vendredi 28 avril 2023

Frappe à ma porte

Frappe à ma porte, la nuit.
Elle est si légère et cédera
bien vite sous tes doigts.

Son bois est tendre, cru,
de peau et de désir et
sa charnière d'ongles fins.

Frappe à ma porte, le jour.
Je l'ouvrirai et, jamais plus,
je ne la refermerai.

jeudi 27 avril 2023

Main

Qu'elle est belle cette main qui frotte,
dans l'eau tiédie, les assiettes jaunes
où d'autres ont mangé, négligeant

de l'essuyer avant de la lui lui tendre,
sans la regarder, et de rire en buvant
le vin lourd des coteaux d'Aspiran.

Qu'elle est belle cette main qui rêve
à caresser le sable gris de l'embouchure
tiède du Guadalquivir oublié.

Oubli

Elle a oublié la douceur de la peau,
la douceur de la peau sous les doigts
de l'inconnu, au printemps...

Il y a longtemps, si longtemps.
Elle marche vite, la peau aveugle,
au chaud sous la flanelle lâche.

Nul ne la voit, elle oublie les miroirs
qui l'absorbaient tant autrefois.
Elle est belle et ne le sait plus.

D'une beauté rare et qui se moque
des cosmétiques et des bijoux,
mais qui s'éteint sous l'oubli.

mercredi 26 avril 2023

Au fil des lustres

Ils sont cachés d'avance et font partie du nombre.
La prose valéryenne recèle des vers pleins
qui font pâlir d'envie les amants du quatrain,
jetant une lumière sur l'écriture sombre.

Les années ont passé, bientôt suivies des lustres,
mais je sens dans sa prose, une envie de mesure,
comme un doux cliquetis, une saine morsure,
qui fait naître en chacun une ambition illustre.

Valéry est parti mais son reflet subsiste,
dans les cours du lycée ou de vieilles annales
pour philosophe en herbe à la figure altruiste.

Souvent quand vient le soir, je gagne le canal
où mouillent des péniches chargées de bien des Charmes
qui constituent bientôt mes plus précieuses armes.





Lecture

De noir sur du blanc, ou du blanc sur du noir,
ou peut-être de l'ivoire, du bistre, du sépia...
Silencieuse douceur pour enlever aux lettres
le tranchant de l'aigu. La lecture galope,
s'accroche et puis repart. Les yeux pleurent
déjà, devant tant de douceur. Le sommeil peut
bien attendre, tant que le texte avance.

Et si la lecture, soudain, était un vain voyage ?



Allure

Je m'abandonne à l'adorable allure.
Paul Valéry

Ne te soucie jamais des mots, mais de leur rythme.
Laisse aller les couleurs qui partent pour l'azur
et choisis, pour écrire, un multiple de six.
Les doigts de chaque main avec ta liberté,
qui en vaut bien un seul, quand la menace approche.
Qu'importe si un jour des fâcheux insolents
te trouvent corseté par la cadence intime.
Tu leur diras alors que, pour te libérer
de la prison sixtine, tu as abandonné,
au creux de ton sourire, la délicieuse rime
et que tu as choisi de naviguer en vain.

Il y eut cette lumière

Frente a la palma de fuego
que deja el sol que se va
            Antonio Machado

Il y eut cette lumière de franche humanité.
Le sang des parturientes pour effacer la peur
des vaincus épuisés sous le joug des vainqueurs,
errant de par les routes, sans nul droit de cité.

Il y eut Élisabeth, au tendre nom biblique,
oubliant sa jeunesse pour panser les blessures
des femmes éperdues, issues de trois cultures,
portant leur nouveau-né comme unique viatique.

Et puis il y eut l'oubli, les années d'opulence,
l'érosion d'un château qui avait tant donné.
Une humble vieille dame à la mémoire immense,

revenant au village, pour fédérer l'espoir
de tous ces mal aimés, roupie de sansonnet,
aux yeux des dictateurs riant de leurs déboires

mardi 25 avril 2023

Surprise

Il y a, dans la surprise, le goût sucré
de l'interdit. Le cornet de carton bleu
ou rose que l'on déchire nerveusement,

tout en en humant la fragrance douce.
Les doigts, longtemps, en porteront
la trace et les lèvres, espiègles,

prendront la couleur d'une gourmandise
de foire, barbe-à-papa ou pomme d'amour.
Il y a, dans la surprise, le goût de l'interdit.

Una sorpresa

Una sorpresa. Inesperada.
Un ventolí olorós d'abril.
La màgia d'una bruixa. 

Avet d'abril

Miracle de la colla. Tot i les diferències
d'individus i camises, dibuixaren, a finals
d'abril, al cor grisenc de la primavera:

un arbre de nadal, ample, generós amb 
infinits matisos de verd i blanc. Boles
de llavis vermells i garlandes de somriures.

Un espectacle inesperat, vella remembrança
de la màgia de Nadal amb, ja, una picada
d'ullet cap a l'estiu que se'ns apropa.
















© Marie Lopez

Una fotografia

Una fotografia. Senzilla. Estètica.
Expressar en un instant, humil, tot
el que aporta una sorollosa al món

festiu i fugaç d'una tarda d'abril al
bell vilatge d'Alenyà. Entre Marie
i Sylvie, silenci i respecte. I més,

molt més. Una comunió d'ànimes
de la bona gent. Unes persones
senzilles. Excepcionalment.













© Marie Lopez

Écrire...

Écrire... Pour qui, pourquoi ?
Écrire pour soi, écrire pour toi.
Voler au Dieu le secret des consciences,

des sensations et des sentiments. Partagés,
confondus, reconnus et non plus imaginés.
Écrire pour prolonger l'échange des yeux

et des voix, quand la vie taille à grands
traits son patron dans du papier cristal
et en marque chaque pas à la craie bleue.  

lundi 24 avril 2023

Jubilació

A l'Alain, ben segur

El jubilat jubila, cap cot.
Ha deixat la feina nocturna 
per dedicar la seva força,

immemorial, a l'associació
d'una vida o, com a mínim,
d'un quart de segle bo.

Passaran mesos i anys, però
el seguirem tenint al nostre
costat. Servicial. Sempre.






















© Fanny Jourda

De fusta bona

A l'Ilyess, arquitecte de demà

Flor de fusta. De fusta bona,
pacient i regular. Construcció pura i
sàviament descarnada, sense rostres

ni actituds, com un símbol depurat
de l'esperit dels falcons nostrats,
figures en moviment, d'estètica

fràgil i potent, que va dissimulant
els esforços individuals per cantar
la bellesa de la comunitat.






















© Sonia Jorio

Le coin des curieux

Je les entends rire à gorge déployée,
je les entends mais je ne les vois pas,
ces joyeux drilles avec qui je vivrai,

bientôt, la poésie sur un autre tempo.
Ils tiennent un coin réduit qui, peu
à peu, gagne de la voix, l'ensemble

de la médiathèque, jusqu'alors
assoupi au soleil d'un lundi.
Leur rire a cessé. Le soleil aussi.

J'aime...

J'aime entendre des langues que je ne comprends pas
et m'inventer le long chemin qui les a portées jusqu'à
moi. Savourer, derrière les inflexions, gutturales ou

sifflantes, le regard qui les porte, nostalgique d'un ailleurs
qui déjà n'est plus et qu'elles s'essaieront, patiemment,
à reconstruire, mot à mot, jour après jour.

J'aime devenir, fugacement, cet autre qui m'offre, sans rien
demander en retour, toute l'étendue de sa culture, dans une
poignée de sons jetée aux quatre vents. Angélus.

M'agrada...

M'agrada sentir llengües que no entenc,
escoltar-les, tancar els ulls i deixar-les
entrar, ballant, dins del meu imaginari. 

Caravana camellera que puja i baixa per
dunes d'inflexions sorrenques, deixant-me
sol i orfe al bell mig del desert.

M'agrada abandonar el confort dels idiomes
coneguts, i veure'm com un tuareg, aportant
la seva blavor al país de Descartes.

Et si le monde...

Et si le monde n'était, finalement
qu'une demi-coquille de faïence blanche
avec une anse pour l'emporter avec soi,

et, pour seul continent, l'océan brun
d'un café en fusion ? Et si, de le voir,
tourner dans la main, lentement, un midi 

de vacances, ne nous rendait-il pas,
l'espace d'un instant, l'égal d'un dieu
espiègle et négligent, délicieusement ?





















© Marion Guarinos

samedi 22 avril 2023

Encre sympathique

Si de Pise la tour attire mon penchant,
une boîte entrouverte, me ravit de ses lettres.
Sans aucune italique, elle enchante mon être
et me laisse orphelin du plus vieux de ses chants.

Fuyant les pis-aller, j'ose glisser mes doigts
dans la fente odorante dont elle se veut la Reine.
Mon cœur bat la chamade devant si peu de peine,
en me voyant déjà en devenir le roi.

Mais le repas se clôt, la boîte refroidit.
l'odeur jadis divine, n'est plus qu'un souvenir.
Étranger au passé, je rêve à l'avenir,

en inversant les lettres, de la boîte en carton,
j'essaie de faire naître la charmante Passion,
dont mon cœur a besoin devant sa Milady.



vendredi 21 avril 2023

Eau lustrale

Regarde mes mains qui s'abreuvent à la source.

Nulle page à tourner, ni couverture à caresser.

L'eau coule du ventre de la terre. Elle palpite.



Longue geste

 C'est un couple d'aveugles qui a fait cliqueter
ses cannes repliables avant de s'attabler. Douceur
de la parole échangée et des visages qui se penchent

l'un vers l'autre. Ils ne se voient pas mais se sentent
par chaque pore de leur peau et chaque grain de leur voix.
Elle est noire, il est blanc. Elle est jeune, lui âgé.

Les apparences s'envolent qui entravent tant de gens.
Pudiquement, je me détourne de ces personnes qui,
en un tournemain, écrivent la longue geste de l'humanité.

jeudi 20 avril 2023

Le Liberté

C'est un bar tout étroit où il fait bon attendre
que le soleil réchauffe les trottoirs de Trénet.
Le café y est bon, les clients entraînés
à partager ensemble ce qui ne peut se vendre :

la joie de converser, de refaire le monde,
en portant haut et fort leur accent narbonnais
tout en faisant trinquer un peu de Chardonnay
qui jette sur la salle des lueurs vagabondes.

Le matin y bouillonne, les places y sont rares,
alors que la soirée invite à s'y confier.
Il est bien mille lieux dans cet unique bar

où je sens fourmiller la noble humanité
qui, fuyant les manières,  y a droit de cité
et fait d'un étranger un nouvel invité.

Au sortir de la gare

Il y eut cette lumière, au sortir de l'express,
la foule bigarrée, les couleurs des tramways,
un monde familier devenu étranger
et, sous la marche lente, l'élan de l'allégresse.

Je mis bien plus d'une heure à retrouver mes marques,
le long de l'Esplanade, puis vers la Médiathèque.
Je cueillis des sourires, en longeant des rumsteaks
mangés gloutonnement par les voisins du parc.

Me voici attablé à l'ombre des vieux livres,
non loin de la piscine depuis rebaptisée
du nom d'un bétonneur aux avides visées

qui rit des socialistes devenus échevins,
dans cette noble capitale qui embaume le vin
et où pendant trente ans j'ai continué à vivre.



Le petit PMU

Chaleur des sourires.
Les verres tintent
et se vident lentement.

On craque une allumette
et la braise crépite
au soleil froid d'avril.

La conversation se poursuit
sur le seuil, le paillasson
glisse, gris de tas de pas,

de tant de sourires. Douceur
des années que le petit PMU
abrite, avenue Anatole France.

lundi 17 avril 2023

Funambulisme

Incansable funàmbul entre dues llengües,
formes regulars i escriptura lliure, sense
cap llibre publicat com Déu mana, o quasi,

però amb unes desenes d'obres primetes
i oloroses, com per ritmar el temps que flueix,
poema rere poema. Així em teniu,

lectores i lectors benèvols i així continuaré,
fins que la meva ploma s'enlairi per confondre's
amb l'escuma dels núvols de la Gardiola.

Escoltant converses

Escoltant converses. Tímides, tallades,
plenes de fórmules de cortesia. Porta
tancada bruscament. Vol d'orenetes.

La biblioteca torna al sopor d'un dilluns
al dematí. Arriba una nova veu, més jova,
encara més amarades de cortesia.

Allà, en la sala gran, els mainatges no deixen
de piular, alegres i somrients, aliens al sopor 
del lloc i desitjosos d'un bon espertinar.

Rodolant

Em rodegen llibres i deixo rodolar
la imaginació. No en llegeixo cap,
ni tan sols els fullejo. M'acontento

amb saber-los aquí, tancats, quiets,
a l'aguait d'un lector inquiet, curiós,
o, senzillament, avorrit.

La meva casa és petita, de dues plantes,
la biblioteca, en canvi té finestres mil
d'on surto pel món, sense moure'm.

dimanche 16 avril 2023

Mes doigts sur le tergal

Et j'ai laissé mes doigts glisser sur le tergal,
négligeant du matin l'invitation sereine
à me lever d'un bond pour mieux saisir la veine
du souffle poétique qui pour moi n'a d'égal.

Il est parfois fécond de refuser l'écrit,
l'urgence irrépressible de composer des vers,
pour deviner en rêve la table et le couvert
où l'on s'installera, sans un mot, sans un cri.

L'écrit est d'expérience et le lit une voile
gonflée de mille vents qui nous poussent vers l'ouest,
avec pour tout bagage, les nuits de belle étoile

où l'on ressent en songe la menthe et la gineste.
Avant que de céder au sommeil gris et lourd
qui cuit déjà des vers dans l'antre se son four.

Pobles invictes

Chi mi portarà nella città dei sogni?
Per què em venen en italià aquestes
paraules d'invitació.

Aquesta ciutat que no conec i que desitjo
és la forma quadrada del poema, suposo,
amb els seus carrers de casetes negres

emmarcades en blanc. Món immutable, serè
i que invita, a cada cop, a inventar-se
d'altres pobles invictes.

Prosa poètica

A l'Íngrid

Prosa poètica. D'acompanyament.
Ventolí de mots amb un pessic
d'elegància. O dos.

Alimentar-se de versos bons i
deixar vagar els dits pel teclat.
Escriure per agrair.

Sense pensar en el goig del lector
que llegirà els dos textos abraçats.
Els poemes. I la prosa poètica.

samedi 15 avril 2023

Gran lector gran

Picant-li l'ullet al Daniel

Un gran lector és un lector gran,
gran per la saviesa, no per l'edat.
Ha viatjat pertot, passant rius, pobles

i pàgines. A poc a poc, se li ha entrat,
dins de la ment, la ment dels altres,
clàssics o contemporanis, amb inquietuds

diverses, però totes orientades cap a la
generació d'altres lectors, funàmbuls
del destí, encegats per la tinta.

Absència present

Despertar-me de sobte
és prendre consciència
de la teva absència

i fer-ne el més valuós
dels presents. Així,
sense res més.

Somriure't i escriure.
Escriure poc i just.
Com una alenada.

Sommeils

Le vent se lève, il faut tenter de vivre.
                                Paul Valéry

Sommeils soudains, instantanés,
sommeils qui engourdissent et
réveillent d'un bond dans le soir

laiteux et venté. Conscience infinie
de la vie et du peu de marques vives
que j'y laisse alors que si peu d'heures

me séparent de la nuit et du silence
et tant de siècles des vers légers
et profonds de Manrique et Du Bellay.

Tallers

No talli la carn tendra
que m'ensangonaria els dits,
m'estimi més la tinta blava

que flueix dels bolis rosegats
o dels pots de pintura d'Arrels.
Me posi un nas de plàstic roig

i obri la meua maleta lila.
O bé m'aginolli al peu de cada
alumne del liceu i els llegeixi.

Plaer de cada instant, com si tornés
a la infantesa i aprengués de la mà
dels bons mestres el ver ofici de viure.

Ateliers

Aux élèves et aux enseignant(e)s
qui m'ont honoré de leur confiance.

J'aime ces ateliers qui m'ouvrent une autre vie,
au hasard des écoles, quand la porte se ferme
et qu'un vent de folie glisse sur l'épiderme,
avec, pour aiguillon, tout simplement l'envie.

Cela fait bien longtemps que je n'enseigne plus
mais j'aime ressentir l'ambiance de la classe,
la foi de l'enseignant qui jamais ne se lasse
et sourit franchement à mes airs farfelus.

Je croyais dispenser les fruits de ma pratique :
la couleur des images, le goût de la métrique.
Et voilà que j'apprends, dans la voix des élèves,

un rythme rénové qui me guide à son tour,
les mains tachées de gouache quand le soleil se lève
et lit dans un patron les plus beaux des atours.

Ball de valor i seny

Ball de valor i seny,
de calor i enginy.
Homenatge discret

i ple d'entusiasme
a l'amic David,
primus inter pares

que no deixarà mai
d'inspirar-nos pertot, 
amb mirada benèvola.























© Hervé Pi

Generacions

Primavera de vida i amor:
conflueixen i es barregen
les generacions.

Cadascuna genera, engendra,
les passes de l'altra i no hi ha
ni vell, ni jove, ni eixerit

ni maldestre, sinó un mateix poble
unit, vestit de verd i caminant
entre places i mercats.





















© Hervé Pi

El somriure i l'elegància

Somriure del Martí, elegància de la Celya.
Caminen de puntetes, lentament, despreocupats,
com si la gravetat no existís i la catifa negra

fos gespa tendra d'abril. Instants valuosos
que preparen els castells de demà, per places
i carrers d'un país mil·lenari.

























© Hervé Pi

Et si la mort n'était...

Només la mort fixa els poemes.
            Josep-Ramon Bach

Et si la mort n'était que celle qui fixe
le poème, que le doigt, tiédi par la vie,
caresse sur le marbre blanc ?

Si elle n'était là, parmi nous, aphasique,
aventureuse, que pour nous en faire mémoire,
sans franfreluches ni vanité ?

Alors nous en affronterions le visage ingrat
avec le sourire de celui qui se sait riche
de mots et prépare, des autres, le lendemain.

Des patrons en papier mâché

Et les mots s'envolent, sous le dais de plexiglas,
ils ont quitté l'ombre onctueuse du papier, de la classe,
pour courir le monde dans la voix de la crieuse.

C'est comme un défilé. De mode. Des patrons en papier
mâché. Longuement mastiqué, jusquà en tirer l'essence
juste, qui touche le cœur des passants arrêtés.

La crieuse s'en ira, pour d'autres horizons, les mots
retrouveront leur boîte en carton mais je connais des âmes,
au cœur de la première, qui, longtemps, s'en souviendront. 













© Marion Guarinos

Sàvia complicitat

Sàvia complicitat, serena.
Les amigues han deixat
de córrer i s'animen.

Tan distintes i tan semblants.
Unitat d'alenades i
gust somrient de l'esforç.

Quan s'apagui la sala
i tothom torni a casa,
les dues seguiran xerrant.

Quan tornen els somriures

Quan tornen els somriures,
l'aleta es fa papallona.
Més dolç és l'ofici de viure
que l'esforç que es dóna.

Aquesta és l'essència
dels castells. Fusta viva
dels cossos que encaixen
i no pas morta dels taüts.

@ Hervé Pi

jeudi 13 avril 2023

Amour silencieux

Qu'en est-il de l'amour, de l'amour qui se tait
et vole autour des yeux en nuées d'éphémères ?
Doit on le laisser vivre l'insouciance légère
qui préside aux actions que le cœur sait cacher ?

J'aime sortir le jour, à l'heure du laitier,
et voir sur les visages sa marque silencieuse ;
le sourire mutin de l'habitante heureuse
qui s'en va au marché raviver sa moitié.

Au diable Valentin et ses colifichets.
Il n'est aucun besoin de signe ni de mot,
quand, sur un seul regard, le cœur se sait fléché

par quelque Cupidon et son fin chalumeau.
Si l'amour ne meurt pas, c'est donc qu'il sait passer
de personne en personne, sans jamais s'effacer.

mercredi 12 avril 2023

De Catul el cau

Fugint del cald caos
de la ciutat en ruïna,
m'he trobat un cabal

que no té preu ni veu.
De Catul el cau fosc,
sense cap capità

que m'en pertorbi el cap
o la calba corona.
I m'hi he adormit.



Abstractions (I)

Tu as voulu choisir la forme régulière,
et les alexandrins au charme redoublé.
Ta vie s'écrit en six, délaisse donc les rimes
et les strophes carrées comme un vilain bouquet.
Tu ne sais que trop bien que la clarté messied
aux rats de bibliothèques qui lui préfèrent l'ombre.
Bientôt tu sortiras arpenter la campagne
au bras de celle que tes lèvres ont dessinée.
Elle connaît la vie qui court entre les herbes
et les branches de buis qui meurent à l'aurore.
Laisse-toi donc guider et voile ton regard,
sa voix est capitaine d'un joli brigantin.
La ville s'est enfuie que l'on croyait de pierres.
Le clocher seul surnage de l'épaisse fumée.
Si le soleil se couche, gagnez tous deux le large
et oubliez des prés la douceur veloutée.
Choisissez donc une île et plantez y la tente
comme font les bédouins, allant toujours vers l'ouest
en quête d'un pilote, Mermoz ou bien Saint-Ex.
L'alexandrin t'enchaîne et ce n'est pas sa langue.
Son cœur est catalan et tes vers s'y déchaînent.
Laisse donc faire l'île et sa peau chantera.

Où est donc ta cachette ?

Oramus, si forte non molestum est,
demonstres ubi sint tuæ tenebræ.
                                Catulle, LV

Me sera-t-il donné, après tant de matins
à griffonner assis dans une bibliothèque,
le plaisir vif d'écrire, sur un meuble de teck
de longues poésies au charme diamantin ?

C'est comme une addiction, ou bien un mal honteux,
que de toujours écrire, quand d'autres sortent boire,
dans un estaminet, le vin de la mémoire,
avant de remiser leur vieux plumier douteux.

Qui suis-je pour vouloir égaler un Catulle
ou bien un Paul Verlaine quand le temps m'est compté
et mes semelles vents ? Précieuse soixantaine

sans réel piédestal. Je conte des fredaines,
et quand je crois courir, la frontière recule,
me laissant démuni devant tant de bonté.


Cuisses plébéiennes

En hommage à Guy Goffette

J'aime les rues sonores de cette ville ancienne
qui couvent au soleil des désirs insensés.
On les croit immobiles, sans songes ni pensées,
alors qu'elles nous dévoilent leurs cuisses plébéiennes.

Il n'est que de songer aux trottoirs éventrés
criant aux quatre vents leurs rêves d'absolu
et aux passants pressés, jetant leur dévolu
sur les ombres rapides qui veulent folâtrer.

Si la ville est si sage, c'est qu'elle est délaissée
par les couples popotes, englués dans l'ennui,
et les fous orphelins qui sortent à minuit

courir dans la campagne, sans trêve ni repère,
oubliant à l'envi les charmes de leur mère,
cette ombreuse cité qui jouit du passé.

Grande cuisine et poésie

Il en est de la grande cuisine
comme de la bonne poésie.
Blancheur du cercle pur

qui l'enserre, en resserrant 
les mets. Couleurs, formes,
l'œuf dans l'eau et le couteau,

toujours menaçant, qui défera
l'harmonie pour édifier, yeux clos,
le souvenir durable.

























© Vincent Bourret

Floretes d'abril

Quines són aquestes floretes grogues
que surten de la terra resseca d'abril?
Casualitat lleugera que voreja el camí,

recordant-nos, a cada passa, el preu ver
del nostre amor, fet d'hores, dies i mesos,
al cor de la fredor o enmig de la canícula.

Saba capil·lar i constant que aconsegueix
treure del terra estèril una estora daurada
per on viatgen els nostres pensaments.



mardi 11 avril 2023

A la mida

Ja és primavera i les meves mans
fan olor d'herba fresca. S'obren
els dits com tisores famolenques

retallant fulles, branques i fulls.
Paraules de mainatges, frecs i passos,
corri entre pintades i collages

per arreplegar-los tots. No hi arribi.
No passa res. Ja neix el llibre i senti
com les seues mans me'l cusen a la mida.

Tendre légèreté

Quand s'entrouvre la main, toute veinée de rose,
la roche silencieuse se givre de couleurs.
Tendre légèreté qui ressemble au bonheur
et sait de son violet attendrir le morose.

La terre se craquelle sous les pas amoureux
et la poussière fuit l'habituelle prison
où la condamne l'absence d'horizon
qui n'existe jamais que pour les gens heureux.

Fuyant les gros diamants et les carats honteux,
je connais deux amants qui savent récolter,
d'entre la terre brune, les vraies pierres précieuses

et s'en font des colliers et des joyaux sculptés,
à l'insigne valeur pour cadencer le temps
qui les guide tous deux vers leur premier enfant.






















© Vincent Bourret

Funambulisme

Al Micka i al Bouba

Mosseguen el coll de la camisa,
com si fos fulla de primavera,
s'agafen fort i amb confiança,

amb el cap dins del cel tan blau
del Rosselló. Funambulisme ver,
sense corda ni cable, mes gràcies

a la solidaritat anònima dels baixos.
Pètals rojos dels mocadors nuats
qua canten la vida i la calor humana.



lundi 10 avril 2023

F...

Entre verd i blanc, creix la mainada,
que sigui de castells o bé de falcons,
segueix el bon camí. Exigent i ver.

Amb la F de la falç dels antics Segadors,
dels moderns Falcons i de l'indispensable
falcar de les crosses humils.

F de força, de folre i de felicitat, de fer i 
de festejar. Ales obertes al vent i res, 
res de res, de l'indigna falsedat.













dimanche 9 avril 2023

Joyeuses Pâques

La pierre est retirée et le linceul roulé,
le mystère s'instaure aux yeux des habitants.
Le soleil déjà haut et le feu crépitant,
les foyers se préparent au noble déroulé.

Les siècles ont passé, je dispose des œufs,
dessous mon arbre en or, jusqu'à la plante verte,
où se dresse un lapin, à la figure inerte.
La maison silencieuse fera bien des heureux,

quand sonneront les cloches au cœur de mon village.
J'aime la tradition qui rompt le pain à Pâques
pour prolonger un brin les offrandes des Mages,

étrangère aux tracas, aux hypocondriaques
qui salissent les jours où notre soleil luit,
quand on veut simplement goûter le temps qui fuit.




© Roser Blàzquez Gómez



samedi 8 avril 2023

Impression soleil levant

À Corinne et Paco, entre trois langues et deux terres.

Quelle est cette lumière, qui déchire le ciel ?
L'or tendre des anciens qui caresse les drisses
ou bien tout simplement la chaleur des épices
qu'un homme de cette île a préparées pour elle ?

Je vois dans cette scène la chaleur de l'amour
d'une dame de l'Est pour un natif de l'île
qui voit en chaque instant le cœur de son idylle
battre sereinement d'un pas léger et lourd.

On dit que le levant est source d'espérance
et qu'il sait rapprocher les âmes qui s'attendent,
Paco de Sant Lluís et Corinne de France,

voguant bientôt tous deux, tout près de la Zélande
où l'espace est si beau qu'on croit voir s'y lever,
avec un soleil vif, la concorde rêvée.

























© Joan Verger

Homo faber

Al Guillaume, pel seu aniversari

Fer anys, fer castells, fer un beure,
fer petar la xerrameca. Tota una vida
fent, amb generositat, sense reserva.

Fer i no pas anar fent. Filosofia bona
i altruista de qui no concep la vida
sense la calidesa dels altres i la força

d'una societat humana respectuosa i
entusiasta. Homo faber. Orfebre dels
baixos fent de la pinya una mina d'or.

























© Henri Alcaraz



samedi 1 avril 2023

El clavell del Riberal

A la vora del riu, entre roques i cairons,
creixia un clavell aïllat, bell com el sol
però verd com un espinac...

dels peus fins al cap que tenia rinxolat.
Un diumenge de Rams, creuant la frontera,
tingué la idea de nuar-se un mocador

vermell. I així fou com nasqueren pètals
mil que donaren al mes d'abril la dignitat
insigne de cor de la primavera.

            Riberal! Riberal Riberal!























© Marie Lopez