jeudi 31 octobre 2019

Llavis / Lèvres

Orbis terrarum. Es teus llavis
vermells són per jo ses curves
de la terra. Una terra de carn

joiosa i no pas de còdols secs,
com unes cuixes de xarol roig
quan s'apropa Sant Martí.

Finis terræ. Es teus llavis
vermells són ses dues columnes
d'Hèrcules, fosquet, as ponent.

***

Orbis terrarum. Tes lèvres
rouges sont pour moi les courbes
de la terre. Une terre de chair

joyeuse et non pas de cailloux secs,
comme une paire de cuisses de vernis rouge
quand s’approche la Saint-Martin.

Finis terræ. Tes lèvres
rouges sont les deux colonnes
d'Hercule, le soir, au couchant.



Mae West by Dalí

Musée éteint, je me couche
sur la lèvre inférieure de
skaï, en chien de fusil,

vers la jointure du dossier
et de l'assise. Je m'endors.
Les rêves alors se succèdent.

Rupture scalaire. Le canapé 
de chair cherche la chaleur
de mes lèvres qu'il épouse.

l'assise et le dossier, comme
sous l'effet du LSD, se séparent
violemment et enserrent mon poignet.

Ombilic des limbes, le canapé s'endort
à son tour au creux de mon ventre,
ignorant du détroit les colonnes d'Hercule.




En lisant, en traduisant

Tu guides ma main au matin,
dans le silence de la maison
claire. Les mots figés sur

le papier dansent soudain 
comme des paillettes. Pure
cosmogonie avec son vent,

ses oliviers, ses collines,
ses chiens couchés aux pieds
de l'aimée. Les mots andalous

se heurtent aux miens. Éclats
de cuivre et de laiton. Parti-pris
et retour à la lecture aimée,

cependant que tu dors, ignorante
de la compagnie neuve que tu m'as
offerte, un jour de septembre.

Douche

La douche t'absorbe.
Rideau d'eau et fleurs des champs.
La nuit sera mauve.

mercredi 30 octobre 2019

Glaces

La chaleur est étouffante et la parole
faiblit. Les souvenirs affleurent aux
lèvres qu'ils gercent sans s'exprimer.

Seuls les yeux de braise se croisent et 
s'unissent. Le silence invite à gagner
la laiterie voisine en quête de glaces

à la réglisse et à l'anis. Des douceurs
pour un chêne devenu un moineau dans les
mains d'une présence aimante.

Ils goûteront à la crème glacée sans un mot
ou presque. Mais ils se comprendront et je
ne dirai rien sur cet amour fort et absolu.

Què vols? / Que veux-tu ?

Vull una vida senzilla, dins una caseta
de pescadors vora el mar. Amb tu.

Una vida de nits a la lluna de València,
amb els ulls perduts entre constel·lacions
i les mans obertes al destí. Amb tu.

Una senzillesa càlida i complexa. Sense cap
mena de possessió mortífera. Una vida creuada,
de diàlegs sobtats i frecs suaus. Amb tu.

***

Je veux une vie simple, dans une cabane
de pêcheurs en bord de mer. Avec toi.

Une vie de nuits à la belle étoile,
les yeux perdus entre les constellations
et les mains ouvertes au destin. Avec toi.

Une simplicité chaude et complexe. Sans nulle
possession mortifère. Une vie croisée,de dialogues 
soudains et de doux frôlements. Avec toi.

Tintamarre

La voix s'en est allée, remisée sur le rivage.
Elle laisse la place au vacarme de l'océan.
Nul répit, nulle inconstance. Même les oiseaux

se retiennent de chanter. Les yeux se closent.
Les distances s'abolissent. La vie des puissants
n'est que peu de choses face à la mer, la mer

toujours recommencée. Qu'auraient dit Valéry et
Brassens si leur repos, au lieu d'un toit tranquille
ou d'un sage pédalo, avait crû dans ce tintamarre ?

Comme une invite

Le jeu commence, les cartes sont neuves.
Nul chiffre, nulle figure ; des clichés.
Comme une invite, la mer lèche le sable

et les pieds de la voyageuse qui la longe
derrière la fenêtre embrumée de l'express.
Écume séculaire, ingravide, et qui invite

les mains à la cueillir comme le saunier
recueille le sel à la surface du marais.
Le sable est sombre et pourtant le soir

atlantique est encore loin, comme si 
l'invite écrivait par avance la course de
l'humaine existence dans les pas des amants.


Encants / Puces charmantes

a un professor de llatí casanauta

Dius que la ciutat va perdre el seu encant
i que la brutícia la va transformar en uns
encants informes.

En llegir-te, m'adono que me l'estic
estimant encara més. El passat mústic
canta les flors que hi van néixer i

l'amor dels veïns enfeinats. Sorolls 
de vida i passions callades. Besades
prohibides pels carrers i que et roben

el cor. Les teves passes per tot arreu 
que li tornen la frescor dels inicis
mítics que un dia, in situ, m'explicaràs.

***

Tu dis que la ville a perdu son charme
et que la saleté l'a transformée en
un marché aux puces informe.

À te lire, je me rends compte que je n'en
l'aime que davantage. Le passé fané
chante les fleurs qui y sont nées et

l'amour des habitants affairés. Bruits
de vie et passions tues. Longs baisers
interdits dans les rues et qui  vous 

ravissent le cœur. Tes pas en tout lieu
qui lui restituent la fraîcheur des débuts
mythiques qu'un jour, in situ, tu m'expliqueras.

Tes livres

Tes livres s'amoncellent
sur la table mate. Fins 
ou épais. Documents vrais

ou fictions enchanteresses,
ils me parlent de toi et de 
tes langues. L'espace se zèbre

du rouge des taxis pressés
et la foule se presse au pied
de vieux immeubles modernes.

Les ouvrir pour humer le cœur
qui bat et deviner les pas d'un
guide latiniste.

Les lire enfin avant d'écrire.
Écrire sans fin dans la ville
du couchant. Auprès de toi.

Ta ville

Couleurs sur papier mat écru,
ah la jolie palette ! Ta ville
caresse les yeux de qui

la feuillette. Éclat des gris
brillants des anciens clichés,
où le doigt laisse trace.

Souvenir fugace des enfants
se pressant à l'école du Quartier.
Amour en tout lieu qui se donne.

mardi 29 octobre 2019

Somriure lunar / Sourire lunaire

La lluna et somriu
llampec lent de mitjanit
i veu de poeta

***

La lune te sourit
éclair lent de minuit
et voix de poète

No em deixis mai / Ne me laisse jamais

No em deixis mai,
com el vent fútil
que sempre em fa

companyia. Deixa
córrer la llum
dels dies amargs

i pensa en l'aigua
serena del brollador
que ens espera aviat.

***

Ne me laisse jamais,
comme le vent futile
qui toujours me tient

compagnie. Laisse
couler la lumière
des jours amers

et pense à l'eau
sereine du jet qui 
nous attend bientôt.

De sang et d'eau

De sang et d'eau fraîche,
l'attente se pare d'or,
une queue de paon.

Une sirène

Une sirène, pas comme les autres,
se désespérait de sa verte solitude 
dans un lagon des mers du Sud.

À ses congénères qui s'ébrouaient
en riant, frôlant leurs queues
brillantes les unes contre les

autres, elle répondait par une
bouderie songeuse. Sa jolie queue
perdait de ses couleurs et de sa

proverbiale souplesse. Elle se
craquela bientôt pour disparaître
soudain. Sous les écailles desséchées,

deux jambes apparurent, déjà halées
et puissantes, désireuses de nager
à leur tour et de gagner des mers

plus fortes, aux embruns d'océan.
C'est ainsi que la sirène devint
si reine pour un prince éperdu.

Si tu étais...

Si tu étais avec moi,
tu entrerais ici, sur
ma terrasse, à l'abri

de la ville et du soleil.
Tu prendrais place à ma
table et partagerais le thé

brûlant et le pain farci de
viandes délicates en sauce.
Nous deviserions, les lèvres

brillantes de l'opulent repas
et du désir de fleur d'oranger
qui jamais ne nous abandonne.

Nous abolirions les distances
et, en espagnol, nous rendrions
grâce au monde : ¡Albricias!


Un balcon sur la mer

Un escalier de métal qui 
tangue comme un bateau
et, tout en haut, une femme

petite et vive qui accueille
la nouvelle venue d'un salut
cordial. La zone commerciale

est vide en cette fin de matinée
d'un samedi d'octobre. Les poëles,
éteints, font une cour silencieuse

et assistent immobiles à l'échange
qui éclate. La commerciale se rend
compte que la cliente présumée est

son amie de quarante ans, perdue
de vie depuis bientôt dix-sept.
Ferveur des embrassades. Délice

du café brûlant. Le monde s'évanouit,
factures et commandes s'effacent, les
murs sont ceux d'une maternelle à l'heure

tendre des mamans. Un détroit et tant
de terre séparent les deux femmes.
Le temps saura les abolir.

Un homme, une femme, un été

Août s'étire sous le soleil, en silence,
dans le ressac d'une embarcation amarrée.
À l'intérieur, un bureau minuscule, du tabac,

un cendrier tiède, des feuilles, un écran,
une tour et un clavier. Solitude des vers
étudiés et du boutre aux voiles affalées.

L'homme et la femme viennent de le quitter
pour un café bruyant d'Agadir. Ça embaume
la réglisse et la menthe longuement froissée.

La foule se presse, le père et la fille s'y
déplacent avec souplesse, d'une démarche égale,
comme étrangers au spectacle de l'été finissant.

Plus tard, ils partiront pour le sud, pêcher
la langouste ou glisser sur l'onde témérairement.
La solitude attendra et le cendrier est déjà froid.

lundi 28 octobre 2019

Deux amies hors du temps

Le mois touche à sa fin
et la fête, loin encore,
tend sa toile imparable.

Deux amies de toujours
n'en ont cure. Hors du 
temps et de l'espace,

elles ourlent leurs lèvres
des bulles d'un apéritif
amer avant de s'abandonner

à la ronde enivrante des
minutes. Pas une seconde
sans un mot et pas un mot

sans le regard bienveillant
de l'autre. Convergences
coupables ? Ma non troppo.



Insoupçonnées

Silence de cuivre poli.
La main tiédit la lampe
et la caresse.

Parfum d'orange et de miel.
La cannelle sous les doigts
se défait lentement.

Vacarme de la masse sombre
et claire de tes cheveux
dans ta main.

Goût acidulé de l'oseille
qui cuit à gros bouillons
dans le faitout de terre.

Images qui changent enfin
et ouvrent du vieux livre
des pages insoupçonnées.

Sous les doigts

Sous mes doigts l'océan se fait mer
et la peau une contrée de bocages.

Sous tes doigts, la plaine rêve de
sommets et les yeux se closent.

Sous nos doigts entrecroisés, deux
silhouettes s'aiment et se confondent.

Sous les doigts, la feuille, naguère
vierge, se couvre de suaves arabesques.

Oxymores

Air tiède et vivifiant, parfums
intenses et doux, hauts sommets
à un jet de mandarine.

Les yeux se closent et percent
l'horizon. Les corps s'étreignent
et s'alanguissent. Les devis ont

la lenteur du silence. Les trains
sont en retard et, sous leur faix,
le ballast s'affaisse et s'attendrit.

Deux âmes appariées

à I. et C.

Comme deux amies, la mère, la fille,
devant un thé brûlant au sortir des
express retardés.

L'étreinte des mots et des sourires,
le plaisir des jours sans heure ni
tâche, une complicité ancienne

mais qui se renouvelle et s'exprime.
Les horloges perdent leurs aiguilles
et la nuit se fait d'oranges.

Présence, absence

Entre les pages serrées des livres disséminés,
ta présence.  Sur les vieilles photos, patiemment
rassemblées, ta présence.

Dans la boîte de carton frappée à l'enseigne de 
la Maison Serraj, ta présence. Dans une bougie
embaumant la fleur d'oranger, ta présence.

Dans mon cœur, réveillé en pleine nuit, par le 
silence des draps et l'épaisseur de l'air glacé,
ton absence.

dimanche 27 octobre 2019

Parole déposée

Comme le marc se dépose au fond de la tasse
étroite de faïence jaune, tes livres d'enfants,
colorés, sont un écrin précieux pour ta parole

déposée. Un lexique les introduit ou les clôt,
avec des termes inouïs pleins de ton timbre. 
imagé. Je les lis le soir quand la terre, entre

ombre séculaire et lumière maigrelette, ignore
les gouffres d'eau froide entre les continents.
Les chèvres alors y paissent et ta parole revit.

Il n'est de pire...

Il n'est de pire clôture que celle qui s'efface.
Double porte de verre s'ouvrant à l'approche du
voyageur pressé et qui ne saisit d'elle que le

passage de la lumière à l'ombre. Il y a quelques
heures, tu te tenais dans son embrasure fugace
et nous regardais nous en aller avant de gagner

le grand oiseau blanc. Couperet du silence et de
l'ombre glacée, épaules écrasées sous le faix de
l'absence. Il n'est de pire clôture que cela.

Sous mes doigts

Sous mes doigts la poudre fine
du vieux sablier brisé. Plus
de corset aux heures, aux jours.

Le temps sera lèvres sur ta peau
et souffle dans tes cheveux. Sous
le canal, le parking fuit et l'ombre

gagne les amants qui s'y emprisonnent.
Les joutes attendent en surface et
les boissons ont le glauque de la mer.

S'il m'était donné de freiner la course
du soleil, je nous voudrais funambules
sur la corniche de pierre. Douces fadaises.

Lectures

Angle du canapé, coussins en désordre,
les enfants se pressent pour écouter
la conteuse. Silence, rires, émotion.

Le conte cède bien vite le pas au dialogue.
On rivalise de gouaille et de gestes vifs.
Le plus grand des petits saisit d'infinis

détails et en déduit une situation semblable
à la sienne. La mer regorge de déchets vils
et l'Espagne n'est qu'un zigzag violet.

Le temps n'est plus un fil et l'heure du coucher
ne cesse d'être repoussée. Les mots de l'Orient
se mêlent aux paroles de la tribu. Complétude.


jeudi 24 octobre 2019

Deux traits de khôl

Deux traits de khôl, rapides,
tracés au pinceau d'un geste
sûr et bref et mon cœur chavire.

Silence des paupières qui se closent.
Ombre des yeux plus sombres encore,
souffle régulier. Écoute pure, une fois

la vue congédiée. Alors, d'une voix cassée,
les mots courent sur les draps et montent
le long des bras trébucher contre deux petites

boucles orientales. Les langues se mêlent,
la mélopée des sons du Sud rencontre l'étrange
litanie des sons du Nord. Détroit d'écume et d'oranges.

Un châle dans la pluie

Un châle dans la pluie,
sombre et si fin et,
minute après minute,

ton visage qui se couvre
de larmes du ciel. Aux pieds,
les ravages de la terre gorgée.

Ta démarche incertaine sous le
large parapluie de soie bistre
et le châle qui protège de la

fleur d'oranger les ultimes
fragrances. Comme un oiseau de
paradis, ton châle dans la pluie.

mercredi 23 octobre 2019

Œillets

Le cœur d'une petite fille
avait cessé de battre, faute
de soins, dans ce pays lointain.

De la rose, un à un, les pétales
churent. La fleur pleurait et
lentement dépérissait.

Il fallait une fleur plus robuste
pour contrecarrer l'infortune.
Elle choisit l'œillet, non pas

celui du poète qu'elle affectionnait
mais l'œillet pommé, ferme, de toutes
les couleurs, le rouge surtout.

Elle en commanda des dizaines, puis des
centaines. Les fleurs s'étalaient sur
des tables fleurant bon l'humus.

Puis elle mit en place une bourse singulière :
quelques sequins contre une fleur et un billet
à adresser à l'élu(e) de son cœur.

Le marché fit florès, les sourires fleurirent.
On dit même que l'amour naquit par la faute
d'une erreur d'acheminement...

Cœur d'écume

Mon amour est lune,
sa passion tendre est soleil
et son cœur d'écume.

Quand le cœur se serre

Quand le cœur se serre,
la vue se brouille,
les doigts sont gourds.

Le silence est une lame
et la conscience coton.
Alors je laisse aller

les mots, les pauvres
mots, sans rime ni mètre.
Et je songe au bonheur

si proche. À la fumée
d'une bougie lente qui
me dessine une orangeraie.

Aux livres feuilletés,
kaléidoscope de camaïeux,
et aux mots doux échangés.

À l'enseigne automobile

La pluie a cessé. Passée
la barrière des videurs
et la lourde porte de verre,

le couple s'installe au comptoir.
Alcools forts de couleur dans
de minces verres froids.

Entre eux, une étole d'organdi noir
et un parapluie amaranthe. Non 
loin, les danseurs et le vestiaire

déserté. Un soir de pluie sur la terre
et deux êtres qui ne pouvaient se
quitter et en silence se le criaient.

lundi 21 octobre 2019

La petite fabrique du sommeil

Les doigts ont cessé de tourner,
enlacés et le souffle s'impose,
régulier.

Auparavant il y eut la parole grave,
les histoires du passé, la tiédeur 
du coton.

Le jour était de lait, le laitier en allé,
elle dormait à présent, son cœur 
plein de fêtes à jouets.

dimanche 20 octobre 2019

Dis-moi juste

Dis-moi juste la couleur
des oiseaux dans l'aurore.

Dis-moi juste la course
des aiguilles contre le temps.

Dis-moi juste la senteur
de l'oranger dans le matin.

Dis-moi juste du pêcheur
le songe à l'aube parfumée.

samedi 19 octobre 2019

De musique, les mains

Baguettes de bois clair
ou cordes épaisses d'acier,
ses yeux sont dans ses mains.

Ses yeux et ses oreilles.
Du port, l'iode grasse cesse
de monter. Sans mot dire,

ses mains l'ont écartée.
C'est un temps bref, précieux,
aux touches myriadaires.

Les amis se croisent, taiseux,
sauf le chanteur, la chanteuse,
qui portent leur voix à tous.

Bientôt, les instrument seront
remisés, les salles éteintes. Mais 
ses mains continueront de chanter.

Autour d'huîtres

D'amour elle a souffert. Beaucoup.
Le souvenir de l'égoïsme peine à
s'en aller. Le printemps la surprend

dans un port atlantique. Rencontre
rapide avec un cinéaste. Inattendue.
Ils conversent autour d'huîtres.

L'air est vif, le citron aigrelet.
L'homme est sympathique et disert.
Il la questionne sur sa vie récente.

Elle répond son mal-être. Le répand
en touches légères et acidulées.
L'homme de l'écran arbore un franc

sourire. «Tu es à un âge où tu bâtis
ta carrière. Fous-toi royalement des
échecs et fonce, fonce...»

C'était il y a un an, une éternité.
Un autre égoïste est venu. Un mystique
celui-là, elle l'a quitté. Et sourit.

Un regard et des mots

Le lit est bas et sombre.
La petite regarde dessous.
Elle croit avoir vu s'y cacher

un chat. Ou deux. Elle est souple
et gauche, parle peu, mais avec
cette passion que tu sais guider

d'une voix douce et amusée.
La petite ne parviendra pas
à débusquer les fugaces félins.

Mais elle conservera, dans la nuit
de coton, ta voix qui lui apprit
des chats l'auguste mélodie.

Mercenarios contra mi lengua

Os sacáis fotos y reís
mientras la ciudad
roja y gualda muere.

Os escucho chuleando
en traje de azul facha,
uniformados de vergüenza.

Pegáis y disparáis sin orden
ni concierto, es decir con
órdenes ajenas de odio

para con quien no habla
vuestra lengua de fuego.
Sin embargo yo, humilde

paseante, puedo hablar
en alto la vuestra cuando
se viste de azucenas.

Pegando, disparando,
mercenarios embriagados,
no la fareu callar. Ni un minut!

vendredi 18 octobre 2019

Mentre dorms / Pendant que tu dors

Mentre dorms, escolto el teu buf,
l'oloro i el deixo crear mons nous
sota els llençols apavaigats.

Començo a parlar-te en veu baixa,
et conto històries passades. Ric
i faig del meu somriure una tendra

carícia. Passa una hora. Sense una 
arruga. La nit se'n va a contracor.
Queda tant per fer i no té gens de

confiança en l'alba matussera. Sona
el despertador, com el gall de Sant
Pere. Comença un dia nou. De color.

***

Pendant que tu dors, j'écoute ton souffle,
je le hume et le laisse créer des mondes neufs
sous les draps apaisés.

Je commence à te parler à voix basse,
je te raconte des histoires passées. Je ris
et je fais de mon sourire une tendre

caresse. Une heure passe. Sans une
ride. La nuit s'en va à contrecœur.
Il reste tant à faire et elle n'a aucune

confiance dans l'aube grossière. Le réveil
sonne comme le coq de Saint Pierre.
Un jour nouveau commence. En couleur.

jeudi 17 octobre 2019

Tu as parlé

Tu as parlé la langue de mes mots
et j'ai cessé de les voir comme 
les miens. Tu les as vêtus de velours,

les as détachés, détaillant chacune de
leurs lettres, et je les ai découverts,
pauvres petits joyaux que le soir faisait

naître dans la lente passion des inflexions
échangées. Mystère des hiérogamies, l'ombre
claire d'un alphabet tout neuf.

Carrusel / Carrousel

De ferro, el ball pesat i viu
s'enduu la flor de la joventut.

A dintre, uns pares sense ulls,
cascs sords, armilles glaçades.

Contractats per a protegir la gent,
obliden la seva missió i ballen

una dansa de mort. Sang clara,ossos 
trencats, la pell amb d'altres marques

que els blaus tatuatges d'amor. Quan
deixareu de ballar, mercenaris pesseters?

***

En fer, la danse lourde et vive
emporte la fleur de la jeunesse.

À l'intérieur, des pères sans yeux,
casques sourds, gilets glacés.


Engagés pour protéger les gens,
ils oublient leur mission et dansent

une danse de mort. Sang clair, os
brisés, la peau avec d'autres marques

que les bleus tatouages d'amour. Quand
cesserez-vous de danser, mercenaires appointés ?



mercredi 16 octobre 2019

Comme un sable un peu grossier

La nuit est d'encre et les corps s'endorment.
Aveugles, des voix échangent, lentement.

Silences, phrasé grave, rires aigus. L'anodin
prend des teintes d'acajou et de vin d'Arbois.

Le grain des voix qui alternent fait songer à
un sable un peu grossier que l'on ferait glisser,

entre ses doigts, sous l'eau froide d'un griffe.
L'essence s'y glisse, vouivre insaisissable et

les êtres, appariés par l'échange, plongent,
tour à tour, leur main dans le froid gravier

vivifiant. Les empreintes s'émoussent et les
pulpes, déjà, se cherchent et ne se lâchent plus.

mardi 15 octobre 2019

De zèbre

De zèbre est ta robe et de vent tes semelles,
où cours-tu ainsi quand finit le lycée ?

Entre filles et garçons, sur des scènes étroites,
sombres ou clairsemées, tu déclines le grave sur
une large palette. Le lutrin de côté, tu arraches
les notes par poignées entières que tu distribues

par la suite aux passants égarés. Si j'étais martinet
c'est sur tes cordes que j'aimerais me poser.


Complétude

Le ciel est haut et le soleil le veut.
Le bleu tiède rosit et la mer s'apaise.
Elle ourle la rive d'une écume épaisse,

blanche pâte d'épeautre qui lève dans
le fournil. Le temps est à l'amour qui
naît et les oiseaux se taisent. Bientôt

le soleil sera haut et l'eau sera fraîche
dans les bues de terre vernissée. La belle
en versera une goulée au galant impatient 

et les échassiers, lentement, traverseront
l'horizon pour clore d'un trait l'orbe clair
d'un jour tendre au parfum d'infini.


Catalarmes

Ma mer ce sont tes larmes
et ma douleur la leur.

Ma barque est de douceur
et si triste est leur âme.

Je vois mon pays nu,
ma langue menacée,

la chaleur des baisers,
le désarroi tout cru.

Catalogne éplorée,
préserve ton amour.

tes sentiments sont lourds,
l'odieux ne doit durer.

samedi 12 octobre 2019

Quatre cordes

Quatre cordes de métal froid
et, au dessous, le bois dense
qui attend.

La basse est posée sur le canapé
rouge, elle pèse paisiblement.
Ses cornes poussent

insensiblement, à gauche et à droite,
comme à la pensée du corps qu'elles
épouseront bientôt, rythmiquement,

dans un balancement chaloupé. Il y a
dans cette attente la nostalgie d'une 
batterie de garçons, le soir, non loin.


De vi i d'aigua / De vin et d'eau

Entre mar i oceà, no vull triar
i la sal se m'escorre entre els
dits. Descarto el got de vi negre

que fosqueja lentament i m'apropo
a la teva copa glaçada, de vi blanc.
Deixa que t'hi fregui els llavis,

de sobte, bruscament i amb parsimònia
després. Tenim temps i el crepúscul,
diferit, ens invita a la taula dels sants.

***

Entre mer et océan, je ne veux pas choisir
et le sel s'écoule entre mes doigts.
J'écarte le verre de vin rouge

qui s'assombrit lentement et je m'approche
de ta coupe glacée, de vin blanc.
Laisse-moi y frôler tes lèvres,

soudain, brusquement et parcimonieusement
ensuite. Nous avons le temps et le crépuscule,
différé, nous invite à la table des saints.

vendredi 11 octobre 2019

Le plus précieux des foulards

Bleuté, sous ton poignet,
en fines lignes qui se perdent
dans la paume, le foulard vit.

Nul ne le voit mais mon pouce 
le sent quand il s'abandonne
à la rêverie et au cuivre des

samovars. Douceur du soir tiède,
envies de thé brûlant et de douceurs.
Le pouce a mille yeux et le foulard

est aveugle. Se peut-il qu'il découvre
un jour les merveilles de la vie et les
couleurs chamarrées de l'occident en feu ?

jeudi 10 octobre 2019

Lascia/ Laisse-moi

Lascia che ti ami, tesoro.
Le notti sono più belle da 
te. In questa prigione d'oro

che si chiama giardino, voglio
parlare di te e sognare fondo

davanti a la porta della felicità.

***

Laisse-moi t'aimer, mon trésor
Les nuits sont plus belles depuis 
toi. Dans cette prison d'or

qu'on appelle jardin, je veux
parler de toi et rêver profondément

devant la porte du bonheur.

Buée

Et la vitre s'est embuée
pour un cliché tremblant.
Incertitude du mètre :

entre six et huit, le vertige
des doigts du spectateur.
Vers blancs, les syllabes hésitent.

Il y a tant de pudeur
dans ce cliché hésitant
que les mots se retiennent. Enfin.

Quelques morceaux

Quelques morceaux de viande,
assaisonnée, revenus vivement
et cette conversation soudaine

qui réunit les amies. Lenteur
de la circulation automobile,
fringale partagée. La viande

rissole déjà et les propos 
s'envolent. Le soleil s'est
couché, la vie continue.

Cartographie

Silence de la nuit.
Paupières closes,
tu relis les mots

de l'exil. Le poète
andalou, au Mexique
buvant. L'amour perdu

puis, par les mots clairs
et purs, retrouvé. Ton cap,
ce portulan étrange.

Au sortir du taxi

Au sortir du taxi rouge,
le verre d'eau fraîche
dans le salon sonore.

Silence de l'obscurité,
le canapé glace qui n'est
plus rouge mais brun.

L'envie de mots vient,
chuchotés à l'oreille
comme sable de rivière

sous les pieds en été.
Le rire naît déjà, qui leur
fera parure, non loin.

mercredi 9 octobre 2019

Instant des lices

Le temps d'un baiser
aux lices de Carcassonne.
Émerveillement.

mardi 8 octobre 2019

La ballarina espanyola / La danseuse espagnole

a I.

No volia fer matemàtiques.
Volia ballar. Dia i nit.
No volia omplir quaderns

amb lletra illegible.
Volia ballar. A l'espanyola
amb vestit de flors ajustat.

No volia calcular. Ni mesurar
la magnitud de les estrelles.
Sabia que les portava dintre

del cor. A l'espanyola. I quan
el professor li demanà què volia
fer, respongué: jo vull ballar.

A l'espanyola

***

Elle ne voulait pas faire de mathématiques.
Elle voulait danser. Nuit et jour.
Elle ne voulait pas remplir de cahiers

d'une écriture illisible.
Elle voulait danser. À l'espagnole
dans une robe à fleurs ajustée.

Elle ne voulait pas calculer. Ni mesurer
la grandeur des étoiles.
Elle savait qu'elle les portait dans son

cœur. À l'espagnole. Et quand
le professeur lui demanda ce qu'elle voulait
faire, elle répondit : je veux danser.

À l’espagnole.

Una pausa

La noche se está cerrando y gozas
de los últimos fulgores del sol.

Dentro de la granja apacible, bebiendo
a sorbos pequeños una taza de té hirviente,
tan verde y opaco como el océano que se está

durmiendo. Ahora mismo. Mientras tú te quedas
acariciando el esmalte de la tetera exhausta.


Le Saxo

Dans un quartier oublié de Dieu,
au Diable Vauvert, l'étroit Saxo
fait encoignure. Les tables claires

sont de formica et les chaises dépareillées
assurent une assise confortable. Pourtant
nul ne s'y hasarde. On se presse autour du

comptoir que surveille la maîtresse des lieux,
gironde et courtoise. Le café, banni, est réservé
aux rares égarés. On boit des alcools forts ou

de la bière mousseuse. Je m'y tiens reculé, les yeux
sur cette société en petit qui se désagrège au seul mot
de pétanque. Alors les piliers fuient et le cuivre rutile.

Ton océan

Si loin dans mon souvenir, avec ses crêtes
de blancheur fugace et son ressac permanent.

Si proche dans le giron de tes genoux discrètement
halés, l'océan attend. Il attend que cesse la course

du soleil et que l'eau salée le boive d'un coup, dans
un hoquet de sang veineux. Douceur de l'attente,

confiance dans la nuit qui s'en suivra et te rendra à
la ville minérale où, de terrasse en terrasse, les hommes

chantent la gloire de Dieu pour trois piécettes d'argent
et un sourire furtif.

dimanche 6 octobre 2019

Peur d'enfant

La boutique est étroite, tout au fond
d'une ruelle ensoleillée. La petite avance,
elle a peur. Son grand-père adoré l'attend,

en blouse blanche, une paire de ciseaux et
un peigne plantés dans la poche supérieure
gauche. Le salon est vide, l'homme est beau,

souriant, sa chevelure brune, épaisse semble
avoir échappé aux cliquetis des ciseaux.
La petite s'assied sur le premier fauteuil,

recouvert de moleskine rouge. Le grand-père
plaisante, il joue des ciseaux dans l'air,
comme de deux sabres japonais, puis il se

remet à sa tâche, avec application. La petite
louche en se regardant dans le miroir. Pourvu
que sa frange soit droite. Il sourit. C'est fini.