jeudi 31 août 2023

Dernier poème

C'est le dernier poème
d'un mois inépuisable,
emplissant son bissac
d'odes énamourées.

Et si ce mois est mort,
que vive le mois neuf,
septembre de Bécaud
où l'automne se fait.

Le sable refroidi,
il viendra d'autres grains
ou des pluies torrentueuses,
couchées sur le papier.

Les valets de la mort

Sur une réflexion de ma fille

Les valets de la mort
ne sont pas immortels.
Mais que deviennent t-ils,
quand la mort les saisit ?

D'autres valets naîtront,
qui les emporteront,
dans un pays tout blanc,
où volent les oiseaux.

La mort est un passage
et ses valets passeurs,
qui volent à la vie
une poignée de terre.

Delirium tremens

Il est une guinguette,
au bord de la rivière,
où dansent les amants,
le dimanche en été.

L'absinthe y coule à flots,
emportant leurs visages
dans un violent tournis
qui déchire leurs cris.

La fée verte sépare
ceux qui se croient unis,
offrant au diable alcool
leur joie et leur beauté.

Intendance féconde

Les strophes vont par trois,
comme les bons apôtres,
encor' tout effrayés
par la tablée de douze.

La Cène derrière eux,
ils vont, de par le monde,
essaimer de leurs vers
l'intendance féconde.

Ô, Sainte Trinité,
qui ne dit pas son nom.
Les vers sont des voleurs
et Jésus un larron.

Cils de mémoire

J'ai rêvé de tes cils
balayant la chaussée,
d'un geste délicat
sans crainte des passants.

Sur le goudron mouillé,
passaient des hirondelles,
avec leurs ailes lourdes
de mes lointains péchés.

Des péchés de jeunesse,
le vol d'un dictionnaire
et, aux yeux des parents,
la confiance brisée.

Rire soudain

Mais que le rire est beau
qui libère l'esprit,
donnant à chaque instant
tout le poids d'une vie.

Le regard étincelle,
la bouche est un volcan
et les passants s'enfuient
devant tant de gaité.

Si les pas se suspendent,
au creux de la chaussée,
c'est que le rire tremble
et ne peut s'arrêter.

Insolence

Qui dira des amants
l'insolence suprême,
taisant au monde entier
le feu de leurs baisers ?

mercredi 30 août 2023

Des loups paisibles

Il est des loups paisibles
négligeant les troupeaux.

Ils gagnent les hauteurs
où le silence règne,

au terme de la course 
qui les remplit d'odeurs.

Ces loups savent attirer,
les âmes qui défilent,

sans jamais s'arrêter,
de crainte de tomber.

En eux est la sagesse
des voyageurs des ports,

qui vont, de col en col,
chercher la vérité.

Gestation

Gestation des ouvrages
qui peu à peu s'assemblent,
dans la pénombre vive
où l'écrit se repose.

La main s'est attardée
et le massicot veille,
tranchant le blanc des pages
où le silence dort.

Un jour viendra peut-être,
derrière les vitrines,
où nos livres sauront
converser à leur tour.

Nuits secondes

Il est des nuits secondes
après les insomnies.
Des nuits de vive lune,
où le désir sourit.

Le réveil arrêté,
le coq déjà picore
et le pain sort tout chaud
de la boulangerie.

Délice de paresse
quand les autres se lèvent,
courant après l'horloge
qui règle leur journée.

Guilledou

J'aime le guilledou
qui court dans la campagne
malgré le franc opprobre
qui chemine avec lui.

Dénonçant l'historique,
je le fragmente en deux,
caressant sa douceur
et son goût des barriques.

Si la ruse m'effraie,
j'aime la liberté,
qui chantonne avec moi
et court dans la campagne.

Le lys dans la vallée

J'aime penser parfois
à la blancheur livide
du lys dans la vallée.

Car, quand fanent les fleurs,
au bord des nationales,
il est d'autres pétales
qui ne tombent jamais.

Ainsi du florilège
des œuvres pleine peau
que conservait mon père
dans ses bruns rayonnages.

La minceur du papier
et l'odeur entêtante
me faisaient rencontrer
un chef d'œuvre oublié.

Félix de Vandenesse,
Henriette de Mortsauf,
à jamais réunis.



Ma maison-labyrinthe

À la mémoire d'Anne Sylvestre

J'ai une maison 
pleine de fenêtres,
pleine de fenêtres,
en large et en long...

Pourquoi songer soudain
à la jolie comptine
pour enfants pas trop sages
la quittant en courant ?

Ma maison-labyrinthe
vibre de cent fenêtres
et de niveaux multiples
où il fait bon écrire,

penser et rêvasser,
à l'ombre des vieux livres,
quand au dehors grossissent
les fruits de l'oranger.





Les nostres nits

Tan distants com properes,
les nostres nits em porten
a deixar els llençols
per la taula de fusta.

Escric versos petits
i somric al silenci.
A recer dels volums
del diccionari roig.

Són unes nits estranyes,
d'ordi, blat i cebada,
amb oloreta bona
de cafetó cremant.



El català de nit

El català de nit
és com una altra llengua.
Un idioma de tocs,
de frecs i de desig.

Sense obrir mai els ulls,
em venen les paraules,
a bots i bons barrals,
tan noves com antigues.

El català de nit
és font inesgotable,
preparant els poemes
per a la llum del dia

mardi 29 août 2023

Palimpseste intime

Il y a tant de peaux,
de peaux et de sous-peaux
que la carte du tendre
devient un parchemin.

Sa peau en est épaisse,
qui cache tant d'écrits,
pieusement conservés,
à l'ombre des nouveaux.

J'aime ce palimpseste,
qui a guidé mes pas,
depuis la tendre enfance,
jusqu'au creux de tes bras. 

Cervell avorrint-se

Pedra, paper, fang, tela..
La mà busca suports 
per prendre a l'infinit
un gra de sa potència.

Quants poemes perduts
per trossos de paper.
Tovallons, estovalles
i vells tiquets de compra.

Ben tancat dins del cap,
el cervell s'avorreix,
seduint la mirada,
la mà amb els seus dits.

Si, en compte de sang,
li vingués la sang blava,
donaria a la llengua
un alfabet tot nou.

Noblesa

Qui dirà la noblesa
dels peuets de pell fina,
obligats a la vida,
a caminar vestits.

A dins de la caseta,
quan s'apropa la nit,
els frega els llençols nets
i els meus llavis de seda.

En respectuós silenci,
els vaig acaronant,
i reto l'homenatge
que dec al seu coratge.

Tornada

Jo, menorquí, nascut dins una barca.
                        Gumersind Gomila

He tornat a la llengua,
a la llengua segona,
i primera en el cor,
sense cap voluntat.

He tornat a escriure,
amb molta senzillesa, 
la llengua familiar
apresa en una barca.

He retrobat la flaire
del cafè del bon avi,
a la plaça Aragó,
on es troba el meu cor.

En acabar

En acabar un llibre,
se'm renova l'escrit. 

Canvi de perspectiva
i ganes de mots nous.

En publicar un llibre,
se'm tanca la persiana,

i s'obre una finestra
de cristall renovat.

A la platja dels llavis

A la platja dels llavis,
em voldria estirar,
tancant els ulls de cera
amb un bes de rosella.

Platja d'aiguamoll rosa,
amb barquetes d'ivori,
sense port ni amarres,
en total llibertat.

Hi somniaré molt temps,
fins al cor de la nit,
quan el mes de setembre
em torni a l'escriptura.

Alenada brusca

Alenada brusca. I càlida.
Alenada sobtada. Després
de l'esgarrifança matinera.

Un somriure d'ulls, de mans,
de llavis mussitant, escrivint
amb tinta de saliva teva.

Alenada alentida per fruir-ne
més, hora rere hora, mentre
el vent fugisser se m'emporta.

lundi 28 août 2023

Prudence

Quand l'émotion s'installe,
le vers n'est jamais loin.
Pour peu que l'on s'assure
qu'il restera discret.

Avec très peu d'amis,
des trois ou bien des quatre,
sur un bloc de papier
ou un blog de pixels.

Le vers est une source
qu'il ne faut point tarir,
par trop de suffisance
ou de vains paradis...

Fullejant

Fullejant entre els poemes
per fer-ne un recull,
t'he anat retrobant
a cada cantonada.

Aquesta nit no escriuré
o escriuré ben poc
que tinc els cervell farcit
d'un miler de nous versos.

Un grapat d'odes noves,
amb tercets o quartets
per descriure un estiu
on m'has fet companyia.

dimanche 27 août 2023

Sous la peau de la terre

Sous la peau de la terre,
se cachent mes désirs,
des désirs de mystère,
de joies et de plaisir.

La vie y est tiédeur,
qui glisse entre les doigts,
dans un millier d'odeurs
qui font de moi un roi.

La peau en est si douce
et ma main si pressée
que seules les feuilles rousses
m'en livrent un baiser.

Tempus fugit

J'aime le temps qui court
sur le dos de la main,
pareil à une goutte
tombant d'on ne sait où.

J'aime le temps trop court
qui se presse à la porte,
pareil à une coupe
qu'on remplirait d'essaims.

J'aime le temps des cours
qui succède aux vacances
pareil à une loupe
sur cahier d'écolier.

Per molts somriures

Qui fa anys i qui no els fa?
Entre mare i filla, el somriure
és signatura bona que treu

del temps tota la malevolència.
Si la Roser fa anys avui,
on és la xarranca on juguen
ambdues abans d'enlairar-se?

Per molts somriures,
en compte de molt anys,
senyora novel·lista!

samedi 26 août 2023

Désir

Déshabiller la chair
pour garder l'essentiel.
La puissance des cuisses
et le souffle fait feu.

Le visage s'efface
au profit du désir.
Deux poumons endiablés
font cendre de tout bois.

La couleur éperdue
pleure sur le passé.
Tout n'est que du présent
dans les œuvres d'Irène.














© Irene Papp

Reconnaissance

À Bernard Laresche
et à la mémoire de
Messieurs Duretz et
Salomon 

Je dois tout à mes maîtres
qui ont quitté ce monde.
Le goût de l'écriture
et du travail bien fait.

Ce doute existentiel
qui guide mon sourire
et me rend perméable
aux avancées des sciences.

Mais, surtout, je leur dois
le respect des anciens,
de ceux qui m'ont offert
le peu que je connais.

Bleus sacrés

Quels sont ces bleus sacrés
qui épargnent le cœur
et enjolivent l'âme ?

La pâte d'un tableau,
la patte d'une artiste.
Un style tourmenté

qui rachète nos fautes
et fait de chaque jour
un outremer serein.

Les amants du rivage

Les amants du rivage
avancent lentement,
étrangers à la fête
qui enivre les gens.

Noblesse des couleurs
et des corps qui s'accordent.
Le drapé rouge sang
s'inscrit en nombre d'or.

Les amants sont passés
et la fête a repris.
Il reste dans le soir
un peu de leur parfum.
















© Marie Lopez

Una entesa

A la vora del mar,
com per engelosir el cel
ennuvolat de gris,

vesteixen de blanc,
els homes del Riberal.
Somriures còmplices

sedueixen els turistes
de la platja. Entesa
única. Força i valor.











© Marie Lopez

Cap à l'ouest

J'ai laissé mes deux livres
au chevet de la mer,
puis j'ai gagné le large,
en affalant les voiles.

La lune me poussait
vers l'Occident lugubre
où on m'avait chargé
de porter mon sourire.

Les livres ont germé.
Quand je suis revenu,
la mer s'était couverte
de bateaux en papier.

Sans lune

Que la terre est jolie,
que déserte la lune.
L'humus est le héros
d'un chaos novateur  

Les yeux se font chaussures,
au creux de la noirceur,
et les mains ont la force
des potiers andalous.

Le silence est d'argenr,
sans la face livide
qui régnait sur nos nuits
et pourchassait le jour.

Changements d'août

À Martí et Anaïs

Que j'aime mes enfants
qui célèbrent leurs ans,
au terme de voyages,
en sifflotant heureux.

Sur la terre changeante,
ils affûtent leurs mots,
gagnant en précision,
relâchant leur candeur.

La surprise est totale.
Des perspectives s'ouvrent
sur une année nouvelle
qu'ils croqueront ensemble

Da nuces pueris

Au terme de la route,
est le repos du corps,
le pieux détachement
des contingences vaines.

La route vous dépouille
des gangues superflues,
portant un regard neuf
sur le cours des affaires.

Les convictions y gagnent
le prix de l'essentiel
et les enfants chantonnent,
En grignotant des fruits.

Cap al si d'obres

Tornaràs a la terra,
on neixen els records.
Hi faràs anys allà
o bé els anys t'hi faran.

Creuaràs la muntanya,
de plors negres i durs,
per retrobar la mare
que ens acull a tots.

La llengua et guiarà,
amb paraules altives, 
cap a les obres bones
que apaigaven el cor.

vendredi 25 août 2023

Une jolie maison

Il est dans ce hameau,
une jolie maison,
qui porte à son fronton,
les pampres de la vigne.

Des grains acidulés
pour égayer la bouche
des passants égarés
sur le chemin de Jacques.

Une ample baie vitrée,
faite de carreaux blancs, 
invite à nous asseoir
autour d'un sirop frais.

Les jours y sont féconds
et les nuits inspirantes.
On croit passer un mois
en moins d'une semaine.

Si le cœur vous en dit,
mandez donc son hôtesse,
elle vous accueillera,
en toute discrétion.












© Roser Blàzquez Gómez


Taire le nom

Taire le nom, le taire.
Le faire rouler en bouche,
comme un bonbon au miel.

Le cacher à autrui,
sans dissimulation.
Vivre dans son silence.

Taire le nom, le taire.
Puis cueillir dans l'Eden
la plus jolie des roses.

Un galet de Saint Jacques

C'est un galet usé
par des milliers de pas.
Le long cheminement
des pèlerins d'été. 

Le galet est oblong
qui tiendrait dans la main,
comme un talent d'argent,
aux yeux du Dieu fait homme.

L'océan est si loin
et la terre si sèche
qu'on finit par rêver
de divins ricochets.

Étrange parabole

Les lèvres sont mouillées
par le désir soudain
et les mots se bousculent
dans la bouche qui s'ouvre.

Étrange parabole
que celle de l'envie
qui bâtit dans l'absence
le rêve de l'union.

Alors, faute de mieux,
pour éteindre ce feu,
on compose des vers
puis on ferme les yeux.

Cène

Une poignée de vers,
comme les douze apôtres,
assis de quatre en quatre,
un jeudi de printemps.

La Cène se déroule,
en offrande à la vie.
Le rite est bien huilé
qui confine au miracle.

De la terre les fruits,
se muent, par la parole,
en corps et sang de vie,
avant la fin du jour.

Pour remercier le monde

J'aime laisser filer
les heures de la nuit,
en cueillant d'une main
les fruits de la journée.

Rencontres improbables,
des pneus sur une bâche,
un renard traversant
le chemin en lacets.

Les détails prennent sens,
sur le vieux canapé,
où je choisis d'écrire
pour remercier le monde.

Adversus legendas

Les chiens aboient au loin
dans la nuit en silence.
Leur fureur est extrême
et la chaîne tendue.

Ici, les enfants dorment,
étrangers à l'esclandre,
à la folie soudaine
des carnassiers ligués. 

Contre les anciens mythes,
d'effroyables légendes,
de bête gévaudane
et d'affreux loups-garous.

Talisman

Sur la lunette arrière,
la lavande s'émiette,
attendant des enfants
le plaisir de l'offrande.

La nuit est toute noire,
le moteur allumé,
mais entre eux six il flotte
un parfum entêtant.

Quatre tiges cueillies,
à l'abord du chemin,
dont l'amour des petits
a fait un talisman.

Partage

Et la nuit est tombée
sur le dernier repas.
Dans la douce pénombre,
le soleil d'un gâteau.

Il fallut se lever
et quitter à regret
cette table de verre
où ils avaient aimé

partager à eux six
les fruits d'une grillade,
savamment préparée.
Et l'amour familial.

jeudi 24 août 2023

Balistre

Quelques maisons choisies,
en contrebas du bois.
Une vigne en façade
et des murs biscornus.

Tel est ce fier hameau
de Champagnac-le-Vieux,
en épingle à cheveux
sur la route du lac.

J'y ai passé des heures
à recueillir les mots
de la France profonde
et j'y ai composé.

Des mots ensalivés

Des mots ensalivés,
en galets de rivière,
patiemment prononcés,
de la nuit au matin.

Des paroles choisies
dans le vieux dictionnaire
pour dire le désir
que les doigts ont rêvé.

Sous la langue mutine,
les consonnes ont dansé,
se joignant aux voyelles
dans un beau menuet.

Teclejant

Teclejant per la platja,
guanyo la llibertat.
Una platja de lletres
com llambordes morenes.

Sense tancar els ulls,
viatjo pel món sencer,
deixant en marges blancs
el desig del demà.

Tan negre és el teclat
i tan clar el magí,
que m'invento paraules,
amb un ritme de sis.

Adversus Platonem

La teva pell em crida
quan s'acaba l'agost.
Oloretes divines
i frecs inesperats.

Diuen que el bon Plató
d'amor sabia poc,
i que la seva cova
pudia a resclosit.

Deixem-nos de lectures
i celebrem l'estiu.
Conversaran les pells
amb veu angelical.

Anniversaire

À Marie-Laure

À la fin de l'été,
les années font la course,
couronnant de soleil
les héros méritants.

Ce sont des heures riches,
reflétées dans les verres
des lunettes d'acier
et les sourires clairs.

Tout contre une abbatiale,
ou au pied d'un clocher,
la joie peut encenser
de précieuses journées.


Mundus inversus

Incroyable reflet,
le couchant est à l'est,
dans les plis d'un nuage,
virant à l'orangé.

L'orage est menaçant
les baigneurs n'en ont cure,
s'éclaboussant entre eux
et riant aux éclats.

La nuit viendra pourtant,
avec ses grosses gouttes,
le retour des convives
et le vaste silence.



Ridules vespérales

Écriture silence :
des ridules parcourent
la surface du lac.

Le désir est à l'œuvre.
Sous le doigt du poète,
l'eau sombre vibre.

Et son ventre s'agite,
sans briser la quiétude
d'une soirée d'été.





mercredi 23 août 2023

Accompagnement

La nature accompagne,
par un bouquet de feuilles,
l'ascension de l'église
vers le ciel bleuissant.

Marelle silencieuse,
sans palet ni enfant,
les pierres ajustées,
guident le pèlerin

vers le détachement.
Des pierres volcaniques
et de leur camaïeu,
seul demeure le temps.




Un vitrail à Brioude

Sous la voûte romane,
la lumière traverse
douze tribus de verre
que le plomb réunit.

Et la couleur se fait,
au gré des heures longues,
jouant du jaune au rouge
et de la peau au cœur.

Il n'est de parchemin
sans fière enluminure,
ni de prompte espérance
sans lumière divine.




Un plan d'eau, le soir

Du lac de Lamartine,
il a la distinction.
Son eau est calme et sombre,
qui avale les heures.

La nage y est si lente
que le soleil s'y couche,
volant à notre terre
la forme du cadran.

Le soir y est un don,
dans les gerbes soudaines,
des espiègles enfants,
courant sur le ponton.







Bleuissure

J'ai rêvé de ta main,
plongeant dans l'encre bleue,
pour en tirer des vers,

de pieux hexasyllabes,
en quête de marraine,
ou d'une inspiratrice.

Puis ta main m'a quitté,
m'abandonnant au rêve,
et à la muse bleue.

Vanitas...

Il est, sur les hauteurs,
une demeure austère,
un cube de granit,
aux noirs volés tirés.

Ses angles sont aigus,
dominant les écoles,
d'un notarial silence,
et d'une morgue vaine.

En contrebas, heureux,
sous un filet de crin,
un couple de lapin,
la regarde narquois.

Voussure

Lenteur de l'arc bandé,
élégance discrète,
la voussure se fraie
un chemin de fraîcheur.

Quelle est donc cette cave,
si profonde et ombreuse
où le silence a goût
de baisers échangés ?

Les pierres ajustées
y façonnent un temple,
étranger à la hâte
et aux amours fugaces.

mardi 22 août 2023

Le maître du foyer

Il est l'homme du feu,
le maître du foyer.
Debout devant les braises,
il soigne nos palais.

Il a pour barbecue
une locomotive
qui joue de mille feux
pour régaler ses hôtes.

Assise à ses côtés,
sa douce épouse veille
aux charmes d'un repas
qui couronne l'été.



Triangle de verdure

Que la clairière est douce
à l'ombre des sapins.
La mousse est l'exception
qui rappelle l'automne.

Mon pied vient à glisser,
contre son renflement,
avant que de poursuivre
vers le couchant brûlant.

Triangle de verdure,
repaire des amants,
qui folâtrent au bois,
les nuits de pleine lune.

Vacuité

Les pères sont partis,
au-delà du rideau,
échappant au regard
des mères éplorées.

La férule passée,
il reste des discours,
une voix grave et chaude
qui semblait protéger.

Que le foyer est vide,
où ils pensaient régner,
alors qu'ils suscitaient
de vaines espérances.

Une demeure exquise

Aux murs du cabinet,
deux bouquets vous regardent.
L'un est fin et s'élance,
l'autre gagne en largeur.

En eux est la synthèse
d'une demeure exquise,
puisant dans les années
la force de son charme.

Le bois craque à l'étage
et l'âtre sent le feu.
Quand viendra le matin,
les oiseaux chanteront.

Silhouette évanescente

C'est une silhouette
qui danse sur les murs
de l'étroite cabine
où chantonnent les eaux.

Romance sans parole,
spectacle en noir et blanc.
Les ombres sont chinoises
et l'écran parchemin.

Le robinet fermé,
la silhouette cesse
le bal improvisé
dont j'étais spectateur.

Balistre

Une épingle à cheveux,
au terme de la route,
pour casser la vitesse
et préparer les pas. 

C'est une autre cadence
qui invite au couchant,
dans l'odeur des bovins
et un silence intense.

Au hameau de Balistre,
les regards se suspendent,
laissant l'âme esseulée
regagner son terroir. 

Résonance

J'ai laissé entre nous
s'installer la distance
d'un beau rêve ou de deux.

Puis je me suis baigné
dans l'ombilic des limbes,
en refermant les yeux.

Ton ventre résonnait,
sous le tambour des mots
que mes vœux façonnaient. 

Mur et muse

Entre un mur et la muse,
il y a si peu à dire.
La rocaille s'effondre
et l'eau glisse à l'envi.

Le mur étaie les êtres,
la muse égaie les lettres.
Aux parpaings des maçons,
les moulins de ton cœur.

Les mots vont et reviennent,
à l'abri du ciment,
sans égard pour la muse
qui les regarde à peîne.
 

lundi 21 août 2023

Intime conviction

Viendra un jour prochain
où les mains sauront prendre
le chemin exigeant
du bonheur quotidien,

en pétrissant la pâte
des lointains souvenirs.
Alors les yeux sauront
qu'ils ne se trompaient pas.

La peau est une éponge
qu'expriment les doigts nus.
Le jus qui s'en écoule
procède de la vie.


Encre tatoueuse

Écrire sur ma peau,
comme on joue au billard.
Retrouver sous son grain
l'onctueux du tapis vert.

Ah le joli cahier
qu'imaginent tes mains,
en surfilant chaque once
à l'aide de leurs ongles.

Le chat fait le dos rond
sous toutes tes caresses
et l'encre tatoueuse
jaillit de tes baisers.

Succulente bévue

Dans le volcan brûlant
de la cocotte bleue,
se marient les saveurs
de la proche Provence 

La main les a choisies
avant de les tailler.
Entre le sang et l'herbe,
les couleurs hésitaient.

Succulente bévue
que l'erreur d'un poète,
confondant un concombre
avec une courgette...

Une petite robe

C'est un tissu léger
que l'été a choisi.
Une toile si fine
que le soleil en rit.

Sous l'aiguille précise
de la vieille machine,
des mains lui ont donné
l'onctueux de l'organdí.

La peau qui s'y repose
rêve qu'on la lui ôte,
pour donner à la chaise
le confort d'un cosy.

dimanche 20 août 2023

Un secret essentiel

Un secret essentiel,
une chose petite.
Le lien fort de l'intime
dans la vaine distance.

Les portes se referment
et les propos avancent.
Les mots de la tribu
ont une autre saveur.

Pas un secret d'État,
rien de grandiloquent.
Une entente discrète,
entre deux funambules.

Des galets de couleur

Des galets de couleur,
de sucre et puis d'amande.
L'ovale perfection
d'un vendredi d'été.

Le tulle refermé,
les dragées attendaient
la pieuse nostalgie
de leur dévoilement.

Mauve de l'améthyste,
blancheur des épousailles
et rose délicat
d'une enfant à venir.



La peau est une plage

La peau est une plage,
de sable fin et clair.
Quand les doigts s'y enfoncent,
on sent sa plénitude,

la chaleur de son grain,
la finesse de l'ombre.
Un soupçon d'absolu,
dans tant de relatif.

La peau est un mirage,
qui appartient au rêve.
Ferme donc les paupières,
tu la verras s'ouvrir.

Via làctia

Esquitxaré el cel
amb gotetes de llet,
suavitzant la foscor
amb un bri de claror.

Llunyania somniosa
que fa néixer l'escrit.
Quan l'ull és impotent
i s'imposa el magí.

Esquitxaré amb mel
el full blanc del poema
que lleparàs ansiosa
d'un bon espertinar.

Quand rosira l'agave ?

Je suis le secrétaire de mes sensations.
                                                Cioran

Quand rosira l'agave,
si pudique à vos yeux ?
Sa verdeur est légère
et sa rare fleur l'épuise.

Elle cueille au quotidien,
le quotidien des êtres.
Leur beauté intrinsèque
et leurs petits malheurs.

Du monde environnant,
elle dit la profusion,
taisant son inculture
par tant d'admiration.

Des amis s'y retrouvent
que l'on croyait perdus.
De ces nobles figures
qui ont passé les ans.

Les regards sont de chair,
de larmes et de rires.
Et la pudeur s'impose
quand s'écrit le poème.

Indicible intime

Que dirais-tu, l'ami,
si on te proposait
d'écrire des vers chauds,
comme s'il en pleuvait ?

Je suis un solitaire 
et tiens à ta pudeur.
Si je me dévoilais,
je te dénuderais.

L'intime est l'apanage
des êtres de silence.
Il sait choisir ses formes
quand il se sait secret.

Revendication

Je revendique l'âme
de l'art dégénéré. 
Je suis rétif aux modes,
aux genres et aux grilles.

Noblesse de la rue,
pour moi tu n'es qu'un mot,
mais c'est dans ton plumard
que je ris aux éclats.

Pourquoi écrire en six,
quand on se veut si libre ?
Parce que j'aime le blanc
et que le six l'isole.

Offrande

La nuit est en son cœur.
Je suis seul et j'écris.
Comme une offrande au monde
dont je suis un sujet.

Un rejeton quelconque,
épris de liberté,
de vin, de cochonailles,
et d'un peu d'absolu.

Le partage est la clé
de l'aventure humaine. 
Et moi un simple pion
qui aime partager.

Table franche

La table est ronde et pleine,
qui invite le monde.
Les mains de Véronique
et la voix de Benoît.

La danse des victuailles
jamais ne nous fait taire.
Sur l'écran, ça joue mal,
dans nos cœurs, ça rit fort.

La table desservie,
on continue à parler.
Qu'importe la fatigue,
quand on sait s'amuser.


 

lectures du soir

Lectures de ma mère.
Le soir. Ses relectures.
Sécheresse de l'encre.
Prégnance des details.

Encre ancrée, ancre encrée

T'écrire dans la nuit.
M'écrier sans décrire.
Imaginer le geste
des jardins arrosés.

Derrière les tableaux,
des margouillats heureux.
Il n'est pas de moustique
que l'art ne puisse happer.

Les cadres font silence. 
L'encre est une illusion.
Pour Ithaque la belle,
levons l'ancre toujours.
 

samedi 19 août 2023

Une autre mer

Què són de blaves les Alberes.
                Gumersind Gomila

Il est une autre mer
que l'ascension dessine.
Les nuées y moutonnent
en vagues régulières.

Au loin s'érige une île
au relief dentelé :
le massif des Albères,
amputé de ses côtes.

Parti de Vallmanya
après potron-minet,
le preux Jean-Marc nous l'offre,
en signal casteller.












© Jean-Marc Alonso

Chaos

Il n'est pas de chaos
d'où ne sorte la vie.
Sinueuse ou stagnante,
elle grouille d'alevins.

La masse minérale
impose sa rondeur
et voici qu'il en naît
un gourg qui s'amincit.

Tu quitteras les gorges,
et rentreras chez toi,
portant dans ta besace
l'ordre neuf du chaos.























© Lionel Itié

Minéralités

Le temps s'est arrêté,
en sombres draperies.
Des poissons et de l'onde,
seul demeure le bal.

Le jour s'est constellé
des trésors de la nuit :
une fissure obscure
tranche la voie lactée.

Si le pied s'y modèle,
en gravissant les roches,
la pensée s'y suspend
et le cœur s'y accroche.















© Lionel Itié

Détails du matin

J'aime souvent cueillir 
des détails du matin,
quand s'éveille la ville,
démaquillée et simple. 

Je n'y sens nul apprêt,
nulle forfanterie.
La ville s'abandonne
aux miettes de bonheur.

Je fais mon miel d'un rien.
La chute d'une orange,
un oiseau claudiquant,
ou un bruit du parquet.

Una truiteta al forn

Una truiteta al forn
i l'amor de la mare.
Uns gestos elegants,
la llum en els detalls.

Amb un davantal groc
i grogues estovalles.
La gana és compartir
amb ella el bon menjar.

Que siguin molts els vespres,
com aquest del divendres
quan la miràvem tots
amb amor infinit.



Jordi Odrí

Il est l'acteur sans âge,
la passion incarnée,
un poète éperdu,
sur des tréteaux de bois.

Du quotidien, il tire
des vers et des photos,
un écran de fumée
pour cacher ce qu'il est :

un amant d'absolu
qui prend la peau des autres,
pour dire avec sa voix
tout ce qui nous manquait.



Une goutte de géranium

Te souviens-tu mon cœur,
dans La grande illusion,
du petit géranium
perdu sur un balcon ?

C'était dans la grisaille,
le seul détail humain,
un soupçon de bonheur
parmi tant de mitraille.

Le géranium fané
et les grands acteurs morts,
il m'en reste une goutte
pour parfumer ta peau.



βουστροφηδόν

J'aime l'enjambement
qui donne aux vers choisis
la beauté saugrenue
du vieux boustrophédon.

Si le mètre est parfait,
il risque l'embolie.
Donnons-lui donc du souffle,
en supprimant les blancs.

Le phrasé se déhanche
et le lecteur sillonne,
goûtant, en serpentant,
la prosodie idoine.








© Anatole Bailly

A la babalà

A la Maria de Montserrat

Fou a la babalà
com vingueren els dos,
sense cap atenció,
ni ganes de tornar.

Venien de molt lluny,
de sorres camelleres,
on el destí se juga
per un grapat de dàtils.

No sabia on anaven.
Ni d'on, ni cap a on.
Només a cau d'orella
que era a la babalà.



L'été a basculé

C'est un bal de village,
non loin de la mer calme.
Au loin, les pyramides,
tout près, du poisson frit.

J'aime m'y promener,
en pensant aux parents,
l'œil brillant de ma mère,
la taille de mon père.

Les flonflons de la fête
sont un feu d'artifice.
L'été a basculé
et se retient en vain.

Le bal est nostalgie,
qui m'emporte à sa suite.
Je crois t'y deviner
et m'unis dans ta fuite.

vendredi 18 août 2023

(L)lengua i/y boca

Dame un melocotón, cariño...
No, et donaré un préssec sucós.

Pero si es lo mismo.
No, el suc li ve de la llengua

i la boca que el mossegarà i 
te'l donarà... és meva.

Una gota de cera

Una gota de cera
caiguda de l'espelma,
com un plor diminut
confiat al feligrès.

La flameta tremola
com si volgués sortir
cap a una altra terra
de fogars infinits.

La llàgrima de cera,
en canvi, es vol quedar,
observant les estàtues
amb força admiració.

Observation livresque

Les livres me regardent.
graves et silencieux.
Parfois leurs couleurs vives
attirent mon regard,

et semblent me confier
leur ennui et la joie
de partir avec moi.
Mais c'est une illusion.

Dressés sur les rayons,
les ouvrages me jugent :
- Que fait donc ce quidam
à écrire des vers ?

N'a-t-il pas mieux à faire
que d'augmenter le fonds,
alors que nos rayons
ploient sous notre présence ?

Las, je reste et poursuis,
hors de toute impression,
ma tâche aventureuse.

κλειτορίς

Quel étrange visage
taillé dans la coquille.
La Sainte Face aimable
au-dessus du drapé.

La paix y clôt les yeux
quand la cape s'étale.
Jolie ataraxie
qui a vaincu les siècles.

La mer s'en est allée,
avec l'iode et le sel.
Du mollusque parti,
demeure l'absolu.











Carved Fluted Clam Shell
Vulci, Italy, 700-600 BCE
© The British Museum, 1852,0112.3

Mystères de la langue

Apprends-moi à écrire,
dans ta langue première.
Allons à cloche-pied,
je te tiendrai la main.

Les écueils sont nombreux,
l'orthographe incertaine
et ta main me retient
quand s'entrouvre l'abîme.

Ta langue est un mystère,
où jouent des perruqués,
friands de Marivaux
et du Divin Marquis.

Cadavre exquis

C'est un ferment discret
qui naît dans les recoins,
attirant le regard
des amants d'absolu.

L'empreinte de deux pas,
un rouge à lèvre mauve,
un parapluie cassé
qui ne protège plus.

Des éléments épars,
cadavre exquis subtil,
qui dit l'humanité,
et appelle ma main.

Interlude

Les jeux sont sur la table,
enfermées dans leur boîte.
La table est tiède encore
des parties homériques.

Qu'importent les gagnants
des joutes de l'été.
Ils ont joué ensemble
et ses sont régalés.

Bientôt viendra l'automne
et la rentrée des classes.
D'autres boîtes fermées,
avec de beaux cahiers.

Une heure inaccoutumée

Il y eut cette fatigue,
des amants au réveil,
l'heure inaccoutumée,
le café renversé.

Le regard au plafond,
ils souriaient ensemble
frôlant des doigts la main
de l'amour alangui.

Les forces étaient parties
pour des terres stériles
qu'elle ensemenceraient
de larmes et puis de rire.

Un pèndol

És un pèndol de coure,
un objecte petit,
un penjoll aïllat
en la mà del destí.

Em va donant les hores,
a ritme de segons.
furgant en el passat,
per escriure el futur.

El tinc a la mà dreta,
amb desig de l'esquerra.
El seu temps és d'espera,
amarada en remull.

Fourmillement à l'aube

Fourmillez donc, pensées.
Ne craignez le réveil,
ni la nuit qui s'achève.

Et battez donc par trois,
sur un rythme de six,
en cadence légère.

Les saisons se mélangent
et la fraîcheur aiguise
mon désir de café.

Onde claire

Que la fraîcheur est douce
qui m'éveille d'un souffle.
Le silence bourdonne
et le coq dort encore. 

Le relief du village
est un chiffon de draps,
battant au gré des ombres,
sans futur ni passé.

Le présent seul importe,
comme un vaisseau léger,
glissant sur l'onde claire
des éternels baisers.

Senteurs cartésiennes

Elle apprenait la langue
des lointains occupants.
Hommes venus du nord,
précieux et perruqués.

Son accent sentait bon.
Le thym, la marjolaine
et les fruits du figuier,
aux noms imprononçables.

Elle apprenait la langue
puis allait se coucher,
l'esprit tout enivré
de senteurs cartésiennes 

Clin d'œil de papier

C'est un clin d'œil confié
dans le soir qui se fait.
Le partage d'une œuvre
qui les marqua tous deux.

La prose de Daudet,
ses matelots-douaniers
et l'invention d'un monde
qui liera deux amis.

C'est un très vieil ouvrage,
à la langue si jeune,
le carrefour des rêves
aux confins de la ville.














© Lionel Itié

Contraste

Mais que ton rire est beau,
au sortir de la fête,
du vin et des pétards.
Non loin la foule boit,

pour oublier ses peurs,
les années de disette
et le lit toujours froid,
au plafond écaillé.

L'air est un remugle
de sang et de vomi.
Ton rire est un pétale
de rose ensoleillée.

Après la bataille

Éparses sur la table,
figures vers le haut,
Les cartes se souviennent
des bretteurs de salon. 

La bataille passée,
les voix s'en sont allées
avec leurs faux-semblants
de luttes intestines.

Le carton est glacé,
inscrivant les empreintes
des doigts vengeurs unis
et des lointains joueurs.

jeudi 17 août 2023

Lector in fabula

M'encanta la lectura,
mes no soc bon lector.
Cada dos per tres paro
i m'omplo les butxaques.

Pedretes del camí
i llavors per escriure.
Uns poemes petits,
com passarelles llargues.

I torno a llegir,
enriquit per l'escrit,
i confiant en el dia
on tot s'aplegarà.

Cosint

Qui cosirà els vorals,
els vorals de l'ànima,
amb fils de saliva?

Muguet d'août

J'ai laissé le muguet
fleurir en ce mois d'août,
inventant ses clochettes
dans mes nuits de silence.

Quand je fermais les yeux,
mes narines s'ouvraient
goûtant de la corolle
une senteur sucrée.

Si pauvres sont mes mots
qu'ils s'accrochent aux tiges,
puisant dans leur liqueur,
l'encre qui les anime.

mercredi 16 août 2023

Tendres graphèmes

Sur le grain du goudron,
s'étalent des pétales,
roses, jaunes et blancs,
sans tige ni corolle.

Mystère du semis
qui borde l'autoroute.
Une noce fuyant,
ou un baptême hâtif ?

Qu'importe la raison
de cette profusion.
Un alphabet neuf naît
dont ils sont les graphèmes.

La paix des amants

Walkin' in the dark
seein' lovers do their thing
                    Roberta Flack

La lune s'est cachée,
invisible aux amants
qui cherchent sur le banc
une terre pour vivre.

Si tu y passes, ami,
écarte-toi bien vite
et gagne la lumière
qu'ils ont choisi de fuir.

Leur romance se tisse
bien loin de nos idées
et leur banc les isole
de notre marche hâtive.



Cel i gessamí

Ser el confident
del record de la vida
emoció temps present
        Colette Planas

Tinc un bonic teulat,
de cel i gessamí,
una casa senzilla
per rebre-hi l'amistat.

Hi veig volar les ales
dels avions de bombers
plens de l'aigua del llac
per aplacar la terra.

A l'hivern, plega veles,
convidant al record
i a l'espera tranquil⋅la
dels nocturns estiuencs.


Don d'humanité

Oser la confidence,
non celle du vécu,
celle du souvenir
qui nous emplit les poches.

Le rire de Pascale,
au coin de l'escalier,
quand j'avais quatorze ans
et elle à peine plus.

La salive est partie
qui m'avait fait rêver.
Le souvenir demeure,
en don d'humanité.

Dans la moire des ombres

Si le pied est si clair,
dans la moire des ombres,
c'est qu'il est la frontière
entre le sable et l'eau.

Le porteur des empreintes,
le signal implicite,
qui dira d'Alexandre
l'épopée en petit.

Le pied s'en est allé
et les graviers sont d'or.
L'eau fraîche du levant
s'est teintée de passion.














© Alexandre Richard

Ennui délibéré

Que j'aime le silence,
tout empli de ta voix,
la blancheur du plafond
et la douce pénombre.

Enfants, ennuyez-vous !,
disait jadis mon père,
en allant à la sieste,
à Cerbère, en été.

J'ai suivi son conseil
et suis friand d'ennui,
y cherchant la matière
de mes vers d'aujourd'hui.

Miracle

Il y eut ce long voyage,
les lacets du trajet,
le plateau désertique,
sous le vent de l'été.

Il y eut les retrouvailles,
le tilleul centenaire
et le café brûlant,
dans la porcelaine jaune.

Il y eut enfin la voix
de l'austère bâtisse,
les courses des enfants,
la conscience apaisée.

Qui puja, vola!

Qui paga, mana...
I qui puja ?
Qui puja, vola!

Sense moure's de lloc,
gràcies als companys,
a l'estructura viva

i a la sana convicció
del director d'orquesta.
La llibertat és de tots.











© Marie Lopez