vendredi 23 décembre 2016

Com caminant per la boira

Com caminant per la boira,
un matí fred d'hivern,
entre gebre i ginebra,

he perdut el sentit de l'amor,
me'l busco, fins i tot em figuro
que no l'he conegut mai, com si

patís una curiosa malaltia. Mes
m'obsessiona tant la pèrdua o
la fatal desorientació que em dic

que encara hi crec, que l'amor no m'ha
deixat. De moment. Llavors em fixo en
els amors aliens, la felicitat de qui

va de bracet pels camins sense boira
i beu del porró d'or un vi dolç de
remembrances i d'avenir somiat.

vendredi 16 décembre 2016

Ce que Wikipedia ne dira pas

En écoutant Quem é Quem de João Donato... 

Sa silhouette ombreuse à l'ombre des voûtes froides,
le travail jusqu'à pas d'heure, comme un cri de craie
sur un tableau désert. Les allers-retours incessants
entre l'école des enfants et la demeure ingrate.

Ce verre de vin épais et sombre qui laissera sur les
bords des baisers qu'elle réserve à celles et ceux 
qui seront un jour et qu'elle tient encore à distance.

Les commandes impulsives sur le conseil d'un ami, les
lectures sans cesse repoussées, la gratitude devant le

style de qui, en trente-neuf lignes, ramasse son feu clair.

lundi 12 décembre 2016

Entre anys, entre llengües

Se m'ha trencat el rellotge dels dies
i de les cares i la pantalla díscola
es diverteix oferint-me missatges

abandonats, deixats de la mà de déu
o dels diables. Avui, per exemple, m'ha
tret de la màniga un AS: les inicials de

L'Anna Serra, amiga sense ser amiga,
entre dues llengües, amant de mots
i gests de carrers que, un dia, va beure

de la mateixa font que jo. Apropa't,
Anna, i mirem dins del cau de lluna.
Silenci i foscor, dolor d'ulls atents,

deler tendre de la imaginació. A veure.
A beure. Què ens inventem? Estrelles
ben grosses? Una supernova, potser

vendredi 9 décembre 2016

Entre dues espases

Com el conco adorat, entre Menorca
i Rosselló, veig, entre París i el
Migdia, les línies groguenques dels

meus recorreguts passats. Els arbres
nus del Palais Royal em parlen de les
fulles verdes de mon amor passat.

Aleshores caminàvem de bracet sense
saber que el temps ens seria robat.
Deliciosament. Passat, pas traspassat.

À toi que je n'ai pas aimée

Gracile et brune, si brune,
saisie maladroitement, dans un
couloir froid de mi-décembre.

Tu ne cilles pas et n'étaient
tes yeux, je jurerais que tu ne
parles pas. Tu es amour, tes mots

l'écrivent, tes enfants le reflètent.
À tes côtés distants, j'ai revu ma vie,
mes errances délicieuses, l'amour dont,

souvent, j'ai cru me corseter. La générosité
me faisait défaut, sous l'apparence trompeuse
du don et du partage. Je ne t'ai pas aimée,

je le sais, à présent je fais.

J'avais oublié

J'avais oublié d'écrire, jour après jour,
parfois d'heure en heure. Je passais
mes jours et mes nuits à lire, sur une

ardoise fine aux miroitements bistres.
Je buvais l'écriture des autres, originale
ou traduite, épaisse ou gracile, ancienne

ou improbablement actuelle. J'avais décidé
de laisser ma voix de côté pour m'ouvrir,
croyais-je à d'autres voies. Je m'étais trompé.

Les mots des autres exigeaient les miens.
Leur encre levait mon ancre et je suis reparti,
cahin-caha, vers mon vieux fleuve de l'oubli.


Colonnes

Minéral, le Palais Royal de décembre.
Les arbres alignés ont perdu leur feuilles
et leurs branches, serrées et alignées,
sont une réplique grêle des colonnades

pâles. Je reviens à la cour première, par
où j'étais entré, et je m'arrête devant
les colonnes de Buren fanées et silencieuses.
Je revois mon grand fils, il ya si longtemps.

Les approchant, il s'était dévêtu de ses habits
d'enfants, pour s'y élever, à la seule force de
ses doigts. Il m'avait dépassé en taille, il le 
faisait en force désormais. Il me le prouverait

plus tard, soulevant mon admiration muette. Les hommes
pleurent peu, dit-on, ils avouent rarement leur amour.
Aujourd'hui, hiératiques, les colonnes rayées m'en ont
prié. Et je pense avec amour à mon grand Xavier,

aux doigts d'acier.

lundi 28 novembre 2016

Naissance d'un poète

C'était un vendredi soir. Comme un grain
breton sur une vitre sans tain, les pleurs
s'étaient abattus dans les yeux d'une mère

fourbue. Son fils petit ne savait que faire,
il tournait, l'entourait de ses bras timides
et incertains. Quand, soudain, il eut une idée.

Il prit une feuille et s'empressa de faire comme
son père qui, autrefois, l'avait charmée. Il dessina
et écrivit, tordant la langue à son désir, de l'amour

les vers les plus achevés. Les pleurs cessèrent, comme
l'arc-en-ciel, sous le fait du soleil, incurve parfois
les lèvres. Un poète était né. Qui longtemps nous enchantera.


Noltros sis

(picant-li l'ullet a la Mercè Ibarz)

A poques passes del pis d'una novel·lista estimada,
una illa al bell mig de la ciutat, com una reducció
olorosa de s'illa nostra, tan propera en la llunyania.

Érem cinc, perdó: sis, que el fotògraf no hi surt al seu
clixé; haviem dinat bé i visitat un estudio fora del temps,
és a dir molt més temporal que cadascú de nosaltres,

emportant-nos litografies primes i tranquil·les. Xerràvem.
Xalàvem mentre la tarda trigava en acabar-se. Es barrejaren
els accents. Del nord, de l'est i del centre. Xaloc i garbí

es partiren la conversa. De cinema i literatura. De llengua, 
també. Sobretot, potser. Al balcó d'un pis del fons, tres 
llençols penjats ens ensenyaren a cremar la nostra bandera 

per a assaborir-la millor. S'aproximaven «las cinco de la tarde»
lorquianes. Res de toros ni de banyes sangonenques, però. Catalunya
triomfant ens segava els vents i s'independitzava, per fer-nos millors.



dimanche 27 novembre 2016

Une aiguille, quelle aiguille ?

à A.B., père et fille.

Le chemin était long et étroit,
empierré et poudreux, l'homme
marchait lentement, ne sentant

rien de la chaleur qui brûlait
ses épaules. À un moment, sans
qu'il n'y prît garde, une épine

entra sous son pied gauche, le pied
du cœur, sec et déchaussé. La marche
s'entrava, peu lui importait, il allait,

faisant son chemin à sa guise comme
Antonio Machado le lui avait enseigné. 

À un moment, un autre, sans qu'importât
la durée qui le séparait du premier,
l'aiguille chut et la blessure, aussitôt,

se referma. Un sourire apparut, sa tête
dodelina, avec un grand A et il reprit
sa route, son ombre tiède à ses côtés.



jeudi 17 novembre 2016

Un café

Hasard de la nuit. La correspondance
ratée d'un cheveu, les barrières levées,
une place inconnue. Un café m'accueille.

Le café. Celui qui m'habite depuis que Pépé
a vendu le sien, il y a cinquante ans. Je traîne
ma valise, le café, qui allait fermer ses portes

me les ouvre. Clients souriants, sur le départ,
la patronne, derrière son comptoir. Belle comme
la nuit. Voix cassée. Un soupçon d'accent portugais.

Les voix s'enflamment, elle sait les calmer, invitant
à la confidence, sans rien montrer de sa vie. 
Noblesse naturelle, à mille lieues des marquises

de pacotille. L'heure tourne, une autre correspondance
approche, je vais devoir partir. Le sourire aux lèvres.
J'ai retrouvé l'esprit du café de Pépé. Je suis bien.

Obrigado.

L'anniversaire d'un phoète

Les phoètes sont rares.
Leur anniversaire encore
plus. Entre automne et
hiver,

chaudement disposé au
mitan, j'en connais un qui
sourit, en roulant sa clope
parsimonieusement.

Bouche close, tout juste ourlée
de mousse rousse. Non, Juju,
ne t'inquiète pas, c'est de bière
que je parlais.

La journée commence à peine.
Il en sera le centre recevant les
hommages des amis, de l'aimante.
Moi, dans mon train,

j'attendrai un jour de non-anniversaire
pour avec lui de la ville arpenter le
passé. Lui avec son  appareil, moi avec
ma plume, riant tous deux comme

larrons en foire.

Sa voix

Je ne la connaissais pas.
Je me l'étais imaginée, bien sûr,
quand, pour la deuxième fois,

en proie au mal, soucieuse pour
ses enfants, elle s'était évanouie,
me laissant le silence pour parfum.

Ou dans les chaudes inflexions de
ses amis, une heure durant, parlant
d'elle, la citant, la récitant.

Grain clair-obscur, un peu gros sous
les doigts, comme semoule de kamout
ou grève de la Côte Vermeille.

Puis elle m'est venue, sans crier gare,
à deux pas de la place Wilson, dans un
café étincelant sentant la friture bon

marché et la hâte incessante des étudiants
vers le soir. Ce furent d'abord quelques
minutes. Impérieuses, dictées par une courte

visite à un ami sien, curieux libraire au
pandémonium moisi et au nom stendhalien.
Coupées par le réveil du petit, se blotissant

dans la chaleur maternelle. Puis le temps nous 
fut donné, en amples nappes, sans limite.
Curieusement, j'étais intarissable, lui narrant

ma vie par ses bords singuliers. Je lui laissai
peu d'espace, elle sut s'y glisser. Avec son rire
unique, amusé, dans la spontanéité d'une enfant

s'abreuvant à la source, avant de se coucher. Elle
me donna sa confiance, dès le début. Son cou endolori,
sans qu'elle n'y fît attention, se dégagea de l'étreinte

d'une écharpe enfiévrée et, dans les interstices, que,
volubile, à peine je lui laissais, elle m'apparut 
tout entière pour ne plus jamais me quitter.

mercredi 16 novembre 2016

LIVRE-OBJET

Butor. Encore et toujours
que la mort s'essoufle à effacer.
Non plus celui de La modification,

mais l'universitaire de mes premières
années et son Répertoires-II, usé par
mes yeux incertains. L'amour du livre-

objet ne l'a pas attendu, moi qui m'enivre
à les flairer, mais il l'a conceptualisé, en
en faisant sinon un viatique, du moins un

vademecum. La nuit est en son terme et
le jour tarde qui jalouse les lueurs du pavé
anthracite. Je suis à Toulouse en pensée,

porteur de deux volumes minces et silencieux.
Je les soupèse avec confiance. Leur encre
coule depuis longtemps dans mes veines.


mardi 15 novembre 2016

Nit d'amor

Una nit d'amor, de son profund,
estrellada i fosca, sense sentir
res de les ventades de gel.

Sense somni o gairebé. Nit de
silenci, de mots rars, d'hàpax
potser. La màgia de la tumba

viva com una pansa al cau de
l'orella. Deixa que l'occident,
Inconscient, es torni orient.

lundi 14 novembre 2016

Kumato de marché

Une poésie du cœur de la nuit,
comme une tomate noire que le rasoir
tranche, une kumato qui laisse s'échapper

quelques graines dans la liqueur dorée.
Une poésie pour toi, précieuse comptable
de livres et de mots au cœur de ton île,

de la mienne aussi. Tu attends, je le sais,
je te fais languir un peu, je t'ai imposé
dix minutes, je ne les excéderai pas.

Se donner et se retenir. Et si les mots,
choisis et échangés, n'avaient pas le même
sens ; si tes livres, malgré un nombre égal

de pages et une semblable reliure de veau
clair, ne racontaient pas les mêmes histoires ?
Qu'importe, tel le symbole grec, les deux

moitiés de la tomate kumato se rejoindront
et, en silence, réapprendont à lire ensemble
les paroles si longtemps oubliées.

mercredi 9 novembre 2016

Une fleur

« La mort est le sort commun des hommes, 
et c'est folie de n'y pas penser.» 
                               (Montaigne, Essais, I, 19)

Une fleur, mais pas l'absente de tout bouquet
ni celle des couronnes mortuaires, des rosières
ou des candidats élus. Une fleur de bitume,
quelconque.

Une migrante des champs, réfugiée à la ville,
au hasard des rafales. Une fleur rudérale,
saxifrage à force de patience. Le ciment 
se disjoint

et dans l'arène engendrée, la graine pousse
et se développe. Tige gracile, d'un beau vert
clair, parcourue d'un duvet fort malgré le
tremblement.

Et qu'importent les noms que les langues lui
prêtent. Poppy, amapola, rosella, coquelicot,
elle vit fière et enlumine la grisaille 
des rues.

Jamais ne la coupez et préservez-la des maisons
blanches et des tribunes marines. Passeront les
politiques au fard terne, son rouge leur survivra,
il crie ma liberté.

mardi 8 novembre 2016

Deux voix

à P.G. et J.P.

Deux voix. Deux voix amies.
Aussi dissemblables qu'égales,
enfermées dans l'obscurité de
fichiers à suffixe. Interminable

litanie de uns et de zéros, de blancs
et de noirs. Et voilà que je les dévoile,
un temps, un temps seulement. Une à deux 
minutes chacune, un peu d'éternité

hors du bocal. La langue prend vie, les images
s'échappent des contraintes de la typographie
soignée. Au diable la douceur du vélin, l'odeur
de l'encre oubliée au fond de l'entrepôt.

Nulle guitare, nul projecteur. La voix dans son
grain brut. Dédoublée. Pour l'une j'ai dû jouer
de filtres, la ville nous ayant étoupés. Pour 
l'autre, saisie dans la pénombre de l'étude,

je suppose, je n'ai rien fait que de m'en émerveiller.
Ces voix, digitalisées au fond de ma musette, je les
emporterai avec moi, des rives tolosanes aux rivages

de mon île. Je les ferai entendre sur fond de texte brut,
pareillement retranscrit et traduit. Et puis j'écouterai,
dans le silence des cœurs, la voix unie des poètes qui,
un jour, un seul, se dissocièrent pour se retrouver à jamais.

vendredi 21 octobre 2016

Dos regals, una mateixa amistat

M'han regalat dues obres de paper.
Un bitllet de loteria prim i un llibre
gruixut. Els dos a tot color i olor.

D'origen i ús distint. No jugo mai
a la loteria però llegeixo molt.
Un home i una dóna me'ls han oferit.

De bon cor. I en observar el bitllet,
olorar i començar a llegir la novel·la,
retrobo mentalment la rialla de la Merche

i el somriure del Màrius. Quins regals
magnífics. Em sento l'home més feliç del
món. I si els meus versos us semblen fats,

és perquè m'he descuidat l'estil i la
voluntat de deixar rastre efímer. Ara el
rastre és seu i la meva gratitud immensa.


jeudi 20 octobre 2016

Le parti-pris du belvédère

à L. R.

On dit que le paysage est né
au XVIe siècle, avec l'individu.
Portion de territoire embrassée
par le regard personnel.

Le belvédère a suivi qui soignait
l'observation en la délimitant.
Une amie très chère m'a dit

qu'elle aimait le mot. Je l'ai 
écoutée puis je me suis interrogé.
Comme elle, j'aime les belvédères.

Mais mes belvédères sont intérieurs.
Parodiant le diable boîteux de Lesage,
je me place dans l'angle ombreux

d'un café et je bois la vie alentour.
Conversations d'amies sur fond de jeux
télévisés, vaisselle parsimonieuse

derrière le comptoir. Allées et venues
des clients habituels qui, vieillissants,
y mendient leur salut quotidien.

Tenez, ce soir, à l'heure où les chiens 
ont des dents de loup, je me suis assis
dans un quartier oublié de tous

et qui donna pourtant à la France un premier
ministre renégat. Et là, au Quimet, tout contre
les vitrines de mignonnettes dépoussiérées,

j'écoute, regarde, et deviens homme, à petites
lampées. Que serais-je sans ces habitués qui,
sans le savoir, m'ont ouvert les bras ?




Cafeteria Berlin

Diagonal, cantonada Muntaner.
Són les quatre. «Stand by me»,
sona en italià. Quants anys...

Hi solia venir anys enrere,
com per a prendre-li el pols
a la ciutat. Música, gent,

converses. Pols... Tanta pols
pels carrers i el temps que
m'està despullant l'ànima.

Ganes de viure, senzillament,
com m'ho ofereixen amigues i
amics. D'escriure també,

amb poques exigències. Fixar-me
en la cambrera, la seva rialla,
el seu accent argentí quan

proposa una «tarta de queso»,
abans d'emprendre el camí cap
al vapor de la màquina d'acer

inoxidable. Ja no parla el cambrer.
Escombra amb parsimònia, capcot.
Quantes idees. Em quedaré encara

uns minuts i seguiré el meu camí,
diagonal avall. Capcot? Rai: cap
al Clot per a preparar-hi l'estada

d'una amiga tan preciosa que la ciutat
es nega a prendre-me el pols per a 
saludar-la amb sons de cello morat.




mardi 18 octobre 2016

Le phoète i el foeta

à Lionel Itié et Pau Gener

J'ai deux amis à l'œil vif.                      Tinc dos amics de l'ull viu.
L'un est phoète, il voyage                      Un d'ells és phoète, viatja
entre lune et étangs.                               entre lluna i estanys.

Cela fait bien des années que                 Portem anys i panys collint

nous cueillons le monde, lui avec           el món, ell amb el seu objectiu,
son objectif, moi avec ma voix               jo amb la veu com eina.

Nous avons déjà un livre dans notre       Ja tenim un llibre a la nostra alforja

besace et les images éveillent sa            i les imatges li desperten
voix qui les épouse juliennement.           la veu, unint-se julianament.

L'autre ami, je le connais si peu.              L'altre amic, el conec tan poc.

Il est foeta et ne le sait pas.                    És foeta i no el sap pas encara.
Sa lumière emporte la voix                     La seva llum s'enduu la veu

des rhapsodes de mon île adorée dels rapsodes de la meva illa

Promeneur inlassable, il me montre         adorada. Passejant tafaner, m'ensenya
le chemin de la vie. Silencieusement. el camí de la vida. Silenciosament. 
  

lundi 17 octobre 2016

Un rire

Inattendu. Mes yeux se lèvent
et la découvrent. Un mot, ou deux,
je plonge aussitôt. Je ne la regarderai
plus. Elle a à faire. Et à lire.

Je revis son rire bref, comme les orateurs
anciens faisaient rouler les galets en bouche.
Peu importe la raison de cette brisure.
Elle est libre et signe

l'individu au milieu de la masse en mouvement
des clients d'une cafétéria ordinaire. Elle porte
un imperméable clair cintré. Je ne vous en dirai pas
plus. Il est seize heures vingt et l'instant s'installe.

dimanche 16 octobre 2016

Et si...

Et si je prêtais ma voix ?
À la lecture d'un poème,
à un pastiche, une rare
performance.

Un spectacle lointain, déserté
par la pluie et les pleurs,
ravagé par la lumière aveuglante
de confessions intimes ?

Je n'y perdrais rien. Une fois prêtée,
la voix me reviendrait, plaisamment,
et je rirais volontiers de
l'apauvrissement

de sa digitalisation, bit à bit,
comme les cendres de l'ami couvrent
la silhouette du Dude du Big
Lebowski.

Si je prêtais ma voix, elle ferait
sourire, tout au plus, mes copains,
habitués aux facéties d'un orateur
déplumé.

Mais je me mentirais. La voix ne se
prête. Elle se confie ou se donne.
Un jour, aux vieux ne plaise,
je le ferai.


vendredi 7 octobre 2016

Patiemment

Patiemment j'effeuille la bibliothèque des années
tendres de ma mère. En Lorraine, au Maroc puis dans
le Nord. Des volumes bon marché, aux reliures de verre

et aux pages grises, malodorantes et qui me captivaient.
À la différence des cahiers rose de l'hebdomadaire Elle
qui m'initièrent au corps de la femme et que je lisais

à la dérobée, je n'allais pas plus loin que les titres,
en remettant la lecture à des lendemains dont je ne savais
si la vie me les offrirait. Je sens l'heure venue. 

Et patiemment je m'y engage. Après Bonjour tristesse et
le Rempart des Béguines, viendra la série des Claudine
de Colette. Un long chemin vers la libération de la femme

qu'elle connaissait par le menu mais dont, mère admirable
et épouse subjuguée, elle ne sut pourtant pas goûter les 
fruits enfin mûris. Jusqu'à cet été d'une libération inattendue.

Une feuille de laurier

Une feuille de laurier,
détachée de la couronne
divine. L'alpha et l'omega

d'une rencontre improbable
dont il aurait juré qu'elle
était le fruit de la fantaisie,

n'était l'amie fiable qui lui
avait confié son nom. Un petit
travail les avait rapprochés,

voici quelques semaines. La traduction
de huit poèmes d'un auteur de lui aimé
sans qu'elle n'en sût jamais rien.

Elle habitait loin, entre deux villes
dont elle ne parlait jamais. Elle aimait
la menthe poivrée, le silence et la pénombre.

Sa cuisine était voûtée, telle l'orbe d'un monde
en petit. Elle traquait la souffrance, la pressait
comme un citron avant de la crire sur le clavier

d'un vieux Mac barcelonais. Le travail bouclé, 
il pensait ne plus la relire. Ou à l'occasion,
à Pâques ou pour la Trinité. Le temps les distinguait

bien plus fort que l'espace. Elle ouvrait les yeux à
la vie quand il revenait du collège sur un vélo aux
roues voilées. Et l'échange, étrangément, s'accéléra.

Les mots étaient brefs, allusifs. Un implicite naissait.
La collusion de l'assassin et de sa jolie mémorialiste.
D'elle, il avait appris l'accessoire, comme de l'État civil,

mais aussi l'essentiel. Des rencontres fortes et définitives,
deux enfants aux prénoms de fado et de fatum, qu'elle aimait
par dessus tout. Elle lui demanda de ramasser sa vie sur une

page de pixels, d'une langue convenue mais consciente de son
originalité. Il aurait pu l'aimer. Elle avait mieux à attendre.
Le soir tombait et le vent atlantique l'appelait.

La peine est bleue

La peine est bleue, le soir,
dans la lumière artificielle
du cosy. En feuilles d'acanthe,

en volutes sages et douloureuses.
Je ne le savais pas. Ai-je connu
la peine, latente, corrosive ?

Bien sûr j'ai été triste, triste à en
mal vivre. Mais peiné ? Je ne sais,
moi qui jamais ne fus femme ni mère.

jeudi 6 octobre 2016

La chemise

Elle traverse le pont neuf, sans voir, à droite
l'antique cathédrale. Elle marche vite et le trottoir
est étroit. Elle a quinze ans, ou seize, ses oreilles

sont cachées par de gros écouteurs roses, relief ultime
des peluches enfantines. Il fait encore chaud malgré
l'arrivée de l'automne et elle a noué autour de sa taille

une chemise blanche et noire aux motifs qui m'échappent.
Je n'en saurai pas plus. Pourquoi pensé-je soudain à sa mère,
au terme de la ville, lavant puis repassant la chemise nouée ?

Una mare

Diuen que la tardor s'instal·la,
no la veus. Un sol implacable et
força a fregar els edificis foscos.

Mes en tornar a casa, t'adones d'un
silenci nou, fred i no pas tebi.
La gata no apareix per a festejar-te

o reprotxar-te l'absència. L'habitació
que t'has decidit a llogar és immensa.
Els llençols rebregats encara fan olor

de les rialles del fill estimat. Endreces
la casa, li dónes (amb diacrític) un caire
distint i igual. Com s'hi trobarà la noia

francesa que vindrà aviat? No pateixis, no
t'amoïnis. S'hi estarà bé. La mar de bé.
Com el fill petit a Terrassa. I ja veuràs

quan torni, aquest petit gran aprenent de
comediant, t'ensenyaràs coses i et semblarà,
encara més homes i valent. Xalaràs. I m'ho diràs.

dimanche 2 octobre 2016

Cum grano salis

Un grain, un seul, tiré de la terre
de Silésie ou chipé sur le bas-côté
des salins d'Aigues-mortes.

Le plus beau des diamants sous le froid
microscope ou un escalier pyramidal dans
ta cité de verre.

Un grain pour bousculer l'ordre et briser
les échelles. Lilliput, montre-moi ta folie,
je m'y reconnaîtrai plus qu'un amant anglais.

Le cacher dans la poche du blouson, tout contre
la couture et, sans qu'elle s'en aperçoive, d'un
trait de plume, le déposer sur la lèvre inférieure

de l'unique. Le prisme pyramidal habitera alors
peut-être ses yeux et le bonheur t'emportera un
temps, un seul ; tout le reste importe peu.

A veure

A veure si algun dia escriuré en occità,
si se'm quedarà un alè de vida potent.

De moment, bec de les seves paraules i
dels consells que em dóna l'amistat.
Amb accent, que en això s'equivoquen

els acadèmics. L'accent és de cor,
memòria i passat. Les generacions

futures donaran en present sense accent
individual. Potser. O no. Però no ens 
el treuran mai i, si s'entesten, me'l

posaré circumflex: «Dôna». I a veure
si les dones em seguiran. Una, almenys.

Un bany

Un bany. No pas qualsevol.
Un bany de tardor de dues
amigues, entre roca i ones.

No hi era. L'una d'elles me'l
contà amb una foto i onze mots.
Com un regal al món, una petjada,

dues, millor quatre, que la mar,
cobejosa de vida s'empassà, però
que l'amistat profunda em dugué.



Quelques vers pour mon ami Lionel

Plus de dix jours sans écrire le moindre mot,
à boire les cailloux durs d'un poète de combat
au féminin si brun. Puis l'envie soudaine

qui se glisse cependant que le petit, à mes côtés,
mime l'écriture d'une pointe rose sur sa feuille
verte, avant de chaparder l'ultime flûte au fromage.

La tête me bat encore d'une soirée de cochonnailles,
vins et bourbons avec l'ami Lionel, primus inter pares.
Les mots chaleureux d'un présent encré de passé vécu

ensemble ou à distance. Le pudique côtoyait le graveleux
bon enfant. Que de rires et de devis sur fond de Marvin Gaye.
Bien sûr je pourrais vous en narrer le contenu dans le détail

mais ne le ferai pas, moins du fait des brumes croissantes
qui blanchirent la nuit noire que parce que l'amitié s'évoque,
se dit parfois, mais jamais ne se conte. Du moins n'ai-je jamais

su comment m'y prendre. Et qu'importe. En me lisant, lui saura.
Pour le reste, écran ouvert, à un bout de table, une maquette
de noir et de couleur attendait. Notre premier livre à deux !

jeudi 22 septembre 2016

La maison dort

La maison dort et l'air est frais.
Je suis le premier à me lever.
Le petit rêve encore, suçotant

le drap clair. La mère se repose
d'une vie de services bien mal
récompensés. L'air est frais,

le volet entrouvert laisse filtrer
la ville industrieuse. Les murs
sont blancs. Comme hier, comme il y a

quarante-six années, quatre mois et
bien des poussières. Que dorme encore
un peu la maison et me laisse écrire,

nostalgique, non tant d'un temps qui fut,
mais des bonheurs à venir et qu'il suffit
de cueillir dans la fraîcheur du matin.

Une mère en terrasse

Comme des millions, ou des milliards ?
Non pas. Et laissez-moi le croire, je vous prie
Quatre-vingt-six années et un jour pour se

retrouver dans le restaurant ombragé du figuier,
en terrasse, alors que s'impatiente l'automne.
Le repas sera frugal. De couleurs, de senteurs,

de surprises aussi. Le petit-fils ne tiendra pas
en place. On ne le grondera pas. Il y a mieux à
faire. Et toute une vie à retrouver. Et à continuer.

Sans-pareille

Vingt-six taches noires
sur fond blanc, qui se combinent
et se multiplient avec de curieux

chapeaux. De gendarme ou de guingois
ou bien faucilles sous la courbe jolie.
Nous les usons tous deux à profusion,

toi bien plus que moi. De jour comme de
nuit. Multiple. Sans pareille. Je me voudrais
poinçonneur ou ciseleur pour pouvoir t'imiter.

Un aniversari

Un aniversari, no pas un «cumple»
o un «anniversaire». Un «cumple»
perquè «no tienes nada con que

cumplir»
. Ets lliure. Un «anniversaire»
perquè no et dius Anna sinó Clara. Dia-
melic, dia-llombrígol. De mare a mare.

No hi seré, si bé el pensament m'hi durà.
Seran hores felices, entre les dues A de
la teva carn i somriure. Tan forts i clars.

El teu aniversari, a la mitjanit, s'acabarà...
Per a prolongar-se, com al món meravellós
d'Alícia. I serà hora que et vingui a visitar.

mercredi 21 septembre 2016

Neuve heure

Neuf heures. Une cerise gonflée, queue en bas.
Le soleil déjà haut, la nuit effacée par les textes
et l'angoisse d'un enfant au nom de prophète.

Le sommeil te tire en ses entrailles, tu lui tournes
le dos. Pas le temps, plus le temps. Le travail reprend
qui semble ne jamais avoir cessé. Écrire, écrire sans cesse,

et se renouveler. Sans se perdre. Sans te perdre. L'heure
est neuve à l'angle droit de l'horloge. Dossier inconfortable
pour qui voudrait s'y asseoir. Tes doigts cliquettent déjà,

je me tais.

Amalia



Je ne te connais pas mais ton œil d’enfant
me regarde, endolori. Angoulême,
engoulevent. Que le sel et l’iode atlantiques

sont puissants qui t’attirent à La Rochelle,
un dimanche sur deux, à cloche-pied.
Marelle. De la terre au ciel, une mère,

ta maman ne dort pas et écrit ta vie ,
dans des textes dissemblables,
sans rien en montrer. Une tapisserie

de la reine Mathilde ? C’est toi qui
me le dis ou moi qui me l’invente.
Et elle me parle de toi, tu le sais ?

dimanche 18 septembre 2016

Divagar

Per l'espai i per la ment, de nit,
després del sopar, quan ja es
perden les manetes d'or

dels rellotges adormits. Despertar
l'altre, en comptes d'acomiadar-se'n.
Perdre's pels camins, les voreres, la

ribera llefiscosa. Forçar l'idioma,
funàmbul entre discurs i llengua,
desig i moral. M'hi convides?

O t'hi invito?

Un cel de mel

Un cel de mel? A les fosques?
Impossible. La mel és lluna
casada amb sol.

Tss. Calla't i deixa volar el món.
Inventa't una conversa amb una
amiga desconeguda, o per

conèixer i aneu-vos-en, plegats,
per camins inviables fins una
platja de sorra fina. I de mel.

vendredi 16 septembre 2016

Retouch'mode

Au pied de la haute tour d'écailles
est un petit parallépipède de commerces
oubliés. PMU, boucherie, fruits et légumes,

ainsi qu'une curieuse mercerie, au lourd
rideau de fer, surmontée d'une enseigne
défraîchie mais qui a dû faire florès

en son temps : «Retouch'mode». Les écailles
de l'immeuble sont récentes, encore caparaçonnées
d'échafaudages. Une peau de nacre pour masquer

les errances d'un quartier à bout de souffle,
saigné de sa population. Il est huit heures
trente. Non loin, la sonnerie de l'école Annie

Fratellini a avalé les élèves éparpillés derrière
le grillage et le regard inquiet des mères voilées
en route pour LIDL. Une dame s'approche soudain

du rideau qu'elle soulève avec peine. Le chignon
ramassé trahit des couleurs lointaines, la blouse
est sombre, ajustée, et les lunettes, déjà perchées

au bout d'un nez court et épâté, anticipent les retouches
du jour, sous la lampe économe. Je n'en saurai pas plus,
la dame s'est émue de ma présence. Me prend-elle pour un

aigrefin aux maigres cheveux d'argent ou, pire, pour un
promoteur en mal de juteuses démolitions ? Elle est belle,
pourtant, à milles lieues des canons des magazines, cette

humble mercière qui, un jour, a posé sa machine dans un
quartier alors en devenir et, épuisée, par le glas lancinant
des jours maussades, s'y est enracinée. Memento vivere.

jeudi 15 septembre 2016

Trens

Des de molt petit, sempre he volgut
viatjar amb tren i fins i tot viure-hi.

Col·leccionava revistes, retallava cromos,
m'apuntava els rècords de les locomotores

BB. Passaren els anys. D'atzar orientat.
Gustós i sorprenent. I ara fa tot just un

any que visc, revisc i torno a viure aquella
fantasmagoria de la infantesa. Per a retrobar

els meus fills adorats.

mercredi 14 septembre 2016

Trésors de l'imperfection

La photo fait peur. Martiales,
des femmes défilent, un fusil
zébrant leur cœur et leur sein.

La scène est en Corée du Nord 
qui, pareille à d'autres empires,
naguère, se croit en place pour

mille ans. Mais, regardez de plus 
près, dans le détail. Nulle jambe
exactement parallèle aux autres,

ni même parfaitement raidie, nulle
expression identique du visage.
Délaissez le groupe et privilégiez

l'individu qui s'évade. Mille ans ?
Vaste fumisterie. Mais que de souffrances
au quotidien, sous la coriace pantomime.


Curiositats

Aprenc a parlar occità
i torno al català amb més 
força. Que el trobo a faltar,

aquest mosaic de llengües,
cares i somriures. L'illa tan
estimada, el poble costaner

on un intel·lectual europeu acabà
la seva cursa, el cap i casal,
falsament massís, fet de pobles

i de barris on el vespre, amb vermut,
et convida a més vida, sempre. Moritz,
Damm o San Miguel, qu'importe le flacon...

Salvar la zanja

a una actriu lluisenca

«Salvar la zanja», aquest és el castellà
que m'agrada. De mots, olors i remors.

El faig servir en sentit figurat, allunyat
que em trobo de les seves bases populars.

Penso en la màgia de la sala obscura en
silenci, en la rasa de foscor que ens separa

de la llum artificial de les paraules i dels gestos
dels actors. Un món en resum. Uns metres quadrats,

un parell d'hores. La vida en un mirall amb un accent
inconfusible. Fora de la sala, ben lluny de la rasa fosca,

hi ha un banc on la vida flueix igual i distinta, sense
entrebancs, sempre que la vegis amb ulls d'infant.

mardi 13 septembre 2016

Occitanejant

«Apreni a parlar l'occità,
una lenga plan polida».
Bogeria de l'impuls, retardat

des de fa mesos. Els fitxers, els llibres,
les veus antigues. Res de mecànic. Rere
cada paraula, hi ha una persona ; joies

i patiments. L'aprenentatge és difícil.
Costa. M'ajuda un amiga que comparteix
el mateix projecte de vida. En sap molt

més que jo. Sóc un pirata. Quan em perdo 
un mot, un gir, faig servir la llengua
estimada amb accent besierenc. No es deixa

enganyar mes el diàleg continua. D'aquí a 
un parell de mesos, a veure si seré capaç de 
xerrar, potser d'escriure. En llenguadocià, clar.