vendredi 7 octobre 2016

Une feuille de laurier

Une feuille de laurier,
détachée de la couronne
divine. L'alpha et l'omega

d'une rencontre improbable
dont il aurait juré qu'elle
était le fruit de la fantaisie,

n'était l'amie fiable qui lui
avait confié son nom. Un petit
travail les avait rapprochés,

voici quelques semaines. La traduction
de huit poèmes d'un auteur de lui aimé
sans qu'elle n'en sût jamais rien.

Elle habitait loin, entre deux villes
dont elle ne parlait jamais. Elle aimait
la menthe poivrée, le silence et la pénombre.

Sa cuisine était voûtée, telle l'orbe d'un monde
en petit. Elle traquait la souffrance, la pressait
comme un citron avant de la crire sur le clavier

d'un vieux Mac barcelonais. Le travail bouclé, 
il pensait ne plus la relire. Ou à l'occasion,
à Pâques ou pour la Trinité. Le temps les distinguait

bien plus fort que l'espace. Elle ouvrait les yeux à
la vie quand il revenait du collège sur un vélo aux
roues voilées. Et l'échange, étrangément, s'accéléra.

Les mots étaient brefs, allusifs. Un implicite naissait.
La collusion de l'assassin et de sa jolie mémorialiste.
D'elle, il avait appris l'accessoire, comme de l'État civil,

mais aussi l'essentiel. Des rencontres fortes et définitives,
deux enfants aux prénoms de fado et de fatum, qu'elle aimait
par dessus tout. Elle lui demanda de ramasser sa vie sur une

page de pixels, d'une langue convenue mais consciente de son
originalité. Il aurait pu l'aimer. Elle avait mieux à attendre.
Le soir tombait et le vent atlantique l'appelait.