dimanche 31 décembre 2023

Dolça pinça dels dies

Dolça pinça dels dits,
la pell guiant la pell.
Pare i filla s'abracen
pel tacte de les mans.

Al final de l'any vell,
sorgeix la delicada
consciència de vida
que s'obre a l'univers.

Quan sigui gran la Júlia,
pensarà en els dits
del pare i de la mare
bressolant els seus dies.

La vida és de paper

La vida és de paper,
plegat i per escriure.
S'hi amaguen els plecs
de les cartes d'amor.

El blanc és de color
i el color és de tinta.
Qui la toca amb els dits
és fill de l'horitzó.

Prenguem retoladors
i fugim cap al Sud,
que ens hi espera la fe
en la saviesa humana.











© Abril Pelegrí Prieto

samedi 30 décembre 2023

Unicité

La passion d'une mère,
le regard d'une femme.
On peut changer les mots,
l'unicité demeure.

On est bien peu de choses,
nous les hommes errant
sur le chemin d'orgueil,
des hochets plein les mains.

Le regard d'une mère,
la passion d'une femme.
On peut changer les mots,
l'unicité demeure.

Insoutenable légèreté de l'être

À mon fils Jérôme

Gelée sur le Morvan.
Le train à vive allure.
Kurosawa s'endort,
sous le Mac replié.

Tu as choisi pour vivre
la saignée ferroviaire
un volume jauni,
cueilli d'entre mes livres.

Et Kundera t'abstrait
de la course effrénée
du TGV filant
vers le cœur de la France.

L'amour et la misère
des héros de ce livre
sont un juste tribut
pour clore cette année.



Apophis

C'est un amas glacé
qui traverse la nuit,
s'approchant de la terre,
à la douce tiédeur.

L'astéroïde gris
ignore les combats
que se livrent les hommes,
malgré l'immensité.

On le dit insensible
aux vents de notre histoire.
Il poursuivra sa route
dans la nuit qui frissonne.

Sourire

Laisse aller ton sourire,
au-delà de tes mots.
Laisse-le s'installer
dans la nuit qui frissonne.

Il est geste gratuit
qui naît d'une pensée,
quand le rêve t'éveille
au milieu du sommeil.

Tes yeux sont grand ouverts,
par-delà tes paupières,
qui sont comme tes lèvres,
souriant à la nuit.

vendredi 29 décembre 2023

Poesia callada

No em diguis res, amiga,
que la veu és del mar
i els mots són de còdols.

Tanca els ulls i la boca,
la vida és poesia
i balla a l'infinit.

No cal que escriguis res,
ni tan sols que llegeixis.
Escolta el mar. I olora'l.

Pensées silencieuses

J'ai pensé à ta voix,
puis j'ai cessé d'écrire.
Le cliquetis des touches
en effaçait le timbre.

Ta voix est d'enthousiasme,
qui se tourne vers l'autre,
sans crainte de la gêne
qui nous étreint parfois.

J'ai pensé à ta voix,
puis j'ai recommencé,
à écrire des signes
qui me la rappelaient.

La veu

La veu, qualsevol veu...
L'escriptura dels llavis,
guiats per la mirada,
quan avancen els dies.

La veu és un tresor,
de tapa sempre oberta,
on les dents són monedes
i la llengua un collar.

La veu, qualsevol veu...
Única signatura
dels navegants curosos
i dels amants del mar.

Alea jacta est

Le solstice est passé
dans la chaleur des fêtes,
fendant l'année en deux,
pour aller vers l'été.

La lumière est timide,
qui bredouille au matin,
dans une brume épaisse
qui sent le bois brûlé.

C'est le moment précis
de rendre grâce au monde
pour des plaisirs petits
qui manquent tant à d'autres.

Une tranche de pain
au maïs jaune d'or
et un café serré
au coin de la commode.

Les virgules s'en vont
laissant la place au blanc
qui termine les vers
avant de s'endormir.

Les mots sont donc jetés
comme des dés soudains,
cherchant à attirer
les amants du solstice.

Comme un appel sacré

C'est comme un goût de sang,
dans la bouche, au réveil.
L'appel de la fenêtre
et du givre au carreau.

Les vers se tiennent cois,
attendant le moment
de surgir lentement
d'entre les draps glacés.

Alors le jour tiédit
et la table se tend,
comme une voile blanche
étendue sur le sable.

Les syllabes défilent
dans une bousculade,
sans que jamais ne cille
la face émerveillée.

On pense à son amour,
qui se lève à son tour,
dans une maisonnette
où le feu ronfle encore.

L'absence est un ferment,
pour aligner des vers,
comme un appel sacré
à l'union des amants.

jeudi 28 décembre 2023

Un taureau de bois

C'est un taureau de bois,
ciselé par les mains
d'un amant d'absolu.

Une bête massive,
que le bois adoucit,
sous l'œil qui le caresse.

Il est venu chez moi,
de la main d'un savant,
le jour des Innocents.

Innocente présence
de la force des ans,
depuis l'antiquité.

Il veillera matin
sur mon humble demeure
et il l'enchantera.



lundi 25 décembre 2023

Une toile cirée

À Roser, en ce jour de Noël

L'écossais a pâli
de milliers de blessures. 
Entailles au couteau,
salière renversée.

Il avait disparu,
je le retrouve enfin,
ce morceau de tissu
plastifié autrefois.

J'y ai vécu l'amour
qui naissait peu à peu,
dans les mots échangés
de l'été à l'automne.

Un jour j'ai acheté
des couteaux en inox,
un cadeau anodin
pour me fixer au lieu.

C'est sur cet écossais
de la toile fanée,
que nous avons écrit
nos vers et nos romans.

Et c'est sur cette nappe,
fraîchement dépliée
que nous vivrons demain
ce qui s'ouvre aujourd'hui.



dimanche 24 décembre 2023

Discorama

En matière de disques,
je fais le difficile,
donnant au noir vinyle
ma chaude préférence.

Enfant, je regardais,
sous le diamant aigu,
danser le trente-trois tours
qui s'était gondolé.

Puis vinrent les disquettes
et les lourds disques durs.
La folie en plateaux
menaçant de chauffer.

Friand depuis toujours
de la mémoire vive,
je rêvais de la voir
suspendre son oubli.

Depuis les SSD,
je suis rasséréné.
Je pianote sans crainte
de pertes de données.


Les amis de mon frère

Il y a ces noms d'amis
que je ne connais pas,
mais que je lis souvent
avec reconnaissance.

Des amis de mon frère,
qui suivent ses écrits
et goûtent son parcours
au milieu de la vie.

Je les sens s'égrener,
en ce soir de décembre,
comme autant de grelots
qui annoncent Noël.

Réminiscences

J'ai délaissé la langue
et je me suis couché,
la mémoire remplie
de chansons de Noël.

Je fredonnais allègre,
sans remuer les lèvres,
ayant perdu les mots
des antiques rengaines.

C'est alors que revint,
du fond de la mémoire,
un conte pour enfants
que j'avais oublié.

La musique est partie,
au profit des paroles,
et c'est en souriant
que je vous les transcris.

Une visite

Il y eut cette visite,
au milieu de la nuit.
La mort et sa compagne,
toutes de noir vêtues.

La mort ne parlait pas
mais elle semblait pressée.
Sa compagne attendait
et elle me souriait.

Je délaissai la mort
et regardai l'amie.
Sa bouche était pulpeuse
et battait doucement.

La mort était partie,
lassée de tant d'attente.
Seul demeurait encore
le souffle de la vie.

vendredi 22 décembre 2023

Un poeta discret

Al Joan Verger...
... de la Caixa B

És poeta discret,
home de grans lectures
No fa servir la ploma
per revelar el món.

Al final de la nit,
li roba al cel la llum,
la claredat salobre
dels matins de Menorca.

És home generós
que no demana res.
Ho rep tot amb calor
i el converteix en or.


© Joan Verger Servera


En attendant le grand soir (5)

PUDEUR ÉVAPORÉE

Il y a de la pudeur
à ne pas en parler.
Le spectacle est ainsi
qui échappe à mes mots.

Mes vers sont d'émotion
et je ne parviens pas
à saisir tout ensemble
les dimensions diverses.

La bourrée auvergnate
qui cadence la danse
des mouchoirs en triangle
sur un pont inventé.

Le fouillis d'un bureau
où s'escrime un DJ,
oubliant tout exprès
les disques qu'il appelle.

Les danses renversantes
où le désir se lit
dans la face figée
des acteurs du jeudi.

En attendant le grand soir (4}

MAGIE

La magie du théâtre
est dans l'exactitude
des gestes qui s'assemblent
bien au-delà des mots.

La scène est un creuset
où l'inoui s'affirme,
en faisant oublier
les heures d'exercice.

J'aime m'y oublier
et rire bouche bée,
en voyant un sourire
grimper jusques aux cieux.

Il y a dans la main ferme
une assurance innée
et le secours serein
des heures partagées.

Ce lent café

J'aime ce lent café,
où glissent les serveurs,
en portant leur plateau.

La rondeur est de mise
et l'on y parle bas,
en regardant l'horloge.

Je regrette les jours
qui m'en ont éloigné
par leur course rapide.

Et je songe à demain
qui m'y accueillera,
sans hâte ni mystère.

Amb un gust de taronja

Em desperto amb l'estima,
com un gust de taronja,
vogant pels llavis bruns.

La remor de les fulles
pel pati que s'adorm
és record de converses
que tenim a la tarda.

L'insomni és una sort
que ben pocs assumeixen,
amb un gust de taronja.

jeudi 21 décembre 2023

En attendant le grand soir (3)

INEFFABLE

Il a fallu des heures,
de froid et de silence,
pour dessiner enfin
l'apport de l'ineffable.

Dans de souples habits,
les acteurs marchent vite,
tombant de l'un à l'autre,
dans un jeu de miroir.

Il y a peu de paroles,
mais des incantations.
Le Nisi dominus,
les danses occitanes.

Tot esperant la vesprada

Mainatges, què voleu,
després de l'autobús?
No sabem pas encara,
nos han dit d'esperar.

I els mainatges fan cercle,
assentats sus del sòl,
escoltant la Juliette,
i esperant l'espectacle.

Ja s'han sentat a dintre,
atents i silenciosos.
Fins a veure un senyor
que ha perdut els papers.

Què és aixó? pensen tots.
S'escridassen i piquen...
Llavors arriben acròbates
i comença la peça...



En attendant le grand soir (2)

MATINÉE ENFANTINE

Le vieux Godot n'est plus
et son attente est vaine.
La terre est un tremplin
pour qui rêve éveillé.

Les pochettes trouées,
Monsieur Loyal arpente 
la scène encore vide,
avant de décamper.

Il reviendra craintif,
devant le corps de l'autre
et le mirage hautain
d'une danse lascive.

La gravité s'en va.
D'ailleurs existe-t-elle,
quand le supplice est doux
et l'effort si fragile ?

Matinée enfantine
qui rêve de baroque,
emportant chacun d'eux
vers l'au-delà des mots.




En attendant le grand soir (1)

Et...

...s'il suffisait de peu.
Un grenat renversé,
accueillant la pénombre
et les mains des enfants.

Le Grand soir est ainsi,
dans l'attente effrénée
de saltimbanques gais
qui jamais ne s'arrêtent.

La gravité s'envole
au son d'un métronome
et de disques grinçants.

Tango surréaliste
que règlent les mains droites.

Le désir est partout
et les couples s'enlacent.

Mais la danse est cruelle,
qui esseule certains,
pestant contre le ciel,

avant de les jeter
les uns contre les autres,
rebondissant soudain
parmi les spectateurs.

La frontière est légère,
qui ne tient pas longtemps.
Le pont est une danse
qu'unissent des mouchoirs.

El les gradins se vident
à l'appel du DJ.
Castellers d'un jour,
les enfants grimpent et s'unissent.

Les couleurs serpentent
et la scène devient
la piste de bois clair
où l'attente s'oublie.




Aina Nova de Bao

Tota la gent buscava
una eina de país.
I vet aquí que ens arriba
una Aina ben polida.

Al país de l'Alícia
han sorgit meravelles,
mes d'entre totes elles,
l'Aina és la més bonica.

Li desitgem ventura,
amb la camisa verda,
que un dia, ben segur,
portarà amb nosaltres.












@Alícia Bosch Mesegar

Vains voyageurs

J'aime lire la nuit
l'humeur des voyageurs
sur notre grande toile.

Qu'importe le sujet,
les mots bientôt s'envolent,
laissant place à leur voix.

J'aime écrire la nuit,
comme une action de grâce
à ces vains voyageurs.

mercredi 20 décembre 2023

Images inventées

Il y eut ce songe lent,
les journées à la plage,
dans l'attente du soir.

La marée retirée,
la course des enfants.
Puis le soleil couchant.

Images inventées,
qui naissent de l'aurore
et ouvrent la journée 

Compagnons de voyage

En el nombre de hoy.
Jaime Gil de Biedma

Ce ne sont que des mots
que j'écris en deux langues,
des galets tout usés
par des siècles d'usage.

J'aime les associer,
comme un collier de perles,
pour en faire présent
à ceux qui m'ont choisi.

Compagnons de voyage
sur notre mère terre,
avec, pour seuls bagages,
nos mots et nos envies.

Mixa joiera

Sense sortir de casa,
la mixa et fa viatjar,
guiant la teva mà
per l'or del seu pelatge.

Els somnis són silenci,
quan s'acluquen els ulls
de la gata joiera
al cor de Ciutadella.

El taller queda lluny.,
on treballes de dia.
Hi dormen els anells
amb dolça melangia

L'home dels titelles

És l'home dels titelles,
el bruixot dels mercats.
Aprofita el rebuig
per fer néixer regals.

Sap combinar els trossos,
les llaunes amb els dits,
per treure de la vida
la sucosa excel·lència.

Es mou per Catalunya,
amb un secret al cor:
la terra d'Euskal Herria
que l'acompanya sempre

La forme du soir

C'est la forme du soir
qui échappe au relief.
La masse silencieuse
des rêves qui se forment.

Je la laisse venir,
informe et signifiante.
Elle est attente pure
qui saura m'inspirer.

Bientôt le jour viendra,
dans la clarté limpide.
Mais je me souviendrai
de la forme du soir.

mardi 19 décembre 2023

Enchantement

À Victor, pour ses vingt-neuf
ans de grande générosité.

En ces temps de ripailles,
riches en retrouvailles,
remercions les bouchers
pour toutes leurs bontés.

J'ai la chance suprême
d'avoir, parmi mes fils,
l'un de ces vrais artistes
qui savent ficeler

les rôtis, les poulardes,
les faisans apprêtés,
sans mégoter leur temps,
de la nuit à la nuit.

Et pendant qu'on festoie,
la main sur la bedaine,
il fignole les plats
qui nous réjouiront.

Qu'il est beau de donner
aux autres de son temps,
pour que la vie leur soit
tout un enchantement.



En quête d'absolu

C'est un hasard conduit
qui m'a donné mon nom,
mon nez et mon chapeau,

ces humbles accessoires
qui entraînent le rire
des enfants souriants.

Je les mets le mardi,
comme on va au marché,
en quête d'absolu.

Syntaxe latine

Quand tu n'y seras plus,
il restera la voix
de cette encre de Chine,
gravée sur le papier.

Des lignes régulières,
groupées par trois ou quatre,
cueillant du quotidien
le parfum éphémère.

La syntaxe latine,
émaillant çà et là,
les vers d'un funambule,
cheminant entre langues.

Un club de conversa

A la saleta fosca,
parlaven alemany,
com mastegant els mots
amb plaer infinit.

No entenia els sons
mes els assaboria.
La tarda era de fusta
i de llibres bonics.

En sortir al carrer,
viu onejar la flama
dels poetes del Rin
pensant en Catalunya.

Aitorren etxeak

Filera de colors
amb finestres joioses.
Són ganivets de fusta
tallant l'alba grisenca.

Una ciutat de somnis,
ametsen herria.
Una frase sencera
de mots, pau i concòrdia.

És l'obra de l'Aitor,
d'aquells que l'acompanyen,
per treure la bellesa
dels palets oblidats.









© Aitor Alkorta & Co

lundi 18 décembre 2023

Un reGATLLET

Dona-li llet al gat...
...per rebre un regalet. 
Una tassa d'ulls grossos,
negra com el carbó.

Una casa rodona,
de parets suaus i blanques,
per guardar-hi sovint
el té de la vesprada.

Quan te'n vagis al llit,
beu doncs un got de vi.
Que, canviant les vocals,
el vespre haurà passat.














© Rosalba Pages Montaner

Un goût de sel

À la mémoire de L. et F.

Ce fut en revenant
de la lointaine Espagne
que le poète apprit
le départ de sa fille.

La chambre d'autrefois
où il aimait rêver
au monde de demain
avec Léopoldine.

C'est en lisant Le Siècle,
ô funeste journal,
qu'il fut frappé au cœur
et ne s'en remit pas.

C'était un neuf septembre,
pour moi un seize juin.
Les vers qui s'ensuivirent
prirent un goût de sel. 

dimanche 17 décembre 2023

Un any airenovenc

Un any d'humanitat.
Sacsejades primeres
i esforç de cada dia.

Tot el món hi pren part.
La mainada al cinema,
els grans al Birreral.

Les músiques s'hi mouen,
picant i gemegant,
amb bona sintonia.

Se trapen el dimarts,
per viure l'amistat
i muntar cap al cel.

Del Nord de Catalunya,
són eina de país,
de tots reconeguda.

De líders no en tenen,
de cap en tenen una,
de nom ben llorejat.













samedi 16 décembre 2023

Una llegenda nefanda

Cada llegenda clara,
que ens endú cap al cel,
té una cara fosca
que no es pot publicar.

Així del bon Sant Jaume,
generós i valent,
rescatant del dimoni
la pau i la justícia.

Qui ha sentit parlar
del seu mirall groller,
en Jaumet llefiscós,
cobdiciós de diners?

Un impostor solemne,
inculte i despiadat,
adulador servil
dels rics i dels potents

i vil castigador
dels bons samaritans.
Si molts l'han oblidat,
la pudor me'l recorda.

Alba de sang resseca

Alba de sang espessa,
per la pobra muntanya.
Han fugit els pastors,
amb els seus magres xais.

La pluja és envejosa
i ho vol tot cremar,
per quedar-se mestressa
dels prats i de les roques.

Alba de sang resseca,
eixida de la nit,
per devastar la terra
fins a la seva mort.

Douceur

Jo vinc d'un silenci
que no és resignat.
                  Raimon

Il y a tant de douceur
sur tes traits fatigués.
Ta voix qui se confie
est une mousseline.

Tu viens d'un monde dur
où crachent les puissants
sur le travail des pauvres
dont ils se moquent bien.

Oubliant leurs manoirs,
leurs voitures puissantes,
ils mégottent le coût
d'une humble formation.

Il y a tant de noblesse
dans ton action constante
et tant de vilénie
dans leur mépris inné.

À dix heures, le soir

J'aime ta voix qui naît,
à dix heures, le soir,
quand le salon s'éteint
sur le dîner frugal.

Les murs plongent déjà
dans la noirceur nocturne
et le voisin éteint
son vieux téléviseur.

Tu montes dans la chambre
où nous étions naguère,
me conter de ton jour
les rires et les pleurs.

Radio

Si j'aime la radio,
c'est qu'elle fuit la lumière
et désire la nuit.

La douceur confidente
des heures impossibles.
Les conseils de Macha
aux amants insomniaques.

Si j'aime la radio,
c'est qu'elle confond les temps
et n'en tient pas rigueur.


Estirats al sofà

Tot llegint Salvat-Papasseit

M'agraden les converses
dels amics a la nit,
a partir d'un bocí
del diari quotidià.

Estirats al sofà,
senten fluir entre ells,
el vent de la concòrdia,
el riu de la memòria.

Viuen la musiqueta
de les ondes hertzianes
i si tanquen els ulls
és per imaginar

el món de l'estimada,
els rols de l'estimat,
quan s'acaben les hores
que els tenen separats.

Guitares

Que penser des guitares
s'exhibant au salon ?

Posées tout au sommet
de l'ample bibliothèque,

elles restent silencieuses,
ouvrant leur âme au vide
et au dédain des livres.

Leur courbe refroidit,
sans le secours d'un corps
qui les a oubliées.

Et pourtant je les sais
friandes de musique.

Et pourtant je les sais
qui n'attendent que toi.

vendredi 15 décembre 2023

Rêve de tricot

J'ai rêvé d'un poème
qui me tiendrait la nuit,
tricotant jusqu'à l'aube
des vers et des quatrains.

Silence de l'écrit,
sur l'écran sans clavier,
avec pour seul support
la mémoire du jour.

Il faudrait pour cela
franchir le Rubicon
des poèmes petits
qui rythment mes nuitées.

Agraïment

Colliran les llavors
dels meus escrits petits.
Mentrestant ells feinegen
i m'aporten idees.

Sens els meus bons amics,
coneguts, saludats,
com diria el gran Pla,
em quedaria sec.

Els dec els detallets
que saben fer parlar,
a força de treball
i de patiments molts.

De P.I.S.A. a Babel

Torres i tornes moltes.
Avaluen, castiguen.
Sou uns mal educats!,
diuen les estadístiques.

S’inclina encara més
la torreta de Pisa,
fins a tocar el sòl
d’indignitat sobtada.

No es rendeix la llengua,
passant de boca a boca.
Defuig l’ordinador
i el sinistre balanç.

Qui parla d’igualtat
i no vol cap justícia?
Els mots són de desig,
buscant insubmissió.

Deixem-nos de càlculs
i parlem moltes llengües.
Com a model, volem...
...la torre de Babel.

Ous batuts a la nit

Ous batuts a la nit,
com un soroll de fons.
La tebior de la casa
i l'amor d'una mare.

La clara i el vermell,
ballant de bracet,
per donar a la llar
el sol que li faltava.

Ous batuts a la nit,
i la conversa avança.
Quan s'acabi l'Skype,
el fill menjarà truita.

jeudi 14 décembre 2023

σοφία

C'est comme une sagesse
qui glisse dans la nuit.
Des cailloux de rivière
miroitant doucement.

Le temps n'a plus d'aiguille
et les amis conversent,
se tendant un miroir
comme un drap de lin blanc.

Et même la douleur
se suspend un instant,
rendant à chacun d'eux
l'espoir dans le répit.

mercredi 13 décembre 2023

Reconnaissance

Les mains de Picasso,
nerveuses, barbouillées.
Les mains de tonton Sindo,
fines et déliées.

Entre ces mains diverses,
j'ai fait l'apprentissage
du plaisir des couleurs
et de la précision du geste.

Maladroit de nature,
je fais de mon regard,
un pinceau inspiré
pour les en remercier. 

Un repte petit

És un repte petit,
un combat a les fosques,
el despertar sobtat
al mig de la fredor.

La casa torturada
m'acull amb els sorolls,
de la caldera cega
al frigorífic mut.

Escric a l'ampla taula
on m'esperen els mots
de l'alba fugissera
i del sòl de carbó.

B de baiser

C'est un B de baiser
qui m'échoit ce matin,
une boucle sereine
pour caresser ma main.

La consonne seconde
de mon vieil alphabet,
devient pour moi Joconde
quand le hasard s'y met.

Et je songe à ta main,
taillant en plein novembre,
le papier bleu foncé
qui baiserait mes lèvres.



L'alphabet de leur être

C'est un curieux hasard
qui a guidé ma main,
voici plus de vingt ans,
à l'ombre de la vie.

Un souffle de syllabes,
le désir lancinant
de fixer par les mots
mon émoi quotidien.

Les choses ont vieilli,
les fleurs se sont fanées,
mais il reste à mes yeux
l'alphabet de leur être.

Imaginació

T'imagino dormint,
dormint al nostre llit,
amb la calor fugida
dels coixinets de gra.

La cambra és silenciosa,
els vidres de diamant.
Pel sostre blanc naveguen
uns ocells de paper.

Queden molt poques hores
abans del cafetó
i dels gargots petits
a la llibreta blanca.

Danse colorée

On ouvre le tiroir,
à l'obscure senteur,
pour en tirer la pâte
dont on fait les tableaux.

La matière est inerte
et la couleur fadit,
sans la main décidée
qui déblanchit la toile.

Alors le blanc se vrille,
la couleur éclabousse,
on rit de cette danse,
on brise le tiroir.


© Colette Planas

mardi 12 décembre 2023

Douzeur

Douze heures de silence,
douze heures de douceur,
un douze de décembre
qui partage l'Avent.

Un petit projet

C'est un petit projet
qui naît sur le papier,
de crayons de couleurs
qui rêvent de l'azur.

Les amies en discutent,
autour d'une infusion,
mélangeant leurs papiers
comme un jeu de belote.

C'est un petit projet,
qui attend le printemps,
l'odeur de l'églantine
et le goût du sureau.

Un petit silence

C'est un petit silence,
qui s'émaille de bruits,
laissant à l'odorat
la primeur des cinq sens.

C'est comme une portée,
où s'accrochent les notes
d'un matin de décembre
qui rêve de juillet.

Les odeurs sont légères,
le gazouillis exquis.
La marmite est compagne
et le jour lève-tard.

El cant dels guixons

Ja canten els guixons,
amb una veu fluixeta,
a dins de l'olla vella.

És un cant de desitjos,
de por i d'esperança,
quan callen les campanes.

Quins destins els esperen,
al cap de la cocció?
Una amanida tèbia?



Gustos matiners

M'agrada la calor,
dels llençols que han somiat,
com unes veles blanques,
vogant vers l'horitzó.

M'agrada la frescor
de l'aire que m'espera,
amb desig de cafè
i mots del Moianès.

M'agrada la blancor
del sostre silenciós,
esperant les paraules
d'un dimarts de desembre.

Remull

He posat en remull,
com uns guixons petits,
els mots de la tendresa
que neixen dels teus ulls.

I amb una cullera,
he vist com han crescut,
a recer de la nit
i del silenci espès.

Ara els prepararé,
després de fer-los coure,
amb oli de muntanya,
orenga i sajolida.

lundi 11 décembre 2023

Cel de consciència

És un cel de consciència
que t'acull al matí,
amb la sang refredada
dels infants de l'Orient. 

No sé si vindran Mags,
quan comenci gener,
tot just veig els sanglots
de l'alba ben ferida.

On neixen les estrelles,
pateixen palestins,
que només volen viure
la pau del foc comú.


 









© Roser Blàzquez Gómez

Écriture et baisers

J'aime laisser glisser
les jours sans un poème,
le cœur tout occupé
à cueillir des baisers.

J'aime laisser venir,
au gré de mon horloge,
le goût de l'écriture
qui succède aux baisers.

J'aime laisser écrire
par mes doigts hasardeux
la geste d'un poète
qui aime les baisers. 

Coupure

C'est le fil du rasoir
qui fait jaillir le sang
sur la peau de la joue
que l'hiver a tendue.

Par-delà la douleur
et le trait vermillon,
je sens jaillir la vie
qui en moi bouillonnait.

Une encre de globules,
à l'odeur affadie,
rappelant du rasoir
le métal maladroit.

Onze décembre

Une once de décembre,
les cases éventrées,
les fenêtres béantes,
friandises mangées.

Les enfants en rigolent,
s'approchant de Noël,
des jouets plein les yeux
et l'appétit aux lèvres.

Une once de décembre,
la frontière marquée,
mon amour est parti
que je verrai bientôt.

dimanche 10 décembre 2023

À propos d'un texte de Joan Pere Sunyer

Traduire, c'est chercher,
dans le texte confié,
la charnière essentielle
qui grince ou fait passer.

Et, plus le texte est simple,
plus clairs semblent ses mots,
plus dure est l'entreprise
du miroir des pensées.

C'est dans une cuisine,
assis dans l'inconfort,
que je me vois en autre
et change de stylo.

Aucun de nous
dans ce monde
         ne remplace rien
ne remplace personne
mais
Chacun de nous
dans ce monde
        est autre chose
        est autre
        est                 unique

Joan Pere Sunyer, traduit 
du catalan par M. Bourret Guasteví

De sève et de douleur

Je n'oublierai jamais
la distante réduite
du velours sombre et doux
où nous étions assis.

La pénombre du lieu
donnait à la soirée
la profondeur riante
des consciences unies.

Nous écoutions la langue
des lointains disparus,
volant à la chronique
sa sève et sa douleur.

jeudi 7 décembre 2023

Embrassades

Il est une chaleur
que j'avais oubliée,
celle des embrassades
sans le secours des souffles.

Les poitrines se serrent
et les lèvres se fuient.
On sourit de la chance
de se savoir ensemble.

La soupe était brûlante,
dans son gravier orange,
donnant à chaque amant
un grain de colombo.

J'y pense en m'éveillant,
à cinq heures du jour,
quand la plaine sommeille
à l'ombre des Albères.

Silencis

Un silenci de mots,
la tinta dels records,
per defugir l'oblit
d'aquestes hores plenes.

Un silenci de sons
que corren per la boca,
sense franquejar mai
la frontera dels llavis.

Un silenci de somnis,
quan s'apropa l'aurora
en la foscor d'Advent.

Quelques mètres

Il n'y a que quelques mètres
entre ton somme et ma veille.
Équilibre des masses
qui perturbe le vers.

Et dans ce silence gris,
je vois miroiter,
les mois et les années
où tu m'as attendu.

Entre cinq et sept,
mon compte-vers frissonne.
Je te revois hier soir
partageant le spectacle.

Heures lentes et chaudes,
les visages masqués.
Un paravent de fibres
retenant la passion.

Le vers enfin s'apaise,
qui retrouve son rythme
et la chaudière ronfle
de nous savoir heureux.

mercredi 6 décembre 2023

Saint-Nicolas

Où est le saint gaillard
que l'on fête aujourd'hui ?
Dans le cœur des enfants,
au nord de ce pays.

En plus de ses présents,
Il apporte l'espoir,
l'espoir d'un monde neuf
et de regards sereins.

Que vivent Nicolas
et ceux qui le vénèrent,
car, bien avant Noël,
Il apporte la paix.

mardi 5 décembre 2023

Sublimation

Où sont ces fumerolles
qui bordaient la contrée ?
Sarments d'après vendanges
et branches arrachées.

Où sont ces traits de gris
qui montaient vers le ciel
pour implorer son Dieu
et lui donner offrande ?

La peur des incendies
a changé les horloges
qui, toute la journée,
menaient à l'angélus.

Aiguilles verticales
au doux picotement.
Le piémont de l'Albère
vivait en plein hiver.

Aujourd'hui, on sublime
les vignerons d'antan,
dans un court grondement
qui monte vers le ciel.

Il me suffit pourtant
d'entrouvrir mon vieux livre,
pour retrouver enfin
le rythme du passé.



Partim el segle en dos

Deixem la solemnitat
i partim el segle en dos.
Sota la crosta ben dura,
s'amaguen tresors sonors.

Tan clares són les ofrenes
de les filles a les mares
que tres minutets no basten
per muntar pista de fusta.

Ben a recer de la ràdio,
el gran Miqui Puig somriu.
La música és sang nostra
i ell, el seu gran cirurgià.



Passage

Rien ne naît jamais,
et rien ne s'en va non plus.
La vie est passage.

Pas encore

Le vent se lève... Il faut tenter de vivre !
                                        Paul Valéry

Un jour, ton tour viendra,
mais il peut bien attendre.
Les collines se courbent
sous ton regard d'automne.

Si tes yeux se dessèchent,
c'est que le vent domine,
faisant naître rougeurs
sur ton visage calme.

Quand les blés sont fauchés,
le chaume tient encore,
portant dans ses racines
l'espoir de la moisson.

P

És una P de pau,
de peu i de paraula.
Un bastó pelegrí
per caminar plegats.

Té forma d'illa nostra,
al mig de la tempesta.
És un recer segur
per als desemparats.

La lletra dels petons
és de dues alforges.
Se'ns mostra la primera,
ens guia la segona. 



Apnée

Comme une apnée consciente,
le vers s'écrit en six,
suivant les pulsations
du rêve qui s'éveille.

Les lettres disparaissent
dans le ressac salé
des syllabes soudaines
qui vont de six en six.

C'est la magie des vers
qui succède à la nuit,
faisant des vagues sombres
un merveilleux terreau.

Petit art poétique

Faut-il un vers par jour
pour se dire poète ?
Certains n'écrivent pas,
qui taquinent la muse.

L'encre n'est que la fin
d'un très long processus
qui naît dans le berceau,
tout contre la couleur.

Contre le coton vif,
la voix résonne et chante,
donnant à chaque instant
l'éclat de l'absolu.

Tres roses sens espines

He oblidat la llengua,
la llengua de Cernuda,
el tacte de les roses
en un petit jardí.

Hi tornaré demà,
en beure el cafetó.
Breus moments de lectura
sense cap escriptura.

A poc a poc la llengua
estranya m'envaeix,
fent florir en la meva
tres roses sens espines.

En oubliant le temps

On vend dans des kiosques
des livres bon marché,
dont les piles vert prune
ne cessent de baisser.

Dans quels foyers vont-ils
ces romans à trois sous
qu'on empile à côté
des jouets pour enfants ?

Ils vont dedans le cœur
des passants affairés
qui sauront s'y distraire
en oubliant le temps.

Demandes

Demander à la nuit
plus qu'elle ne peut donner :
la douceur de l'amande,
la noirceur de l'onyx.

lundi 4 décembre 2023

Vieux livre

Como una blanca rosa
               Luís Cernuda

Je pense à ce vieux livre
qui me parlait de toi,
sans que je te connaisse
ni que je te recherche.

C'était un livre jaune,
au plastique écaillé.
Son dos s'était ridé
d'un millier de pliures.

Édité au Mexique,
il rassemblait alors
les mille poésies
d'un poète espagnol.

Il tirait du réel
l'essence désirante,
laissant aux importuns
la fadeur des trottoirs.

Je relis ce vieux livre
et je t'y vois marcher
sur un tapis de roses
avant d'aller danser.





Un marin discret

C'est un marin discret
qui vogue dans sa tête,
faisant de ses paupières
des voiles d'artimon.

Il rêve de pays
que l'on n'atteint jamais
et de mâts de Cocagne,
sans graisse pour glisser.

Vous le reconnaîtrez
à sa pipe en bruyère,
de fringant loup de mer
naviguant vers Cythère.

La barca generosa

Hi havia dues dones,
bones i Arrelades,
en un vaixell petit,
amb cuina generosa

Un dimarts al migdia,
reberen dos al·lots,
orfes de bon menjar
i deixats al mar fosc.

Escoltant el seu cor,
els obriren els braços
i la cuina petita
on solien dinar.

La fille qu'on appelle

C'est la fille d'un soir,
la fille qu'on appelle,
entre deux rendez-vous
pour vider ses pensées.

Son visage s'étiole
devant cette infamie
qui surgit du regard
d'un politique anxieux.

C'est la fille d'un soir,
que l'on nie en criant,
étranger à sa peine
et à son cœur d'enfant.

Guet

Je guette dans la nuit
le germe des paroles,
musique sans un son
qui porte mes écrits.

On me dit inspiré,
je ne suis qu'à l'écoute
des battements du monde
et des cris de la vie.

Quand je ferme les yeux,
je vois dans son berceau
l'adorable Clémence
qui rit à mes propos.

Conscience

Quand le sang est si chaud
qu'il bat dessous le crâne,
on remercie la vie
de nous donner conscience.

Conscience des oiseaux
qui bravent la froidure
pour donner à l'azur
les traits qui lui manquaient.

Conscience de la chance
qu'on a en écrivant,
alors que, sous la peau,
la fièvre s'abandonne.

Quand je te sens me lire

Que le silence est beau,
quand je te sens me lire,
donnant aux draps froissés
l'onctueux de la parole.

Virgules en ressac,
qui rythment tous mes blancs,
espaces grandissant
entre l'encre et le blanc.

Je tremble dans mon lit,
en  proie à un virus,
mais je souris au monde,
quand je te sens me lire.

dimanche 3 décembre 2023

Pêcheur côtier

Donne-moi des poissons,
tirés de ton panier.
Des poissons frétillants
portés à la criée.

J'y sentirai l'empreinte
de ta main délicate,
jouant comme une anguille
avec mes rêves vains.

Je suis pêcheur côtier
et mon visage est laid,
mais mon amour est franc
et ton attente immense.

No em donis res...

No em donis res que valgui,
que val la teva veu,
més enllà dels consells
i dels mots de la tribu.

Et voldria estrangera,
amb un idioma estrany
per fixar-me en els sons
de ta boca petita.

No em donis res que calgui,
que només em cal veure't
per tocar la fortuna
i somniar en el cel.

Sense cap remembrança

Al fons de l'alfabet,
hi ha un curiós gargot,
signatura de sang
i de violenta enveja.

Un zig-zag de paper,
una marca profunda,
l'empremta de la tinta
al palmell de la mà.

La mala llet li ve
de la plaça que té,
al final de les lletres,
sense cap remembrança. 



La fille des flots

Dans une toile brune,
un poisson tout raidi.
Le cadeau d'un pêcheur 
à la fille des flots.

Il voudrait l'épouser,
elle ne voit que le bleu,
le bleu mince et pâteux
de l'horizon lointain.

Le présent est inerte,
dans le jutte poisseux
et la fille s'en va,
en négligeant sa dot.



samedi 2 décembre 2023

Le maître des eaux

Il est maître des eaux
et de la terre meuble.
Friand de branchements
il rêve d'inventions.

Des rouages sans fin
qui grincent en avançant
et une porte close
sur son monde secret.

Il a nom d'homme fort,
de soldat généreux,
c'est mon fiston costaud,
le souriant Martí.

Absence

Une lumière blanche,
en haut de l'escalier,
et la porte béante
me parlent d'Anaïs.

De ses jouets d'enfant
et de ses coloriages
que je range aussitôt
que je la sais partie.

Il y a dans ses couleurs,
le goût de découvrir,
au sein du quotidien,
des mondes merveilleux,

tout en ne quittant pas,
un père à la voix chaude
et au nez saltimbanque
qui brille dans le soir.

Printemps syllabaire

Aux maîtresses qui ont appris
à lire et à écrire à mes enfants.
Avec gratitude.

J'aime entendre ma fille
me lire ses syllabes,
faisant naître des mots
qu'aussitôt elle écrit.

Aux bâtons de naguère,
succèdent des unions,
des courbes et des queues
rappelant les cerises.

Le printemps syllabaire
a lieu avant Noël,
quand le mystère cède
sous les yeux des enfants.

L'home de la neteja

L'home de la neteja,
vestit de socorrista,
amb un parell de xancles
i un mallot d'esport.

L'home de la neteja
voldria ser docent,
acompanyar els nanos
que no saben nedar.

L'home de la neteja,
quan torni a sa casa
somniarà de trofeus
i de medalles d'or. 

Solitud amb manta

Al poeta Jordi Odrí

Acomodar-se sol,
guanyar la solitud,
gaudir de llana calda
i somniar al fosquet.

La flor de jovenesa

No deixis mai passar
la flor de jovenesa,
aquest alè tan pur
que no sap envellir.

Quan et tornis formal
com un gran acadèmic,
posa't un nas vermell
abans d'anar a missa.

Des de la creu estant,
el bon Jesús riurà,
deixant als feligresos
la vellesa absoluta.



Questions-réponses

Mais quel est ce parfum
qui enchante mes sens ?
C'est un doigt de lilas,
volé au parfumeur.

Mais quel est ce pain frais
qui ravira ma bouche ?
C'est le cœur d'une miche
volée au boulanger.

Mais quels sont ces sons secs
que je sens tout à coup ?
C'est un petit poème
qui frappe à ton volet.

Frontera

Tan fosca i tan glaçada,
la frontera m'atreu.
Perquè sé que m'esperen
lectors a l'altra banda.

La tassa de cafè,
la fusta dels sons greus,
la lectura del diari
i tres grapats de versos.

Amics transfronterers,
bec de la vostra veu,
imitant inflexions
que, callats, m'oferiu. 

Tant

Tant de sang pour la terre,
tant de sang en son nom.
Tant de regards crevés,
sur les champs de bataille.

Tant de fleurs en esprit
qui ne fleuriront pas.
Tant de pensées fauchées
avant qu'elles n'aient germé.

Tant de tant, tout le temps...
Et pas un seul j'espère.
Tant de terre souillée
par le sang de ton frère.

Clignements

Je ne sais pas écrire
pour défendre des vies,
je ne sais que décrire
la marque d'une vie.

Son empreinte légère
sur le sable mouillé,
par la mer de décembre
qu'appelle la marée.

Mes vers sont des virgules,
des points, des apostrophes,
les clignements des yeux
des héros oubliés.

D'entre les teranyines

A en Lluc i a n'Isma

D'entre les teranyines
d'uns records esgotats,
he vist floréixer vides
d'uns homes admirats.

Detalls del quotidià
i retalls de la premsa.
Precisió de les dates
i mil batecs del cor.

Quan un llibre s'acaba,
s'obren mil avingudes,
on passen sense por
les vides dels poetes.

Contra la prepotència

Un feix de mil filferros
descansa sota els dits,
mirall dels patiments
d'uns herois de paper.

La Rosa sense el Joan
trenca la falsedat
d'una vida de pobres
sotmesa als vencedors.

S'esmicolen certeses,
com bocins de torrons,
deixats pels prepotents
al poble famolenc.














Sous le joug

Il libérait les sens 
pour mieux les asservir.
Un homme est en prison
pour avoir oublié

que les blessures vives
suintent de mille larmes
qui savent réunir
les victimes candides.

Je pense à ces regards
que l'abus a brisés,
au nom d'un art si noble
qu'il ne peut subjuguer.

vendredi 1 décembre 2023

Bibliothèque Barande

C'est au pied de trois tours,
si grises sous la pluie,
que d'amples baies de verre
ensemencent des livres.

Soigneusement rangés,
des plus gros aux plus minces,
ils attendent la main
qui saura les cueillir.

La caresse d'un œil,
est une invitation
et, prestement saisi,
l'ouvrage sort du lieu.

Alors, sous la pluie fine,
le roman esseulé,
tremble de mille feuilles
avant qu'on le dévore.

Un vrai roman

Je vois sur un rayon,
à côté de la vitre,
le livre d'un auteur
au passé facétieux.

Si le sous-titre aiguille
le lecteur hasardeux,
le titre déconcerte
l'amateur de fictions.

Est-il de vrais romans
ou d'authentiques gestes,
entre les mains réelles
d'un cueilleur de sentences ?

Plutôt que de répondre,
j'entrouvre le pavé,
retrouvant tout à coup
la patte de l'auteur.



La voix de l'autre

Ce n'était qu'un passage
et ils n'étaient que trois,
feuilletant le journal
en attendant la pluie.

Il suffit d'un sourire,
échangé au hasard,
pour qu'entre eux se dessine
une conversation soudaine.

Ils parlèrent de tout,
de la guerre et des prix,
du soleil andalou
et des skis à Porté.

Ce ne fut qu'un quart d'heure,
volé au quotidien,
mais chacun d'eux partit
avec la voix de l'autre.

Laissez-moi...

Laissez-moi une feuille.
Une feuille, un stylo.
Un beau Quatre couleurs,
empli de sève chaude.

Laissez-moi cinq minutes,
toute une éternité,
pour cueillir de la vie
des milliers de présents.

Les traces de vos pas
sur le parterre gris,
et quelque mélodie
vous égayant le cœur.



U de desembre

L'U de desembre,
obrint el calendari.
L'ús de les cendres
que naixen de l'alè.

En despertar-se els fills,
obriran el calaix
amb el número U,
color de xocolata.

Faltaran ben pocs dies
a Dunkerque tan alta,
per celebrar el bisbe
que ofereix els regals.

Souvenirs au présent

Il est des souvenirs,
présents et délicieux.
Il est des souvenirs
tournés vers le futur.

Une pluie de paroles
lancées en cheminant
par des poètes en herbe
réunis un matin.

La rondeur d'une orange,
tranchée en sa moitié
quand la salle fourmille
de désirs d'équité.

Il est des souvenirs,
au rythme lancinant.
Il est des souvenirs
qu'appelle le présent. 










© Lluc Bonet