dimanche 31 mai 2015

Una flor pels aniversaris / Une fleur pour les anniversaires

El pare, el germà i el fill
feien anys ahir. Érem sentats
a la taula del saló davant del
finestral de llum pàl·lida,

quan vaig rebre, de cop i volta,
a la finestreta del mòbil, un regal,
més valuós que la rosada del matí:

un liri gegant. Me'l presentava amb
un somriure de mil mons el petit Ramon,
ja no tan menut y sempre tan afectuós,

que ara mateix, si s'estigués a França,
a la seva mare tan estimada, li desitjaria
amb tot el seu cor un feliç dia de la mare!

***

C'était hier l'anniversaire de mon père,
de mon frère et de l'un de mes fils. 
Nous étions attablés au salon devant
la baie de lumière pâle.

quand je reçus, soudain,
sur l'écran de mon portable, un présent
plus précieux que la rosée du matin :

un lys géant qui m'était présenté avec
un large sourire par le petit Ramon,
plus si petit et toujours aussi affectueux.

En cette même heure, s'il résidait en France,
il souhaiterait à sa mère adorée,
de tout son cœur, une joyeuse fête des mères.


Une fête des mères

J'entrouvre la main gauche,
en son cœur est une rose,
odorante, légère, veloutée.

Qui m'observerait, me prendrait
pour un fou car ma paume est vide
et regarde les cieux. Nulle commande

à distance : cette année je suis bien
là. Ma mère est à côté qui se coiffe
et la rose l'attend. Avec mes yeux d'enfant.

samedi 30 mai 2015

Essentielle ?

- Le crois-tu ? Vraiment ?
- Oui, tu es essentielle.
À la vie, pas à moi. J'aime
te croiser, de temps à autre,
au hasard des rues ou des mots.

Coquelicot pâle au bord du chemin,
gorgé du soleil de la journée et du
sel tiède du rivage. Sans toi, le chemin
disparaîtrait de la vue et échapperait à
la vie. - Existentielle, c'est ainsi que

je te vois. Et que je t'aime. Un peu, juste
un peu, n'aies crainte. Je suis le petit-gris
qui gravit la tige humide sans jamais tomber
dans l'ombre du fossé et espérant de ton mollet
être frôlé.

Projet évanescent

Vous me l'avez rappelé,
en deux mots et jamais
vous ne l'aviez exprimé,
auparavant.

Le soir tombe sur les vignes,
mes yeux s'éveillent, à distance.
Le défi est croisé. À votre projet
répond mon contre-rejet,

enjambement brusque : le vers, parfois,
se déchire et vos yeux s'envolent. Vers
où ? Peu importe. Pour combien de temps,
pff, on s'en moque.

«Je t'aime. - Moi non plus...»

vendredi 29 mai 2015

Une main anonyme

Une main, à mille autres pareille,
et qui dort serrant un peu du drap
que la chaleur de la nuit a éloigné.

Je ne la connais pas ni ne me souviens
de celle qui la porte mais je l'imagine
fine et tendre, confiante dans ces heures

qui l'écartent un temps de l'empressement
quotidien. Vers elle ne me pencherai ni
couvrirai sa peau de mes lèvres impures.

Il me suffit de me la figurer et de rendre,
à travers elle, à mes semblables que les jours
ont éreintés, l'hommage souriant d'une nuit de mai. 

Un amphithéâtre désert

Ils étaient une dizaine, tout au plus,
présence grêle et silencieuse. L'espace
était immense qui me séparait d'eux.

Faisant écho à la béance, la réverbération
métallique des augustes gradins. Le sujet
m'enflammait que je voulais transmettre

mais bien vite le silence s'imposa. Avec
la mine grave, comme de reproche, d'une dame
que je ne vis pas partir. Mon regard s'accrochait

à ses yeux charbonneux comme pour mieux se convaincre
que la vie était ailleurs que dans ce lieu austère.
Une heure passa, l'assistance partit, je débranchai

mes petits ustensiles et rangeai mon faux nez en carton
que les larmes déformaient, j'avais perdu une heure de
ma vie. Et eux la gentillesse que je ne méritais pas.

La vigile

À elle, qui ne se reconnaîtra pas.

Il est tard, quelques rares voyageurs
marchent lentement sur le quai de la gare.
Ils ne la voient pas. Elle, la «debout-payée»,
n'a d'yeux que pour eux, tête basse. Dans son dos,
les lettres SÉCURITÉ moulent sa fatigue courbe.
À sa main, en laisse, un chien muselé,
presque aussi las qu'elle et que la muselière
semble tenir. Curieuse équipée, paire improbable.
Elle boitille de la jambe gauche. Je devine sa
cheville rougie, peut-être entamée. Un instant,
je croiserai son visage qui fut beau, un jour,
et que la précarité a creusé et émacié. Elle 
n'existe pas, même pour la société qui l'emploie.

Sans la foule

Te souviens-tu de cette foule que la chanson de Piaf
disposait comme une vague conduisant à l'hasardeuse
rencontre de deux êtres pour finalement se retirer 
et les séparer à nouveau ?

Nous n'eûmes pas besoin de la foule. Des mots échangés
nous rapprochèrent derrière un projet évanescent. Les cœurs
battirent -le mien assurément, le tien, je jurerais- puis
la séparation se fit et chacun retrouva

son univers qu'il n'avait jamais quitté. Il est fort à parier
que si d'aventure mes oiseaux gagnaient l'ouest, muets, les yeux
fixes, de toi jamais ils ne puissent se faire connaître. C'est la vie,
comme dirait une amie mexicaine. Et elle fut belle, assurément.

jeudi 28 mai 2015

Une conférence

Une conférence, rien de plus.
Une heure et demie plus tard
l'amphithéâtre aura retrouvé
l'obscurité et l'araignée
y filera sa toile.

Mais je la vis plus que je ne
la prépare. Les livres s'empilent,
les photos, les confidences, un bout
de voix recueilli dans un café de
Barcelone. En français, pour les
besoins de l'exercice.

Donner le goût d'une lecture autre,
me faufiler dans le salon d'un membre
de l'assistance, au hasard, et deviner
dans ses yeux un plaisir neuf. Je ne suis
qu'un passeur de mots et d'ambiance.

mercredi 27 mai 2015

Une sortie en vélo

Nous étions trois.
Sur deux vélos.
Hadrien sur le bleu
marquait mon aile.

Je suivais, portant
son frère petit.
Pareillement casqués.
De rouge, de bleu et 

de gris. Martí ne bougeait
pas, il buvait le monde,
sous l'œil de son frère
gardien. La promenade fut

brève. Enivrante. Le soleil
était haut mais bienveillant.
Les vélos reposés, à l'ombre
du garage, nous pensions déjà

à la prochaine fois.

C'est la vie

Rien que ça. Mais tout elle,
dans ses insignifiances fécondes.
Tu ne dors pas et, soudain, te revient
ce parfum oublié de l'homme que tu croisas
voici trois ans sur le quai d'une gare.
Il te suffit de l'imaginer chantant et tu t'endors
paisible. Heureuse insomnie qui te dit : 
«c'est la vie».

Un joc de llençols / Une paire de draps

Uns llençols lila, plegats
al fons de l'armari fosc i
olorós. Cecs els dos, calmosos.

Si fos un mag, obriria les portes
i els alliberaria per fer-te un llit
d'amor, un llit de vida. Ens hi fondríem,

jugaríem als infants que mai vam ser plegats,
ens hi inventaríem una geografia tendra de frecs
i carícies. I, exhaustos, ens hi adormiríem. Tu i jo.

***

Une paire de draps couleur lilas, pliés
dans le fond de l'armoire sombre
et odorante. Aveugles tous deux, calmes.

Si j'étais un magicien, j'ouvrirais les portes
et je les libérerais pour te faire un lit
d'amour, un lit de vie. Nous nous y fondrions,

nous jouerions aux enfants que nous n'avons jamais été ensemble,
nous nous y inventerions une géograpgie tendre de frôlements
et de caresses. Et, épuisés, nous nous y endormirions. Toi et moi. 

Quelques noix de Grenoble

Quelques noix de Grenoble,
deux ou trois, pas plus,
dans une assiette en faïence
de Saint-Uze, à l'heure du repas.

Mon regard s'y attarde et je perçois,
sur leur coque claire, ce que fut la vie
du noyer au bord du chemin. Nu l'hiver
de neige, languissant au printemps,

miroir en obscur plein de la légère coquille.
Quelques noix de Grenoble qui n'attendent que
ta main et la mienne pour s'en aller au fil de l'eau.

Un peintre poète

Je ne le connais pas,
j'ignore ses toiles,
aperçues au fond d'un
portrait,

mais je goûte ses vers,
découpés et exposés par
un ami poète, cher.

Le désir et la fin, la courbe
tendre et violente de la vie,
le rêve beau d'être à deux et

la conscience seule. Le désir
mouille dans le port des draps
blancs. Merci, Francesc Florit Nin.

Une voix

Une voix lente et chaude,
par touches légères et le cercle
se resserre. Le quotidien se teint
de pastel et la parole de l'autre
s'accorde.

Une voix lente et chaude, loin déjà,
et qui laisse une marque tendre comme
d'amadou sur un buffet de juillet.
Une voix lente et chaude qui dit le monde
et ne s'en vante pas.

mardi 26 mai 2015

Une urgence lente

Une urgence lente, tel est ce mouvement 
qui me poussa à plier nonchalamment la 
table pour vous rejoindre devant mon écran.

Je vous sentais affairée, non loin d'ici, alors 
que le ciel se peignait d'or et que les oiseaux
se taisaient, tout à mastiquer la vie des hommes.

Je fis silence, à leur image, et ne mastiquai rien,
moi qui n'avais pas levé les yeux de mes livres et
de mes lubies. Et du silence naquit une fleur menue

et odorante, entre mauve et violine. J'approchai l'oreille
de sa corolle. Tout d'abord je n'entendis rien que l'air
du soir pressé d'aller se coucher dans la perspective de
sa grosse journée du mercredi, puis je perçus comme un 

frôlement continu, un chuchotis, une rumeur légère.
Des sons puis des syllabes s'en détachèrent. C'était une
longue geste en mètres réguliers qui n'eût pas déplu

à un médiéviste strasbourgeois. Il était question de reflets
clairs sur un visage vif et d'une voix douce qui dépassait
les saisons. Je crus vous y reconnaître et à présent viens vous

en interroger.

La mer, toujours recommencée (bleu de cobalt, II)

«La mer, la mer, toujours recommencée...»
tu te tais et me l'écris, la nuit. Nous
savons, toi et moi, que la mer est encore
loin qui nous unira un jour, peut-être,

mais tu l'évoques à mes yeux fatigués.
Tu joues de nuances. La nuit perdant
ses aiguilles, tu forces le trait,
la pâte s'épaissit. Je sens sous tes

doigts et dans mon regard engourdi,
un sable de cobalt et l'odeur d'iode,
unique, j'ai envie de poissons, tout
à coup... Et de ta main le long du rivage.

Una taula arraconada / Une table dans un coin

a S. R.

Una taula de cafè de fusta fosca,
estreta, arraconada al matí fred.
Ens apropem sense acostar-nos.
Bec dels teus ulls i deixo córrer
l'hora inquieta. Xerrem.

Ja t'has aixecat i sortim, plegats,
la llum intensa ens cega els ulls.
Caminarem lentament pels carrers
coneguts, sense creuar paraula,
o gairebé. Serem bé. La mar de bé.

***

Une table de café en bois sombre,
étroite, en encoignure dans le matin froid.
Nous nous approchons sans nous rapprocher.
Je bois tes yeux et je laisse filer
l'heure inquiète. Nous bavardons.

Te voici levée, nous sortons, ensemble,
la lumière vive aveugle nos yeux.
Nous marcherons lentement dans les rues
connues, sans échanger un mot,
ou presque. Nous serons bien. très bien.

Tatouages (bleu de cobalt, I)

La peau ploie et se tend, une fois
puis mille, le soleil et les embruns
la gercent, le bleu du tatouage pâlit
et bientôt l'aum ne se distingue plus
que mon regard conserve pourtant.

De kaolin et de feldspath, la vitrification
se prépare. Sur un rouleau de caoutchouc,
un peu de bleu de cobalt en un motif
disposé. Le feu fixe le dessin et le bleu
exulte. Plus loin que mon regard qui meurt.

lundi 25 mai 2015

Botifarra freda

Al meu país, se sol dir que la vengança
és un plat que es menja fred. I penso
en la botifarra de la Sardà uns pocs dies
enrere. A les meves estimades illes, passen

els polítics, la vida i la llengua romanen.
Se'n va un «embaucador», com es diu en castellà,
o més aviat, un embauzador, enemic de la llengua

i del dolç xerrar de la gent. Com jo, algun dia
et moriràs, ple de cucs, germen d'una vida altra.
De moment et podreixes en l'oposició. Memento mori.

J'ai rêvé

J'ai rêvé l'amour avec toi,
yeux grands ouverts, corps
immobile. Je l'ai rêvé puis
m'y suis endormi.

Au réveil, les draps dessinaient
ton corps tiède et inconnu, courbe
tendre et précise, comme ce chemin
des haleurs qui borde le canal.

La journée m'emporte, aiguë et impatiente,
et mille activités me secouent, menaçant
le rêve de naguère. Et pourtant je m'y tiens
et m'y accroche, phare lancinant à mes douces pensées.

Retenir

Retenir le temps,
ralentir la course du sable
dans la main qui l'égrène.

Penser aux frontières indistinctes
de la ville qui nous séparent au fil
de l'eau. Le blé ondule sous le vent

et l'épouvantail s'agite près du cerisier,
dans le silence et les coups d'œil narquois
des passereaux qui grappillent les épis.

Retenir le temps, pour un jour, pour toujours.
Le prendre par l'épaule et le conduire dans les
chemins où personne ne va. Nos jambes se frôlent

qui écartent les hautes graminées. Le sens-tu, toi
qui, sans que nous ne nous soyons jamais tutoyés,
retiens encore un peu le temps et croques la cerise ?

dimanche 24 mai 2015

Des gens vrais

Je ne les connaîtrai jamais, ces gens vrais
que vous avez connus dans une ville amie.

Ils sont passés et ont glissé entre les murs
hauts et blancs, couronnés de tuiles rouges.

Pourtant, ce soir, malgré le vent froid et aigre,
je sors dans l'entrelacs des rues, sans personne,

et je m'imagine leurs pas serrés, vos rencontres,
au hasard des commerces, des soirées autour d'un vin

franc sous la lampe tiède. Nulle parole que le frôlement
des oiseaux indistincts, mais tout me parle d'une chaude

humanité. Sous le réverbère, la marque noire d'un pneu
sur la chaussée, un paquet de cigarettes froissé dans 

la pelouse, une odeur de soupe aux poireaux qui ne veut pas
partir. Et la nostalgie de ce que je ne connus pas et pourtant

reconnais.

Diumenge de vots

Devot? De cap manera. Trenca el silenci
un diumenge de vots, a la meva terra
estimada. Aquí serà un diumenge de vots.
Meus, secrets. Tant de bo que fossin lliures.

***

Dévot ? Aucunement. Le silence se brise
sur un dimanche de vote, dans ma terre
adorée. Ici ce sera un dimanche de vœux.
Les miens, en secret. Pourvu qu'ils soient libres.

Sexus / Saxum

M'acarona el llatí dels primers anys
de l'edat adulta. Suau i violent.

Guerra d'accents, paronímies.
Sexus vs Saxum. El tall entre

els amants contra la pedra  bruta.
Cova fosca i amagada, gelada,

on ens apropem. Llavis de carn,
sabor de sang mossegada. Calor

tendre de l'abraçada. Ens fonem,
sense confondre'ns. El tall es fa llit.

***

Je suis caressé par le latin des premières années
de l'âge adulte. Doux et violent.

Guerre d'accents, paronymies.
Sexus vs Saxum. La coupure

entre les amants contre la pierre brute.
Grotte sombre et cachée, gelée,

où nous nous rapprochons. Lèvres de chair,
goût de sang mordu. Chaleur

tendre de l'étreinte. Nous nous fondons,
sans nous confondre. La coupure fait notre lit.

Pubis angèlic / Pubis angélique

Deixar la llengua de la ment i tornar
a la pràctica del cos. Nus. Els dos.
Ja és de dia, una llum violenta penetra
el pis en calma. Dorms. Respiro el teu
hàlit de vida ple. T'acaricio l'espatlla,
fina, tan fina, i la teva cuixa m'acull.
Pubis angèlic. Res de l'altre món.
Tot d'aquest.

***

Laisser la langue de l'esprit et revenir
à la pratique du corps. Nus. Tous les deux.
Il fait déjà jour, une lumière violente
pénètre
l'appartement calme. Tu dors. Je respire ton
haleine de vie pleine. Je caresse ton épaule,
fine, si fine, et ta cuisse m'accueille.
Pubis angélique. Rien d'extraordinaire.
Tout d'ordinaire. Merveilleusement.

Haikulte

El desig brillant
m'acompanya pels carrers
de la nit en va.

***

Le désir brillant
m'accompagne dans les rues
de la nuit en vain.

samedi 23 mai 2015

Lágrimas negras

Lágrimas negras, de tinta amarga,
que te corren por la mejilla
y te dejan exhausta, acurrucada
en un rincón de la finca.

Lágrimas negras, ya secas, como 
surcos por la piel. Arrugas tiernas,
sutiles marcas del pasado remoto
y ya no tan amargo.

Lágrimas negras, de tinta ríos,
por donde fluye tu pluma en pos
de recuerdos ricos y profundos
que te enseñaron a ser. Tú misma.

Inventar-se... / S'inventer...

M'invento la veu de mon amic llunyà
en llegir el text de la seva intervenció
d'ahir, a Ponent, fosquet.

Retrobo el seu caminar lent, sota les ulleres
de carei, per la vida d'un poeta ja mort. Retalls
de premsa, articles emocionats o freds com un taüt.

I tota una vida neix. De patiments molts i poques
alegries. La mort d'un infant em fa tremolar. La seva
activitat, incessant, entre dues llengües i diverses

formes. L'evolució de les idees. El pes del cos, els
somriures que s'esfumen i el vers que s'imposa, brillant:
«i canten la malícia de les dones impures»...

***

Je m'invente la voix de mon ami lointain,
à la lecture du texte de son intervention
d'hier, à l'ouest de l'île, le soir venu.

Je retrouve sa marche lente, sous les lunettes cerclées
d'écaille, dans la vie d'un poète depuis longtemps décédé.
Coupures de presse, articles émus ou froids comme un cercueil.

Et toute une vie de naître. Beaucoup de souffrances et bien peu
de joies. La mort d'un enfant me fait trembler. Son
activité, incessante, entre deux langues et plusieurs

formes. L'évolution des idées. Le poids du corps, les
sourires qui s'envolent et le vers qui s'impose, brillant :
«et ils chantent la malice des femmes impures»...

Te parler

Te parler sans te parler,
caresser du bout des doigts
l'infime de la vie passée.

Chausser ses baskets, sortir
dans le quartier, délaisser
les immeubles blancs pour un

silence moins minéral et gagner
la montagnette qui est au cœur
de la ville nouvelle. S'asseoir 

au pied du château d'eau. Fermer
les yeux et songer à la courbe
gracieuse de pissenlits soufflés.

Casuistique douanière

Il était en douane -je ne sais si on l'enseigne encore-,
une matière captivante, le Tarif. On y apprenait à classer
objets et être vivants dans le but de les imposer à leur 
juste valeur. Qu'allait-on taxer ? Le contenant ou le contenu ?

Dans le cas d'un mince carton recelant des chemises en soie,
c'était simple. Tout comme un coffre Louis XIII rempli de sable
de rivière. Mais dans celui de jouets en métal bruni contenant
un petit taille-crayon en plastique vil ? Je ne le sus jamais.

C'était du temps que mon père me précédait. Mon frère et moi,
adolescents, jouions avec ces objets de fantaisie sans jamais
y tailler le moindre crayon. Nous y apprîmes la route des
Caraïbes et l'envoûtante tractation du commerce de détail.

Mines

Les mines du roi Salomon ne sont rien pour moi.
Absolument rien. Mon cœur va vers les mines de
Valmanyà, au pied du Canigou. Abandonnées depuis

des lustres du temps que j'étais enfant. Mon pépé
les avait acquises avec sa petite propriété qu'il
appelait la Cova, en souvenir de son île lointaine.

Me prenant par la main, il m'y emmenait, me promettant
l'Eldorado à l'âge d'homme. Je le croyais, examinais
les pierres comme s'il s'était agi de pépites précieuses.

Je ne voyais alors qu'une bouche sombre, énorme et infinie.
Je la pris longtemps pour la bocca della verità avant que,
à l'automne de ma vie, le tunnel de Malpas ne m'en offre

une vision sereine et claire en son terme. Que sont devenues
les mines ? Il est à craindre qu'elles ne se soient encore
éboulées, remisant à jamais les rêves des enfants oubliés.

Festejades

À Lionel et Julie, à Marie aussi.

I - Le labyrinthe

Il y eut, au cœur même de la nuit ventée,
le lacis minéral, au bord de l'encre noire,

ces mots qui nous tenaient abrités après avoir
quitté les amies de Julie, envolées, sur un parking

de maraudes comblé. La marche était rapide, la parole
mesurée. De Gruissan j'entrevoyais les enseignes éteintes.

Les oiseaux s'en étaient allés loin. Seuls cliquetaient
les cordages. Au terme de la course, un autre parking

avala le jeune couple ami et je m'en fus, sur la route
venteuse, vers cette Catalogne où mes parents dormaient.

II- La ribambelle

Comme le photographe traquant l'angle d'un regard, le décroché
d'une corniche, je cherchais un motif et la soirée avançait

quand soudain je la vis serpenter, cette longue ribambelle
de jeunes-filles enjouées. Ribaudes d'un soir longeant les

guinguettes à musiques avant de disparaître dans la nuit. Près
de la bodega des municipaux où rissolaient des sépious, il se passa

un phénomène étrange. La ribambelle fut sur le point d'accrocher le front
disjoint de garçons, mâchoires serrées, prêts à en découdre et qui ne firent rien.


III - Le pain perdu

Nous rivalisions pour savoir qui offrirait aux autres un peu de leur repas.
Marie, la première, fut la plus prompte. Et en un tournemain, la directrice

me laissa le billet bleu à la main comme un amoureux transi sur le quai d'une gare
désertée. Je me rattrapai pour la boisson avec la complicité de municipaux avisés.

Lionel, fut le deuxième larron - Marie faisant Jésus - et nous offrit de Buster Keaton
une pantomime ventée. Il emplit notre table d'assiettes en cartons portant chacune deux

tartines de pain perdu recouvertes de sucre et de pâte à tartiner. La tramontane s'en mêla,
les assiettes volèrent et les tartines churent. En bonne tourneuse, Marie s'en fut discuter

le bout de gras avec les confiseurs voisins et parvint à leur soutirer en plus des envolées
quelques tartines supplémentaires que le pauvre Lionel fut contraint d'avaler : Gruissan, mes amours...

Envahissement

Mer épaisse, comme de liqueur, d'un bleu profond
qui ne bouge en surface. Tapie dans l'œil engourdi

de sommeil et qui s'apprête à basculer vers l'autre
rivage. Tel est, à peu de choses près, l'image que je

me forme du bleu ultramarin dont vous souhaitiez naguère
qu'il envahît ma nuitée. La nuit est passée et je garde

de cet envahissement discret un souvenir serein et des vers
plein ma musette pour courir les semer sur les chemins ventés.

Vouvoiements

Vouvoyer, voussoyer,
le son glisse, comme
couleuvre en herbages.

Distance proche, savoureuse.
Tu me vouvoies, je te vouvoie.

Et s'il n'était ces vers, le tutoiement
serait impensable. Une audace qui fait rire

tout seul, tôt le matin, devant l'ample baie vitrée.

L'autre

L'autre n'a pas de sexe
mais il a un timbre.

En français. La syllabe
centrale, accentuée, s'ouvre

démesurément, que je ne puis
reproduire. Mon au est un o

du midi. Plus timide, plus chaleureux
aussi. Comme l'ostre catalan, à peu

de choses près. Sans le s. Huître
entrouverte. À peine. Penser à l'autre

c'est avant tout pour moi le penser.
Différent, autonome, merveilleusement

autonome. Sans nulle possession. Tout juste
de l'admiration. Et une infinie reconnaissance

à la vie qui m'a permis d'en partager un brin le 
parcours. Et si cette autre, aujourd'hui, c'était toi ?

vendredi 22 mai 2015

Silence (petit atelier poétique en six hexasyllabes libres)

Silence de lilas,
ombre légère et forte.

Tu me lis et ne cilles.
Jamais je ne saurai

ton avis, ton sourire,
tes cris et ton rejet.

jeudi 21 mai 2015

Martí au Plateau

La poussette avance lentement,
ses yeux semblent ne se poser
sur rien et pourtant il boit
le monde. Il chantonne.

Deux oies entrelacées attirent
un instant son attention. Celle 
de gauche, immaculée, a l'œil droit
bleu ciel bordé d'orange pâle.

Mais déjà Martí s'endort, son souffle
calme rosit ses joues, je continuerai
en silence la promenade, en lui souriant.

Formatell

Des étés vibrants de l'enfance,
m'arrive, frais, le parfum de la terre,
des chemins ravinés par le grincement des charettes
dans le temps doux où l'on courait entre les clôtures,
des jeux sur l'aire et des porches de tendresse,
inconscients dans un décor amène
des travaux de jadis, longues journées
que le paysan engraissait
de la sueur crue du métayer.
Dans les flashes subtils de la mémoire,
je retrouve la fraîcheur du souvenir de mes oncles
et le nom de Formatell évoque toujours
la plénitude qui se dégage de ces années
quand les champs de Minorque se maintenaient
au fil lent des générations
qui en reçurent les fruits, la sagesse
des racines du peuple et du parler.
À présent, à l'heure des fermes abandonnées,
des champs déserts de vie et des bastides
qui vivotent silencieuses, alanguies
comme un corps désolé qui s'incline déjà,
une île qui vit du soleil et de son paysage,
il y en a encore qui attendrissent
la terre, la fécondent et la maintiennent
abondante en fruits et généreuse.
Peut-être que les semences ou le bétail d'aujourd'hui
seront les graines pour des lendemains plus riches
en maturité et en désir de ces mains
qui sont amour fécond sur la terre.

Pere Gomila, Géographies du vent, traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví

Archétype

Caché au cœur du cliché, sous le fronton,
d'entre la frondaison et la balustre claire,
une tête de monnaie. Inexpressive. Ataraxie.

Qu'il est reposant de découvrir un être qui 
n'est pas, un archétype commode pour soutenir
l'édifice. Et pourtant... Je pense au jeune 


homme qui servit de modèle, payé d'une bourse
de cuir ou d'un haricot de mouton avec du mauvais
vin. Il fut. Poussa, aima, souffrit et s'en fut,

sans que nul ne s'en souvînt. Alors l'ataraxie
cesse, un vent coulis aigre me parcourt l'échine
et je cours à ma table pour qu'il subsiste un peu.



Acta est fabula

La pièce jouée, les acteurs partis,
l'herbe a repris ses droits. Les pierres
se disjoignent. Bientôt il ne restera plus
des gradins qu'une pente douce de terre et
de graminées. Je croiserai peut-être alors
Antigone dans les rues étroites et minérales
qui bordent le Plateau mais je crains qu'elle
n'aie de Créon qu'une caricature fade et vaine.



Glycines

Je n'ai presque pas vu les glycines cette année
et les voici déjà fanées. Je me souviens en avoir
cueilli un grelot aux Réformés et l'avoir approché
du nez de mon petit cycliste. Il avait aimé cette
odeur surannée, un peu sucrée.

Les glycines s'en sont allées vers une autre saison.
Combien de fois un homme les voit-il dans une vie ?
Quelques dizaines, si la chance lui est donné.
Mais il lui reste toujours au fond de l'âme un peu
de cette présence ingravide et que le vent embaume.

Une correspondance

L'échange est bref, pesé, élégant.
Il se fait dans la nostalgie du papier
bouffant et de l'encre violette à la saveur
amère. Rien ne pousse les deux correspondants

à s'écrire que le plaisir de l'attente et de
la découverte hasardeuse. L'extrême soin apporté
à la rédaction ne doit pas pas faire illusion.

Ce sont des êtres simples et leur regard est pur.
Entaille dans le secret, des graminées germent qui
agacent le campeur un instant assoupi, lui apportant

la brise des antiques devis. Point de lyre ni de flûte,
la campagne invite à la marche lente, imaginée, désirée,
et au soleil qui lentement se couche sur la découverte.

mercredi 20 mai 2015

Poetes «al alimón»

a P. G. i  M. G.

No som Lorca ni Neruda,
i l'Argentina queda lluny
de la nostra illa estimada

Som dos poetes senzills,
sense DNI on consti la nostra
essència. En Pere és una mica

més gran que jo. Escriu des de
fa més anys. Menys però millor.
De fet, aquí on em veieu, ni tan 

sols sóc poeta. Sóc el seu traductor
I no respecto metre ni rima. Tradueixo 
per aprendre de la seva mà la nostàlgia

pressentida, els vincles prims i potents
que uneixen un infant amb la seva terra
i el gust amarg de les vinyes arrasades.

Compartim taula i conversa. Entre carbassó
i carbassó, xerrem a poc a poc. Bec de la 
seva font. Aprenc paraules. Quan comencem,

en Pere parla català ; a poc a poc ralla maonès .
Se'm cau la màscara i retrobo els mots dels avis, 
meticulosament guardats per la mare a sa cuina.

Quan deixo l'illa, de nit, veig com es multipliquen 
les llums dels pobles i quan estic a punt de no veure-les 
ja sé que em puc posar a escriure. Sense «alimón».

Un dialogue

Comme mille autres. Mais si différent.
Un dialogue à mots comptés, à mots perlés.
Un dialogue à colin-maillard où l'on découvre
l'autre en s'exposant soi-même par de petits
détails de la vie alentour. Des brindilles, 
les fibres d'une chemise accrochées à l'étendoir
et dont on fait, comme on le peut, un arc-en-ciel
du pauvre. Un dialogue clair, sans faux-semblant,
et que je souhaite prolonger, au-delà du miroir.

Vigne au début des années 80

La treille était encore sous le porche,
je me souvenais d'abord de quand elle fut vigne,
nom hérité par tant de jardins de nos îles
d'un temps où les ceps poussaient fièrement
avant d'être rasés par le sombre genêt
du grand phylloxera, ces vignes
qui changèrent le raisin pour d'autres arbres
fruitiers dans l'entrain de mains humbles.

Il ne venait pas de lîle, ce vin des coteaux
que nous buvions dans des virées péripatéticiennes
ou dans des silences consacrés quand nous entendions
le torrent débridé, élémentaire,
des vers de Salvat-Papasseit dits par Ovidi Montllor
ou les chansons de Mikis Theodorakis
dans la voix tremblante de Farnatouri,
la beauté et la douleur qui emplissaient des coupes
de ferments, de désirs et de moût antique.

Nous distillions des heures les mots
aimés des vers d'Ausiàs March
et nous connaissions le philtre du druide
qui nous abreuvait d'effluves de poèmes
enracinés dans la terre et dans le droit
de pouvoir être ce que nous sommes en plénitude,
sans la menace permanente d'être étouffés.
Simple et élémentaire comme de se lever
chaque matin, comme de faire l'amour ou de s'asseoir
autour d'une table, ou de contempler
le coucher du soleil sur la mer étale.

Il réchauffe encore, le vin de ces heures,
le désir dans la chair, la voix cassée
qui veut davantage et davantage de chant dans la certitude
de nous savoir bien vivants par la parole
d'entre la poussière sèche des coups de vent.
Ne crains jamais l'entaille amère qui succède
à ces vignes que nous avons perdues mais
la terre stérile et crue de l'oubli,
les restes froissés des sarments
qui n'enflammèrent pas, d'un coup, un dernier feu.

Pere Gomila, Géographies du vent, trad. du catalan par Michel Bourret Guasteví

Les paraules perdudes / Les mots perdus

Una nit de primavera, un malson
em despertà amb els ulls oberts
i la boca resseca. Havia perdut
els mots i el seu suau cantar.

En comptes de desesperar-me, repassí
les llengües que sabia. De les comunes
a les estrafolàries. Del volapük em
vingué pokamon amb ressonància de vell

joc infantil. Però de la meva tan estimada
llengua: no res ; ni una parauleta per
irrisòria que fos. Però només era un malson...

***

Une nuit de printemps, un cauchemar
me réveilla, les yeux ouverts
et la bouche sèche. J'avais perdu
mes mots et leur douce mélodie.

Au lieu de perdre tout espoir, je me repassai
les langues que je connaissais. Depuis les plus
communes jusqu'aux extravagantes. Du volapük
ne vint pokamon avec ses résonances de vieux

jeu pour enfant. Mais de ma très chère
langue : rien ; pas même un petit mot, pour
dérisoire qu'il fût. Mais ce n'était qu'un cauchemar.

Silencio ultramarino

Me gusta el silencio de la noche,
el preciso momento cuando te preparas
al sueño y todavía no estoy despierto.

Me gusta perder las manecillas de la pared
de relojes que unen el mundo con el pretexto
de dividirlo.

Me gusta tu silencio, la preparación de un
evento lejano y que te absorbas entera
cuando ya no te has dormido.

Au fond de l'aquarium

J'avais un aquarium rond,
où tournaient deux poissons,
usés par la lumière et la ronde
incessante. Je voyais pâlir leur 

éclat et jaunir leur orange et puis
je regardais au fond, d'entre les 
herbes vertes, ces cailloux colorés
dont on les habillait alors.

Couleurs primaires et bon marché :
du rouge, du bleu, du jaune, pareilles
à celles des billes de plâtre de la
récréation. Ils me fascinaient puis

un jour me quittèrent bien avant l'aquarium.
J'en ignore le nombre et la forme. Tout juste
ai-je dans les yeux leur nuancier joli qui
égayait mes jours d'un silence et d'oubli. 

Gemmes

Je ne connais pas ton écriture,
le ballet de l'encre sur ta page,
les frôlements de ton poignet
au-dessous. Lies-tu les lettres
ou bien les distingues-tu en îles
petites, en archipels de sens ?

Je ne connais que les caractères
noirs, sans empattement, dont mon
logiciel habille tes mots. Alors,
souvent, je lis une phrase aux
allures de vers puis je ferme les
yeux et la fais rouler dans ma bouche,

dégageant des gemmes polies, de formes
et de couleurs diverses. Ce ne sont plus
dès lors les mots de la tribu, mais les tiens,
mystérieuse correspondante à la parole rare et 
au verbe élégant. M'apprendras-tu, un jour, le secret 
de leur éclat ou bien le tairas-tu pour mieux m'en envoûter ?

mardi 19 mai 2015

Marque-pages et marque-vie

à S. R. 

Ticket froissé d'une lointaine cafétéria,
fleur séchée, précocement pâlie entre les pages,
languette de cuir doré à l'or fin ou index de
carton souple, les marque-pages jalonnent une 
lecture puis s'endorment au hasard. Quiconque
les trouve ne doit pas se méprendre : ils ne 
désignent pas le dernier pan de texte englouti
avant l'endormissement. Non, ils sont un signe
ténu d'appropriation. Comme l'empreinte digitale
sur un verre de vin, où la marque du soulier sur
la terre battue. Et qu'en est-il de ces livres
qui marquent notre territoire ? Entamés, reportés
à un jour meilleur, abandonnés, retrouvés. 
Sur la table de chevet, à même le lit, soigneusement
déposés ou ouverts contre la table ou le drap à
s'en faire péter la reliure ? Mutatis mutandis.
Le marque-page fait mémoire, le livre marque la vie.

«L'autre est toujours un monde différent.»

Léger déséquilibre du décasyllabe,
la sentence ne tombe pas, elle ouvre.
Vers un espace neuf et infini.

Nulle terra incognita de fantaisie,
cependant, et ce serait en vain que
l'on y chercherait des monstres

effrayants dessinés à la plume. Non,
la rime est masculine, oxytone. Ce
n'est pas l'élégante différence qui

se marque, c'est le différent qui
s'impose et interroge. Point de pareil
au même dans ce beau vers.

Et la curiosité de s'en trouver éveillée.
On songe bien sûr au volapük, langue si
complexe qu'elle échappait même à son

créateur. Je fais silence. J'aime que les
mots d'une amie me poussent dans mes
retranchements. Yeux ouverts, sourire aux lèvres.

lundi 18 mai 2015

«Je suis surprise de m'en voir l'objet.»

Coupé à l'hémistiche comme tige de coquelicot,
le décasyllabe est valéryen. Et je pense à Corona 
et Coronilla, son dernier recueil, chant d'amour
délicat, absolu, sans âge et que l'on fait sien,
comme les Poèmes à Lou d'Apollinaire.

Oui, vous en êtes l'objet, je ne l'ai pas cherché, 
vos mots mêmes m'y ont invité qui ne sont pas un
miroir mais un ferment, cailloux jetés dans l'onde
claire et dont je vois les reflets remonter lentement
jusqu'à moi.

J'aime ces mots qui nous lient à nos corps défendants,
repoussant la rencontre qu'ils nourrissent déjà.
Un café brûlant dans une tasse étroite, tournoyant
sous vos doigts, m'inspirera peut-être.

Un dimanche sans heure

J'aime tant les fleurs que je ne puis en recevoir,
surtout les coquelicots qui fanent aussitôt cueillis.

Hier pourtant j'ai reçu la plus belle des fleurs à la fin
d'une jolie missive. Une amie chère m'y souhaitait un

dimanche sans heure. J'ai tourné et retourné ces quatre mots
dans ma bouche avant de les faire miens. Bien sûr, mon dimanche

a eu ses heures, ne serait-ce que pour chérir mes parents et mon petit
qui m'accompagnait. Mais j'y ai glissé un peu de cette inactualité

qu'elle me souhaitait. Dans mes dialogues, mes gestes et jusqu'à l'écriture 
de mes vers qui sut s'affranchir de l'irrémédiable tombée d'un soir de mai.

dimanche 17 mai 2015

Vorejant el canal / En longeant le canal

Vorejant el canal, fosquet,
camino per la sorra deixada
per milers de passejants.

Les meves sabates s'hi tenyen
de color de vida, pena i treball.
I quan miro l'aigua ennegrida pel

capvespre tan proper, no hi veig
la meva cara, sinó les cames cansades
i els esclops de fusta dels antics

sirgadors, homes de poques paraules
i força descominal, sense qui encara
jo seria un esclau sense rumb.

***

En longeant le canal, sur le tard,
je marche sur le sable laissé
par des milliers de promeneurs.

Mes souliers s'y teignent
de la couleur de la vie, de la peine et du travail.
Et quand je regarde l'eau noircie par

la tombée du soir si proche, je n'y vois pas
mon visage, mais les jambes fatiguées
et les sabots de bois des anciens

haleurs, hommes de peu de paroles
et à la force hors du commun sans qui
je serais encore un esclave sans but.

Ceux que j'aime

Ceux que j'aime vivent de leur côté.
Parfois nous nous croisons, nous frôlons
ou nous étreignons. Un temps. Parfois deux.

Puis nous repartons, chacun de notre côté.
Enfants, parents, frère, amantes, amies et
amis, présence bigarrée de personnes uniques

et dont la présence m'est nécessaire, jamais
indispensable. Ils viennent quand bon leur semble,
la musette pleine de victuailles, la guitare de chansons.

Mais quand ils sont partis, devant l'écran silencieux de
mes nuits sans sommeil, je revis leur chaude présence et,
sans qu'ils ne s'en doutent toujours, je leur dédie ma parole.