mardi 28 février 2023

Circonvallation

C'est un petit tableau que personne ne voit.
De jolis tons pastel, mangés par le bois sombre
d'un cadre insignifiant qui sur eux jette une ombre.
Pour ma part, j'y ai vu une nouvelle voie.

Tempête romantique, séduisant les fauvistes,
la terre déchaînée échappe aux classements.
C'est Dalí qui peint vrai et le critique ment
qui pontifie longtemps, en bel équilibriste.

Salle des pas perdus, l'étroit couloir le longe
en circonvallation et non en ligne droite.
«La courbe de tes yeux» fit chanceler Elsa,

qui n'était pas Gala.  Or Dalí, lui, prolonge,
de son pinceau mutin, la séduction adroite
d'une belle égérie et de ses falbalas.



Deux visiteurs anonymes

Vénus est à New-York et la guerre s'approche.
Étrangère au conflit, la foule la visite.
Milo abandonnée, Manhattan nouveau site.
Sécurité des îles, protection de la roche.

Suivant son maître Freud, Dalí crée des tiroirs
dans la beauté tronquée que cent regards observent.
Mais qui sont ces deux-là, à l'étrange réserve ?
Des amants clandestins,  venus là pour se voir ?

Ou bien deux âmes en peine, friandes de beauté,
lasses des conventions, cherchant la nouveauté,
dans le saucissonnage des antiques reliques ?

J'avoue que peu m'en chaut, j'avoue que je les aime
ces deux grands oubliés du vent qui parfois sème,
avec des grains féconds, de précieux viatiques.



Dos

Je suis rentré du musée, et j'ai pensé à ton dos,
ce dos que tu ne connais pas, pas plus que Gala
ne connaissait le sien, jusqu'à ce que Dalí

le couche sur la toile. J'aime ton dos lent, le soir,
quand tu te dévêts, bien loin de mes caresses.
Mes mots sont alors le pinceau de l'artiste

qui arrache la main à la jouissance immédiate,
pour donner à l'aimée un peu d'éternité. Lisses
couleurs d'absolu, qui jamais ne pâlissent.



Testament sublimatoire

À mes enfants

Écrire chaque jour,
qu'il tonne ou fasse beau,
pour préparer la cendre
qui couve sous mon corps.

Un jour, je me tairai,
mêlant mon âme au thym,
guère loin de la plage,
où Brassens a rêvé.

Gardiole cap au Nord,
avec mon île au dos,
j'inspirerai mes fils,
ma jolie fille aussi.

Il n'est pas un jour clair,
où je ne pense à eux.
Pas un jour gris non plus,
qui s'éclaire soudain.

Chacun m'apprend un peu
de cette vie étrange
que l'on croyait guidée
des parents jusqu'à nous.

Mais c'est un bel échange,
qui passe par les mots.
Beaucoup d'entre eux s'envolent
mais il reste leur suc.

Pour les garder j'écris,
sublimant la parole,
mes yeux dans leur démarche
et mon cœur dans leurs pas.

Ma non troppo

Tornaré a versos senzills
o hi torno ja?

Refotent-me del metre
i de la miserable rima.

Un grapat de roselles,
més que un ram de roses.

Tornaré a versos senzills,
...ma non troppo.

Contre le sonnet

Méfie-toi du sonnet
et de sa suffisance.
Ses rimes étriquées,
son odieux balancis.

Il est l'enflure abjecte
du vieil hexasyllabe.
Un poivrot qui voit double,
quand il quitte le bar.

Méfie-toi du sonnet,
surtout quand tu l'écris. 
Son Parnasse est bidon
et ta plume mondaine.

Nostàlgia de birra

Nostàlgia de birra,
al mostrador, de nit.
La melamina és freda,
quan el drap l'abandona.

Ja dormen els cambrers,
esgotats pel servei,
sense saber del tot
el pregnant de l'escuma.

Nostàlgia de birra
que em desperta, de nit,
pensant en l'avi Quicus
i el seu cafè de nit.

Ton cœur de Chagall

S'ouvrir dans un sourire
Tel est ton cœur joli.
Les lèvres se disjoignent
Quand la nuit les recouvre

Alors Chagall s'envole
Qui rêve lui aussi
À ce sourire étrange
Qui guida son pinceau

C'était cent ans plus tôt
Bien avant ta naissance
Paris était magique
Et la Russie si loin








lundi 27 février 2023

Bispilles

Han fugit del vell diccionari,
o no hi han entrat mai,
les bispilles de neu

de ma mare... Mes les veig caure,
lentes i lleugeres, rere el vidre
entelat. Sabor fort, insuperable,

de la llengua materna que ens crea
un món intens, molt més potent
que qualsevol glossari incomplet.



No oblidis

No oblidis, quan tornis a casa,
de mossegar el pa fresc, com si
no haguessis sopat mai.

El midó cuit ja es barreja amb
la teva saliva, i t'ensucra, suau,
el paladar famolenc.

Homenatge en petit a l'existència
i a la labor fecunda dels forners
que, per tu, han tancat el forn.

Un caminar lent

Un caminar lent que no sentiré mai més.
Parsimònia de qui arrossega una vida
a la sola de les sabates.

Seu, ens saludem. Sa filla el vigila.
Em vol parlar i no troba els mots.
La malaltia li roba els records.

El miro als ulls, em torna el mirar.
Jove, decidit, ple d'esperances.
Les paraules no venen. Els ulls, sí.

Finestres

Finestres de vidre, finestres de vida.
Finestres de llibres, finestres de vida.
Preciosa abismació que em beu la mirada.

Assegut, silenciosament, rere la pantalla,
assaboreixo l'emmirallament dels colors i,
sobtadament, m'envaeix la nostàlgia viva

del paisatge deixat enrere i que em serveix
de fons callat i respectuós a l'hora d'escriure
els versos que m'exigeixen tantes finestres.



dimanche 26 février 2023

Un bonnet rouge sang

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
                                        Arthur Rimbaud

Quel est ce sang qui glisse, le soir entre tes mains ?
Il ne les salit pas, pas plus qu'il ne se caille,
autour de deux trous clairs, le jour entre la paille.
C'est un fil acrylique qui guide son chemin,

un joli escargot, charmant colimaçon,
qui tisse sa toiture pour faire une maison
où il fera bon vivre, malgré la Tramontane
qui fait pleurer les chauves et grimper le butane.

Les heures passeront, tes doigts continueront
à tricoter ainsi, jusqu'à la mort du jour,
avant que le sommeil ne te vienne en secours

et use de ses heures pour crocheter la laine
d'un rouge étincelant qui ôte bien des peines
et guidera les vers du plus gai des lurons.

J'ai aimé ton sourire

J'ai aimé ton sourire, ce soir, au bout du fil.
La neige s'accumulait ; je la sentais crisser,
tout au creux de tes mains, soudainement plissées.
Le soir était tombé, du rideau de tes cils,

invitant au silence, après le téléphone.
Seul dans l'obscurité, j'épelais tes paroles,
comme un mendiant sourit en recevant l'obole
d'un copain d'infortune, que son malheur chiffonne.

Je te savais soupant, avant de tricoter
un bonnet rouge sang, pour franchir la frontière
qui unit nos deux êtres, d'une même prière,

et d'une même langue qu'on parle au débotté,
avant de se coucher, le cœur dans nos écrits,
qui bientôt se confondent, sans un mot, sans un cri.

D'un cœur dépoussiéré

Amour inattendu mais non inespéré.
La larme au coin de l'œil et l'orange à tes lèvres.
Quel charmant balancis que ce sonnet des rêves
qui joue avec les rimes d'un cœur dépoussiéré.

Tes phrases nous unissent, mes quelques vers aussi.
L'orange est bien juteuse qui dégoutte de mots.
Magie de ce hasard, la fortune du pot,
qui caresse nos doigts avec diplomatie.

Si la passion exige, le délicat s'impose.
douceur de ces pétales qui sentent l'oranger
et expriment en petit la beauté de la rose.

Avant Apollinaire, tu lisais Papasseit,
je rêvais d'absolu et non d'un cinq à sept,
quand, merveilleusement, tu as tout mélangé.

Alcohols

Isabel, Isabel petita, ja dona,
i encara una nena...
No has tastat mai l'aspre gust
de l'alcohol fort, oi?

I dels alcohols literaris, sinuosos,
embriagadors? Ja veuràs quan,
desesperada d'amor pur i nou,
tindràs entre les mans Alcools

d'Apollinaire, en edició francesa.
Un llibre prim, determinant, porta
d'entrada a la poesia i de sortida
definitiva de la sinistra dictadura.



samedi 25 février 2023

Quand la mousse retombe

Quand la mousse retombe, le cœur pétille et rit,
les sourires s'éclairent et la concorde est douce.
Et si vous nous offrez un peu de bière rousse,
nous goûterons pour sûr votre chevalerie.

Est-il d'autre noblesse que celle de ce soir
où les heures s'écoulent  en délicieux devis.
Un peu d'alcool suffit à parfumer la vie
et les lèvres s'étreignent en s'approchant pour boire.

Bien sûr on me dira que c'est une passade,
quelques instants glanés au cœur de vos vacances,
mais moi je voudrais bien partager la rasade

de l'or effervescent qui ne se garde pas.
Au diable les avares et leur potage rance.
Moi je veux de la bière, bien après mon repas.

vendredi 24 février 2023

Aviat t'espera el dia

Aviat t'espera el dia,
el despertar gelat,
la cremor del cafè,
el somrís de l'amant

que s'ha quedat enrere,
mes que per tu escriu.
No prendràs les torrades
que soleu compartir.

Estendràs la bugada
dels llençols estimats
que us varen acollir,
tendres i rebregats.

Un peu de ce printemps

Je suis resté huit jours en négligeant d'écrire,
sur mon petit écran, les vers que tu aimais.
Mais je me suis repris, j'y reviens désormais,
poète cabotin qui aime te voir lire.

Sous tes yeux insatiables, naviguent des romans,
plus de trente en un an, sans compter tes écrits.
Tu rentres du travail, sans un pleur, sans un cri
et, malgré ta fatigue, tu aimes ce moment

où tu goûtes mes vers, dans ma langue ou la tienne,
imaginant ma voix, mes yeux terre de Sienne,
les instants d'écriture, mon cœur dans tes silences,

cependant que, dehors, le monde vibre et danse,
étranger à ta vue qui cueille dans mes vers
un peu de ce printemps qui travestit l'hiver.

Com al port de Sant Joan

Amb els llavis tancats, 
el somni queda a dintre
i ballen les pestanyes
com al port de Sant Joan.

M'agrada aquest silenci
de la nit dels teus llavis,
quan el temps no té fi
i la fredor s'allunya.

El coixinet s'adorm,
el llençol n'és gelós.
No sé si guarda encara
el record dels amants.

Et miro i no t'adones
que t'estic escrivint
quan ta barca tremola
com al port de Sant Joan.

mercredi 15 février 2023

Quina llengua parles?

Quina llengua parles, quan voreges el mar?
La teva, amor, aquella que em van inspirant
les ones i la sorra.

Rocoses inflexions d'un matí de febrer.
Tendre ball de vocals amb consonants
casades. 

I el preu del silenci salat que s'omple
d'iode dels antics mariners i em deixa
silenciós, mentre, assegut, t'espero.

Plage pavée

Sous les pavés la plage...
Et sous les vieilles poutres
de notre bibliothèque ?

Des livres bien rangés,
au sourire glacé,
et entre deux rayons

des secrets échangés.
Un marché de sirène,
une plage pavée.

Triomf de la lectura

T'he llegit a la nit
tot als teus personatges
que em donaven fredor.

Si tremolava amb ells,
em donaven calor,
del si de cada plana,

blancor del seu passat.
Quan m'ha guanyat la son,
el llibre triomfava. 

La langue et les dialectes

Nombreux sont les dialectes que préserve une langue,
serrés dedans son poing, à l'abri du gros temps.
Je croyais en connaître, puis est venu l'akan,
au fil d'un vrai dialogue, juteux comme une mangue.

Entre Ivoire et Ghana, les dialectes fourmillent.
De lagune ou des monts, ils franchissent les lignes
que les hommes ont tracés, comme on plante une vigne.
Un ami du hasard, sensible à leur famille,

m'explique leur prégnance. Il s'exprime en français,
riche et circonstancié, mais si jamais il pleure
un parent disparu ou un soudain malheur,

c'est en akan qu'il parle, en invoquant les feux
de l'antique foyer qui jamais ne s'éteint,
nourri de cent dialectes qui fourmillent sans fin.

mardi 14 février 2023

Le voyage à Port-Bou

C'était un beau voyage, un voyage en petit,
entre deux vieux pays qu'une langue unissait. 
Sur la rocaille grise, la jolie Fiat glissait.
Ma mère conduisait et Liliane parlait.

Elles allaient à Port-Bou, pour des colifichets,
un peu de tabac blond et des apéritifs,
rien de compromettant ni de roboratif.
Les maris en prendraient, les femmes discutaient.

Les deux partaient matin et revenaient joyeuses,
de leurs conversations et de leurs confidences.
Liliane rayonnait, Maryse était heureuse.

Resté sur la terrasse, j'attendais Jacqueline,
nous partagions des disques et deux ou trois pralines,
sans savoir qu'un beau jour, viendrait leur descendance.

La mer s'est dégagée

La mer s'est dégagée et le sable apparaît.
Douceur du formica blond, sans grain.
Cardinale disposition.

Au nord, La grande mer et un atlas.
Au sud, mes doigts et un livre neuf,
dans sa facture et son esprit.

Mes doigts sentent la gouache turque
puis jouent à la marelle sur les lettres.
Signes diacritiques. Orient !














© Orhan Pamuk, Souvenirs des montagnes au loin

Ancre de couleur

Ancre de couleur,
de larmes, de peur.
Le froid, la nuit,

puis le rêve crayonne.
Moleskine rayée fin.
Ennui du bleu.

Les lettres dansent,
entre les lignes.
Saute-tampon.

Nulle douane, sinon
le divan turc. dīwān
Mais la langue court

CAPITALE. Couleur
ou douleur ? Éluard.
Un mot. Un seul...

                GORDUGUM




   






© Orhan Pamuk, Souvenirs des montagnes au loin

Cinquanta-quatre síl·labes.

Cinquanta-quatre síl·labes.
Alenada de sons.
Nou hexasíl·labs blancs.

Poca cosa. La sort
de viure i compartir
l'amor de l'estimada.

La pluja de febrer,
el preu fosc del gasoil
i ta mirada clara.

Màgia dels trajectes

Tantes cares distintes
i tantes trajectòries
que no puc compartir.

Cada dia m'hi fixo,
agraït a la vida
que me les ofereix.

Arrugues, llavis prims
o somriures sensuals.
Màgia dels trajectes.

lundi 13 février 2023

Em vols acompanyar?

A la Roser

Em vols acompanyar
pels caminois secs
de les terres altes?

Calçada de còdols,
vorals de fonolls,
deixarem les rimes

i seguirem el ritme
de l'hexàmetre bo.
De bracet. Tu i jo.



Mamy Blue

C'était une voiture comme on n'en trouve plus.
Le moteur à l'arrière, des rondeurs bleu du ciel,
on aurait dit alors qu'elle n'attendait plus qu'elle.
Elle fut sa liberté, son rêve d'absolu.

Avec ses deux enfants, ma mère convoyait
les tambours de mon frère, mes drapeaux catalans.
Nos amis la voyant, souriaient en râlant.
Ils auraient bien aimé un fiacre aussi douillet.

Elle nous fit découvrir le Roussillon profond,
et si elle toussotait, Mamy Blue cédait peu,
nous éclairant alors du feu de son plafond.

Des odeurs de sarriette et du thym plein les poches,
tel est mon souvenir des virées à son bord,
et de la joie sereine de revenir au port.




Le voyage à Ortaffa

Ce fut un beau voyage, un voyage en petit,
une poignée de mètres, à travers le vignoble,
délaissant le goudron pour la conduite noble,
celle des bicyclettes, en pluie de confettis.

Le chemin inégal longeait l'étroite agouille.
Il exigeait l'effort du père et de l'enfant,
patience nécessaire, sans que l'on fût piaffant,
dans cette promenade, singulière vadrouille.

Que dire de la route sinon qu'elle les unit ?
L'enfant allait plus vite, son père soufflait fort.
Au milieu du village, ce fut le réconfort

d'une galette au beurre qui préparait au nid,
où ils revinrent, tard, parler de cet exploit
et de cette aventure qu'ils instituèrent en loi.

dimanche 12 février 2023

Conjunt

Qui diu que diables, bruixes i música
no s'agermanen mai? Mit aquí una colla
de les bones, reunida al museu ceretà

dels instruments populars. Entesa profunda
i respecte mutu. Clar, d'aquí una horeta,
les coses canviaran. Una mica, no gaire.

Petards, fum, soroll, rialles i crits guanyaran
els carrers de la ciutat artística. Mes ho faran
a ritme de tambors i timbals. A ritme melòdic.















© Marie Lopez


Nous allions au café

Nous allions au café, c’était Place Turenne,
la pluie avait cessé, je serrais fort sa main.
Ma mère était jolie, je songeais à demain.
Je me sentais si fort, au bras de cette reine.

Elle fumait des Craven et buvait un café,
je dévorais la tarte qu’elle venait de m’offrir.
Tapissés d’écossais, les murs semblaient ouvrir
sur un monde nouveau, de princes et de fées.

Il pleuvait fort dehors, une pluie verglacée,
et quand nous rentrions, ma bouche conservait
du flan ce goût sucré qui, bientôt, s’effaçait.

Au loin, dans le brouillard,  j’entendais retentir
les sirènes de brume qui criaient l’abandon.
Mais moi, avec maman, j’étais un bon garçon.

Pont del Diable

De pedres i de morter, com un desafiament
dels homes a la follia devastadora del riu,
el pont acull, mansuet, els diables del Nord.

Diable amb diables, màgia de les paraules
i del foc que encara no ha encès la vella
vila de Ceret. Hores llargues i plaents.

Només hi falta un poeta per a contar-ne
els fets i l'inoblidable embruix de la colla
diabòlica del verd Riberal.















© Marie Lopez

Ferro forjat

Ferro forjat. Del Pirineu.
Geni català, pràctica ancestral.
Fredor de febrer que l'adorm.

I vet aquí que s'esperesa de la mà
d'un diable de la plana, exiliat
al sagrat Vallespir. Ànima de foc,

fragor d'amistat. Múrria serenor 
del Guillaume, ja preparat per donar
a Ceret la bona follia del Riberal.





















© Marie Lopez

Un amic fa anys

Al Ramon, que fa anys avui

Qui sap que a Moià, hi viu un bon amic,
somrient i fidel, un regal de la vida ?

A Entrepà i pa, o al cafè del Prat,
ens solem reunir per xerrar sobre el món.

Valuoses converses d'amics. Fructíferes
o no, l'important és compartir coses

i viure aquests dies. Fa anys l'occità pur
ens va reunir, ara el català ver ens abeura.

Si tu veux déguster

Si tu veux déguster mes mots avant les autres,
attends le soir tiédi, le silence du monde,
et relie-les entre eux, pour en faire une ronde.
Porte-les à ta bouche en galette d’épeautre.

C'est un plaisir fugace, aussi simple que vrai.
Mes mots te quitteront pour rejoindre, au matin,
ce très vieux dictionnaire dont je tire mon teint,
vampire inavoué, enivré de Vouvray.

Ta salive est en moi, mes mots s'y sont fondus,
ils en sortent tout neufs, prêts à de nouveaux vers.
Par ta dégustation, ils sortent de l'hiver,

pour franchir le tercet, comme on franchit un ru.
Me voilà condamné, matin après matin,
à goûter ta salive, pour embellir mon teint.

Quand le printemps approche

Quand le printemps approche, il est temps de rêver
à l'humble paysage des promeneurs des rues.
Leur parole est austère et bien souvent bourrue,
mais leur démarche est belle, honorant le pavé.

Mais mots ne seraient rien sans cette sève habile
qui ne vient pas de moi mais de leur circuit lent.
Entre deux murs de briques, ils montrent leur talent,
sans en avoir conscience, loin des automobiles.

Car si l'on veut connaître les grains de chaque ville,
c'est en flânant qu'il faut les cueillir un à un,
sans nulle avidité ou ivresse civile.

Cette leçon de vie, j'ai tardé à l'apprendre
brûlant mes calories dans de vaines poursuites,
alors qu'il suffisait de suivre leur conduite.

Mutuelle nécessité

Mutuelle et nécessaire, la convention tacite
qui invite deux êtres à bien se rapprocher.
Aucune parenthèse, aucun entre-crochets,
la conviction légère est pantoufle de vair.

Quand sonnera minuit, que vive la citrouille.
Sa soupe est savoureuse et pauvre est le carrosse.
On ne vit bien ensemble que loin de Carabosse,
sans dessin animé, la canine patrouille.

La distance est richesse, et j'aime tous ces contes,
qui nous sont nécessaires, nous guidant dans la nuit,
alors que trop souvent, on s'enfle de biscuits

qui étouffent la faim sans régaler le comte,
qui dort au fond de nous, avide de noblesse.
Une noblesse vraie, sans peur et sans faiblesse.

Poètes, vos crayons

À Isabel et Antoni, amants de papier

Ce Salvat-Papasseit, c'est un peu mon Desnos.
De l'inventivité qui n'aurait pas vieilli,
et, entre les orages, une étrange embellie.
Qu'en aurait-il pensé, le poète de Sète,

s'il les avait connus, ensemble, au jeu de boules ?
Copains comme cochons, ou silencieux en transe ?
Étrangers l'un à l'autre, écrivant comme on danse,
devant l'amère absinthe qui rend un brin maboule ?

Leurs crayons affûtés me manquent aujourd'hui.
Leur fantaisie aussi, emplie de profondeur,
qui savait transformer les roses en un fruit

et de beaux calligrammes en une jolie fleur.
Aujourd'hui cependant, une amie romancière
en tire un de l'oubli, sensible à ma prière.

samedi 11 février 2023

Rotllana

Rotllana de vida, rotllana d'amor.
Amor de la vida i dels castellers.

Sàvia entesa que no necessita mots.
Somriures i concentració. Horitzó
de braços i tela. Tres colors. Res

de superflu. Després vindran d'altres
assajos. Aquest serà determinant.




l'Angélique fa anys

L'Angélique fa anys.
Bon àngel al matí
i diablessa al capvespre.

L'Angélique fa anys,
ja és temps de tornar-li
tot el que nos ofereix.

L'Angélique fa anys,
a veure si aquest vespre,
li direm... Diabòlica!



Bruixa, bruixeta

Bruixa, bruixeta,
de què t'has disfressat
amb ton cor ben vermell
i tes mans de carbó ?

Bruixa, bruixeta,
on aniràs al vespre?
A l'infern o a Ceret?

Bruixa, bruixeta,
tens posat de diablessa
i cara d'angelet.




Lande

Qui dit que l'occident est symbole de mort ?
Dans le froid du matin qui en gèle la peau,
déjà la lande exulte et caresse les eaux,
jusqu'à se perdre au loin, en bordure du port.

Son vert s'est mâtiné de l'iode des embruns
et du bleu de son ciel qui la regarde épris.
Jamais elle ne se vend, ce qui fait tout son prix,
quand on la longe un temps, si l'on vient de Chelun.

Les siècles passeront, les têtes blanchiront,
mais elle gardera ce vert inaltérable
et le libre avantage de demeurer couchée.

Bien loin de nos affaires et de notre prison,
elle est inspiratrice et remplit mon cartable
de mots inoubliables et d'odorants sachets.





















© Brigitte Prédeval

Què hi ha?

Què hi ha al darrere?
Al darrere de cada mot,
de cada frase, cada boca.

Hi ha saviesa i tradició,
llengua apresa dels pares
i de les amants.

Però, sobretot, hi ha, sempre,
un cor que batega i sang roja,
que raja i nos uneix. Tots.

Estate

Est-il rien de plus beau que la jolie ballade
qu'interprète João au terme de l'été ?
L'amour s'en est allé, il reste la gaité
de la simple guitare, d'un peu de marmelade

qui sèche sur la table où ils ont conversé.
Précieuse prosodie qui transforme l'absence
et, sans l'anéantir, en révèle le sens.
La coupe était trop pleine et il fallait verser

un peu de son nectar avant qu'il soit trop tard
et que l'orange amère n'affecte la douceur
de deux mains qui se croisent, encore sans douleur.

Est-il rien de plus beau que la jolie balade
qu'ils firent, ce soir là, tout autour de l'étang,
rêvant incontinent aux délices du temps ?



Deux verres de rosé

Deux verres de rosé, ah la juste mesure
qui éloigne du rouge l'épaisseur et le poids.
Qui aurait dit du prince qu'il serait bientôt roi,
dans la perfide guerre, de tons plus que d'usure ?

Prenez un beau café, mieux qu'un estaminet,
au centre d'une ville que parachève un pont.
Invitez-y César et disposez des ronds.
Vous y pensiez déjà, depuis potron-minet.

La salade est craquante et le rosé est frais.
Qu'importe La Callas qui enveloppe l'air.
Délice de l'assiette et rêve d'un coffret

pour enfermer céans toutes ces sensations.
Caresse de la main qui frôle ainsi le verre,
avant la nuit glacée et sa distanciation.



vendredi 10 février 2023

Que ce soit en rêvant

J'ai laissé tous mes livres dans un placard secret
puis j'ai gagné la route de l'ancienne chapelle.
Silence des fenouils accompagnant l'appel
du lieu abandonné dans un recoin discret

Que noble est le chemin qui ignore le port
où trop souvent l'on croit échapper à la mort,
alors que la vie même n'est que cheminement
à travers les embûches et les ricanements.

Nulle aigreur, cependant, dans ce sillon de vie.
Les mains qui le façonnent, sans en être asservies,
ont la noblesse vraie de la terre ancestrale.

Baptême de la fange, ô toi, mon eau lustrale,
tu fais de l'imparfait le sacre du vivant
et, si un jour je meurs, que ce soit en rêvant.



Laisse venir à toi

Laisse venir à toi l'oiseau tombé du nid,
aperçu sur la route, tendre duvet au vent.
Perpétue sa mémoire et ce souffle émouvant,
étranger à l'asphalte et aux bruits de la vie.

C'était un oisillon, le printemps en hiver,
trop dépouillé pour endurer le froid,
la parenthèse chaude au milieu des frimas.
Si mes rimes chancellent et pauvres sont mes vers,

c'est que son souvenir obnubile mes yeux
et que j'aurais donné de l'or pour le voir vivre,
un peu de cette joie qui souvent nous délivre

et nous fait siffloter comme des oiseaux ivres
insouciants cavaliers de ce monde joyeux,
étrangers au goudron et aux cris de la mort.

Bibliotètica

És un lloc amb tantes formes, tants colors,
quiets i seductors, que tanco els ulls, deixant-me
acaronar pel cartró pàl⋅lid de les tapes toves.

Finestres tancades als meus ulls i que la casualitat
desvela, d'un cop, com per una ratxa de vent.
Hi solc anar una vegada a la setmana, sol,

per collir-hi llavors ètiques, bocinets d'una moral
senzilla i senzillament humana. No decideixo res.
Els llibres em conviden. A gaudir de la pau.



jeudi 9 février 2023

Si d'aventure existe...

Si d'aventure existe ce paradis rêvé,
qu'il daigne m'accueillir dans ce PMU calme,
à la musique douce, si éloigné des palmes
de moire et de vermeil sur mon passé gravées.

J'y viens l'après-midi y prendre mon café
et caresser un brin le formica brillant
de la table du coin, écouter les clients,
composer deux, trois vers, et la vie parapher.

Mon encre est de regards et ma plume de sons.
Des odeurs de blanquette, le rire du garçon,
et les télés criardes que pas un ne regarde.

Les heures se succèdent sous l'œil des canassons
qui courent à l'écran derrière la fortune
et laissent loin derrière les dents de la camarde.




Il y a ce Jeune

Il y a ce Jeune au crâne dégarni, aux yeux éteints.
Il hoche la tête aux propos décousus de l'Ancien
qui lui fait face, édenté. Langue pâteuse, décousue.

Du portugais des hautes terres. Saudade blanchie à
la chaux d'une vie de façadier des plaines. L'Ancien
se lève, la serveuse passe, jolie. Le Jeune la regarde.

De l'or dans ses pupilles. Un instant. Guère plus.
Il se penche sur l'écran de son portable. Aucun mot,
aucun son. L'Ancien revient. A falar português.

J'aime attendre ta voix

J'aime attendre ta voix, ou plutôt ta missive,
qui tinte joliment sur mon vieux téléphone.
Serais-tu Déméter ou plutôt Perséphone
pour m'abreuver ainsi de ta plume lascive ?

Je te devine rire, derrière ton écran,
car tu es si pudique et tes messages doux.
Au milieu de l'hiver, ta voix est un redoux,
la laïque prière de l'amour consacrant.

Comme si chaque rire s'habillait de velours,
le tien est de douceur et jamais ne persifle.
Je m'y tiens à l'abri des fâcheuses rencontres.

On me dit soupe au lait, or tu sais m'apaiser,
jouant de ta franchise contre l'or de la montre.
J'aime attendre ta voix... Et déjà elle me siffle !

mercredi 8 février 2023

Amor absent

Estovalles de color,
mirall dels dits nus
que descansen.

No queda res. Ni got
presumit ni tovalló tou.
Despullada veritat

de les estovalles buides
i dels dits que hi passen.
Amor. Absent.

Douce chanson

Que douce est la chanson que fredonne ma fille.
J'y reconnais des mots qui naissent de ses rêves.
Licornes et poupées, des courses sur la grève...
Complice avec mamie, aux champs comme à la ville,

elle laisse sa chanson, pour jouer au mah-jong.
Jeton après jeton, elle se construit un monde
où règne, en absolu, son sourire de blonde,
avant que sur sa gauche ne l'appelle le gong.

Que douce est sa chanson qui me pousse à écrire,
délaissant mes marottes pour embrasser les siennes.
Que vienne le soleil et se ferment les persiennes

afin que d'autres rêves naissent d'autres chansons,
en un bel arc-en-ciel de couleurs et de sons.
Alors viendra le tour de s'asseoir et de lire.



Intense nudité

Intense nudité
que celle de la main
qui tendrement écrit
en souriant d'un doigt.

La main parfois se cache,
sans jamais disparaître.
Elle espère le soir
qui lui tend une feuille.

Intense nudité
que celle du matin,
qui délaisse la plume,
pour te serrer enfin.

L'attente d'un poème

À Ponç Pons

L'attente d'un poème qui voyage sur l'onde,
entre île et continent, au rythme du voilier.
Un poème filé, dans un recueil choyé,
et dont je ne connais que la patine blonde,

le titre du recueil, une pincée de terre
et son souffle iodé. Est-ce déjà le lire
que de m'imaginer la façon de l'écrire
sur le coin d'un bureau ou assis sur la pierre ?

Je connais son auteur et j'apprécie sa plume,
sa culture latine, le cuir de ses sandales.
Ce fou de la nature néglige le bitume

et parle à Saint François, rudoyant les vandales
qui asservissent l'île d'où il tire son encre
et où, un jour, peut-être, je jetterai mon ancre.

Coucher de soleil

Ultime rayon,
la langue aux lèvres se mêle
puis le rideau tombe.

Carnets Bagouet

Porter dans son corps
L'écriture hâtive
Des minces carnets

Feuilleté vivant
De lambeaux de peau
Et de muscles nus

Ne garder de trace
Que dans la rétine
Du voyeur aimant




mardi 7 février 2023

Fin de soirée

Les enfants sont au lit 
et la table est déserte.
Que longues sont les heures
qui s'ouvrent au dormeur.

Éternité de songe
conjuguée au pluriel.
Que vienne l'insomnie,
le rêve s'abolit.

Notule

J'aime l'accordéon et ses poumons de cire,
qui glissent sous les doigts d'un danseur de salon.
Le parquet est de teck, la lumière au néon,
les couples virevoltent sans jamais se dédire.

Étranger à la danse, je regarde courir,
sur les touches d'ivoire, les doigts de l'invité.
Il est humble et virtuose et j'aime méditer
sur l'obscure raison qui le pousse à venir.

Un orchestre à lui seul et ses yeux dans le vague.
La digue de Malo, l'élan des chars à voile.
Tant d'étranges pensées qui naissent sous l'étoile.

Le musicien s'envole et mon esprit divague
J'aimais l'accordéon, me voilà funambule,
à marcher sur les mots, en guise de notule.

De deu al ple

aquesta nit no he deixat de somniar
i cada insomni em tallava els mots
desfilada d'imatges vives
funàmbul acerb al vespre
sense to ni so
mes amb deler
deu versos
plens

Nou vides té un respir

pens
estim
respir fort
no parl escolt
t'esper al cantó
dóna'm sis minuts plens
un sistema solar nostrat
sense obertura ni rellotge
entre illa i continent xalarem

Pèrdua

He perdut cinc paraules
quan anava al mercat.
Cinc paraules boniques,
que et volia donar.
Qui me les tornarà
abans que es pongui el sol?
A tothom les demano
i ningú em contesta.
Deixaré el mercat
i aniré enrere
amb els ulls ben tancats
perquè em guiï l'amor.
I si no tornen mai,
me les inventaré...
O me les donaràs...
A veure, provem doncs!

En cinq

L'amour est sans voix
depuis ton départ.
Je n'ai que cinq doigts
et aucun rempart.

Piètres rimes pauvres
qui pour toi mendient
et rentrent bredouilles
sans aucun tracas.

Mais quand tu m'appelles,
les vers se composent,
paroles fidèles,
vraie métamorphose.

Deixa'm escriure

Deixa'm escriure,
si us plau,
deixa'm escriure,
que la vida és breu

i la llengua volàtil.
Deixa'm tornar
a la llengua estimada,
que sempre he volgut

lliure, sense rima
ni metre. Blancor
de la calç del paleta
que esdevinc pel vers.

Lingua semper viridis

À mes enfants

Je sens qu'elle vient me voir, discrète et impérieuse.
laissant glisser les heures, sans un poème ou presque.
La langue se fait jour, pure, sans arabesque.
Miracle de cent mots et d'une voix joyeuse.

Je n'ai plus de contrainte, ayant laissé l'emploi
qui m'en faisait héraut, avec délectation.
Je me suis retiré mais garde la passion
des mots de chaque jour, paroles d'autrefois.

Un jour je filerai vers des contrées sans nom,
laissant à mes enfants bien des pages noircies,
une jolie chaumière, pas le Grand Trianon,

mais où ils trouveront des légumes farcis,
comme j'aimais leur faire, entre deux poésies,
à l'aide de mes mains. Et de leur fantaisie.

lundi 6 février 2023

Le joli mois de février

Qu'il est joli ce mois, si bref et si pluvieux,
avec ses flaques bleues, ton bonnet sous la brume,
la pergola glacée où je trempe ma plume,
tuant le temps espiègle, la folie des envieux.

Je prépare mon nez, plastique vermillon,
pour enchanter l'enfant qui dort au fond de nous,
et si je vous écris, c'est afin que se noue
ce lacet invisible qui me rend trublion.

Dans moins de vingt minutes, je me présenterai
aux enfants du quartier avec mon nez tout rouge,
ma valise violette, et ses mille trésors.

Je les laisserai faire et ils me guideront
parmi les coquillages et les coquilles vides,
à transformer le sel en une poudre d'or.



© Roser Blàzquez Gómez





Le printemps sous la pluie

Dis-moi
    tes pensées,

celles qui viennent
    sur l'instant,

puis s'en vont
    et s'oublient.

Pas toutes.
    Juste une.

Que, moi aussi,
    j'oublierai.

Mais avant,
    juste avant,

Une pensée
    aura fleuri.

    Toute seule.

        Le printemps,

                sous la pluie

vendredi 3 février 2023

Vampire poétique

On dit que les vieux chiens rêvent en noir et blanc.
Moi, je ne rêve pas, dérobant à la nuit
un peu de sa pénombre, pour tromper mon ennui,
et faire de mon lit un bureau ou un banc.

Je m'y vois en Soulages, tirant de la couleur
de tant d'ombres épaisses, pleines de mots antiques,
qui attendent de moi la folie hérétique
de les réanimer en criant leur valeur.

L'insomnie a un coût qui ne m'inquiète guère,
car à soixante-trois ans, j'en ai vécu bien cent,
volant à la nuit noire un soupçon de son sang.

Vampire poétique, quel beau festin de pierre
pour l'ancien Dom Juan que le verbe a calmé
et qui se lève tôt... pour mieux vous empalmer.

El temps d'obrir les portes

Atrapat en els fils del pensament
                                Jordi Odri

El temps d'obrir les portes,
totes, clares o fosques,
per pescar oloretes
de sang a les venes.

O més senzillament
quelcom que ompli la ment
o l'estomac feroç
d'una pasta veloç.

El temps de portar obres,
poques, denses o pobres,
per olorar la febre
...i el gust de la ginebra.

Fleurette

À Martí et Anaïs

Quelle est cette fleurette qui dort sur le béton ?
Un signe du printemps, arraché au terrain ?
Du jaune d'or, du vert, un rêve ultramarin
pour qui voyage vite, les pieds dans ses crampons.

Beaucoup plus simplement, c'est un joli présent
de ma fille Anaïs, qui rêvait aux oiseaux,
pendant que son grand frère taquinait les poteaux,
visant les hautes perches, de son ballon tout blanc.

Bien des jours ont passé depuis ce beau dimanche,
sans que l'oubli s'installe ni que se fane la fleur.
J'y vois un talisman, atout dedans la manche,

pour demander aux jours un peu plus de bonheur
et guider mes enfants sur le chemin des vers,
qui font naître des fleurs, au milieu de l'hiver.




Voix

À Charles, avec reconnaissance

Je n'ai pas reconnu le timbre de la voix
d'un ami de l'enfance passant à la radio.
- Vitesse accélérée ou froideur du studio ? -
Mais sa pensée précise lui enlevait tout poids.

Visiteur du sacré, il interroge l'âme
de chaque vieille lettre de l'antique alphabet.
Du noble Pentateuque, ou bien des Maccabées,
il tire des constantes, qui me tirent des larmes.

J'avais quelques notions, dues au rabbin Ouaknin,
qui me semblent bien pâles quand j'entends cette mine.
Et, aujourd'hui encore, tapant sur mon clavier,

je vois la mer s'ouvrir et venir des béliers.
Précieuses conventions qui naissent des racines
et tissent entre nous un lien indéfectible.

jeudi 2 février 2023

Maternelle exigence

À ma mère, avec tendresse

Mais qui sont ces mouettes qui frappent au carreau ?
D'écervelés oiseaux en quête de pitance,
et qui, à cette fin, te charment de leur danse ?
Ou n'est-ce pas plutôt les serviteurs dévots

d'une mère abusive qui éprouve ainsi son fils ?
Plutôt que de me perdre en vaines conjectures
sur de ces volatiles l'ingénieuse nature,
je préfère me rendre, incontinent novice,

à tes vœux, chère mère, et, en un tournemain
de moins de dix minutes, te croquer un sonnet.
Que ne suis-je Mac Do pour les mettre à la broche

et les livrer céans, sans remettre à demain
l'affreuse ritournelle du rimailleur damné
qui, faute de sujet, se livre à la débauche...

Voyage littéraire

J'ai laissé voyager sur mon épaule lasse
ta main aventureuse que le rire guidait.
J'ai baissé mes paupières, plus rien ne me bridait.
Ta main était anguille et ma peau une nasse.

Il fallut bien des heures pour revenir au port,
oublier ta main fine et gagner le bureau
où m'attendait la plume, le miroir du carreau,
l'absence nécessaire pour transmuter ton or.

Mon épaule couverte ne laissait rien paraître
des trésors de la nuit, ni l'appel de la vie,
tout juste un doux frisson, reflet de nos envies.

Alors j'ai rédigé le sonnet que voici,
et, sur le pré rosé, j'ai bientôt laissé paître
nos moutons dessinés par Saint-Exupéry.

mercredi 1 février 2023

Parenthèse

Parfois la langue fuit, je sens qu'elle me délaisse.
Sa rigueur un peu mièvre la dessert et m'assèche.
Je veux d'autres saveurs, l'abricot et la pêche,
du piquant sous la langue, un soupçon de mollesse.

Mon briquet est grippé et l'amadou s'enroue.
Je joue avec les mots mais la syntaxe grince.
Devant tant de raideur, faut-il être bon prince
et s'en accommoder, en tirant le verrou ?

Foin de censure hâtive ; il n'est aucune faute
qui vienne du lexique, de la morphosyntaxe.
Je suis le seul fautif, qui veux un nouvel axe.

Perspective nouvelle... Je sens Hugo qui rit
et, tout derrière lui, des milliers d'internautes
me conseillant de lire ce qu'un autre a écrit.

Un sopar

Un sopar al capvespre,
a l'hora violeta,
a la francesa.

Un tros de truita,
un grapat de ciurons
en un brou.

I converses. Riques.
Riures, somriures.
Dos fillets, son pare.

Delícia al capvespre

Pensant en la Roser

Deliciosa és l'espera
de l'ésser que s'estima.

Posta de sol taronja
i trànsit incansable.

Tancat al cotxe blau,
miro, penso i escric.

No compto mai les hores,
els meus dits són sil⋅làbics

i els mots em venen sols,
com petons de sa boca.

Fèves, riez !

Fèves, riez ! Pourquoi cette saillie
me vient-elle à l'esprit, cependant
que le mois nouveau s'ouvre au jour ?

Mois bref, froid et pluvieux, oublié
ou rangé dans le magasin aux accessoires.
Et pourtant, il débute par la lumière

douce et chaleureuse de Marie auréolée
par milles soleils de crêpes blondes
qui virevoltent. Alors, fèves, riez !