samedi 30 avril 2016

El carter del joc

a Joan Brossa, in memoriam.

«Com un cos sense llum entre la runa»
Feia mesos que buscava el punt àlgid,
o la frontissa, un detall, per petit
que fos, que em permetés donar a entendre
la poesia d'en Brossa a les meves alumnes
atònites.

No el trobava. Passaren dies. I setmanes.
M'anava desesperant. Elles, se'n volien
de no haver triat l'opció de portuguès.
Fingien l'interès, s'esforçaven pels metres.
Algunes deixaren de venir al curs.

En quedaren tres i una. Aquesta última per
amistat. I la cosa començà a canviar. En
llegir «El carter del foc», els ulls em 
jugaren una mala passada, substituint la efa
per una jota. I comencí a llegir les odes

com una xarranca, un deliciós «cadavre exquis».
De la terra al cel. Una paraula, un decasíl·lab,
en clau de joc, obtingueren una altra força.
Nova. Com si li piquèssim l'ullet al «Cara al Sol».
«Volverá a reír la primavera», noies. Oi?

Plantes rudérales

On ne vous aime pas,
on vous dédaigne,
on vous arrache,

on vous affuble d'un
adjectif abscons,
d'un nez en carton.

Le monde doit être uni,
les parois nettes et lisses.
Or vous les fendillez et

du crêpi faites une jolie
arène. Illusion de l'actuel,
vous rappelez la force

de la nature et jamais ne
vous prosternez. Jardiland
ne vous accueillera pas et

Truffaut vous a écartées de
sa bible. Sornettes, foutaises,
billevesées. Comme je vous aime,

sœurs urbaines des coquelicots,
mes rurales, une pincée de mes 
cendres quand je ne serai plus,

mêlée à votre arène, serait l'honneur
suprême, pour m'en aller rejoindre,
qui sait, les astres rudéraux.



Ullastres, de veu i de paper

A Joan Pons i Paco Gomila

Tinc dos amics illencs, l'un de llevant,
l'altre de ponent. L'un viu a l'illa,
l'altre a la capital. Silenci. Remembrança.

No passa un dia sense que jo hi pensi. En els amics,
en la terra que els porta, seva i meva, en la sang
que ens uneix, d'iode i de saïm. Ambdós, o, més aviat,

tots dos, em feren un regal quan la primavera tardava
a despuntar. M'oferiren uns arbres, potents i vençuts,
salvant la paradoxa. De veu i de paper. La veu d'en Paco,

la lletra d'en Joan, amb la ma tan fina de la Tònia, sa musa.
Em mostraren la força de la vida i la cultura, les arrels que
feia tant de temps qua anava buscant. I em deixaren anar.

Una estona, només una estona...

Un ami à Olot

à Paco Gomila Pons

Si vous passez par Olot,
vous y verrez, dans un parc
qui porte leur nom, des volcans

la trace évanouie. Arrêtez-vous y,
déjeunez ou, mieux encore, dînez.
Les mets y sont odorants et fins.

Du feu de la terre, ils ont gardé
la saveur et la force. Mais, mieux
encore que la table, sont les hôtes.

Sincères et attentionnés. Un ami y
a fait halte, vendredi, de retour
vers son île, pour y retrouver

un frère, ou tout comme, «Mar i muntanya»,
la mer et la montagne, l'accent iodé
devisant avec la rocaille de la Garrotxa.

Je ne vous dirai rien de leur conversation.
Je n'en sais rien. Et peu m'en chaut d'ailleurs,
«ce ne sont pas mes oignons», mes gros oignons

de Lézignan, tendres et doux. Mais je sais qu'ils
y furent heureux. Si nos vies sont fleuves à la mort,
comme l'écrivait Manrique, alors leur île fut belle.

Assurément.

vendredi 29 avril 2016

Le regard déporté

À  K. et M.

Deux de mes amies sont aimées et en rient
d'aise et de tournis. Deux amies que j'aime
aussi. L'une sur le rivage d'Occitanie,

l'autre à Barcelone, non loin de son parvis.
De les savoir heureuses, je ne les en aime 
que davantage. Mon regard se déporte.

Leur profil m'apparaît, en pleine lumière.
Épris, léger, rasséréné. Nul battement de
cœur qui vienne me troubler,

je les sais comblées et m'en repais, sagement,
secrètement. La parole est libre quand le regard
se déporte. Et les voilà qui me clignent de l'œil...

Ses avions

«Je suis en Normandie, avec mes beaux avions»,
l'alexandrin est parfait, coupé à l'hémistiche.
Plus précieuse est la voix qui le porte.

Une amie que je vois peu mais dont la parole
est source de vie et de sagesse.
Nous avons un ami commun, dans l'île

du Septentrion. Il vient de repartir.
Mais demain, quand elle et moi nous nous retrouverons,
il sera avec nous, le cœur dans ses avions à elle,

ses beaux avions.

Désir et expérience

Longtemps j'ai vécu dans le désir
de l'expérience. Empressé, impérieux.

Puis j'ai compris que l'expérience
était illusoire sans désir. Un désir

désordonné et jubilatoire, aux confins
de l'autre, si proche et si lointain.

Deleuze s'en est allé avec ses machines
désirantes. Me reste Montaigne, au bord

des rails. Pour moi donc j'aime la vie
et quelques sourires qui se reconnaîtront.

jeudi 28 avril 2016

Le sourire d'une adolescente

Je passais alors près de la gare des autobus
avec mon enfant petit qui aime les approcher

quand une adolescente m'embrassa duregard.
Grande, bien faite, jeune très jeune. L'intention

était manifeste qui ne me troubla ni ne m'inquiéta.
Mais elle m'émut car la maladresse de la garce

affichée ne parvenait pas à effacer un sourire franc,
ouvert et confiant. Puisse ce sourire prospérer et

la préserver, un temps, ne serait-ce qu'un temps, de
la cruauté des hommes qui déjà piétinent sa jeunesse.

lundi 25 avril 2016

El mirall

Fred, trist i silenciós,
mar de gel oblidat,
de vidre i plata
mal casats.

Et llepo lentament,
veient com l'alè et
dóna la boira tèbia
de les ressaques

antigues. No vull
retrobar la imatge
coneguda, el rostre
infecund.

Ballo amb la punta
del nas per a pintar-t'hi
la cara de l'amiga
aliena,

que parla una altra
llengua, de raïm i
pebrots, apresa de
la mare.

Oh mirall silenciós,
ensenya'm com viu
el seu esguard
de foc.

dimanche 24 avril 2016

Innerver, dit-il

De la syllepse à la synapse,
il y a si peu, il y a ma langue,
il y a tes yeux.

Sans dire mot, ni m'appeler, ceux-ci
me guident, donnant à la ligne morte
ses accents, son gramme.

Tu innerves mes vers et, à partir d'eux,
fraies ces chemins qui m'étaient inconnus.
Une course lente, de la poussière,

me sont un dictionnaire et j'apprends la vie
à leur contact. Je souris car tu me les contes
moins que je ne me les invente.

N'est-ce pas là le sens profond de cette action
légère ? Allez, n'en parlons plus et rions.
Tu innerves mes vers. Et t'enfuis.

samedi 23 avril 2016

Regard

Le temps n'a pas de prise
et le regard s'ourle de cendre.
Il est tard, il est tôt,

La voix, ta voix, parle au delà
de tes mots. Pourquoi se justifier
devant la parole de l'autre ?

Je me tais, la nuit a déjà mille
yeux et la pulpe de mes doigts
s'émousse. Il lui faut la tiédeur

de la peau apaisée, promesse de
silence et d'inavoués emportements.
Ton regard se désourle. Il boit.

vendredi 22 avril 2016

Friches urbaines

De ce qui fut l'usine à gaz,
rien ne demeure. Murs
lézardés, fenêtres aveugles,

la vie s'en est allée que pleurent
couleurs, arabesques et capitales.
Silence. Aux huit heures quotidiennes

des gaziers, succède le ballet des enfants
à trottinette. Étourdissant, fugace mais
jamais futile. Et les murs de chanter.

Écrire la ville

En marge de la cité,
tout contre l'eau, de dos,
il peint puis écrit.

Lenteur du geste, bouffées
plaisantes des solvants.
Sous le trait précis, les nuages

se fixent et se font lettres. Trois
ou quatre, pas plus. L'avenir peut
attendre. Il est deux heures.

Danse de salon

Un pas de côté, deux pas en arrière,
puis on recommence. Je m'y perds.
Arithmétique simple mais subtile.

Le couple ne cille pas, nul affect
en apparence. Elle est jolie, grande,
lui demeure dans son ombre, même quand 

la figure le place au premier plan.
La danse de salon se pratique à deux,
me confiera-t-elle un soir, sans nul

prosélytisme. Les corps se rapprochent,
s'unissent puis se disjoignent, le temps
d'un morceau. Tango, paso ou cha cha cha.

Je ne la suivrai pas. Tout juste l'imaginerai-je
dans une salle du midi avalée par la nuit dans
le silence du retour. Cha cha cha, cha cha cha.

jeudi 21 avril 2016

Un café plaisant

Figurez-vous un estaminet
en bordure du canal, mâtiné
de poste de l'octroi.

Maçonnerie épaisse, ouvertures étroites ;
aux murs des trophées de jouteurs,
de la réclame et des photos

de gloires anciennes. La salle est 
à l'avenant. Banquettes de moleskine
havane, guéridons en marbre, chaises

de bois tourné. De biais, un piano droit
éventré donne à l'ensemble un vague air  

de café-concert. Derrière le comptoir, 
bel homme, le patron essuie des verres 
avec parcimonie. Devant nous, quelques 

fleurs de saison et deux verres de chardonnay
clair. Le décor est posé, le lieu va vivre,
à son rythme, c'est à dire au tien, au mien,

la salle s'animera sans que nous n'y prenions
garde, l'horloge sombre cèdera son balancier à
tes boucles exquises, bleues de mer profonde.

Je boirai tes paroles pour plus tard, quand 
les verres vidés, il nous faudra reprendre
la route, le sourire aux lèvres, plaisamment.

Le pare-brise

Fendillé, étoilé, jauni
par tant de soleil,
meurtri par les heures

d'attente sans toi
derrière lui. Brisé enfin
un matin d'avril, sans

jamais t'avoir revue.
Aussitôt remplacé par
un miroir limpide où

l'ombre se dérobe mais
qui, bientôt, en digne
successeur prendra

la patine que tes yeux,
paisibles et vifs, donnent
aux miens à l'avril finissant.

dimanche 17 avril 2016

Un récital

Point de chorégies
ni de musique de
chambre.

Un récital en petit
et nous juste au dessous.
Les feuilles bruisseront,

de plus en plus fort,
improbable brigadier
d'un théâtre créé.

Avant que de laisser
la place à des artistes
que jamais ne verrons.

Cigales en chrysalide,
se frottant par amour,
lancinante mélopée

qui de juillet fait
le cœur de l'année.
Nous les écouterons.

Puis nos lèvres boirons,
jusqu'à plus soif, au cœur
de notre nuit.

Émois...

Laisse passer les mois,
caresse de l'index les
jointures des doigts

de l'autre main. Éminences
et dépressions. Trente-et-un
et trente, vingt-huit

parfois, voire vingt-neuf,
puis recommence avec l'autre 
main.

Sommets de l'été, les peaux
perlent et s'unissent, le
moi se fond et s'effondre.

Respect infini. Ne pas peser,
s'estimer, s'apprécier, garder
ensuite un peu du sable

du halage et des antiques éclusiers
le goût sûr du temps qui vide
et abonde notre bief.

Fleur de sel

Miroir étale,
surface glauque,
l'eau est sirop.

Passe le saunier
le soir, tard,
lent épervier

sur de roses
crevettes.
Une couche

fine, au soleil,
broyée, brassée,
de liège

bouchonnée. L'enfant
joue avec la boîte,
ignorant le lent

bouche à bouche
du soleil et de la mer
reposée.

Un rythme sec et lancinant,
qui rappelle, qui exige
le ressac des eaux

et la lente promenade
de deux êtres qui un jour
s'y joindront.

vendredi 15 avril 2016

Llibertada

Sense voler, ens en va fer una,
de llibertada. Rodona, tèbia,
salada.

Al portal mateix de la ciutat
sense ànima, de ferro pintat.
Passaren

hores. Xerràrem, xalàrem.
Una història ens unia,
que havíem viscut

a distància. Sentat sus
d'una branca, el Llibert
reia. O ens reunia?

L'eau, le vent

L'eau, le vent,
au fil de l'une,
au gré de l'autre.

L'eau, le vent,
dans ta main,
sur ma joue.

Ton rire, ma joie.
Brume qui naît,
et nous essaime.

jeudi 7 avril 2016

Une nuit particulière

La nuit devait être longue et duveteuse,
bordée de lin frais dans l'accompagnement
bas d'un concerto de Mozart.

Tu devais te lever matin, la tâche n'attendrait
pas, une réflexion sur le malheur, je crois.
Mais le temps, espiègle, ne l'entendit pas

de cette oreille et nous entreprîmes de deviser.
Chacun de l'autre était la mémoire inventée et
les mois passés, oubliés entre une ville portuaire

et un quartier neuf, minéral et silencieux, 
se rappelèrent à notre souvenir, nous bousculèrent
avant de nous emporter sans terme ni durée. 

Bien sûr, la nuit ne fut pas complète, bien sûr,
nos souffles jamais ne se croisèrent mais nos
paroles se burent. Tu étais de profil, belle dans

l'amour de Lui, juste kaléidoscope de tes amours
passés. Notre devis s'en trouva enrichi qui échappait
au miroir et ne craignait plus de la voix le point d'orgue

terrible. Chansons, pensées, musiques se mêlèrent en un
joyeux coq-à-l'âne. Non loin était l'ami commun, le Kabyle
magnifique, dont je sais à présent qu'un jour je le retrouverai.

En vélo, vent debout.

Elle avait pris son vélo,
qui rouillait au bas de l'escalier. Le tenant à deux mains, concentrée sur le cliquetis enroué, elle avait longtemps hésité, s'en remettant au hasard. Un grain de sel, relief d'une pizza avalée d'un trait, lui avait rappelé de la mer la soudaine proximité. Elle s'y rendit, la tête dans le cou, comme pour se protéger d'un froid qui ne vint pas. Elle pédala, chantonna, mima le saxo qu'elle caressait, le soir quand le brouillard sur son balcon se posait. La mer enfin apparut, ligne de silence et de vent. Il lui fallut rentrer. Elle ne le voulait mais s'y résolut comme on joue sa vie sur un coup de dés. Le vent se leva. Un vent de terre, égratigné de sarments, rocailleux et acide. Elle n'avançait pas, sa montre tournait à l'envers et ses oreilles, n'entendaient plus de la vie et de son amour, unique, le pouls sucré. Et pourtant elle revint dans la ville incertaine. Elle ne sentait plus ses membres. Une tisane les lui rendit. Une tisane et d'un ami les vers longtemps inassouvis.

mercredi 6 avril 2016

À l'emporte-pièce (réflexion 2)

à mes enfants, mes parents et mon frère.

Il est des publications que je guette car je les sais rares et précieuses. Une en particulier, «Quadern del Turó» de mon ami le poète Pere Gomila. La dernière est consacrée à un ami neuf, Joan Pons, et à son premier recueil de poèmes, l'Illa dels arbres vençuts. Écrit concis, précis et élégant, sur un mince ouvrage qui fera date.
Pourquoi, depuis plusieurs mois ai-je fait de deux recueils minorquins mes livres de chevet. Je traduis le premier, à petites lampées, repoussant son achèvement à la fin de l'été. Il s'agit des Geografies del vent de Pere Gomila, le second que j'ai dans ma besace depuis à peine un mois et demi est L'Illa dels arbres vençuts. Deux livres sur ma terre d'origine et d'adoption, deux repères de ma géographie intime. Or cette géographie a des noms que je veux vous confier. Des noms qui n'apparaissent pas dans les Papiers de Panama ni dans les magazines sur papier glacé.
Au premier plan sont mes chers disparus, mes cousins Gerardo Sans Cardona, fauché par le Sida alors qu'il pouvait enfin vivre son amour au grand jour, et Lluis Guasteví, homme de bien, fin musicien, père et mari auquel une juste retraite lui fut par la vie refusée.
Au centre du tableau est un autre disparu, Àngel Mifsud Ciscar, professeur, plasticien et poète. Je l'ai peu connu, il reste l'une des trois seules personnes que j'ai entendues m'expliquer un texte de façon lumineuse. À ses côtés, son épouse, Fina Salord, gardienne de son œuvre et garante de la vitalité et de la qualité de la pensée minorquine dans le domaine des arts, des lettres et des sciences. 
Deux membres de l'Institut Menorquí d'Estudis l'épaulent qui, tous deux m'ont fait connaître et aimer davantage mon grand-oncle Gumersind Gomila : Pere Gomila et Ismael Pelegrí Pons. Ce dernier est mon repère familial dans l'île avec sa précieuse épouse Diana et ses ravissants enfants Abril et París. Quant à Pere, sa compagne Martina Garriga,m'a enseigné, si besoin était, ce que couple veut dire, dans la richesse, le respect et la joie.
Sur la gauche sont les cuisiniers et pâtissiers qui lient les générations et font mémoire : Miquel Mariano Vadell, Dani Florit, Tolo Sintes. Je les ai connus grâce au polyfacettique Miquel Mariano Pons, chanteur, musicien, enseignant, vidéaste et amant de la vie. Tout près sont Toni Juanola et Fra Roger.
Sur la droite sont les amis neufs : le franco-minorquin Lluís Soler, homme de radio et de passions, dont un roman historique devrait, très prochainement, asseoir la renommée, et Paco Gomila, l'ami inattendu, le complice constant. Avec lui en quelques jours nous avons fondé une société secrète, la «Caixa B», faite de ceux qui refusent ce monde mercantile et cueille chaque détail de la vie. Homme de la terre, il m'a appris le nom des plantes et des arbres, les nuances entre le mahonnais et le parler de Ciutadella, la cuisine mangée en commun dans un petit bar le rideau tiré et les chansons partagées au creux d'une grotte séculaire. Il m'a enseigné, surtout la sagesse de l'ullastre, olivier sauvage, le roi des arbres vaincus, «els arbres vençuts», la boucle est bouclée.
Vous excuserez mes oublis, deux hommes de l'image fixe et embellie, Pau Gener que je n'ai pas encore rencontré, et Juanjo Pons Petrus à qui j'ai montré un jour que la Noia de Porcelana existait bel et bien...

À l'emporte-pièce (réflexion 1)

La radio rythme ma vie. Depuis l'enfance, j'y ai éduqué mes enfants. L'un d'eux, Vincent, m'y a dépassé, s'y exerçant avec un rare talent. La radio que j'aime est libre, publique, concise et espiègle. Futile et engoncée diront certains. C'est vrai, je le revendique.

J'ai appris ce matin que le gouvernement avait décidé d'y autoriser la publicité commerciale. «Bananière», «raie publique», «GrHollande», «bElle Khonnerie», «Belkacémiades»... et autres haddockeries, puis je me suis calmé et j'ai descendu les allées en compagnie de mon fils petit, jusqu'à une papeterie d'un autre temps, en quête d'agrafes, cet ustensile qui ne sert plus à l'ère du fichier joint.

Nous étions seuls, le papetier, Martí et moi. Mon agrafeuse, d'un modèle ancien que j'avais dérobé dans l'un de mes anciens emplois, ne correspondait à rien. Délaissant ses maigres tâches, le commerçant entreprit de la forcer à l'aide de pinces, un peu comme le faisaient les sœurs de Cendrillon, voulant à tout prix faire entrer leur pied informe dans la pantoufle de vair. Rien n'y fit. Mais pendant ce temps, nous avons bavardé, sans nous soucier de l'heure, en toute gratuité, cette gratuité qui, dorénavant, fera défaut à ma chère radio.

Ah, vous voulez savoir comment cela s'est terminé ? Une très belle femme est entrée, en quête d'un facturier. Je n'existais plus, j'ai passé la porte en poussant Martí, le cœur léger. Oui, il existe un autre Béziers...