Nous étions gamins, le risque ne nous faisait pas peur.
Nous étions tentés par le danger et l'aventure,
l'entrée dans l'inconnu ou la découverte
de la limite minérale, l'ombre derrière
l'ouverture béante qui nous avalait lentement
jusqu'à son ventre humide de pure roche.
Joyeux, imprudents, nous nous soumettions
à l'appel profond sur le tapis
qui étendait la mousse sur les marches
avec le piétinement doux de celui qui veille
et dont le sommeil vainc enfin l'angoisse.
Et quand, après, nous touchions, tremblants,
ce fond sec avec des airs de victoire,
nous regardions, tête dressée, le trou bleu,
le monde lointain, plongés dans le silence.
Après tant d'années, un puits encore te tente,
ouvert au milieu de nulle part,
à l'écho minéral pour que tu t'y enfonces
en descendant la paroi. Et tu dégringoles,
imprudent, comme autrefois, les marches incertaines,
la main ferme contre le mur vertical
en descente mal assurée, sans cordée,
chargé de passé et de scepticisme,
jusqu'au tréfonds de toi-même,
jusqu'à la profonde incertitude des limites.
Que cherches-tu donc dans les entrailles profondes ?
Tu ne trouveras nulle réponse au vertige,
sinon la certitude de la descente.
Pere Gomila, Géographies du vent, trad. du catalan par Michel Bourret Guasteví