Elle avait pris son vélo,
qui rouillait au bas
de l'escalier. Le tenant
à deux mains, concentrée
sur le cliquetis enroué,
elle avait longtemps hésité,
s'en remettant au hasard.
Un grain de sel, relief d'une
pizza avalée d'un trait, lui
avait rappelé de la mer la
soudaine proximité. Elle
s'y rendit, la tête dans
le cou, comme pour se protéger
d'un froid qui ne vint pas.
Elle pédala, chantonna, mima
le saxo qu'elle caressait, le soir
quand le brouillard sur son balcon
se posait. La mer enfin apparut,
ligne de silence et de vent.
Il lui fallut rentrer. Elle ne le voulait
mais s'y résolut comme on joue sa vie
sur un coup de dés. Le vent se leva.
Un vent de terre, égratigné de sarments,
rocailleux et acide. Elle n'avançait pas,
sa montre tournait à l'envers et ses oreilles,
n'entendaient plus de la vie et de son amour,
unique, le pouls sucré. Et pourtant elle revint
dans la ville incertaine. Elle ne sentait plus
ses membres. Une tisane les lui rendit. Une tisane
et d'un ami les vers longtemps inassouvis.