mardi 19 mars 2024

Dolça artesania

M'afaiçones les hores
d'un plaer infinit.
Amb mans de terrissaire,
em guies per la vida.

Terrisses de fang clar,
esperant la foscor
del forn de Sant Vicens
per adquirir colors.

La dolça artesania
és cosa de passió.
Una passió callada
i mans de ceramista.

Una crema senzilla

M'ha vingut a la ment
l'olor de la carbassa.
De la carbassa cuita
amb trumfes i carrotes.

Una crema senzilla
en plats ataronjats.
Un record de l'hivern
que ja fa les maletes.

Culleres de vermell,
estovalles de fil.
Un sopar deliciós
en un castell de cartes. 

Àngel mut

M'has curat el peuet.
M'has tret una pedreta.
Dits de la costurera,
vetllant pel caminar.

A la llum de la llar,
les mans m'acaronaven.
Vesprada de carícies
i dolor que se'n va.

Demà caminaré
pels carrers de la vila.
Als peus unes carícies.
Al cor un àngel mut.

De la llet al llit

Un got de llet calenta,
com un recordatori 
Desig apaivagat
i ganes de somriure.

Un tastet ensucrat,
els llavis que s'alleten.   
Mamella de cristall
que cap en la mà tèbia.

La llet és tinta viva.
Un miler de poemes,
esperant ser escrits
quan tornis al llit quiet. 

Le surplus de la vie

Et le silence est né,
d'entre les draps froissés.
Les ombres se sont tues
et  le plafond regarde.

C'est l'heure réflexive,
le surplus de la vie.
Un cadeau des dieux las
aux couples endormis.

Dans l'air de cette nuit,
les chants d'une chorale.
Le lointain souvenir
de notes appariées.

Simplicités

La vie. La simple vie.
Le plaisir de savoir
la vie qui continue
dans l'autre qui sommeille.

Des vers. De simples vers.
Des brassées de syllabes
pour honorer le cœur
de celle que l'on aime.

La nuit. La simple nuit.
Un havre de paix froide,
alors que, dans le monde,
l'amour est menacé.

lundi 18 mars 2024

Carrer de la Tosca

Darrere les portes,
conjuguen els verbs
de les llars ancestrals.

Olor dels ous ferrats,
cuinats amb sobrassada
i porros del jardí.

El carrer de la Tosca
invita a la quietud
i a xafardejar.

Le désir

Le poème est l'amour réalisé
du désir demeuré désir.
                              René Char

Le désir. Rien que lui.
La braise au fond des yeux
et les mains qui se cherchent.
Sans jamais se trouver.

Le plaisir peut attendre
ou ne jamais venir.
Le désir, à l'inverse,
sait se lever matin.

Il délaisse le chant
pour la voix qui le porte,
l'étendard victorieux
pour le bras du poilu.

Una teulada

Una teulada. Vella.
De teules silencioses,
de molsa i de matisos.

Una teulada digna
per rebre els plors de tots
i la pluja de març.

A sota hi dormen ànimes
dels amics traspassats
i dels versos futurs.



Miroir de la pensée / Mirall del pensament

C'est la fleur du silence, 
És la flor del silenci       
la fleur de poésie.
la flor de poesia.
La pensée du jardin
Pensament del jardí
qu'irrigue la rosée.
que irriga la rosada.       

Un soupçon de malice,
Un pessic de malícia,
la générosité,
la generositat,
et l'amour des anciens
i l'amor dels ancians
qui passent sans la voir.  
que passen sense veure'l.       

Vous la verrez peut-être,
Potser que la veureu,         
si vous allez au port.
si aneu cap al port.
Et elle vous saluera,
I us saludarà,
sans vous parler jamais.
sense parlar-vos mai.        



Tions de primavera

I la llar sense foc
entre parets ombroses. 
La boca de negror
remugant improperis. 

On és la flama viva,
la brasa vermellenca,
el balancí joiós
i el tamboret de soca?

Tota llengua fa foc,
fins i tot sense llenya.
Donarem a la llar
tions de primavera  
  

Nuit sans ancre

Une nuit d'encre noire,
un navire sans ancre,
voguant dans le brouillard.

Et pourtant le sourire,
le désir de tes mots.
Tes lèvres sur la peau
d'un marin fatigué.

Que belle est l'existence
et les bourgeons sur l'arbre.
Les fleurs sur l'oranger
naîtront après les fruits.

Pour rêver lentement

Et le rire est venu,
du fond de cette nuit.
Un rire salvateur
pour briser mon ennui.

Un tonnerre de cris,
d'épices et de vermouth 
La volonté soudaine
de sourire à la vie.

Le drap est une plage
à la largeur immense.
Une étendue de sable
pour rêver lentement.

Hippocampes

J'aime pêcher la nuit
de jolis hippocampes,
sortis des rêves fous
des artistes des mots.

Le poinçon sur le vase
ignore la frontière,
entre la terre et l'eau,
le rêve et le réel.














© Gumersind Gomila
© Éric Talavan (photo)

Joie sereine

Il y eut la joie sereine
des soirées de juillet,
le rire des enfants
et la passion des grands  

Les sorties au hasard
dans des chemins étroits,
La bâtisse inondée
par le soleil de mars.

Des milliers de sourires
et des tables garnies.
La pudeur chaleureuse
des amants de la vie.

Le pays sans étoile

Le mois est en son terme,
dans la nuit sans étoile.
Où est la joie de l'or
qui enchantait la cour ?

Les volets sont tirés
et les plats sont rangés.  
Il reste de la fête
le rire des enfants.

L'ennui est revenu
avec les insomnies.
Il n'est pas de parole
au pays sans étoile. 


Tanta sorra

Tanta sorra per fora,
l'or pàl·lid del desig.

La mar com una traça,
un raig de blau silent.

Tristesa de l'amant
que espera i no compleix.

dimanche 17 mars 2024

A amb A

Un gronxador de fusta,
dessota el taronger.
Caputxeta vermella
somriu a l'objectiu.

l'Aina ha deixat els deures
per escriure una foto.
Un poema visual
amb l'Anaïs al cor.

No ha calculat res
i s'ha deixat sorprendre.
La filleta somriu
a l'artista ambulant.













© Aina Diaz

Argent et or

Le silence est d'argent
dans la nuit cristalline.
La nuit est illusion,
la clarté certitude.

Les mots sont des éclats
de lumière soudaine.
Le bleu du ciel de mars
et la verdeur des prés.

L'orange est en tout lieu
qui caracole en tête.
Entre les doigts espiègles,
son jus est d'or fondu.

Estacions

És un viatge de pell,
els llavis per l'esquena.
Un viatge de violins
i de silenci clar.

La pell és partitura
que sabem de memòria.
Viatgem amb els ulls closos,
les àniles obertes.

Música de la nit
i foscor del desig.
Un concerto de sons
amb tantes estacions.

.

samedi 16 mars 2024

Finesse de la ligne

La frontière est si fine
pour les amants des langues.
Saveur des accents proches
et des tournures rares.

On écoute et on pêche
de drôles d'expressions
dont on fera son miel
avant que de marcher.

Assis dans un café, 
bien loin de tout tumulte,
on biffera la ligne
d'un vers transfrontalier.

Plaisir serein

C'est un plaisir serein
que de voir l'eau épaisse
se modeler soudain
sous les bras des nageurs.

La fatigue est intense...
On dirait des haleurs,
remontant les canaux
à la force des bras.

Silence du lieu clos.
Natation exigeante.
On demande à chacun
le meilleur de lui-même.

Matí de març

És un matí de març,
l'anada a la piscina,
el color blau de l'aigua
i tanta xafogor.

Un ball de braços lents,
l'entrenament segur.
En Martí progressant
amb cara submarina.

Me l'observo tot sol,
a dalt de les escales,
agraint a la terra
el plaer d'ésser pare.

Verdeur soudaine

L'hiver est en son terme,
usé de tant de vers,
de paroles tremblantes
malgré la cheminée.

On veut des mots tout neuf
des bourgeons qui éclatent
d'une verdeur soudaine,
d'un jus acidulé.

Le dernier tiers de mars
verra changer de plume
les poètes friands
de vers renouvelés.

Lune de faïence

J'ai rêvé de la lune
et la lune est venue.
Un disque de faïence
sur la table posé.

En son cœur les saveurs
d'un vendredi de fête :
ratatouille brûlante
et viande marinée.

Mais la lune est gibeuse
qui se vide soudain.
Le plat vite lavé
rejoint le placard gris.

Descans

Efímeres paraules,
els versos de cotó.
Uns fulls de pergamí
com una pell distant.

Descansa el dit cansat,
la ploma fugissera.
Cantusseja a la lluna
un cant de llibertat.

Paraules permanents,
entesa de poetes.
Les fulles del til·ler,
les brases de la llar. 

vendredi 15 mars 2024

Or

Avui el port és d'or.
Un regal de llevant
pels homes matiners.

Els núvols són de plata
gelosos del daurat.
Diuen que fugiran
cap al ponent de l'Illa.

A la vora de l'or,
en Joan xerra francès
amb un amic ciclista
que demà sortirà. 















© Joan Verger de la Caixa B

Présent poétique

Vivifions le présent
par des vers qui l'allongent,
puisant dans le passé
une envie de futur.

Les vers sont peu de choses.
La douce mélodie
des syllabes qui jouent
à dire tout un monde.

Des mots de tous les jours,
une syntaxe claire.
L'envie d'être partout.
En demeurant ici.

Landa

De brucs i de gatoses,
la landa és l'expressió
de la força de l'herba
contra la salabror.

Que dolç és el plugim
que fuig de l'oceà,
deixant-hi la sal fina
per guanyar l'aigua pura.

La landa és el país
dels éssers de ficció.
Un món que fa del somni
la sola religió.



La langue de la lande

J'ai rêvé de la lande
qui pousse jusqu'à l'ouest
les vents du continent
et les graines fécondes.

C'est un vert saugrenu,
qui s'émaille de mauve.
une surface rêche
à la douceur cachée.

La lande est une langue,
attendant d'être lue.
Le galop du gallo
courant à perdre haleine.

Somni a les fosques

Blancor de la nit fosca.
De dits la tremolor.
Buscant unes estrelles,
he perdut els meus ulls.

Els busco palplantat,
al racó més ombrós.
Com si pogués venir
la llum de la negror.

Llavors recito versos,
guspires de sons clars.
Centellejant m'arriba
un grapat d'ulls ben nats.

jeudi 14 mars 2024

Aquarelles

Au mur, des aquarelles
pâlissant au soleil.

Image ultramarine
de souvenirs anciens.

Un triptyque discret,
de doux encadrements.

La frontière est fragile
entre les deux peintures.

L'œil qui glisse le sait,
qui caresse et s'en va.

Au mur des aquarelles,
dans le cœur des baisers.



Il pleut sur le velux

Sur le velux, la pluie
qui frappe et puis qui glisse,
comme un doigt frais sur le front.

Du dehors, rien ne filtre,
à part le roulis de l'eau
qui chante et puis s'emporte.

Les yeux clos à sa table,
elle compte et recompte
les comptes du jeudi.

Le cliquetis des doigts
est semblable à la pluie.
Il chante et puis s'emporte.

Le registre est fermé,
la salle est dans le noir
et la pluie continue.

Expression soleil levant

L'ouest s'est tourné vers l'est,
délaissant l'océan
pour l'orangé de l'aube.

La route est fendillée,
jalouse de la lande
et de son épaisseur.

Au gris du macadam,
répond la liberté
de la verdeur crépue.

Nimbée de brume blanche,
elle attend ta présence.
Ou celle des chevaux.

Le ciel est étendard
qui ne veut pas la guerre
et n'exige que l'air.

Des bandes bariolées
sont les points cardinaux
de ton aube bretonne.

Que noble est cette vue
d'un jeudi au matin
qui n'espérait que toi.














© Brigitte Prédeval

Autoportrait au miroir

C'est un miroir étrange.
Un vieux photomaton
d'il y a quarante-six ans.

Le visage est serein,
le sourire lointain.
Les sourcils sont épais.

Le nez est épaté.
Visage de côté
que j'ai toujours gardé.

Le cou est d'un taureau.
Je jouais au rugby,
à l'aile du Moulin.

Des cheveux au cordeau,
il ne demeure rien.
J'aime à y reconnaître

certains de mes enfants.
Que noble est cette vie,
à cheval sur deux siècles.

J'avais tant à apprendre
et j'ai appris si peu,
au cours de ces années.

Mais la faim est la même
et, de toute rencontre,
j'aime faire mon miel.

Le tiroir est fermé,
la photo remisée,
je continue ma route.



Coixinet buidat

El coixinet calent
escalfant els peus freds,
s'ha trencat en un punt
del teixit de cotó.

Per tot el llit a soles,
milers de grans d'arròs.
Un arrossar sobtat
per defugir l'oblit.

El llit és una platja
de sorra entremaliada.
El sac que s'ha buidat
és vela d'esperança.

Constellation

La terre du coucher
a perdu sa froideur. 
Le brouillard des montagnes
annonce le printemps.

Sur les arbres qui dorment,
des milliers de bourgeons.
Les feuilles repliées
d'un poème à écrire.

La nuit cherche sa lune,
mais les cœurs l'ont trouvée.
Au cœur d'une chambrette
sur un tapis mural.

Des milliers de paillettes.
Tout un ciel étoilé.
Sage constellation
qui chante le printemps.

Quatrain

Il y a cette autre langue
que le silence impose,
dans le froid des draps nus
qui hurlent sous la lune.

Marche nocturne

Le sable est froid la nuit,
qui crisse sous les pas.
Il est lourd de cette eau
que je devine au loin.

La mer est un miroir
qui brille sous la lune,
tremblant à mon approche
de mille feux éteints.

Les poissons vont et viennent
mais je ne les vois pas.
Mes pieds nus les décrivent
en marchant lourdement.

mercredi 13 mars 2024

Événements

Il y eut ce bruit d'avion
si proche et lancinant,
clepsydre ronronnante
sous le ciel bleu de Mars.

Il y eut la longue attente
dans la rue Gomila,
les passants du Vernet
qui promenaient leur chien.

Il y eut enfin les mots,
surgis de nulle part,
comme un grand oriflamme
en quête de guetteur.

Mans creuades

Mans creuades al vespre.
Una mà sobre l'altra.
Continuïtat dels braços,
tan morens l'un com l'altre.

Les dues cantussegen
uns èxits dels cinquanta.
Al seu costat dos gots,
i una coca de vidre.

De la mare a la filla,
s'embasta la conversa.
Mussitant es somriuen.
D'elles no sabré res.

Abraçades de març

Abraçades de març,
boniques abraçades.
un lleu frec de teixits
i serenor sobtada.

Chemin factice

Il est entre les pierres
une herbe tendre et rase.
Un tapis de billard
délaissé le matin.

La fraîcheur est partout,
l'humidité aussi.
Les pierres sont polies
par les pluies de l'automne.

C'est un chemin factice,
au milieu du jardin.
Un décor d'opérette
pour retraité oisif.

Théâtre

À Jordi Odrí

Il est l'acteur complet
qui sirote un vermouth,
avant de caresser
les pages à apprendre.

Le papier ne dit rien
et les yeux le rudoient.
Voilà qu'il se déploie
dans la voix de l'acteur.

Les feuilles ne sont plus.
Le corps les a mâchées.
L'obscurité arrive.
Trois coups vont résonner.

De Bach

De Bach una sonata,
o un preludi potser.
Una cortina d'aigua,
de gotes de color.

Les parpelles tancades
són partitures seves.
El cor és un vaixell
i l'orgue una mansió.

Són minuts de plaer,
els dits una batuta.
El sostre és de Milano
les parets de Leipzig. 

En Miles

Tèbia llum del coure.
Batecs mil de la boca.
En Miles està tocant.

Suor de la pell negra
I dits com unes urpes.
En Miles està tocant.

Amb parpelles tancades.
Pergamí pentagrama.
En Miles està tocant.

mardi 12 mars 2024

Les lauzes du temps / Les lloses del temps

Les lauzes du temps
Ciselées, blessées
Dignes
Gisent sur les graminées vertes
Tels les alignements de Carnac

Les pierres du temps
Provoquent l'envie de jouer
L'appétit de caresser de ses pieds nus
Le manteau réconfortant de
L'herbe fraîchement coupée

Tels des pavés dans le temps
Je souhaiterai retenir les souvenirs
Une caresse lointaine, vague
Un coup d'œil à la fois
Un sourire silencieux et complice

Rêver de loin, au loin, pour le loin
Double facile, nul danger imminent
Le lierre tendre, l'incontrôlé sous-bois
Croît, s'accroche au mur
Comme mes vers au poème

Poème écrit au cadran solaire
du Jardin du temps de l'université
Jaume I, à l'heure du repos

Rosa Miró, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví

Les lloses del temps
Cisellades, ferides
Dignes
Jeuen sobre les verdes gramínies
Com a Carnac alineades

Les pedres del temps
Provoquen ganes de jugar
Apetència d'acaronar amb peus nus
El mant reconfortant de
L'herba recent tallada

Com llambordes en el temps
Desitjaré retenir els records
Una carícia llunyana, vaga
Un cop d'ulls a la vegada
Un somriure silent i còmplice

Somiar de lluny, al lluny, per al lluny
Doble fàcil, cap perill imminent
L'heura tendra, descontrolat sotabosc
Creix, s'aferra al mur
Com els meus versos al poema

Poema al rellotge de sol
Jardí del Temps – Espai UJI
Dimarts laborals 12 de març de 2024
A l'hora del meu descans



Perdiu coronada

La perdiu coronada
és reina de terrissa.
Entre la terra i el cel,
domina el seu esguard.

Silenci de l'esmalt.
Les plomes són de dol,
mes l'entorn de l'escena
invita a la ballada.

Segell de Sant Vicens,
mirada de l'artista.
El plat pot esperar
l'almoina pelegrina. 














© Gumersind Gomila (obra)
© Éric Talavan (fotografia)

La mesure du temps

Després, omplint ton puny de fina sorra,
la vas vessant gra a gra damunt mon pit.
                                Gumersind Gomila

Le sable entre les doigts
s'écoule sur la peau
pour marquer le temps long
des amants d'absolu.

Le verre a disparu.
Un sablier de vent.
La pincée est sereine
qui caresse le dos.

Le soleil a pâli
et l'horizon l'appelle.
Les amants endormis
ont oublié le temps.

Une main de papier

Je me suis assoupi
au bord de la rivière
puis j'ai laissé ma main
glisser dans le ruisseau.

Une main de poète,
une feuille pliée,
un bateau de papier
voguant au fil de l'onde.

Ce n'est que bien plus tard,
à l'heure du coucher,
que je l'ai vu voler,
vers l'horizon des lignes. 

Le pouvoir des oranges

Le pouvoir des oranges.
Des soleils en petit,
gorgés de douce lave
et de pépins nacrés.

Des fruits faits pour la main,
qui embaument les doigts,
donnant à la journée
l'ampleur d'une saison.

D'abord ce sont des fleurs,
au parfum entêtant,
puis des cochonnets verts
exigeant la pétanque.

Ce sont enfin les fruits
du jardin des poètes,
les pommes d'or aimées
aux pouvoirs immortels.





Memento mori

Bandera del meu cor,
de cel, d'aigua i de terra.
Un camafeu de rosa,
amb foscor de relleu.

És l'hora matinera,
la suspensió del temps.
Un avís de bonança
per caminar amb calma.

La vida és un present
del núvols de llevant.
La mort és el regal
de l'humus de ponent.















© Joan Verger de la Caixa B

Un mel de país

És un mel de país
que no coneix fronteres.
El rusc és d'aquí baix,
el pol·len d'allà dalt.

Una dolçor constant
per curar refredats
o donar als infants
un berenar de reis.

És un mel de país
guardat al meu rebost,
per dir a tots els homes
que som transfronterers.

Présents

À Nathalie et Édouard

J'ai reçu de la nuit
un volume et des feuilles,
présent de deux amis,
au milieu de senteurs.

Un dîner des meilleurs,
un souper de couleurs.
Un vin du Jurançon,
la douceur polonaise.

En moi se sont gravés
les mots de l'amitié. 
La générosité des gestes,
le partage des mets.

L'œuf de Colomb

À Paolo Garbisi

Un jeu, ce n'est qu'un jeu.
Le ballon bute encore,
contre le haut poteau
qui déclenche le score.

Placages à foison,
cape de torero.
L'herbe sait être amère
aux joueurs de l'arène.

Leur ballon est ovale,
comme l'œuf de Colomb.
La loterie d'un soir
puis l'oubli d'une vie.

Plors de sant Pere

El mar s'emporta els mots,
petxines de la vora.
El mar s'enduu els somnis,
nascuts d'un desig breu.

El rapsoda ha callat
que cantava a la nit,
per fer néixer els estels
del cor de la nit freda.

Ja pensa en altres coses.
Rosella del matí.
Tres cops cantarà el gall
i plorarà Sant Pere.

En marge de la ville

En marge de la ville,
trois ou quatre tours blanches
font un rempart de paix.

Les volets sont tirés
sur des vies qui reposent,
cherchant dans la nuit noire
les clés du lendemain.

Le vent qui les entoure
apaise ceux qui dorment,
faisant naître des rêves
dans les draps assagis.

En marge de la ville,
trois ou quatre tours blanches
sont un havre de paix.

lundi 11 mars 2024

Mans

Mano mantillo de geranios
    Isabel Pérez Montalbán

La mà del professor
i la mà del pagès.
La terra del segon,
el quadern del primer.

Les dues mans polides
caven dins del passat,
per fer córrer la saba
i donar vida als altres.

Cinc dits en cada mà,
un estel de somriures.
El comiat de l'amant,
la visita del dia.

Pudeur

Mais où vont les pensées
qui volent dans les nuits,
bien loin du brouhaha
des journées à la ville ?

Pudeur des rêves tus
qui les cueillent parfois
et s'en font une écharpe
pour affronter le froid.

Je ne veux rien savoir
de ces nuits de silence
où mes amis reposent
... Avant de me sourire.

Lecture silencieuse

Le volume sent bon,
à la blancheur nacrée.
Les lettres sont petites
et les marges immenses.

Lecture buissonnière,
au hasard des pincées
d'un index fureteur
qui regrette l'été.

L'infusion est brûlante,
et la compote douce.
La lecture est un charme
qui prépare au sommeil.

Madò Figueres

La noblesa del cor
i del sentit comú.
La pulcritud del gest
gastat per les bugades.

Paraules de setí,
una veu de madona.
Pobresa dels recursos,
riquesa dels instants.

Un taüt de sapí
i poques flors del camp.
Així ens va deixar
la gran Madò Figueres.

Cheveux d'ange

Ce sont des cheveux d'ange,
dont je vous fais présent.
De longs filaments blonds,
endormis dans le sucre.

Un zeste de citron
et d'autres ingrédients,
pour parfaire le pot
qui vous est réservé.

Précieuse confiture
de cucurbitacées,
longuement préparée
dans un faitout de cuivre.



Une compote d'oranges

Sur le feu les quartiers
des oranges cueillies
mijotent lentement
dans une odeur de miel.

La pulpe se défait
pour tirer du soleil
la lumière insolente
et le feu salvateur.

La patience du fruit
cuit à petits bouillons,
rêvant déjà du pot
qui la tiendra au frais.

Le fruit rien que le fruit.
L'orange dépouillée.
Pas l'ombre d'un pépin,
ni un gramme de sucre.



Nit de l'onze de març

Nit de l'onze de març.
Una nit de foscor,
de pluja i de silenci
a la vora del món.

Una nit sense lluna,
de terra i de fredor.
Infusió de melissa,
manteta de cotó.

Nit de l'onze de març.
Un despertar preciós,
enmig de les paraules,
a la vora del món.

Dies de vi i roses

Són dies de vi negre.
De vi negre i roses.
Guitarra celestial,
per hores de plaer.

La llengua és de passió,
les paraules d'acció.
Roses color de vi
i vi color de roses.

Equilibri perfecte
al cor de la cançó.
La balada és de dits
que freguen el got clar.

dimanche 10 mars 2024

Lecture à deux voix

Une soirée d'hiver,
à l'heure du coucher,
deux belles voix alternent
pour célébrer les langues.

En français la voix grave,
en catalan la vive.
Les voix sont de complices,
récitant en rêvant.

Sous les inflexions chaudes,
les mots sortent du livre
et, survolant les pages,
s'envolent en priant.

Yeux

Des yeux couleurs de jais,
de miel ou de pervenche.
Des yeux petits ou gros,
au blanc pur ou veiné.

Des yeux qui rient toujours
ou qui pleurent la nuit.
Des yeux d'ophtalmologue
ou d'archiviste las.

Dans leur iris étrange,
se terre l'indicible.
La signature unique
de chacun d'entre nous.



Ecce mulier

De blau és la pintura.
De blau i groc ferit.
La boca és una escletxa
oberta sobre el llenç.

Traços de carbó moll
i de tinta xinesa.
Els plors d'una senyora,
lluint les seves nafres.

Despullada de tot,
mes traspuant la vida,
ens ve del vuit de març
amb crit de dignitat.














© André Ròber

El bes i la besada

 El bes i la besada,
el beset del matí.
Rosada de rosella
i vermell d'organdí.

El bes i la besada
són com un ventolí.
Venint del Canigó
per amarar la plana.

El bes i la besada
són uns tocs fugissers,
deixant als amants nus
els traços del deler.

Clavellet del matí

Un clavellet d'agost,
curull de sucs i vida,
lluint colors nostrats
cap a la primavera.

Un pentagrama en flor,
com un abanderat,
senyera d'un país
sens armes ni conflictes.

Un clavellet de moro,
un regal matiner,
del bon amic Tomeu,
caminant cap a l'est.














© Tomeu Pons

Ombres mortes

Ombres d'esquelets muts,
de gavians amarrats
a pontons d'alumini,
sense ales ni desig.

Capritxos de gent guapa
venent l'illa a l'encant
i que no saben res
de l'art dels mariners.

Uns velers sense veles,
mirant cap a llevant,
amb l'enveja d'infants
somiant en patis blaus.














© Joan Verger de la Caixa B

Memorial de Ribesaltes

Una esplanada buida,
un tresor soterrat.
Uns barracons en ruïna
amb latrines curulles

de plors i pedres seques,
de trossos de maons.
Un espai desolat
on tots ploren els morts.

La bella Ribesaltes,
capital del muscat,
queda ben protegida
de la pobra misèria.

Espanyols, jueus i d'altres,
tots marginats del món,
passaren pel seu camp
que tremolà l'hivern.

Visitants forasters,
que veniu de molt lluny,
pregueu per tanta gent,
que guardo dins del cor.



Amants

Cant l'amor, cante els amants.
          Vicent Andrés Estellés

Amants desconeguts,
de cases senyorials
o amants sense sostre.

Amants fora del món,
units per la passió,
us aniré cantant.

Un cant sens pretensió.
Unes paraules tendres,
com sortint del forner.

Fenêtre

Il est une fenêtre,
dans un vieux monastère
par où montent les sons
des psalmodies antiques.

Elle n'a pas de vitrail,
de volet, de grillage.
Elle est parfaite écoute
d'un souhait désemparé.

Sa pierre est ancestrale
que recouvre la mousse.
Elle vit de ces prières
qui montent des cœurs purs.

Tres cops

Campanades a goig.
So greu del coure viu.
Tres cops per la nit fosca.

Blancheur soudaine

Il est en cette nuit
une blancheur soudaine
qui s'inscrit dans le ciel.

La parole est muette
mais les lèvres écrivent
sans jamais se disjoindre.

Des mots d'amour secret,
au fond de la chambrette,
tout contre le plafond.

Ah, le joli voyage...

J'ai pensé à Clémence,
au cœur de cette nuit.
À son solmeil d'enfant
peuplé de promenades.

D'oranges en compote,
de jouets en couleurs
et de ses mains habiles
caressant le bois cru.

Silence de la nuit,
repos de ses parents.
Tout ce qu'elle a appris,
sous ses paupières d'ange.

Cinq mois et deux journées,
ah le joli voyage !
qui fait d'un beau bébé
une petite fille.

samedi 9 mars 2024

Somni d'un escombraire

Somni d'un escombraire,
grassonet i feliç.
Assegut en un banc,
es fuma una burilla.

Somnia en el passat,
la bella fullaraca
que vestia els carrers
abans de l'escombrada.

Ara tot és rebuig.
De llaunes i d'envasos.
La trista cicatriu
d'uns homes sens passat.


Il y a...

À la mémoire de Maria Mercè Marcal

Il y a cette tristesse,
dans les yeux qui regardent
et le pli de la joue
qui sourit malgré lui.

Il y a ces mains croisées,
d'une beauté extrême.
Des mains qui ont œuvré,
sans jamais s'arrêter.

Il y a ce pull de laine,
à l'épaisseur obscure,
donnant à la poète
la chaleur de l'instant. 














© Bartomeu Ribes Guasch

Pretermissió

A la Coleta Planas,
còmplice d'un jurat

Del baticor no parlaré.
És batec de sang i somriures,
de tres paraules silenciades
i d'una flaire de ginebra.

El baticor és un misteri,
com un llenç viu del Francis Bacon.
Un rellotge de funcionari
que s'hauria begut ginebra.

Un baticor no fa el món
mes sense ell el món no existeix.
Per ell he deixat la península
i he sortit cap a Ginebra.

Mains

J'ai plongé dans l'eau froide
la main qui écrivait,
pour ressentir la peine
des maçons du chantier.

Le froid qui les entaille,
les gerçures soudaines
et qui traînent longtemps
leur douleur purulente.

Mes mains n'ont pas connu
l'angoisse du chômage,
l'usure lancinante
du tour de l'ouvrier.

Ce sont des mains soignées,
sans crainte de la faim
et qui veulent écrire
pour ceux qui ne le peuvent.

Lignes de la main

Regardons un instant
les lignes de la main,
sans pourtant nous livrer
à la divination.

Regardons les rougeurs,
les cals et les blessures,
l'histoire de chacun
au service de tous.

Que noble est cette usure
qui décore nos mains
en offrant à chacune
son poids d'humanité.

Sérendipité

La sérendipité,
sortie du dictionnaire
est ce hasard heureux
qui dévie le chemin.

La page du chercheur,
la plage du nageur,
se couvrent de surprises
et de riens inouïs.

Croyons en ce hasard
qui, en nous déroutant,
oriente nos consciences
vers la félicité.

Nostàlgia santlluisera

Nostàlgia de gener.
Del petit Cabanon,
dels amics reunits
en torn d'una cançó.

Un arrosset d'hivern,
el cel blau i el sol.
En Paco cicerone,
Corinne amfitriona.

En Juanjo de poeta,
en ÑIto veu cantant,
en Tian d'amic novell
i noms com grans de sorra.

Dessin fantomatique

Du bout de chaque doigt,
sans encre ni papier,
naît un  dessin fantôme.

La forme de ta voix
qui pour l'instant se tait,
dormant à mille lieues

du peintre improvisé.
Le fusain est un songe,
le vélin l'objectif.

vendredi 8 mars 2024

B.A. BA

Au bout de la semaine,
est le plaisir serein.
Le rire d'une enfant
qui joue aux découvertes.

Entre mer et soleil,
l'alphabet se compose
dans une voix aimée
qui décompte les heures.

Ah, la jolie astreinte
et les beaux souvenirs.
Le temps sait être doux
aux enfants qui écoutent.

Brasseuse de sable

J'aime t'imaginer
sur la plage en été.
Tes pieds brassent le sable
qu'ils baptisent de sel.

La mer est un mirage
sui clapote non loin.
La marche est hasardeuse,
tant le soleil aveugle.

J'aime t'imaginer
quand tu ne rêves pas.
Dans tes yeux tout le sable
de la plage en été.

Invencions

Un desig de roselles 
i d'escates de sal.
Plaer de la consciència
que s'inventa sentits.

La pell de les paraules
n'amaga l'amargor.
Tot és llis i bonic
quan el fons és foscor.

Misteri del discurs
que s'inventa tragèdies.
D'amargor no en trobo,
ni sota la pell llisa. 

Marrons chauds

Il est des poésies
qu'on ne saurait écrire.
Des bouffées de désir
sous la pluie du matin.

La langue est si curieuse
qu'elle sait se retenir,
jusqu'à la paix du corps
et au repos de l'âme.

Les mots sont peu de choses
face au désir soudain.
Des marrons chauds d'automne
fumant sur le pavé. 

Décompte marital

Aux vieux couples il ne reste
souvent que les années.
À la queue de la caisse,
on plastronne et on rit.

Quarante-six années
lancées à la caissière,
entre carte et ticket,
pour se donner conscience.

La femme, elle, se tait,
en rangeant les victuailles,
sans sourire jamais
ni livrer ses pensées.

Équilibre linguistique

C'est un bel équilibre
que d'alterner parfois
les vers en catalans
et les vers en français.

Osmose de deux langues,
que je tiens en mon cœur
et qui savent s'attendre
au détour de la nuit.

C'est un bel équilibre.
Un tour de force aussi,
mariage de la lune
et du brillant soleil.

Minéralités

Mes nuits sont de silex
et parfois d'obsidienne.
La froideur de la pierre
et l'aigu du couteau.

Pourtant elles se détendent
au fil de mes écrits.
Le silex se fait plume
et l'obsidienne d'encre.

Mes nuits glissent toujours,
après le réveil brusque,
vers l'infinie douceur
des mots d'amour mêlés.

Un armari d'amor

Si tingués un armari,
un armari de fusta.
Hi posaria els mots
de l'amor infinit.

Uns mots de plata fina.
Tan durs com l'acer blau,
tan suaus com un torró
o un nougat de França.

El tancaria amb clau
i me l'inventaria,
guardant a la foscor
els meus mots de l'amor.


Mots i Miracle

El miracle dels mots.
Els mots de El Miracle.
Una terra nascuda
d'uns mots de poesia.

Les pedres de les ruïnes
són pedres del deler.
Han llegit tantes passes
i vist tants pelegrins.

Els mots són poca cosa.
El Miracle és la causa
que mou fitxa a la nit
i brolladors al dia.

jeudi 7 mars 2024

Sa Costa des Pou

Una tendra baixada,
com un riu juganer.
La fosca remembrança
de la cursa dels nens.

S'han anat els fillets
i Sa Costa és tranquil·la.
De portes ben tancades
de murs emblanquinats.

Imagin els amics
quan tenien set anys,
amb els pantalons curts,
somiant en l'avenir...










© Paco Gomila Pons

Arbres du pourtour

J'ai rêvé de ces arbres
qui bordent la placette.
Des platanes épais
à la peau desquamée.

Sous l'écorce manquante,
des promesses d'amour.
Des cœurs et puis des dates,
en signe d'infini.

Les enfants font la ronde,
au plus juste du tronc,
râpant leurs longs manteaux,
contre le bois tout sec.

Des passants désœuvrés
y glissent leur main tendre,
croyant la voir s'emplir
de sequins fabuleux.

Mais au pied de ces arbres,
se cachent des creux sombres,
où s'endorment les vœux
des jardiniers en herbe.

Le pays de faïence

À la maman de Paco,
            in memoriam

La faïence est jolie
qui surmonte le blanc.
Une échelle de pots
pour les menus besoins.

Allumettes en bois,
épice et poivre en grain.
Pour les desserts, le sucre
et la blanche farine.

Le café est en grains
et le thé se désole
de rester enfermé
quand les petites rient.

Le temps s'est arrêté,
en haut de la console.
C'était il y a longtemps,
au moment de ses noces,

une très jeune femme
constituait son trousseau.
Des commerçants français
habitant rue de Grâce

offrirent aux fiancés
de la faïence utile.
Porcelaine de Gien,
écrite dans leur langue.

Les années ont passé.
La mère a pris le deuil,
puis elle s'en est allée
au pays de faïence.

Il reste à ses enfants,
la blanche porcelaine
et le sourire franc
d'une enfant de Minorque.










© Paco Gomila Pons

Una cara de guix

Una cara de guix
que rep la llum del dia
i dona al paper groc
una ombra fugissera.

Ja no té ulls ni sang.
Ni pentinat morè.
Tan llisa té la pell
que s'hi podria escriure.

El rostre és del meu oncle,
vademècum constant.
Una estrella polar
enmig de la nit fosca. 



Rellotge de pietat

A l'ombra de les pedres,
es desfà la rosassa,
en llum d'eternitat,
seguint el sol del dia.

Rellotge de pietat,
no té busques ni hores.
Per ell passen les vides,
els amors, les ferides,

tot el que dona gust
a la humana existència.
Qui mira la rosassa,
viurà la pau del món.



Couleurs paires

Avant que la mort ne me prenne,
j'étirerai mes vers. Un peu.
Une seule syllabe. Ou deux.
Je laisserai glisser mon souffle.

Je me méfie de l'art majeur
et de ses pompeux artifices.
Pourtant j'aime le découvrir 
le soir, sur l'encre du vélin.

Mais pour écrire mes poèmes,
je préfère mes couleurs paires,
la douce parité phrasée
et le tendre coussin des sons. 

L'homme second

Je suis l'homme second,
qui affectionne l'ombre.
La silhouette grise
qui surgit du papier.

Mes visages sont mille
et ma peau un mystère.
Je ne suis que ma main
qui combine des lettres.

On m'appelle poète,
je me crois imposteur,
volant aux dieux oisifs
le feu de la passion.

Un amour de mots

   Que són de blaves les Alberes.
                  Gumersind Gomila

C'est un amour de mots
qui s'exprime la nuit,
dans le silence nu
d'une chambre isolée.

Il se nourrit des miettes
des journées à rêver,
au pied de ces Albères
qui bleuissent la nuit.

Le froid de la chambrette
est une encre fidèle
pour peindre de l'amour
la présence infinie.

Les veles del desig

Llençols horitzontals,
les veles del desig,
inflades per les boques
que jeuen a la nit.

Ligne mouvante

La ligne est si mouvante
entre le sable et l'eau.
Un trait de feu fugace
espérant nos pieds nus.

Saint-Cyprien d'hiver
attendant le printemps
et ses premiers baigneurs
qui passeront la ligne,

pour faire avec la mer
l'amour insoupçonné,
baptême de ferveur,
sous un soleil nouveau.

Trouvailles intimes

J'ai trouvé sous la table
ma montre de gousset.
Sous le cadran de verre,
le temps s'est arrêté.

Il est cinq heures vingt
à l'éternelle horloge
du poète insomniaque
qui compose des vers.

Il y parle d'amour
et de menus détails
d'un quotidien friand
de trouvailles intimes.

Gris de sorres

Sorra negra guardada,
sota el vidre planer.
Sorra negra casada
amb la blanca dels dits.

Record ultramarí
de passats tropicals.
Remembrança sobtada
dels amants de la platja.

Les passes són de dia,
i els passos de la nit.
Les sorres es combinen
en un gris absolut.

mercredi 6 mars 2024

Canvi de perspectiva

Mai ha semblat tan lluny
la rica Cala Llonga.
El port és braç de llum,
exquisidament lleu.

Atret per l'espectacle,
s'ha desplaçat en Joan,
com mogut pels anglesos
de la National Geo.

Mes el temps corre igual.
Si el comfort té un preu,
la mort s'apropa sempre
per a tots els veïns.














© Joan Verger de la Caixa B

Autodefinits

Al Daniel
amb una picada d'ullet

Uns autodefinits
com un joc de paciència.
El quadern és primet
i ja té tres anyets.

Viatjo per les paraules,
les fletxes amb els blancs.
Del diccionari vell,
broten definicions.

Primavera de lletres,
les fulles són de fulls.
El llibret m'acompanya
pels quefers de la vida.



Digue

Jalouse des montagnes
et du ciel nuageux,
la digue de rochers
se couronne d'écume.

Les eaux tumultueuses
se partagent en deux,
pour mieux venir séduire
les voiles du rivage.

Les planches bondiront
sur la crête des vagues,
faisant de cette digue
leur témoin silencieux.


© Julien Aumaréchal

Volonté

C'est une volonté
qui me tient éveillé,
me forçant à écrire
ce que je ne sais taire.

Les pas d'un escargot
sur une feuille tiède,
des sourires antiques
dans des ruelles vides.

Tant de détails épars
et que je ne veux perdre,
croyant pouvoir voler
à l'oubli quelques miettes.

Amours printanières

Des amours printanières
commencent à fleurir,
à la fin de l'hiver
qui raccourcit les nuits.

Délice des parfums
que les bourgeons recèlent
et qui éclateront
à la fin de ce mois.

Des amoureux en herbe
s'endorment esseulés.
Le matin les verra
courir le guilledou.

Traces

J'aimerais tant écrire
au gré de tes réveils,
cueillir sur ton visage
la trace de la nuit.

Et la peindre aussitôt,
avant qu'elle ne s'efface
te rendant au sommeil,
ce dévoreur de rêves.

J'aimerais te veiller
chaque nuit un peu plus,
mais le sommeil m'appelle,
avalant tous mes rêves.

mardi 5 mars 2024

Un piano léger

À mon ami Paco

C'est un piano léger
qui naît parmi les cordes
pour ralentir le pas
des amants empressés.

Le dialogue est constant 
entre les musiciens
qui marchent de concert
en attendant la pluie.

Il y a tant de tristesse
et puis tant d'allégresse
qu'on veut croire un instant
que la mort ne peut être.



Mes insomnies

J'aime les insomnies
qui soulèvent mon drap
pour faire entrer le froid 
et dégourdir ma main.

Il est alors trois heures
au beffroi des horloges.
Le temps de l'insouciance
et de la réflexion.

La solitude extrême
de mes petits écrits
se peuple des visages
que j'aime au quotidien.

Au gré de mes tirades

Poème de la nuit.
Surprise passagère
qui m'entraîne à sa suite
dans l'univers des mots.

Bien loin des dictionnaires
qui trônent au salon,
je cueille des vocables
au gré de mes tirades.

Le mètre est le calibre
qui régit tous mes choix,
réduisant mon lexique
aux mots du quotidien.

Fresca matinera

La fresca matinera
és de cel sense sol.
Mig somriure de lluna
i blau de mar serè.



© Tomeu Pons

Un jour...

Un jour je serai clown,
avec un beau nez rouge.
J'irai dans les écoles
apprendre à rêvasser.

J'accrocherai aux murs
des sentences de vie
que je déchirerai
avant de les manger.

Un jour je serai clown,
avec un beau nez vert,
une valise mauve
et des ballons d'argent.

Basseta

Entre nosaltres l'aigua,
l'aigua d'una basseta,
a dalt de la Cerdanya.

Una catifa verda
amb les seves carlines
esperant el migdia.

La foscor hi és glaçada
mes l'herba un paradís
per descansar un poc.

Pour remercier la nuit

J'ai laissé au grenier
mes vieilles habitudes.
L'impatience soudaine
qui me tient éveillé.

Et j'ai choisi de vivre
mes insomnies constantes
comme une ritournelle
au charme désuet.

Quand le sommeil me quitte,
dévoilant mes draps nus,
je cours prendre ma plume
pour remercier la nuit.

Dits melòmans

Atents a la paraula,
l'exactitud dels mots,
els dits són una ploma
de colors infinits.

Esperen el moment
de fosca inspiració
per traçar en el sostre
un arc de Sant Martí.

D'una arpa són les cordes,
esperant el concert,
els altres instruments
d'un concerto de Bach.

Tarraco

Al Ponç Pons
i al Paul Valéry

Tarraco dels romans,
teatre d'aventures.
Un balcó cap al mar
en sentit valerià.

La Tarraco dels somnis
ja no és Tarragona.
S'hi passeja un poeta
vingut de l'illa xica.

Pels seus carrers ombrívols,
camino lentament,
de la mà d'una musa
que cou l'arròs melós.

La llet de l'horitzó

El llit de l'horitzó
és un llençol d'onades.
Un fil de tinta grisa,
esperant el plomer.

Els núvols són coixins
d'escuma passatgera
i l'aigua un matalàs
d'olors i de passió.

La llet de l'horitzó
és beguda celeste.
Un got de valeriana
cap als balcons oberts.

lundi 4 mars 2024

L'atelier du lundi

Je songe à l'atelier
qui m'attend au zénith
d'un jour ensoleillé.

Deux heures d'inventions,
de jeux avec les mots,
autour d'un bon café.

La médiathèque d'Elne
est un lieu délicieux
où il fait bon écrire.

Bien loin des intérêts
et des colifichets,
l'essentiel s'y fait jour.

Le lieu est éclairé 
d'une douce lumière
et de tant d'amitié.

Des choses si légères
qu'elles réchauffent le cœur
et invitent à écrire.

Els mots del teu rebost

M'has regalats uns mots.
Uns mots dels quotidià.
Tendres i olorosos
com llonguets de forner.

Venien del més fosc
del teu rebost més íntim.
Els mots de la infantesa
amb suc dels anys passats.

He decidit guardar-los,
en un racó plomer,
per quan em faltis més
a l'hora de compondre.

Rabeig

Deixa el quotidià sinistre
i vine a rabejar-te. Amb mi.
Al cau de la ribera. Allí mateix
on els somnis es fan reals.

Deixarem la mètrica, l'equilibri,
intens i pobre, dels versos de l'absència
i assaborirem els mots com unes carícies
noves. Tan òrfena del sol, la teva pell

bonica, hi trobarà recer. S'hi farà pentagrama
i jo músic sense experiència. Rabeig improvisat,
al cau de la ribera. Entre la terra i el mar,
escoltarem les aus. I ens n'inventarem els cants.

Moines copistes

Sur des peaux de mouton
qu'ils grattaient patiemment,
Ils ont écrit les signes
qui nous sont parvenus.

Parchemins entaillés
de milliers de griffures,
la trace indélébile
de leur goût de l'écrit.

Des Saintes Écritures,
ils étaient les gardiens.
Mais, en copiant, ces moines
faisaient bien plus que ça.

Ils confiaient à chacun
la liberté première :
donner de la durée
aux instants ressentis.

Neuliment de llegues

De pluja i neu la ruta
que porta al poble nu.
Un neuliment de llegues
esperant el sopor.

Mitja lluna de celles

Com un llac de muntanya,
al peu del Canigó.
Un mirall d'aigua freda
em visita a la nit.

La foscor és de plata,
el silenci d'argent.
Les ombres són misteris
i l'aigua un pou de ciència.

Com una cala verge,
a la punta del far.
Mitja lluna de celles
m'esperen a la nit.