jeudi 29 octobre 2020

La princesse du bord de l'eau

C'est une princesse un peu particulière. Elle n'a pas de diadème ou de longue robe en mousseline. Elle a des habits tout jolis de la couleur de la barbe-à-papa. Au lieu d'un palais, son royaume c'est la plage, le bord de l'eau, plus exactement où elle aime enfoncer ses pieds nus dans le sable froid et mouillé avant de jeter des cailloux plats dans la mer salée. Oh, les beaux ricochets !




Un enfant s'applique

Silence de blé et de vermillon,
l'enfant écrit, lent et appliqué.
Le temps n'a pas de prise sur

sa main précise ni sur ses yeux
qui découvrent un monde autre,
aux signes naguère indéchiffrables.

Silence de blé et de vermillon,
la table blanche, immaculée,
est un terrain de jeu inavoué.



Et l'automne

Et l'automne est venu,
que l'on n'attendait plus,
étoffe safranée que gercent

les premiers froids timides.
Les fenêtres se closent et
les rideaux pâlissent sous

le feu froid des branches
dépouillées. Silence des monts
et des plaines. Sous le labour

gras, la vie attend patiemment
l'antique primevère et la joie
de la liberté retrouvée.



Hojarasca

No las pisotearon. Por el momento.
Con el otoño, se han dormido en un 
lecho de humus las hojas olvidadas 

del verano amarillo. Cuántas diferencias,
cuánta similitud. Aparentes las venas
como surcos obedientes, la hojarasca

virgen nos recuerda el precio del convivir
y los peligros que lo amenazan pero también
el sueño que prepara otra generación.



mardi 27 octobre 2020

Une rose jaune pâle

Elle ne sera jamais
l'absente de tout bouquet,
une fleur hâtivement coupée

pour poètes chahutés. C'est
une fleur de béton, le joyau
d'un rosier malmené ayant crevé

l'épaisse couche de goudron clair
pour s'offrir fugacement au
passant emmitouflé longeant

les cafés morts aux rideaux tirés.
Un carnet aux milles feuilles
étincelantes qui attendent de chacun

non point des larmes de sang ou de fiel
mais l'encre bleue des poèmes à venir.
Écrits, ou à vivre. Intensément.



lundi 26 octobre 2020

Primícia

Com unes fruites de tardor,
al cor de la nit, unes notes
delicades i el cor se'm bressola.

Aire lent i leu, un trosset de cel,
de caire atemporal. En torn del pianista
un grapat de sorollets. Vida pura, senzilla

tota generositat. No se li veu la cara,
ni se li sent l'alè, els seus dits dibuixen
un paradís en petit: tocinillo de cielo.

vendredi 23 octobre 2020

Desig

Fulles folles pel pedrís,
tan vives i lleus. La pell
d'una mà, el color d'un cutis.

Desig madurat, lentament. De dia
com de nit. Petjades sense peu.
Picades sense ullet. Força pura

de l'ànima i del cos com una ombra.
He apagat la llum per tractar de reviure
el somni tendre d'unes mans vegetals.

mercredi 21 octobre 2020

Ils

Ils s'endormirent chacun
dans le souffle de l'autre,
harassés et heureux.

Le drap était d'ivoire, comme
la lune sur le patio ouvert.
Nul bruit ne se fit, la nature

les aimait, réservant pour la terre
les bruits les plus ténus, et pour
leur cœur la plus tendre des étreintes.

La bibliothèque close

 La bibliothèque est tiède
qui attend au fond de cartons
scellés. Vers et vies mêlés.

Pêle-mêle de mots et de baisers.
L'encre est aveugle entre les pages 
collées. Lire, relire, ou vivre, revivre ?

De sal

De sal una dansa
Al fons d'una cova freda
Frec de llavis cecs.

lundi 19 octobre 2020

Tiédeur

Que la main est froide
qui se réveille au matin
bien avant les paupières

et que doux est le souffle
qui, en rêve éveillé, s'approche
et l'enveloppe de sa chaleur.

Tiédeur soudaine qui invite
au lever et à la tasse d'un café
brûlant pour inaugurer la semaine.

Flors del matí

Uns mots saviament
disposats desperten l'ànima,
dissenyant les hores.

dimanche 18 octobre 2020

Quelques blettes

Au milieu des cartons d'un déménagement,
quelques blettes dans une passoire en tôle
émaillée. Le blanc de l'albâtre et le vert 

du porphyre. L'eau de cuisson s'est écoulée
en aval du haut quartier. Prégnance de l'instant.
La chaleur s'en va si vite et déjà les feuilles

se flétrissent. Un trait de jus des olives du cru
le suspendra le temps d'un repas frugal avant qu'une
nouvelle semaine ne commence, sereine et sans encombre.



vendredi 16 octobre 2020

Un humble potager

Je rêve d'un humble potager,
un lopin de terre improvisé
sur une terrasse de terre

grasse. Pour y faire pousser
des légumes de saison et les voir
croître et se balancer aux caprices

du vent. Un petit carré, sans limite
ni contrainte, sans herbe folle
ni rudérale... que je garde pour mes vers.

Une boîte aux lettres

Rétive, elle ne veut plus la clé
qu'elle accueillait naguère, comme
si elle s'était soudainement grippée,

à l'approche de l'hiver. La fine tôle
tremble et les charnières souffrent.
Un peu d'huile de moteur, fluide et

présomptueuse suffirait-il à la dégripper,
sous une main entreprenante et décidée.
La boîte aux lettres attend. Il ne pleut plus.

Niu de frontera

De molsa molla, un niu,
com una basseta de besos
tendres i humits.

A l'invisible frontera
d'un altiplà de roques
i herbes remeieres.

Remembrança folla, hom viu
una nostàlgia pressentida
del que hauria pogut ser.

Un niu domèstic

Entre ombres sàvies
de fulles sens saba,
un niu fluix i rodó.

Adintre tres ous buits,
com un mirall d'aire
tebi i acollidor.

Entre ombres cabelludes,
uns ous calbs, com fruites
sàviament embruixades.



jeudi 15 octobre 2020

La mesura de l'alè

Has tractat mai de mesurar
l'alè? No pas el baf sobtat.
No, l'alè d'intel·ligència

i de cor. L'ànim de l'ànima.
Quàntes síl·labes, quants mots?
Has tractat mai de descobrir-hi

la musiqueta de l'estimada, o
de l'estimat? La seva paraula
tan seva i alhora tan teva?

L'homme du seuil

Jour après jour,
il vient au café
et demeure sur le 

seuil. Il s'agite,
prononçant des mots
inintelligibles, sans

personne pour l'écouter.
Au début, il faisait peur
puis la vile transparence

a gagné. On ne l'a plus vu,
sa voix était un cran au
dessous de la musique ambiante.

Il ne gênait pas ou, plutôt,
il ne gênait que ceux qui entraient 
ou sortaient, de guingois, pour l'éviter.

Mes vers, au fil des strophes, se sont allongés,
comme ce seuil du café qui grâce à lui, pour moi,
une après-midi a cessé d'être transparent. Pour exister.

mardi 13 octobre 2020

Seguint la cursa del sol / En suivant la course du soleil

Un amic m'ha ensenyat a escriure
seguint la cursa del sol. De llevant
a ponent, hora rere hora, oblidant

la flaire dels rostits i la calor 
dolçona de les misteles daurades.
Un ascetisme humil i bondadós

amb ploma de ferro i tinta blava.
I no li he seguit el consell. Mesos,
anys potser. Ara és temps de sortir

al pati nou, entre oliveres i vinyes
i de seguir la cursa del sol amb una
llibreta petita, tota enquadernada d'amor.

***

Un ami m'a appris à écrire
en suivant la course du soleil. De l'orient
à l'occident, heure après heure, en oubliant

le fumet des rôtis et la chaleur
douceâtre des mistelles dorées.
Un ascétisme humble et plein de bonté

avec une plume en fer et de l'encre bleue.
Et je n'ai pas suivi son conseil. Des mois,
des années, peut-être. À présent il est temps de

sortir dans le nouveau patio, entre oliviers et vignes
et de suivre la course du soleil avec un
petit carnet, tout relié d'amour.

«On n'est beau que dans le regard de l'autre»

À un Breton qui se reconnaîtra

Mot confié par un ami, en fin de soirée,
quand la conversation s'épuise et ne laisse
place à la réponse.

Mot qui roule la nuit comme galet sur grève
avant de s'imposer au petit matin comme un
cristal de sel.

Regards croisés, mots suspendus, la langue
est pauvre pour exprimer ce qu'un canapé
de tissu recèle dans le regard de l'autre.

Escorces

Escorça sens llana

Arbres de tardor,
plorant regalims freds
per l'escorça despullada.

Arbres tremolosos de febre
i que no saben queixar-se,
sense boca ni ulls.

Arbres de fulgor,
resant mutíssims precs
per la nuesa del pati.

***

Escorça amb llana

Algú ha sentit els precs
silents o és la casualitat?
Unes mans s'apropen amb llana

de color i, molt a poc a poc,
comencen a vestir els troncs,
a la manera d'uns Arlequins

de fira. Deixa de ploure i
pels carrers engalanats, passa
la fanfara. Dolçor d'octubre.

lundi 12 octobre 2020

Dotze d'octubre, dolç atorgar

Un grapat de tecles,
una pantalla ben blanca
i jugues amb tabes.

La lletra del pare

Blava, elegant, preservada
al fons d'uns calaixos de fusta
olorosa, la lletra del pare

esperava els dits de la filla
gran. Prims, enfebrats i quiets
alhora. Apaivagats. I les frases

feixugues per a molts, plenes de
subordinades antiquades, cobren
una vida nova entre les tecles

ràpides, com una pluja sobtada
d'estiu a la muntanya tan estimada
abans d'enlairar-se en avions de paper.

Une pomme sur un quai

On la dit maléfique,
mais je n'en crois rien.
Son acide est malique
sa douceur me sied bien.

Sur le quai une pomme
et dans mes poches rien.
La beauté de la forme
et l'appétit qui vient.

Que bref soit le chemin
qui m'en distingue un brin
et long le souvenir
qui m'y fait revenir.

samedi 10 octobre 2020

Al cor tendre de Besalú

Al cor tendre de Besalú,
dins del seu cor fredolic,
hi ha una piscina d'or fos.

Escales de pedres angulars,
baixada lenta i poc sonora,
l'escalfor es fa esperar.

Al cor tendre de Besalú,
quan retardin els rellotges,
la vida tèbia es dansarà.



vendredi 9 octobre 2020

wabi-sabi

À mon fils Jérôme

Blancheur, page après page,
pure composition en LaTeX
dépouillé, pointillisme

coloré des schémas. Perfection.
Et soudain, une coquille suspend
la lecture comme l'improbable

couture de l'ornithorynque. J'aime
quand la symétrie se brise et révèle
notre inscription dans le temps.

Jardin japonais au fond d'un tiroir
que l'enfant garde jalousement,
ignorant qu'un jour il sera appelé

à coder la vie pour mieux la déchiffrer.
wabi-sabi. Caractères en couleur sur
écran noir, puis page blanche qui chemine.

mardi 6 octobre 2020

La pauvreté, l'élégance et l'amour

Printemps 1951, maussade ;
le rationnement demeure ;
mes parents viennent de

se marier. Ma mère néglige
la tasse de thé. Elle boit
des yeux mon père. 

Moi, je ne vois que les pois
de son tailleur et sa noire
chevelure. Mon père, tout en

gestes élégants, tient sa tasse
négligemment mais avec force,
comme un calice que l'on offre

en expiation de péchés inconnus.
Son regard est ailleurs, déjà.
Romantique, rebelle et abscons.

Soixante-cinq années plus tard,
il portera la chemise et le pantalon
avec la même élégance intemporelle.

L'amour de ma mère n'aura pas cessé,
ni son extrême attention. Seul aura
disparu son moucheté de petits pois.



Rides et plis

Douces arabesques
sous les lettres
ciselées. Le vert,

longtemps enseveli,
au fond d'un tiroir,
a pâli et le minaret

ne perce plus le ciel
pur. Illusoire monnaie
d'un échange fantomatique.

Doigts desséchés, envolés,
le filigrane n'est plus,
remplacé par des rides.

Sainte face incompréhensible
dans l'absurde foisonnement 
de chiffres sans comptable.




Un verre de vin rouge

Le vent mauvais d'outremer
lui a apporté une mauvaise
nouvelle pour ses trente ans.

L'homme s'assied à la table
du petit séjour du Mellah
et boit un verre de vin,

sans dire un mot. Sa femme
a compris. Au loin, si loin,
une femme petite s'est éteinte

qui l'avait bercé naguère de
son discret accent polonais.
De la vieille dame, seul demeure

un vieux missel corné et usé par
ses doigts gourds. Et ce verre de 
vin rouge d'un port ultramarin.

lundi 5 octobre 2020

Que sont ?

Que sont les siècles pour la mer ?,
dit le poète. Et les kilomètres pour
l'amitié ?, répondent, égrillards, cinq

joyeux drilles du pays des olives et 
du bon vin. Heures riches, détachées 
du cours du temps, à savourer, sur 

la langue de petites bulles d'or brut
et de délicieux petits gâteaux salés.
Du passé faisons table rase... Et bombance.

dimanche 4 octobre 2020

Un déménagement

Que de couleurs que nul n'appréciera,
de formes incongrues que le hasard
façonne en les réunissant.

Un temps qui fuit l'espace aimé pour
en réchauffer un autre, immaculé,
les lourds volets soigneusement tirés.

Un luminaire éclaire encore qui vit,
dans son cône ivoire, tant de livres
s'effeuiller et de pensées s'étreindre.



Fueron

Fueron unos días aciagos,
de llanto y desesperanza,
la Mercedes había salido
para la gran ciudad

y, en casa, desolada, postrada,
su madre no paraba de mirar
el lóbrego reloj de la sala
como si éste supiera descifrar

el dilatado mapa de Barcelona.
Fueron muchos días aciagos,
la Mercedes había salido
y no mandó ninguna carta.

Com un temps suspès

Li agrada veure nevar,
rere el vidre entelat.
Floquets de somnis verds

que tarden tant en caure.
A poc a poc el gruix
silent de la catifa blanca

va apaivagant la fredolica 
observadora. Desig sobtat
de xocolata desfeta i amor.

samedi 3 octobre 2020

Barcelone

Au coup de sifflet, elle enfonça la main dans la poche de son manteau. À l'intérieur, elle y portait la balle avec le cœur tricolore, et une enveloppe pliée avec une lettre et une adresse à Barcelone. Elle approcha son visage de la fenêtre et son souffle embua la vitre. Elle serrait si fort la balle que celle-ci lui transperçait la paume de la main. La gare s'ébranla, lentement, comme si quelqu'un l'étirait par derrière et son père disparut avec le quai. Sa mère n'était pas venue, elle l'avait embrassée sur le pas de la porte, en sanglots, parmi des géraniums rouges. Dieu te bénisse, ma fille ! Son père lui avait dit qu'à Barcelone, on viendrait la chercher à la gare, qu'elle travaillerait dans une grande maison, comme bonne, et elle avait senti son âme se déliter. Elle n'avait que treize ans et elle quittait sa maison avec pour seule compagnie une balle au cœur tricolore. Son petit monde, tout à coup, devint immense. Immense et hostile. Elle appuya la tête contre la fenêtre et se laissa bercer par les cahots du train pour oublier la peur. Elle ferma les yeux comme pour cacher ses rêves et ses larmes. Une vie tout juste entamée roulant sur un chemin de fer et de fumée qui l'éloignait de la misère mais la poussait, irrémédiablement, vers un destin de servitude.

Roser Blàzquez Gómez, «Barcelona»
traduit du catalan par M. Bourret Guasteví.





Plateforme

Le bus est ancien
et le chauffeur bon.
Un homme s'approche,

désemparé, en fauteuil
roulant. Le chauffeur
se lève et sort, souriant 

Lentement, il actionne
la vieille plateforme.
Puis pousse l'homme,

avec de bons mots.
Le bus reprend sa route.
Au terminus, deux solides

fonctionnaires le saisiront
sans égards, plaisantant
entre eux, bruyamment.

Je quitterai le bus, avec
mes trois enfants et une
pensée pour un chauffeur bon.

Diacrítics oblidats

Per desídia o mal humor,
se n'han anat els diacrítics
deixant tan calves les vocals

com una cantant del Ionesco.
Han fugit cap al filaberquí
daurat per enfilar-s'hi, a 

l'estil sardinenc. Un, dos, 
tres. Vigorosos i egòlatres
mentre ploraven l'us i el desti.

vendredi 2 octobre 2020

Fronteres íntimes

Penso en les frontisses ocultes
de la teva porta tancada, a la nit.
Nostàlgiques dels grinyols joiosos

del dia, quan la filla corre a agafar
el bus, o el fill torna encaputxat amb 
desig silent de jocs vius i captivants.

Si gosés, les donaria una carta petita,
de paper de bíblia i faria sonar, a la 
unes exquisides campanades grinyolenques.

Rambarde

Ni garde-fou, ni garde-corps,
la rambarde est un chemin de
fer suspendu, une crémaillère

qui ne crépite plus. Le sombre
et le clair, par la jalousie
s'unissent. Sol de béton et 

de bitume, vaguelettes du port ;
le paysage industriel, flouté,
n'est plus un devenir mais un 

passé lancinant. Chantiers navals
exsangues, sans Champagne glacé
contre la coque immaculée.

De dos, un homme regarde, solidement
arrimé à la rambarde d'acier. Vitruve
redessiné comme une ancre à l'envers.

Pourquoi me revient-il soudain à l'esprit
Remorques de Jean Grémillon ? Immobile,
désireux, l'homme contemple et se regarde.





















By courtesy of Jean-François Caplat

Au rendez-vous des amis

Sur une table de bois clair,
à l'angle d'une place petite,
ils se sont réunis, pour boire

et converser. Douceur de la mousse
brune, pétillement des regards.
Peu à peu, l'assistance s'étoffe.

Les masques déposés ou fixés au coude,
on refait le monde. Les jeunes, enjoués,
parlent de leur mariage prochain et rient.

Les heures s'écoulent et bientôt la table
se vide, d'autres convives se joignent
que l'on ne connaît pas. Le ciel est gris

et l'atmosphère violette. Si le vert paradis
existe, j'aimerais bien qu'il ait la tendre patine 
de cette table de bois d'un soir d'automne.



Un banc

Un banc de pierre,
dépoli par la mousse
sèche. Une école d'angle

au doux nom de La Fontaine.
Cinq heures. Une jeune maman 
s'y est assise, attendant

la sortie de son enfant. Seule.
Immobile et silencieuse. Comme 
si sa gravité soudaine, invisible,

me renvoyait vingt ans en arrière.
Sur ce même banc, sur les coups de
neuf heures, un homme allongé geignait.

Paroles incompréhensibles. Yeux clos.
La maraude était désarmée qui voulait
l'assister et lui trouver une chambre

pour y passer la nuit. Plus tard, comme
étouffée, hoquetante, vint la parole,
hachée. Le métier disparu, l'épouse

partie loin avec les deux enfants. La vie
à la cloche, de rue en rue, le vin mauvais,
les vols, les coups, et puis plus rien.

Sur un banc de pierre, à l'angle d'une école,
une maman heureuse, souriante et silencieuse,
attendait son enfant.

Lune pleine

Je n'ai pas vu la lune
pleine. J'ai attendu que
tes yeux me l'envoient.

Alors je l'ai caressée
sur le papier mat. Ronde
et carrée. Rondes voyelles,

strophes carrées. L'infini
du sept rimé et les phrases
qui débordent. Face cachée,

désir de mots. La langue est
un sentier, d'ombre en cratère.
J'ouvre ma porte et je la vois.