à S. R.
Ticket froissé d'une lointaine cafétéria,
fleur séchée, précocement pâlie entre les pages,
languette de cuir doré à l'or fin ou index de
carton souple, les marque-pages jalonnent une
lecture puis s'endorment au hasard. Quiconque
les trouve ne doit pas se méprendre : ils ne
désignent pas le dernier pan de texte englouti
avant l'endormissement. Non, ils sont un signe
ténu d'appropriation. Comme l'empreinte digitale
sur un verre de vin, où la marque du soulier sur
la terre battue. Et qu'en est-il de ces livres
qui marquent notre territoire ? Entamés, reportés
à un jour meilleur, abandonnés, retrouvés.
Sur la table de chevet, à même le lit, soigneusement
déposés ou ouverts contre la table ou le drap à
s'en faire péter la reliure ? Mutatis mutandis.
Le marque-page fait mémoire, le livre marque la vie.