les jours.







© Joan Pere Sunyer

Sang intime

Ne laisse pas partir
tes amis sans le sou.
Donne-leur un centime
pour prix de leur respect.

Une pièce petite,
qui tiédit dans la main,
sang intime des pauvres
qui cherchent leur chemin.

Regarde-les partir
sous la voûte étoilée,
avec les poches vides
et le cœur en écharpe.

Leur ombre est longue et fine,
elle te retient à eux.
Quitte donc ta demeure
et cours à leur rencontre.

Délaisse les travaux
de ta pièce petite.
Ils pourront bien attendre
jusqu'à la Saint-Martin.

La vie est autre part,
sur le bord des chemins,
quand on sait y trouver
les pas de l'amitié.

Plena terra

Plena terra. Rodona.
Curulla de converses,
de la nit al matí.

Saba grassa de mots,
de lletres i d'accents,
on batega la sang

dels amors clandestins.
Quin batec més estrany.
quina força encegada...

mardi 26 septembre 2023

El color de l'argent

Quin és el color de l'argent,
no pas el color d'aquell
que s'hi emmiralla,
oblidant les avarques
al costat del camí.

No: quin és el color ver
del metall de fa anys,
gastat de tant passar
de butxaca a butxaca?

Diuen que d'olor no en té,
com no té vergonya ni bellesa.
Mes quin és el seu color
quan els teus ulls fosquegen ?

Les draps du premier jour

Quelle est cette frontière
entre l'être et son sang ?

Le tégument est frêle
qui voile le visage.

Le cœur bat en dedans
pour appeler un autre

qui attend sur le quai
où passent les express.

Merveille de la vie
que je sens en aveugle,

ayant le ventre sec
et la barbe blanchie.

Merveille de la vie
qui court les cathédrales

et retient dans la nuit
les draps du premier jour.

Une sortie

J'ai laissé divaguer
les chiens du voisinage
puis je m'en suis allé
en quête de marrons.

Nit sense bar

Caminaven els dos
per carrers silenciosos,
buscant un bar petit
per xerrar-hi tranquils.

Mes quan no eren pas closos,
en veure'ls apropar-se,
tancaven la persiana,
per comptar els bitllets.

Poeta i editor
davant de tanta pena,
s'assegueren de sobte
en un banc del carrer.

Esperant l'autobús
de la nit ja tancada,
fullejaren revistes
amb afany d'avenir.

Fou una nit curiosa
de vent i sense anís
mes amb el preu bonic
d'uns fulls de bon paper.

lundi 25 septembre 2023

Estructures

He deixat a la bústia
els versos quotidians.
La flaire del bull blanc
i l'orgull del cloquer.

I m'he llençat al buit
dels versos de la Gual.
Estructures possibles
al mig de l'oceà.

Seguiràs el patró
del cos de l'estimada?
O la deixaràs fer
damunt de les parpelles?

vendredi 22 septembre 2023

Un amour secret

C'est un amour secret
qui ne dit pas son nom,
de fenêtre en fenêtre,
par delà l'océan.

Les mots sont un velours
qui glisse entre les doigts,
quand survient le silence
et que les yeux les gardent.

Que serait l'Atlantique
sans leur attachement,
la gemme de leurs voix
et leur empressement ?

Gana boja

M'aturo al lloc on ballen les anemones.
                            Joana Maria Mallol

Llegir, escoltar,
deixar entrar les veus
dels infants del pati

i inspirar-me en els versos
breus d'una poeta desconeguda.
Tant de blanc, tant de blanc

semblant al meu i tan distint.
La casa petita a Escòcia
amb la llengua rocosa,

gutural. El sol gèlid. Les aus
de bec grisenc... I la gana.
La gana boja d'aliments

nous. Nous i coneguts.
Nous per coneguts.
M'aturo. llegeixo. Un bri.

Xisclen els nanos, aliens
al silenci del lloc. M'aixeco
i et busco. Entre pàgines.

A les fosques

M'has omplert la butxaca
amb paraules petites
de tres o quatre lletres,
per atreure l'atzar.

I com si fos un dau,
n'escuro el teixit,
component uns mots nous
que la mà cantarà.

La puresa del pus
el fa ballar amb l'a
i sorgeixen les paus
de l'estranya foscor.

Un dé. Dans la main

La vérité, l'âpre vérité.
                        Danton

C'est un dé de plastique,
à mille autres pareil.
La main qui le retient
se dispose à jouer.

Silence de la table
au formica foncé.
Nul tapis de velours.
L'important est le jet.

La main se retiendra
et le dé brillera.
Puis elle se lâchera,
accouchant d'un beau six.

Estrella la perruquera

Té un saló petit
dins d'una casa baixa,
com una bombonera
amb olor de sabó.

Allà xerren de tot,
barrejant els idiomes.
Hi ha entrat un senyor
parlant de botifarra.

Una dona baixeta
amb els rulós posats
conta amb veu de falset
les fetes del fill gran.

Petit principi

Rotllana de cadires
de múltiples colors,
esperant la lectura
d'un conte de fa anys.

Al centre, un fulard groc 
per mimar el desert,
amb un paper blau fosc
plegat per fer l'avió.

S'hi asseuen els oients
d'un acte vespertí,
on floreix la conversa
dels mots de la rapsoda.


Cave canem

En me penchant pour boire,
au creux du caniveau,
j'ai senti, dans mon dos,
les rires des enfants.

J'avais le poil galeux
des chiens qu'on abandonne,
quémendant leur pitance
aux abords des cantines.

Sans nulle perfidie,
ils moquaient mon aspect,
étrangers aux parents
qui m'avaient condamné.

Flor de rentrada

Quina és aquesta flor
que floreix al setembre
al peu dels murs ombrosos?

Una flor de tres pètals,
lila, groc i vermell,
com l'antiga bandera.

No mor ni vol pansir-se.
Beu del plor silenciós
dels alumnes tornant.

mercredi 20 septembre 2023

Quatre-vingt-treize

C'est le dernier roman
d'un génie de son siècle,
couvant à Guernesey
la force de l'écrit.

Lointain Quatre-vingt-treize
qui résonne aujourd'hui,
non des feux de la guerre
mais des ans de ma mère.

Sur la toile citron,
au cœur de sa demeure,
s'étalent les lectures
des romans du passé.

Et dans mon cœur épris,
un peu de sa culture,
son appétit des langues
et sa curiosité.




Dans nos mains

Dans ma main les pétales
de l'arbre de Judée.
La présence odorante
de tes petits baisers.

Si tes lèvres sont closes
quand elles se frottent aux miennes,
c'est qu'elles sont les paupières
des rêves à venir.

Dans ma main la douceur
de leur peau de satin
et dans la tienne un peu
de leur force d'écrire.

mardi 19 septembre 2023

Sense

Hi ha cargols sense banyes?
No n'he vist, no n'he vist!

Hi ha bombers sense foc?
No n'he vist, no n'he vist!

Hi ha camions sense rodes?
No n'he vist, no n'he vist!

I mainatges gegants?
No n'he vist, no n'he vist!

                            Per sort!

lundi 18 septembre 2023

Dette à venir

J'aime les constructions
en brique rouge et jaune
que jointoient lentement
les manœuvres du Nord.

Négligeant le crachin,
la buée de leur bouche,
ils manient la truelle
avec parcimonie.

Un jour, ils rentreront,
dans leur pays lointain,
goûter le thé brûlant
à l'ombre de leurs douars.

Ce jour-là je saurai,
en promenant mon doigt
sur le grain du ciment,
tout ce que je leur dois.

Les Glacis

Je voudrais revenir
à mon quartier en briques.
La cité des Glacis
que bordait le canal.

Un pont de vert-de-gris
en marquait la frontière
opposant les enfants
du Nord à ceux du Sud.

Les trottoirs étaient rouges,
comme nos deux genoux.
Ils signaient nos pneus blancs
d'une marque de sang.




À leur cœur défendant

J'aime goûter des autres
la joie émerveillée.
Les mots qui se bousculent
dans un désir nouveau.

À leur cœur défendant,
j'emprunte leur sourire,
pour m'en faire parure
aux soirées vénitiennes.

Et dans la nuit obscure,
je sens vibrer la scène
qui les vit tour à tour,
pleurer, rire et chanter.




Encoignure

Que fut-il des ragots
de la rue des Fagots?
Les lettres se mélangent
et la pierre s'écaille.

Le long de la gouttière,
la rouille se fait pleur,
cherchant dans le soleil
un reflet de l'amour.

Silence du passant
qui croque l'encoignure
avant de continuer
au bras de sa moitié.













© Lionel Itié

dimanche 17 septembre 2023

Boti Boti d'aniversari

A la Justine...
...i a l'Anaïs...

La bruneta fa anys,
un diumenge de festa.
Invita les amigues
a saltironar juntes.

Quin bonic boti boti
per a brunes i rosses.
Li pica l'ullet una,
amb pessigolles moltes. 

Entre les més pilletes,
es troba l'Anaïs.
Molt normal em direu,
que són millors amigues.


Mascarets

Que sont ces mascarets
naissant dans l'embouchure ?
De curieux phénomènes
où le fruit d'un écrit ?

La nature est bien peu
dans le ressouvenir
d'un vagabond des lettres
fouillant dans sa besace.

Et Mandiargues sourit
du haut de notre oubli,
rendant aux Girondins
la beauté des lamproies.

Le cœur d'une amazone

Il y avait dans ta main
un peu de sable blond,
le lointain souvenir
des nuits sur l'Atlantique.

Tes doigts étaient empreints
du ressac des flots gris
et du bruit des nuages
courant à perdre haleine.

J'en perdis mon latin,
en gagnant ta confiance.
Le cœur d'une amazone
tourné vers l'occident.

Rosada de rosella

Rosada de rosella,
ingràvida goteta,
sobtat petó de l'alba
en tos llavis dormint.

samedi 16 septembre 2023

Pied de nez

Je refuse la rime
et recherche le blanc,
voulant désarçonner
les friands d'attendu.

Exit la ritournelle,
la comptine à trois sous.
Je respecte le rythme
pour mieux le bousculer.

Il y a tant de souffrance
et surtout tant d'amour
que ce serait offense
d'en ternir le discours.

Parfum d'un soir

J'aime le vers qui glisse
et file entre les doigts,
rétif à la demande
des amants d'absolu.

La main est toujours là,
avec ses doigts unis,
empêchant l'hexamètre
de se développer.

Mais il suffit d'un mot,
ou du parfum d'un soir,
pour retrouver les pieds
manquant à l'absolu.

Pluie lustrale

Je n'aimais pas la pluie,
que je fuyais couvert.
Et puis elle est venue
secouer mon navire.

Une pluie torrentielle,
transformant mon chapeau
en une tache claire
gagnant le caniveau.

La pluie est eau lustrale
qui baptise ma peau
de mille goupillons
et d'un peu d'océan.

mardi 12 septembre 2023

ARA

C'est une architecture
que regardent mes yeux.
Des papiers de couleur
que s'invente la main.

Le livre a bien neuf ans,
un chiffre d'absolu,
composé en LaTeX,
par un hacker des songes.

Il suffit de l'ouvrir
à n'importe quelle page,
pour goûter, de la vie,
chacun de ses fruits mûrs.



En chemin pour Vénus

C'est un train silencieux
qui part de Perpignan,
vers Ille la divine
où se cache Vénus.

Dis-moi donc, Mérimée,
inspecteur vagabond,
qu'allais-tu donc chercher
au pied des Pyrénées ?

L'inspiration ultime
ou la douceur des vins,
tirant leur sucre blond
du soleil de la plaine ? 



Transe en danse

Laisse les contingences
au fond de ton tiroir
et caresse le table
où est ton écritoire.

La page est un voyage
qui demande bien peu.
Une chanson ancienne
et un crayon papier.

Cherche la transcendance
et baisse un peu les yeux.
Il y a tant de trésors
et bien peu de leur Dieu.

No hi ha mar a Madrid

La mer n'existe pas.
            Art Mengo

No hi ha mar a Madrid,
diuen els llibreters,
amb faltes a la vista
per cridar l'atenció.

La mar és un desig
de pàgines en blanc,
de plomes de navalles,
de petxines tinters.

No hi ha mar a Madrid,
diuen els carnissers,
en tallar l'escalopa
que, prest, m'emportaré.



Rêve de couleur

Quelle est cette couleur
qui bouscule mes yeux ?

L'odeur de l'acrylique
me pousse à me lever,

à ouvrir les tiroirs
pour barbouiller mes mains.

Je rêve des odeurs
d'une palette exquise

et d'un évier bleuté
à la fin de l'été.

lundi 11 septembre 2023

Interrogations

Que la foi est fragile,
qu'une assiette fracasse,
jouant de sa faïence
et des couverts d'argent.

Le long de cette église,
je pense à la parole,
qui année après année
lui tient lieu de ciment.

Que la foi est solide
qui fuit les tremblements
pour essayer, en vain,
d'en calmer la secousse.

Enginy teu

Som semblants i distints.
De la tabula rasa,
en fas una bastida
i jo un fil d'argent.

Hi ha tanta humanitat
en els mots aïllats
que el silenci es fa blanc
quan batega la tinta.

Dona'm un llatinisme
i ves-te’n al cantó.
T'esperaré potser
a dalt del teu enginy.

Mots témoins

Les mots sont des témoins
d'un bois sombre et usé,
passant de main en main,
sans trêve ni relâche.

Sur leur bois mille entailles
que font les ongles longs,
serrant avec espoir
ce cylindre de sons.

Les mains souvent s'effacent,
rejoignant l'inconnu,
mais le témoin poursuit
son indicible route.

dimanche 10 septembre 2023

Écran intimiste

Le drap était tout blanc
comme un écran tendu
sur le sable brûlant,
à l'heure du ciné.

Cinéma intimiste
friand de ces détails,
qu'on dissimule aux autres
et qu'on garde pour soi.

La mer renouvelée,
un petit goût de sel,
la clarté de la peau
qui refuse le jour.

Fleurs groupées

J'aime venir cueillir,
dans les jardins fermés,
les fleurs abandonnées
par leurs propriétaires.

Des tiges sans le sou,
aux pétales béants
quémandant mon aumône
avant l'intempérie.

Négligeant les fleuristes,
leurs mille fleurs coupés,
je glane chez autrui
toutes mes fleurs groupées.

Pause

J'ai marqué une pause
dans mes hexasyllabes,
volant à la nature
ses fruits les plus exquis.

Que seraient donc les vers,
en dehors de la sève
s'écoulant dans les mains
qui saisissent les branches?

Sensuelles sont les traces
des pas dans la forêt.
Ainsi que les baisers
des amants versifiés.

Pintures

Tan distintes pintures
no caben en un llibre.
Les porta la passió
i l'amor de l'entorn.

Poques paraules basten,
diuen els amargats.
I quantes pintures calen
per honorar el món?

Un arrêt sur image,
espurna del destí.
La varietat gaudeix
quan el somriure raja.

El fulgor de la Diada

Escriptura aplicada,
generosa i pacient.
Asseguda a la taula,
la Gemma reflexiona.

No li importen les hores,
ni la pedra que cau,
o la gana sobtada,
al fil de la vesprada.

La Gemma és a Madrid
amb l'amiga escriptora,
portant a les Espanyes
el fulgor de la Diada.














© Roser Blàzquez Gómez

Une lettre

La lettre est sur la table
et elle attend tes yeux.
Tes cils qui la balaient
et la fraicheur du jour.

C'est un papier vélin,
un grand mouchoir ivoire,
sentant tous tes parfums
que m'offre le matin.

Ma plume l'a écrite
à l'encre sympathique
et seuls tes yeux pourront
goûter à sa teneur.

samedi 9 septembre 2023

Un arrêt dans le temps

Donner aux hexamètres
la longueur de la voix
les emplir de silence,
comme on gonfle un ballon.

Un ballon de baudruche,
qui s'en va dans le ciel,
croiser les étourneaux
qui partent pour le Sud.

J'aime ces six syllabes
qui n'en disent pas trop
mais savent susciter
un arrêt dans le temps.

Le cahier à spirale

C'est un mince cahier,
que joint une spirale,
serrée de blanc tout rond,
comme autant de baisers.

Dedans est la passion
d'un musicien poète,
chantant pour sa Marie
la mer renouvelée.

Les lettres sont petites,
les portées parfumées.
Quand le poète l'ouvre,
c'est pour vous fredonner

un air qu'il tait à d'autres
mais qu'il veut vous confier.
Son amour d'une dame
aux scènes chamarrées.

Un vendredi d'été,
il me l'a entrouvert
et j'ai senti vibrer
son amour et sa peine.

Le long chemin

Il est un long chemin
au côté du canal
que bordent de longs saules
qui pleurent dans les eaux.

C'est là que les amis,
graves et silencieux,
parlent de leur histoire,
des sanglots dans la voix.

Il est un long chemin,
une écharpe de brume,
qui réchauffe le cou
des amis dans la peine.

jeudi 7 septembre 2023

Poesia pura

A la Cassandre

És un regal de tinta,
de tinta i de paper.
Un mirall silenciós
d'una amistat de mesos.

En compte de paraules,
uns traços regulars.
Homenatge pacient
al patiment dels homes.

La bellesa és violeta,
emmarcada de negre,
com tinta del meu cor
en obrir el paquet.














© Cassandre Masero

Stature épicène

Je est un autre, mais
cet autre peut-il être
moi. Moi qui le contemple,

sans crainte pour les heures
qui emportent mes syllabes
au gré de traits violets.

Tant d'amour pour l'ouvrage,
tant de traits rassemblés.
Il y en a bien sept mille,
pour chacun des poèmes.

C'est une statue grecque,
aux traits de Picasso.
Un sculpteur en cheveux,
ayant souffert aux camps.

Il y a tant de souffrance.
Dans le nez les pommettes,
qui cabossent la feuille
de douze rides bistres.

Les lèvres sont serrées,
leur dessin délicieux,
venu d'une madone
perdue dans les cités.

L'inquiétude se voit
et le regarde s'écarte,
fuyant l'observateur
qui mange pas à pas.

Que belle est cette offrande,
de la noble Cassandre,
donnant une stature
à un miroir de mots.














© Cassandre Masero

Ricochets d'oranges

Ce sont des ricochets
qui naissent de mon arbre.
le présent de la nuit
à la terre en silence.

Les fruits en sont si lourds
que parfois ils ricochent
donnant à la nuit blême
un peu de leur verdeur.

Le son en est si rond
que le caillebottis,
si doux sous mes pas lents,
rêve de s'envoler.

Silence fécond

Laisse aller le silence,
ne le retiens jamais.
Il féconde la terre
de mots insoupçonnés.

C'est un silence chaud,
qui naît entre tes dents,
le cadeau de la vie,
dans ta précieuse haleine.

J'y sens le cœur qui bat
et la peau qui frémit,
le souvenir des ans
qui guideraient ta plume.

Papier jeté

J'aime ce papier blanc
jeté entre nous deux,
le présent d'un écran
qui nous rendra heureux.

Les mots y naissent tendres,
de tes doigts ou des miens.
S'il gèle à pierre fendre,
on fera feu d'un rien.

Les mots nous ont fait vivre,
entre plaine et sommets,
j'attends qu'ils nous enivrent,
en nous offrant leurs mets 

Despertar de paper

Frescor de l'alba fosca,
despertar sense bes,
curull de la presència
d'una obra sense títol.

Un feix de paper nou,
esperant la lectura
i el suau caminar
a la vora del dia.

Ara visc moltes vides,
entre frescor i sal.
Llegeixo poesia
i m'estimen les llengües.

mercredi 6 septembre 2023

Copresència

M'agrada molt el mot,
discret i saborós,
amb posat filosòfic
i fredolic rigor.

El mot de copresència,
desdibuixa les cares
i fa dels amants lluny
valuosos alter ego.

Cap rutina observada,
cap pes en la balança.
Tres paraules creuades
amb un frec de paper.

Le jardin Terrus

Il est, à Perpignan,
un jardin tout en long,
où j'aimais m'égayer
au bras de mon grand-père.

C'est le jardin Terrus,
depuis lors torturé
par un édile inculte
qui rêve de Venise.

Il avait un gardien
à képi chamarré,
une gueule cassée,
sauvée de la Grand Guerre.

Écluse

J'ai rêvé d'un chemin
où nous irions tous deux. 
Un chemin de baisers
fait pour les amoureux.

Une sente légère
au cœur du vallon frais,
au milieu du sous-bois
où personne ne va.

J'ai rêvé d'un canal
avec ses frondaisons.
Une écluse et son bief,
où nous nous serrerions

Esperances modestes

Esperances modestes,
quan s'apropa la nit.
Unes poques sardines
i un got de vi blanc.

Tovallons de cotó,
un Pallarès tallant,
un plat d'escalivada
i somnis silenciats.

Quan s'apavaiga la gana,
les esperances ballen,
disfressant la vesprada
amb vestits de paper.

Hautes terres

C'est un lézard de pierre,
qui sommeille au soleil.

Un long banc de granit
pour s'y emplir les poumons.

L'air y semble plus pur,
au sortir de la ville,

quand le cœur incertain
rêve d'apaisement.

J'y ai passé des heures
qui valent bien des siècles,

à rêver d'encre verte,
pour y tremper ma plume.

mardi 5 septembre 2023

Tres o quatre cosetes

Què diràs d'en Giné,
que respectes i admires?
No diré res, o quasi.
Tres o quatre cosetes.

Banalitats gastades,
al cantó del Chaudron.
No l'he conegut mai...
...Tampoc l'he escoltat.

En directe, vull dir...
Mes deixeu-me aprendre,
pel concert d'Alenyà,
sa passió de la vida.



Les livres d'un ami

À la mémoire d'Henry de Montfreid,
l'homme de La Franqui

J'ai posé sur la table
les livres d'un ami.
Le dos contre la nappe,
comme un jeu de tarot.

Puis je les ai saisis,
entre pouce et index,
avant d'aventurer
mes yeux sur le papier.

J'y apprendrai beaucoup,
lisant puis écrivant,
à la façon d'un boutre
voguant sur la Mer Rouge.



Mur, moral, moreres

Mur, moral, moreres.
Si jugo amb els sons
dels llavis a la gola,
és que la llengua és meva.

I la conversa és nostra.
La moral del meu mur,
no és teva, segur.
Ni són meus els teus llavis

que somriuen per parlar.
Mur, moral, moreres.
I l'amor de l'amar.
Amb un petó de mar.

Al sud de Perpinyà

Has donat a la nit
molt més del que volia.
Li has donat una ala,
arrancada al bon llapis.

L'has mirat amb bons ulls
abans que vingui el dia,
agraint-li tres mots
amb què s'acomiadava.

La nit de mitja lluna
vetllarà per les hores
d'un dimarts de rentrada
al sud de Perpinyà.

Monde et poésie

Mais que serait le monde,
s'il n'y avait les poètes ?
Ces amants d'absolu,
grappillant des raisins.

Le monde n'en a cure,
qui avance et torture.
Et pourtant, dans les camps,
fleurissent des vers neufs.

Mais que seraient les vers,
s'il n'y avait pas le monde ?
Un bric-à-brac têtu
pour rhéteurs désœuvrés.

Urgence

Il y a comme une urgence
à capturer le monde.
Non pas le monde en soi,
froid et alambiqué.

Mais les mille détails
qui bordent les chemins.
La maison d'un poète,
en marge de la ville,

qui fait ses constructions,
sur des bouts de papier.
Ses bibliothèques claires,
où j'ai vu deux Cocteau,

en souvenir tangible
de ses parents partis.
Les murs tendus d'offrandes.
Et un bol de café.

Muntatge

Els silencis són d'ònix,
la paraula de plata.
Es munta un decorat,
a partir del no-res.

Amb un llapis tens prou,
per fer una epopeia,
la gesta quotidiana
dels amants de paper.

Uns senzills hexasíl·labs,
sense rima ni sot,
per seduir l'amiga
amb els plors de l'amic.

Une fleur de janvier

C'est une fleur étrange,
une fleur de papier,
pliée dans une nappe,
un matin de janvier.

Vous chercherez en vain
son parfum insolent.
Mais moi j'y trouverai
la marque de vos doigts.

L'instant de la pliure,
après l'hésitation,
le goût de la luxure,
froissé dans le papier.

Au-delà des cocottes,
des avions en papier,
moi je retiens la fleur,
une fleur de janvier. 

Quatrième dimension

Un brin d'humanité,
derrière la vitrine,
comme un brin de cheveu
sur le coin d'une table.

À nos trois dimensions,
chéries des scientifiques,
la poésie ajoute
le passage du temps.

L'étiquette rebique,
que l'on croyait fixée
par une signature
gravée sur le papier.

Et la pliure donne,
aux mots de la tribu,
l'exquise dimension
de l'instant partagé.

lundi 4 septembre 2023

Un arrêt manuel

La main s'est arrêtée
de dessiner des corps,
des courbes et des lignes
aux odeurs entêtantes.

Elle triera désormais
des lettres en plomb gris,
de fichus caractères
que l'encre grasse épate.

L'odeur est un écueil,
pour qui cherche le blanc
et voit dans mes poèmes
plus que des gribouillis.

Aube

Et l'aube a disparu
qui guidait mes écrits.
Le noir l'a effacé,
d'un revers de lustrine.

Équinoxe d'automne,
donne-moi la patience,
de contourner décembre
et de penser à juin.

Interstice narquois,
le sol s'est dérobé,
accouchant d'un solstice
qui me rendra mon aube.

Attendu

Il y a comme un vertige
dans l'idée de la chute.
Non pas dans son action
mais dans son attendu.

Mots

Les mots sont des écueils
pour qui ne s'en sert guère,
mais ils sont des recueils
pour qui ne se tait pas.

Dans chaque main, un mot ;
dans chaque mot, un monde.
Les lettres sont myriades.
Ou miroir aux oiseaux.

Mets ta main sur la bouche
et sens l'oiseau en cage.
Ouvre-la largement
et vois-le s'envoler.

Enlloc

M'agraden els senders
que no porten enlloc.
Els caminois de tinta
que esperen el quadern.

La ment me'ls desdibuixa
quan caic desordenat,
confiant a la tardor
els meus somnis d'estiu.

La pell és una barca
que voga sense rumb,
com els meus caminois
que no porten enlloc.

Pour exalter l'humain

Un poète d'instants,
un poète d'instinct.
La voie est donc duelle
qui conduit au Parnasse.

Ici, l'architecture
du blanc griffé de noir.
Et, là, les hexamètres
des bouffées de la nuit.

En tout lieu, c'est le souffle
qui modèle l'airain,
et la conscience est vive
pour exalter l'humain.

Un home net

Forat blau de la finestra.
        Joan-Pere Sunyer

A Prada de Conflent,
hi viu un home net,
no pas un homenot
que se'n fot dels honors.

Els totxos de sa casa
són tots de llibres bons,
amb partitures blanques
I un ordinador.

Finestra al Canigó,
compon amb l'alfabet
cur(i)oses construccions
que em treuen el barret.

Pensa en la seva llengua

Quan freguis els seus llavis,
amb els teus dits insomnes,
pensa en la seva llengua.

Quan la deixis enrere
i t'aixequis per beure,
pensa en la seva llengua.

Quan tornis al seu llit
i la vegis dormir,
pensa en la seva llengua.

El tresor dels seus mots

A la Carme Junyent,
in memoriam suam

En quina llengua escriure
el deute d'una nit
on he llegit l'essència
de tota humanitat?

Un testament escrit
per preparar la mort
dels orfes d'un idioma
que roman marginat.

Quan s'apropa el final,
el silenci del cor,
que tornin a tothom
el tresor dels seus mots.











Des syllabes de vie

À ma mère

J'ai volé à la nuit
un peu de sa douceur,
le voile du coton
étourdissant mes rêves.

Puis je me suis levé
préparer un café,
et m'asseoir à la table
où m'attend le clavier.

Plein de reconnaissance
pour l'immense culture
d'une cruciverbiste,
à la loupe acérée,

j'ai questionné les heures
de nos conversations
et j'y ai découvert
des syllabes de vie.

Partage frontalier

À Joan-Pere Sunyer

Tu prendras ta voiture
pour une impasse heureuse,
en marge de la ville
où la musique est reine.

Tu y partageras 
le café et les rêves
d'un amant d'absolu
courant sur les frontières.

De Ludovic Massé,
il cueille les noms propres,
la présence occitane
dans l'ocre de la terre.

Puis, sans jamais chercher
l'honneur el tes flonflons,
il saura te donner
un peu de sa passion.

La joie des flamboyants

En songeant à La joie
de François Cheng

Ces arbres aux fruits secs,
comme des jours sans fin,
illuminent mes songes,
depuis un prix Goncourt.

L'épaisse chevelure
des fleurs de vermillon
vient épuiser l'humus
de mes rêves d'écrire.

Existent-ils vraiment
ces arbres de Grainville,
au style flamboyant,
à la joie si féconde ?



dimanche 3 septembre 2023

Lézarde

J'aime cette lézarde
qui court sur le plafond,
étrangère au charroi
qui noie le carrefour.

Les mouches la dédaignent,
la poussière la fuit.
C'est un repaire en long
pour tous les paresseux.

J'y ai passé des heures,
oubliant ma lanterne,
au bord de ces copies
que j'aimais préserver.

Héritages

S'il est un héritage
empreint de dignité,
c'est celui des vieux livres
où le savoir se fait.

Caressés longuement
par des yeux passionnés,
ils n'ont jamais pâli
au fil cru des années.

Ces menhirs de Carnac,
serrés sur l'acajou
sont les seuls monuments
dignes d'être hérités.

À quelques heures de la rentrée

Il est un livre mince
qui dort sur les rayons.
Un manuel complet
pour les curieux en herbe.

La férule oubliée,
j'aime le retrouver
dans un coin de la salle
où dorment de vieux cancres.

Si vous le feuilletez,
pensez au bon Dumas
qui y passa des heures
pour nous en régaler.



Marelle de septembre

Jouons à la marelle
en cette fin d'été.
La terre était en deux,
le ciel sera en trente.

Marchons à cloche-pied,
sans crainte de tomber.
Le palet est d'ivoire,
les souliers vernissés 

À chaque jour un prix,
à chaque nuit un rêve.
On gagne à tous les coups,
sans jamais s'ennuyer.

Les lèvres de la lune

Les lèvres de la lune,
sont ourlées de cils noirs,
venus du fond des âges,
pour apporter la paix.

Leurs baisers sont si doux
que le jour est jaloux,
cachant l'astre sélène,
derrière sa blancheur 

Mais chaque nuit revient,
en marée régulière,
une pluie de baisers
sur les paupières closes.

Renaissance

Et la langue est venue,
dans les jeux des enfants.
La langue des aïeux,
avec ses inflexions.

C'était un samedi,
au terme de la course,
entre le cœur de ville
et la maison du fond.

Jouant de deux en deux,
les enfants rigolaient,
sans savoir qu'en cette heure,
la langue renaissait.

Été finissant

Que longue était la table
de l'été finissant,
la blancheur de la nappe
et les mets excellents.

C'était un samedi,
juste avant la rentrée.
Les enfants riaient fort
et les bougies coulaient.

La nuit les avala,
ainsi que les musiques,
les rires des enfants,
la bière des plus grands.

vendredi 1 septembre 2023

Mitja lluna de sang

El teu mar és de sang.
De sang i de rovell.
Ha finat l'agost ple
i creix la mitja lluna.












© Joan Bagur Garrido

Peur vs désir

La peur et le désir.
Le désir est la peur.
La peur hait le désir.

Brièveté

Pourquoi neuf et pas dix ?
Pourquoi si peu de vers,
quand le monde s'affole ?

Ma parole est bouffée,
buée sur le carreau,
sans doigt pour y jouer.

Et si mes vers s'envolent,
que ce soit pour le bien.
Et ton sourire inquiet.

Mel i plors

La nina sua mel,
una mel de fa anys.
Una mel de carícies
i d'abraçades moltes.

És una nina antiga.
Rostre de porcellana
i vestit d'organdí.
No plora mai i riu

per encalmar infants.
No sua sang la nina,
amb els seus ulls mullats.

Un peu de mes pensées

J'ai aimé ce soupçon
de goutte de rosée.
Un peu de parfum clair
dans le creux de ta main.

J'en ai fait un diamant,
sans jamais l'enchâsser.
Un joyau libéré,
pas une fleur coupée.

Le soleil s'est levé
et la goutte s'en va,
laissant au creux des doigts
un peu de mes pensées.

La flor de les paraules

La flor de les paraules,
aquella flor tan justa.
La flor de les paraules, 
aquesta flor sagnant.

En llegir un poema,
se'm floreix a l'instant.
Tanta vida passada,
amb tants colors de rosa.

La flor de les paraules,
no té cap menester.
Floreix a cau d'orella
i no defalleix mai.

jeudi 31 août 2023

Dernier poème

C'est le dernier poème
d'un mois inépuisable,
emplissant son bissac
d'odes énamourées.

Et si ce mois est mort,
que vive le mois neuf,
septembre de Bécaud
où l'automne se fait.

Le sable refroidi,
il viendra d'autres grains
ou des pluies torrentueuses,
couchées sur le papier.

Les valets de la mort

Sur une réflexion de ma fille

Les valets de la mort
ne sont pas immortels.
Mais que deviennent t-ils,
quand la mort les saisit ?

D'autres valets naîtront,
qui les emporteront,
dans un pays tout blanc,
où volent les oiseaux.

La mort est un passage
et ses valets passeurs,
qui volent à la vie
une poignée de terre.

Delirium tremens

Il est une guinguette,
au bord de la rivière,
où dansent les amants,
le dimanche en été.

L'absinthe y coule à flots,
emportant leurs visages
dans un violent tournis
qui déchire leurs cris.

La fée verte sépare
ceux qui se croient unis,
offrant au diable alcool
leur joie et leur beauté.

Intendance féconde

Les strophes vont par trois,
comme les bons apôtres,
encor' tout effrayés
par la tablée de douze.

La Cène derrière eux,
ils vont, de par le monde,
essaimer de leurs vers
l'intendance féconde.

Ô, Sainte Trinité,
qui ne dit pas son nom.
Les vers sont des voleurs
et Jésus un larron.

Cils de mémoire

J'ai rêvé de tes cils
balayant la chaussée,
d'un geste délicat
sans crainte des passants.

Sur le goudron mouillé,
passaient des hirondelles,
avec leurs ailes lourdes
de mes lointains péchés.

Des péchés de jeunesse,
le vol d'un dictionnaire
et, aux yeux des parents,
la confiance brisée.

Rire soudain

Mais que le rire est beau
qui libère l'esprit,
donnant à chaque instant
tout le poids d'une vie.

Le regard étincelle,
la bouche est un volcan
et les passants s'enfuient
devant tant de gaité.

Si les pas se suspendent,
au creux de la chaussée,
c'est que le rire tremble
et ne peut s'arrêter.

Insolence

Qui dira des amants
l'insolence suprême,
taisant au monde entier
le feu de leurs baisers ?

mercredi 30 août 2023

Des loups paisibles

Il est des loups paisibles
négligeant les troupeaux.

Ils gagnent les hauteurs
où le silence règne,

au terme de la course 
qui les remplit d'odeurs.

Ces loups savent attirer,
les âmes qui défilent,

sans jamais s'arrêter,
de crainte de tomber.

En eux est la sagesse
des voyageurs des ports,

qui vont, de col en col,
chercher la vérité.

Gestation

Gestation des ouvrages
qui peu à peu s'assemblent,
dans la pénombre vive
où l'écrit se repose.

La main s'est attardée
et le massicot veille,
tranchant le blanc des pages
où le silence dort.

Un jour viendra peut-être,
derrière les vitrines,
où nos livres sauront
converser à leur tour.

Nuits secondes

Il est des nuits secondes
après les insomnies.
Des nuits de vive lune,
où le désir sourit.

Le réveil arrêté,
le coq déjà picore
et le pain sort tout chaud
de la boulangerie.

Délice de paresse
quand les autres se lèvent,
courant après l'horloge
qui règle leur journée.

Guilledou

J'aime le guilledou
qui court dans la campagne
malgré le franc opprobre
qui chemine avec lui.

Dénonçant l'historique,
je le fragmente en deux,
caressant sa douceur
et son goût des barriques.

Si la ruse m'effraie,
j'aime la liberté,
qui chantonne avec moi
et court dans la campagne.

Le lys dans la vallée

J'aime penser parfois
à la blancheur livide
du lys dans la vallée.

Car, quand fanent les fleurs,
au bord des nationales,
il est d'autres pétales
qui ne tombent jamais.

Ainsi du florilège
des œuvres pleine peau
que conservait mon père
dans ses bruns rayonnages.

La minceur du papier
et l'odeur entêtante
me faisaient rencontrer
un chef d'œuvre oublié.

Félix de Vandenesse,
Henriette de Mortsauf,
à jamais réunis.



Ma maison-labyrinthe

À la mémoire d'Anne Sylvestre

J'ai une maison 
pleine de fenêtres,
pleine de fenêtres,
en large et en long...

Pourquoi songer soudain
à la jolie comptine
pour enfants pas trop sages
la quittant en courant ?

Ma maison-labyrinthe
vibre de cent fenêtres
et de niveaux multiples
où il fait bon écrire,

penser et rêvasser,
à l'ombre des vieux livres,
quand au dehors grossissent
les fruits de l'oranger.





Les nostres nits

Tan distants com properes,
les nostres nits em porten
a deixar els llençols
per la taula de fusta.

Escric versos petits
i somric al silenci.
A recer dels volums
del diccionari roig.

Són unes nits estranyes,
d'ordi, blat i cebada,
amb oloreta bona
de cafetó cremant.



El català de nit

El català de nit
és com una altra llengua.
Un idioma de tocs,
de frecs i de desig.

Sense obrir mai els ulls,
em venen les paraules,
a bots i bons barrals,
tan noves com antigues.

El català de nit
és font inesgotable,
preparant els poemes
per a la llum del dia

mardi 29 août 2023

Palimpseste intime

Il y a tant de peaux,
de peaux et de sous-peaux
que la carte du tendre
devient un parchemin.

Sa peau en est épaisse,
qui cache tant d'écrits,
pieusement conservés,
à l'ombre des nouveaux.

J'aime ce palimpseste,
qui a guidé mes pas,
depuis la tendre enfance,
jusqu'au creux de tes bras. 

Cervell avorrint-se

Pedra, paper, fang, tela..
La mà busca suports 
per prendre a l'infinit
un gra de sa potència.

Quants poemes perduts
per trossos de paper.
Tovallons, estovalles
i vells tiquets de compra.

Ben tancat dins del cap,
el cervell s'avorreix,
seduint la mirada,
la mà amb els seus dits.

Si, en compte de sang,
li vingués la sang blava,
donaria a la llengua
un alfabet tot nou.

Noblesa

Qui dirà la noblesa
dels peuets de pell fina,
obligats a la vida,
a caminar vestits.

A dins de la caseta,
quan s'apropa la nit,
els frega els llençols nets
i els meus llavis de seda.

En respectuós silenci,
els vaig acaronant,
i reto l'homenatge
que dec al seu coratge.

Tornada

Jo, menorquí, nascut dins una barca.
                        Gumersind Gomila

He tornat a la llengua,
a la llengua segona,
i primera en el cor,
sense cap voluntat.

He tornat a escriure,
amb molta senzillesa, 
la llengua familiar
apresa en una barca.

He retrobat la flaire
del cafè del bon avi,
a la plaça Aragó,
on es troba el meu cor.

En acabar

En acabar un llibre,
se'm renova l'escrit. 

Canvi de perspectiva
i ganes de mots nous.

En publicar un llibre,
se'm tanca la persiana,

i s'obre una finestra
de cristall renovat.

A la platja dels llavis

A la platja dels llavis,
em voldria estirar,
tancant els ulls de cera
amb un bes de rosella.

Platja d'aiguamoll rosa,
amb barquetes d'ivori,
sense port ni amarres,
en total llibertat.

Hi somniaré molt temps,
fins al cor de la nit,
quan el mes de setembre
em torni a l'escriptura.

Alenada brusca

Alenada brusca. I càlida.
Alenada sobtada. Després
de l'esgarrifança matinera.

Un somriure d'ulls, de mans,
de llavis mussitant, escrivint
amb tinta de saliva teva.

Alenada alentida per fruir-ne
més, hora rere hora, mentre
el vent fugisser se m'emporta.