dimanche 13 octobre 2024

Une placette vide

Le carreau est usé
par les roues des vélos
qui y ont laissé leur gomme
en rêvant de succès.

Sur le pavé gris clair,
est une tache sombre.
Un rapiéçage vain
qui déjà se fendille.

C'est l'heure sans personne
qui pense à ces enfants
qui dans une heure ou deux
peupleront la placette.




Un segell argentat

És un bon maridatge,
discret i sens arrugues.
La plata del cel clar
amb l'argent del mar quiet.

Les ombres són la tinta
del relat per escriure,
un diumenge d'octubre
a l'hora del cafè.

És el ver maridatge
entre ahir i demà.
El segell argentat
de la bondat del temps. 














© Joan Verger de la Caixa B

Une petite Opel

C'est une boule rouge
dans les mains du destin.
Une petite Opel
qui roule sur les routes.

Lumière du bitume
que le brouillard éteint,
elle est la main de Dieu
déchirant les frontières.

On dit qu'elle convoiera
vers un palais de verre
les livres d'un poète
et d'une romancière.

samedi 12 octobre 2024

La mie des mots

La mie des mots.
Non pas leur chair
dessous la peau.

La mie légère,
un brin spongieuse
et qui embaume.

Timbre de l'encre
sur le papier,
pourquoi mens-tu?

Tu les resserres,
entre tes griffes,
tel un vautour.

Les mots sont libres
je les mâchonne,
dessous la croûte.

Amidon cuit
que la salive
transforme en miel.

Le miel des mots.
Non pas le fiel
dessous le sceau.

lundi 7 octobre 2024

Te extraño

Cuando el sol brilla
por las azoteas

o quan plou pel jardí
del nostre amor serè.

Fullaraca molla
del vell taronger.
Per les rames
llueixen fruites.

Entre verd i groc,
promesa tardana
de confitures fetes
al cor de Catalunya.

Te extraño, Rosita linda
i només et puc oferir,
com un ram de roses
les branques del jardí.



vendredi 4 octobre 2024

Douceur d'un soir

Sur le mur du palais,
le feu rougeoyant
de la nuit qui scintille.

Des lettres de douceur
pour dire en quelques mots
tout le prix de l'accueil.

Il n'y a nulle barrière
pour tenir à l'écart
les amis qui s'attablent.

La lune virevolte
pour faire une pizza
comme on souffle une bulle.

Et sur les tables sombres,
tout un marché s'étale,
de goûts et de couleurs.

L'espace de deux heures,
on oublie qui on est
pour communier au monde.



Amistat corresposta

A dues amigues

Sobrassada allargada,
de pell de seda fina
i cor ataronjat.

Un regal delicat
a l'amiga de sempre
per una mallorquina
que ha rodat mil mons.

Sobrassada esperant
al rebost de la casa.
Amistat corresposta.

vendredi 27 septembre 2024

Miralls

Un mirall de tendresa,
un recull de dolçor.
Les pàgines groguenques
es miren al present.

Fullejaré les planes 
en busca de passió.
Retrobaré la font
dels sentiments passats.

Un mirall de tendresa
un recull de tebior.
La coberta és violeta
i d'argent és mon cor.

Du froid à la chaleur

J'aime la pierre froide
où tu t'assieds soudain,
pour briser de la course
le rythme déchaîné.

Tu t'en fais un banc clair,
pour lire de la vie,
ce grand livre secret
que tu tiens en ton cœur.

J'aime la pierre froide 
et la chaleur aussi,
dont tes yeux apaisés
m'inondent aussitôt.

Cargols

Com un cargol de sorra
voltegem la ciutat.
Del matí a la tarda,
sense aturar-nos mai.

Les nostres passes són
el compàs de les hores,
entre bus i passeig,
cafès i signatures.

A la caseta dotze,
nos esperen amigues
amb un somriure franc
i uns llibres per vendre.

Venim del nord senzill,
on es mengen cargols,
que no són pas de sorra
ni voltegen ciutats.

mercredi 25 septembre 2024

Le roi du monde

Je suis le roi du monde.
Ma maison est petite
qui domine la plaine
d'une contrée centrale.

Je dors dessous les toits
sur une couche étroite.
Avec, à mes côtés,
un rêve de pinsons.

Une écrivaine rare,
qui donne aux délaissés
le goût de pouvoir lire
sans en être enchaîné.

Sense grans

El plaer i la sorra.
La platja i el llit.
Las ganes de tendresa,
la frescor del matí.

El llençol sense grans.
La blancor és senyera
d'un país de dos éssers
reunits al matí.

No buscaré petxines
si ja les tinc als ulls,
obertes al cel blanc
d'un sostre sense grans.

Somni

He somniat una flor
de rojor i de molsa.
Una flor de desig
desclosa sota el sostre.

M'he despertat amb set.
De molsa i de rojor.
I m'he quedat mirant
la blancor del teu rostre.

Els teus llavis tancats,
empresonant els somnis
d'un amant passatger
dormint al teu costat.

Com el vent

No vull ser un estrany,
ni vull ser la teva ombra.
Jo vull ser com el vent
que porta farigola.

Pels camps nus de l'entorn,
anirem tu i jo
a buscar cargolines
i tres flors de passió.

No vols ser una estranya,
no vols ser la meva ombra
i ja m'ets com el vent
que porta farigola. 

le cendrier blanc

C'est un cendrier blanc
sur le bord d'une table,
un cendrier tout seul 
sans cendre ni mégot.

Son émail se fendille
de mille cicatrices.
La fumée des clients,
le linge du patron.

C'est comme un lac de lait
qui tiédirait au soleil,
dans l'attente impossible
de matous assoiffés.





Marelle des amours

À C. et J.

Paris à la marelle,
sans mouiller ses chaussettes
ni buter sur ses ponts.

De la rue du Commerce
à la butte Chaumont,
un semis de gravier.

Des toitures en ardoise
et des chéneaux en zinc
pour pimenter la course.

C'est de la terre au ciel,
ou du ciel à la terre,
que le palet sillonne.

Un palet rond et doux
comme une friandise
qu'on mangerait le soir.

Marelle des amours
qui unit les quartiers
et les amis sereins.

dimanche 22 septembre 2024

Un animal estrany

Quin animal estrany!
Té cara de girafa
i potes d'elefant.

Viu al costat de l'aigua,
però no hi beu mai
ni menja fulles d'arbre.

I no té cap paraigua
quan sobre el cap li plou,
de la nit al matí.

Quin animal deu ser?
Un monstre rovellat
o una vella estàtua?

És l'alta Torre Eiffel,
la reina de París
que mira cap a França.

samedi 21 septembre 2024

Paraules al vent

A la memòria d'en Sergi Beser

Són paraules al vent,
amb compàs de cançó,
els versos del poeta
que estimava l'humà.

Al teus llavis la rosa
que ell mateix dibuixà.
Abans de l'Estellés
escrigué pels humils.

I un dia dels Seixanta,
un morellenc parlà
del foc de la paraula
en Salvat Papasseit.


vendredi 20 septembre 2024

Un camp groc

Tantes flors per la mare,
tantes gotes de sol.
L'amor dels fills i nets
amb els amics d'arreu.

La taula és un camp groc
on creixen rams en vasos.
Els pètals són els fulls
d'uns poemes callats.

Entre estiu i tardor,
la mare ha decidit
de caminar alegre
fins a cent anys o més.



Un jour d'anniversaire

À ma mère, avec amour

À la fin de l'été,
comme un présent ultime,
ma mère nous sourit
pour souffler ses bougies.

Dans un parfum de vignes
et de sable mouillé,
elle nous parle des ans
qu'elle vit à nos côtés.

Et je pense à sa mère
et à son père aussi,
à mes deux-grands-parents
sans qui elle ne serait.

Fille du Café Rouge,
petite Mamisou,
devenue en un siècle
notre boussole à tous.

Sa parole apaisante,
sa générosité,
savent donner aux jours
un peu de merveilleux.

Un doigt de miel des prés,
un sourire qui marque
et qui fait compagnie
pendant les mauvais jours.

Elle est notre Bottin,
notre encyclopédie.
Nourrie de mille noms,
elle dit notre univers.

Je me revois enfant,
marchant à ses côtés,
sous la pluie de Dunkerque
pour aller au café.

J'étais son chevalier,
elle pensait nostalgique
au vieux Continental
que tenaient ses parents.

Sans elle je n'aurais
pas ce goût des cafés,
PMUs ou bistrots
où je puise mes vers

dont je sais chaque jour
que, devant son écran,
ma mère appréciera
au seuil de sa journée. 



vendredi 13 septembre 2024

Couleur indigo

Mourir dans un sourire,
ah, la jolie bluette
qui fait de l'élégance
le trait du geste ultime.

C'est un hymne à la vie
de l'écouter le soir,
en pensant à la chance
de vivre dans la joie.

Car, malgré la tristesse
d'événements fâcheux,
il y a cette étincelle
qui toujours nous devance.

Faisons des yeux un prisme
pour mieux la diffracter
et, dans un arc-en-ciel,
savourons notre joie.

Cette joie si sereine
que traduit l'indigo,
alors qu'on ne retient
que les couleurs du feu.

L'indigo de l'amour
qui jamais ne possède
et si je tiens à toi,
jamais ne te tiendrai.


jeudi 12 septembre 2024

Et l'amour est venu

Et l'amour est venu,
dans la cour au soleil.
Parmi les feuilles mortes 
et la poussière vive.

Il venait du ciel bleu,
passant entre les feuilles, 
caressant les fruits verts,
qui bientôt mûriraient.

C'était un amour lourd,
gonflé de cent désirs
et de sourires mille
qui bientôt s'étendraient

sur la surface lisse
d'un beau caillebotis,
la peau d'un dos serein
se bronzant au soleil.

mercredi 11 septembre 2024

À cloche-pied

C'est un délice rare
que d'écrire en deux langues.
Mais c'est une torture 
que de les transposer.

Je connais une amie
qui le fait à merveille,
mais moi j'y suis bien gauche
qui y entrave mes pas.

C'est un délice rare
que de faire marelle 
des mots de deux idiomes
poussés à cloche-pied.

Setembre del Quaranta

Tornarem a la llengua
un matí de setembre,
setembre del Quaranta
si déu ens deixa vida.

Tornarem a la llengua
amb els mots del present
que seran aigua viva
per al poble futur.

I si ja no hi som,
deixarem llibres nostres,
amb paraules salades
com vespilles de sol.

Vespilles

Vespilla de la vida,
guspira de la sal.
La llum del foc intens
que neix de l'alta mar.

No veus l'horitzó tendre
d'una illa mitjancera?
Allí conreen versos
entre parets de pedres.

La llengua no mor mai
quan aprenem paraules.
Les esquitxem arreu
com vespilles de sol.

Riuada lenta

Cap a les terres baixes,
la canyada és un riu,
un riu de pedres seques
i pastures somiades.

Cap cot camina el guia,
un bastó per gaiata.
Ja no veu la muntanya
però ja sap on va.

Camí de transhumància,
de cabres la riuada.
Una riuada lenta
per celebrar el temps.














© Lionel Itié

mardi 10 septembre 2024

Un transhumant

La montagne est entrave
Et pourtant il chemine,
les oreilles percées
de deux anneaux en cuivre,
pour guider ses Murciennes.

Sa veste de coutil,
le béret de guingois
et le col relevé
en font un homme unique
et pourtant l'un d'entre eux.

Il est des transhumants
qui vivent entre les langues,
préférant aux accents
le grelot des sonnailles
et la marche alourdie.

Il a quitté le nord
et se rend dans le sud,
les poches pleines d'or
que l'on ne peut changer
quand même on le voudrait.

Si sa fortune tinte
dans le noir du coutil,
c'est qu'elle est d'expérience,
de ruisseaux, de genêts,
et non de vil argent.

Vous le verrez bientôt,
au cœur de ce pays,
qui n'a pas de frontières,
s'il a bien des sommets :
la fière Catalogne.











© Lionel Itié

dimanche 8 septembre 2024

Parcours remisé

Sous mes yeux le parcours
de la sortie rêvée
et que le temps chafouin
a soudain repoussée.

La précision des points,
le détail du vignoble,
la chaleur des murets
attendant les passants.

J'ai remisé l'idée,
je la tiens dans ma poche,
rêvant à un dimanche
qui nous y conviera.



Grains de pluie

Entre tes doigts la pluie,
ces grains indéchiffrables
qui font verdir les feuilles.

La source des rivières
et la soif de la mer.
qui se tourne vers elle.

Entre tes doigts l'automne,
l'odeur des feuilles mortes
et le temps qui s'enfuit.

Posta de sol

La terra és a les fosques 
i no s'hi veu ningú.
Les persianes tancades
brunzeixen de converses.

És l'hora del foc fred,
dels vermells i dels grocs.
Si fosquegen els núvols,
és per tancar el quadre.

La vila mira a l'oest,
amb esperança vana.
Aviat vindrà la nit
de passions retingudes.










© Roser Blàzquez Gómez

samedi 7 septembre 2024

Au creux de ton oreille

C'est comme une galène,
une roche en silence
qui brille de son poids,
tout au fond de l'écrin.

Mais elle est si petite
qu'on doit la dédoubler
en haricots magiques
qui entourent l'oreille.

Et les détails reviennent
que l'on croyait perdus.
Les trilles des oiseaux,
le chuchotis de l'eau.

Ma mère s'y complaît,
retrouvant le relief
de nos conversations
autour d'un bon café.

lundi 2 septembre 2024

Marins du passé

La voyelle s'allonge
en disant le pluriel
dans un doux ricochet
que s'inventent mes yeux.

J'aime ces pierres sèches
du musée lapidaire
où le poinçon déchire
la masse du calcaire.

Ici un négociant
exhibant sa puissance
dans le ventre gonflé
de sa corbita lourde.

Et là un enfant seul
de n'être pas aimé,
dans un coin du jardin
réservé aux défunts.

La pierre est une page
où mes doigts impatients
retracent la vie simple
des marins du passé.




Versūs amatorēs

Arte regendus Amor.
                       Ovide
 
L'Amour est un mystère
qui s'amuse des lignes
que lisent les amants
attablés face à face.

Les yeux ne se regardent,
attirés par les lettres
qui se mêlent aux cils,
pénétrant la pensée.

Tu lis un livre ancien
qu'on te prêta naguère.
J'étreins mon cher Ovide
qui me parle de toi.

Pendant qu'on dîne en France,
je savoure tes doigts
qui écrivent en vert
sur un mince cahier.

De tes lettres de menthe
à mes vers incertains,
il y a cette passion
que nul ne peut prédire.

Salle des pas perdus
où glissent des fantômes,
la bibliothèque luit
dans le soir qui se fait.

Et je te sais si proche
qui pourtant es si loin,
passant de page en page,
sans un regard pour moi.




dimanche 1 septembre 2024

Sol ixent

Miraràs cap a l'est,
des del bon port d'Addaia,
com puja el sol ixent
cap a la nuvolada.

L'escuma dels teus somnis,
blanca de tants desitjos,
amb la blavor del cel
emmirallada en l'aigua.

I deixaràs les ones,
cansades de la nit,
portar als teus amics,
l'esperança de l'illa.














© Joan Verger de la Caixa B

jeudi 29 août 2024

Sense nom la placeta

Sense nom la placeta
amb passat i present.
El cel del Guinardó
reflectit en el terra.

Fa molts anys hi tocaren,
per la festa major,
unes quantes sardanes
d'uns músics guinardencs.

D'entre les quatre o cinc,
en recordo una bella,
de compàs delicat,
dedicada a l'amor.

A l'amor de ma vida,
que encara era petita.
Belluguet era el nom
de la sardana viva.

Ara el belluguet es mou,
entre records del pare,
cap al pis de la mare
que ben prest llogaran.











© Roser Blàzquez Gómez

mardi 27 août 2024

Séculaire

Chaque année est un siècle,
disais-tu en riant,
quand ta voix se cassait
dans l'été finissant.

Et je voyais soudain,
dans le silence blanc,
des milliers de visages
naissant à tes pensées.

Chaque année est un siècle
et ce siècle a un an
qui rit de te revoir
avant de s'envoler.

Farcits d'aniversari

Del jardí fins al forn,
uns carbassons farcits
per celebrar el dia
d'un gran aniversari.

La plata és de foscor
per donar més color
al dinar del migdia
i a la taula buida.

Ens ho passarem pipa
a la banda del Nord,
dinant a la francesa
i somniant en ses Illes.



Dans la vallée du galbe

Ricochet de galets 
dans la vallée du Galbe.
Le torrent assagi
et l'argent de l'eau claire.

Les reflets du mica
contre les pierres noires.
La vigueur de l'instant
qui agit comme un Dieu.

De la ligne des crêtes,
entre les deux villages,
les nappes de brouillard
font naître des mirages.

Des moutons dans les prés,
une chapelle blanche,
la longue procession
des chevriers d'un soir.

Souvenirs inventés
dans la vallée du Galbe.
Le torrent nostalgique
des amis de toujours.

lundi 26 août 2024

Vie gagnée

Et la main a glissé
sur le dos des vieux livres,
s'accrochant par deux fois
au plus ancien d'entre eux.

C'est un volume épais
d'un penseur sandiniste,
le lien fort de la langue
entre parents aimants.

Si les pages ont jauni
au fil des ans passés,
la langue virevolte
qui jamais ne vieillit.



jeudi 22 août 2024

L'honneur d'un vers sensé

Qui compte sur ses doigts
sautait à la marelle
sans se soucier jamais
du nombre de ses pas.

Alors oublie les chiffres
et laisse aller ta main
sur le dos de l'amante
qui vit à tes côtés.

Le nombre est une danse
et les sons se bousculent
pour gagner à tes yeux
l'honneur d'un vers sensé.

D'un prix littéraire

Lire d'autres poètes.
Sur l'écran. Lentement.
Se départir de tout,
n'avoir d'yeux que pour eux.

Ainsi est cette tâche
qui me tient aujourd'hui,
dans le silence blanc
d'un jeudi du mois d'août.

Laisser entrer en moi
les sons et puis le rythme.
L'étrangeté sublime
qui signe l'autre voix.

mercredi 21 août 2024

Lectures partagées

De main en main les livres
passent s'en rechigner,
ouvrant leurs pages brunes
aux lecteurs de l'été.

Et sous mes yeux avides
de tant de vies passées,
je sens la main légère
de mon amie cachée.

De cœur en cœur les livres
apprennent à penser,
en nous donnant un peu
de leur félicité.

Crayon de vie

Mon crayon est usé 
et son bois a jauni.
En le taillant d'un tour
je lui redonne vie.

Une vie de griffures
sur mon calendrier
avant qu'il ne s'émousse
me forçant à tailler.

Ainsi filent les jours,
au rythme du crayon.
Sous le vernis, le bois
qui guide mes journées.

Menorca al cor

I tinc Menorca al cor,
al moll dels pensaments
i del magí salobre.

L'illa de la família
i de l'amor fresquet,
de farigola verda
amb un pessic de pebre.

Entres les parets seques,
endevino la vida
dels meus avantpassats.

mardi 20 août 2024

Minorque au cœur

À Roser, rhapsode en île

C'est une terre vive
qui meurt s'être foulée.
Une île tout au Nord
qui a forme de pas.

La flaque était immense,
le continent si beau,
mais le pied suspendu
est resté dans les eaux.

Pendant de nombreux siècles
elle a fait le dos rond,
violentée dans sa chair
ou pillée dans ses champs.

Et voilà qu'elle succombe
sous le faix étranger.
Touristes sans scrupules
et galeristes vains.

Si le sable recule
sous le poids des tempêtes,
sa frange perd son sang
en mille banderilles.

Tournesols bariolés,
bedaines orgueilleuses.
Les têtes dodelinent
sous d'amples sombreros.

Alors que reste-t-il
à l'amoureux de l'île ?
Les vers de ses poètes
et le sel de sa langue.

Ses pierres ancestrales
qui montrent la vraie voie,
entre des murs de pierre
qui regardent le Sud.














© Roser Blàzquez Gómez

Pêche ingravide

La pêche est ingravide
qui côtoie les sommets. 
Et Solal est solaire
qui domine le lac

Les roches en suspens
et la verdeur de l'eau.
Tout semble préparé
pour l'action ancestrale.

Un filin transparent,
un hameçon de cuivre.
Les Pyrénées s'invitent
à la table des dieux.



© Lionel Itié

Griffures frontalières

Griffures des sommets,
laissant le ciel de marbre,
avec la bonhomie
de ses nuages lents.

La pierre est aiguisée,
en haut des Pyrénées,
donnant à la frontière
le coupant du rasoir.

Mais le ciel n'en a cure,
il unit les terroirs,
en offrant à chacun
l'ondée qu'il méritait.





© Lionel Itié


Bolero de Santander

Bolero de Santander,
cuando se acaban los días,
el gran Ñito da conciertos
sin escatimar la voz.

Un par de horas placenteras,
mecidas por iodo y sal.
De Menorca las canciones
y de la vida los rumbos.

Quién tuviera tal ventura
con el gran cantante isleño...
Al Oeste se fue El Paco
para brindar havaneras.








© Paco Gomila Pons

lundi 19 août 2024

Claire et Solange

J'ai aimé la mansarde
parce que sa pauvreté
m'obligeait à de pauvres gestes.
                                Jean Genet

Furtif. Un jeu furtif.
Le miroir des servantes
et la rougeur du lieu.

En attendant Madame,
elles jouent de leurs attraits.
Les mains usées sans âme
et l'odeur de l'évier.

Clarté d'un des prénoms,
solitude de l'autre.
Les fleurs déjà pourrissent
et la pièce s'en va.

Si le lieu est unique,
le temps est ricochet.
C'est la lutte des classes
jouée à l'Athénée.



Rêve de promenade

J'ai aimé te tenir
la main sous les jasmins.
Nous allions tous les deux
par les chemins anciens,

bordés de pierres sèches 
et sans nulle ligne droite.
Des chemins pour marcher
sans craindre d'arriver.

J'ai aimé te glisser
mon amour à l'oreille.
Nous allions tous les deux
et nous étions heureux.

Pour la cinquième fois

Je pense, je pense à la protéine tau amyloïde pour la cinquième fois.

À Rosita, ma mère

Là où se meurt la brise, avec douceur
Là où les crêtes des voiliers
Se rident en émoussant le fil de l'horizon
Là où viennent et vont les diadèmes blancs
Là où le salpêtre conforte les varices du temps
D'une paire de jambes qui s'ouvre encore au plaisir
Et aux assauts de la tendresse
Là où le souvenir d'hier de
La voix humide de ma mère
Qui aujourd'hui me confond avec sa sœur cadette
Là où rien n'est plus de ce qui fut un jour
Quoiqu'elle demeure soumise, docile et bonne
Là, dans le Jardin de la Fin
Avec les secrets qu'elle me cachait
Dans le temps de mes embrassades, elle ne se souvient plus
Et moi je ne saurai jamais ce qu'elle me cachait. 

Rosa Miró Pons, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

Pense, pense en la proteïna Tau amiloide per cinquena vegada.

A Rosita, ma mare

On mor la brisa mansament
On les crestes dels velers
S'arruguen esborrant la ratlla de l'horitzó
On tornen i se'n van les diademes blanques
On el salnitre conforta les varius del temps 
D'unes cames que encara s'obren al plaer
I a les envestides de la tendresa

On el record d'ahir de 
La veu humida de ma mare
Que hui em confon amb sa germana menuda
On ja res no és res del que va ser
Tot i que segueix submisa, dòcil i bona

Allà, al Jardí del Final
Amb els seus secrets que m'ocultava
A les estones de les meues abraçades ja no recorda
Jo ja no sabré mai que callava.


Il y aurait tant à dire

Il y aurait tant à dire,
en descellant les lèvres.
Le bleuté du safran
avant qu'on ne le cuise.

La beauté de tes lèvres
entrevues au matin,
quand le jour a fraîchi
en relevant le drap.

Il y aurait tant à dire,
en desserrant les dents.
Le cri de ces enfants
qu'on a laissés sans toit.

Sous les pavés...

Sous les pavés, la page.
Le sable des lectures
que nous nous échangeons,
en attendant l'automne.

Sur le papier ivoire,
l'encre qui a séché,
pour nous donner du monde
un reflet expurgé.

La catharsis sereine
dans un mince volume
qui s'attache à l'intime
ou aux gestes sublimes.

Nos doigts sur le papier
se frôlent sans savoir
et nos yeux sur les lettres
s'unissent en silence.



dimanche 18 août 2024

Escaneig

Intensa és la llum
sota la tapa grisa
que il·lumina el llibre
per robar-li la ment.

Impressió de les lletres
en la pantalla, a prop,
que deixa al descobert
l'ombra dels altres fulls.

Palimpsest curiós,
juganer amb el temps,
pàgina cap enrere
o bé cap endavant.

Ja no sento la plana
ni son gra sota el nas,
mes els ulls la dibuixen
embriagant-me al punt.

Nefasta n'és la llum
sota la tapa morta
que li ha robat al llibre
la materialitat. 



Scan

La lumière est intense,
sous le couvercle gris,
qui éclaire le livre
pour voler sa pensée.

Et les lettres s'impriment
sur un écran non loin,
laissant à découvert
l'ombre des autres pages.

Le curieux palimpseste
qui joue avec le temps,
reculant d'un feuillet
ou avançant d'un autre.

Je ne sens plus la feuille
et son grain sous mon nez
mais mes yeux la dessinent
pour mieux m'en étourdir.

La lumière est néfaste
sous le couvercle mort
qui a ravi au livre
sa matérialité.



El miracle dels mots

De l'amor i la mirra,
el miracle és un fill.
Una paraula viva
que neix de les mirades.

Dels ulls oberts i tendres,
de les veus melodioses,
de la ratlla de sang
que distingeix les terres.

Un camí pedregós,
orlat d'arbres immensos
i d'herbes remeieres
quan s'acaba l'estiu.














© Roser Blàzquez Gómez

Sel de roche

À Ismael Pelegrí

J'ai laissé sur ma table
un peu de ce sel gris
qu'un ami des plus proches
m'a appris à cueillir,

au creux de roches noires
offrant au soleil d'est
le miroir de leur eau
laissée par la tempête.

Ce sel est fruit des jours,
du vent et du hasard.
Répandu sur ma table,
il guidera ma main.

De l'amor a la mort

De l'amor a la mort,
una lletra final,
una dental resseca,
llengua tocant les dents.

Veneració subtil
de la vida valuosa.
L'amor és homenatge
al frec tendre dels dies.

De la mort no sé res,
de la meva vull dir.
I quan mor un amic,
li regracio la vida.

La generositat
del seu bon caminar,
regalant a tothom,
un poc de sa saviesa. 

dimanche 11 août 2024

À mon frère

Que jamais tu ne meures,
mon frère et mon ami,
mon compagnon de vie,
de l'enfance au présent.

Que la mort te préserve
et t'oublie sous sa faux,
tant tu sais nous donner
de feu et de sagesse.

Et que toujours tu vives,
au cœur de nos pensées,
comme un guide et un rire,
à l'heure d'exulter.

samedi 10 août 2024

L'amor i l'amistat

A la Roser i a en Paco

Els escoltava ambdós,
l'amor i l'amistat,
parlant de les lectures
que l'estiu ofereix.

Asseguts a la taula
de l'esmorzar comú,
viatjaven per la terra,
xarrupejant cafè.

Van ser hores boniques,
la llibreta a la mà,
destapant les cobertes
dels somnis del demà.

Memento mori

Sous l'arbre est le rocher
aux orbites vidées,
que la pluie a creusé
avec le vent du sud.

Les années ont passé
qui ont lissé la roche,
avisant l'olivier
de sa beauté fragile.

La lumière a baissé
sur la Tour de Galmès,
il est temps de rentrer
et de chanter la vie.



La cova de l'oli

És la cova de l'oli,
la foscor dins del sòl.
L'hipogeu revifat
per premsar-hi olives.

La sang grassa de l'arbre
deixada temps enrere
i que dona a l'airet
la flaire del record.

S'hi baixa amb el cap cot,
amb infinit respecte,
per retrobar del anys
la saviesa callada.



vendredi 9 août 2024

Constel⋅lació

Les ales de la mar
amb la calor del forn.
Uns triangles petits
en un llit de patates.

Una constel⋅lació
de vermell i de groc,
en un fons de negror
que convida a gaudir.

Terrasseta d'estiu
com un agraïment
a l'amistat constant
i a la nit serena.



mercredi 7 août 2024

La mar segons l'Anaïs

És la mar del desig,
del desig d'amistat.
La nena està pintant
dins de la cuina nova.

Una mar de colors,
amb el sol a la punta.
Sorra color de mel
i cel d'anyil profund.

Les ones són les borles
d'un vestit de princesa,
esperant la revetlla,
a la vora del mar.










© Anaïs Bourret Cauquil

Arribada

Has arribat a l'Illa,
de la mà dels amics.
Enmig de la calor
i d'uns mots de LLevant.

Refrigeri diví.
El pa amb el formatge,
els préssecs plans de l'oest
i l'aigua ben glaçada.

Fou una nit de somnis,
de ganetes d'escriure,
el balcó cap a l'oest
on és el vell liceu.

Passejareu tots quatre
entre parets tan blanques,
buscant la fresca rara
i la llengua dels avis.

jeudi 1 août 2024

Instantané

Le blanc et la couleur.
Le vide qui s'emplit,
un jeudi du mois d'août,
en bas de l'escalier.

La main est lente est sûre
qui a quitté la plage
pour la table où l'on lit.

Peu à peu le visage
renaît à la mémoire.
Les lèvres de l'artiste,
comme un doux papillon.

Et, sous l'accroche-cœur,
les doigts interminables
guidant la main très sûre
de l'artiste d'un jour.

La boîte refermée,
on oubliera la tâche
qui me tint en haleine,
un jeudi du mois d'août.

Mais que belle est la main
qui tire du hasard
ce lent cheminement
pour l'offrir au destin.



Impossible amour

Il adorait Yvonne
et elle ne l'aimait pas,
caressant de sa voix
la braise de ses yeux.

Pour elle, il écrivit
ses vers les plus sensibles,
avec ses doigts pour plume,
son cœur pour encrier.

Douze ans avant sa fin,
elle s'en fut la première.
Yvonne de Belgique
et Robert du Onzième.

mercredi 31 juillet 2024

Desnosienne anagramme

Des potages de lettres,
des potages de voix,
la salive tremblant
d'indignité subie.

Potages, gestapo.
Les signes se combinent
sous les dents du poète
qu'on promet à la mort.

La faim ne pourra rien
contre qui la mastique.
L'infâme gestapo
est un vilain brouet.

Desnos s'en est allé,
sous les coups des bourreaux.
Mais ses vers survivront,
avec leurs jeux de mots.

L'envie de liberté

Au bout était la mort,
le couloir sans fenêtre,
la douleur de la marche
qui ignore son but.

Le poète épuisé
devant les miliciens.
Qui croit qu'une fourmi
peut mesurer si peu ?

Les feuilles qui s'envolent,
la plume desséchée,
et, jusqu'au dernier souffle,
l'envie de liberté.



J'ai aimé

J'ai aimé leur amour,
à ces deux flibustiers,
délaissant leur goélette
pour le thym des montagnes.

J'ai aimé le vertige
du tranchant de la mer,
le cap où ils s'aimèrent,
un matin de juillet.

Une vieille R6,
la blancheur qui s'écaille
et, sur la moleskine,
des larmes de bonheur.

J'ai aimé leur désir
à ces déshérités.
Leurs mains qui se serraient
et l'air qui pâlissait.