vendredi 29 septembre 2017

Insomni / Insomnie

Aquesta llengua segona, a vegades,
en fas sa teva primera. És sa llengua
de ton cor, aquesta olorosa, d'ullastre

i de lli fi. La parles amb l'amic llunyà
que gestiona del bàsquet el poliesportiu
blanc. La llegeixes amb ta mare, a distància,
amb ses vostres ulleres de metall. Però esperes 

l'insomni per fer-ne el ferment de sa teva pasta. 
Amb olor inconfusible de birra de port i remoreig 
d'ocells cecs. Aleshores, devora es port, somies 

i te'n vas.

***

Cette deuxième langue, parfois,
tu en fais ta première. C'est la langue
de ton cœur, celle qui sent, d'olivier sauvage

et de lin fin. Tu la parles avec l'ami lointain
qui gère du basket le palais omnisports
blanc. Tu la lis avec ta mère, à distance,
avec vos lunettes en métal. Mais tu attends

l'insomnie pour en faire  le ferment de ta pâte.
Avec cette odeur que tu ne peux confondre, de bière
de port et de bruits d'oiseaux aveugles. Alors près

du port, tu rêves et t'en vas.

Insomnie

L'insomnie m'a tiré des draps
et je suis descendu, comme autrefois,
coucher sur l'écran ce que j'entrevoyais.

Le ferment ne se voit ni ne se dit, il s'écrit.
Car comment autrement exprimer cette poudre si
fine qui coule entre des doigts dont la pulpe,

sans cesse, se frotte dans l'absence froide de
ta peau. La nuque est raide et les yeux peinent
à s'ouvrir. Le cliquetis est gauche. Qu'importe.

Le ferment est là et je te fais hommage. Comme
dans ces tramways bleus qui découpent le gazon
de la ville, on voit parfois des rires étreindre

celles qui s'étreignent d'un regard ou d'un bref
frôlement. Le ferment prend, la pâte lève. Mes vers
peu à peu s'allongent. Qu'importe le mètre. Le drapeau

des pirates est levé sur mon ample table de bois clair.
Des mers tièdes l'attendent. Dans quelques minutes, 
remonté dans mon lit, mieux que moi, le silence te parlera.

jeudi 28 septembre 2017

En écoutant la Barcarolle

Que l'Argentine est loin, Martha joue
et la pénombre se fait autour de moi.
À l'étage le petit dort déjà et 

je me replie tout contre l'ample table
de bois clair, manches retroussées,
épaules lourdes. Tu es loin, tes mots

harassés me le disent et pourtant je te
sens proche. Je prolonge le morceau que
je ne remettrai pas car, dit-on, on ne 

peut le jouer qu'une fois à l'aimée.
Mes doigts sont gourds qui crépitent
comme le bois sec au début de l'hiver.

Un jour viendra où nous l'écouterons
tous les deux et la nuit nous surprendra
que nous ne contredirons pas. Pas cette fois.

Ombilic

De l'omble chevalier, tu as la discrétion
profonde. Le prix aussi. Et ne te montres
qu'à qui te rend hommage. Et ne te rends.

De l'ombre chinoise, le velouté sur la
paupière close. Par toi, la vie nous fut
confiée. Un temps. Un temps, seulement.

Du nombre d'or, le soyeux équilibre et,
quand tu invites ma langue à sagement
te circonscrire, le temple s'ouvre soudain.

Je t'aime jusque dans ce vocable suranné,
ombilic de mes amours, tendre berceau
pour d'interminables devis.

Sous chaque lettre

Sous chaque lettre, le désir pour elle,
tremblotant, et qui donne à ton alphabet
de faux airs de guirlande mal ajustée.

Tu cherches les mots et les assembles avec
maladresse, crois-tu, mais un poète t'a dit
un jour que tu avais choisi la langue qui

te convenait. Ni celle de l'étude, ni celle
du métier. Celle du cœur qui fait trembler 
les sons avant que ta bouche ne les dessine.

Oreille gauche

Tu ne l'entends pas de cette oreille
et tu me dis dormir sur tes deux .

Je n'en crois rien et préfère te glisser
entre lobe et drap que je viendrai te
visiter bientôt. Dès potron-minet ou peu

s'en faut. Désordonnant tes cheveux de
mon souffle marin, je mordillerai ton
oreille gauche avant de te raconter

l'histoire de ces marins anglais qui,
désespérés de n'avoir pu te rencontrer,
s'en allaient de bar en bar téter l'âpre

tiédeur du gin et finissaient par s'endormir
dans un coin, le cœur dans ton oreille. Gauche.

mardi 26 septembre 2017

Tutti frutti

Des nuits couleurs d'arc-en-ciel,
de bonbons acidulés, des nuits
comme un chapeau haut de forme

au velours noir multicolore. Sans fin
des mouchoirs qui en sortent pour
sécher les larmes qui, au sein de la

foule, parfois t'étreignent, des douceurs
pour tes dents qui veulent des baisers
et ne plus saigner quand septembre

s'en va. Des nuits pour contredire les
jours maussades naguère et qu'un
soleil d'oliviers, bien haut, sait adoucir.

Enfin.

lundi 25 septembre 2017

Contredire la nuit

«I la foscor s'il·luminà de sobte
perquè érem dos a contradir la nit.»
               (Joan Vinyoli)

Contredire la nuit, à deux, mon amour.
En présence ou en absence. Laisser la
déroutante insomnie glacer nos paupières
et dessiller nos yeux. Nous retrouver

soudain dans les draps défroissés. Douce
fulgurance, que l'on prolonge, lèvres
sèches. Dans l'attente ou l'espoir de
la coupe d'eau fraîche que dessineront

tes lèvres aimées et dessinées dans chaque
pli du sommeil laissé très loin derrière.
Conjuguons, je te prie, contredire la nuit.
À tous les temps, réels ou inespérés.

vendredi 22 septembre 2017

Carnets nocturnes

À spirales, fins, à carreaux
petits, peut-être. Carnets
fantasmés, carnets désirés.

Mais le sommeil englue et l'air
est si froid. Et puis je ne les
retrouve plus ces carnets 

rêvés, viatique constant d'un
chasseur des songes sereins.
S'ils existaient, vraiment,

j'y instillerais mon désir,
goutte à goutte. De ta peau 
claire et du cristal 

de ton rire, après le plaisir,
entre livres et crayons, avant
que le sommeil ne nous regagne.

Tandis

Tandis que sous le pont de nos bras...
J'aime les ponts qui lient les êtres
et forgent les sociétés.

Les péniches y passent à l'ombre, chargées
de grains et de charbon. Les badauds y oublient
le fil des heures 

et les amoureux s'y font des promesses éternelles.
Certains se brisent sous la vigueur des flots,
devenant monument

pour les générations futures. D'autres sont la tendre
scènes de bisbilles passagères, on les passe plus fort
encore, sûr de les retrouver. À deux.

Clarivivent

Es diu Clara i fa anys, avui.
Com en fa cada dia que ens
somriu.

Del teatre coneix la vida i
la tendresa viva. Del món
endevina 

els camins sense deixar mai
de viure-hi. Com a Barcelona,
aquests dies

de revolució confiant. Per això,
si m'ho permet aquesta gran amiga,
li diré Clarivivent.

Seize mois

Elle porte le prénom d'une femme
qui pour d'autres fit beaucoup,

Sa vie se compte en mois et ses
yeux en baisers. De ses parents,

elle est l'Olympe, éminence de
tendresse et de souvenirs à venir.

S'il ne m'était donné qu'une minute,
je quêterais de ses yeux la lueur

infinie, gourmande sur la vie qu'elle
découvre et que, bientôt, elle nous

enseignera.

lundi 18 septembre 2017

Les cahiers de la nuit

L'automne approche, il se glisse sous la couette 
et surprend l'épaule endormie d'une brusque fraîcheur.

Le geste de la main ne suffit pas, l'insomnie s'installe.
Par bonheur. Alors à la lueur des écrans pâles, on entreprend

d'écrire quelques vers ou un petit journal, funambules d'encre
digitale. Ces cahiers, qui ne se voulaient pas tels, n'ont pas

de reliure à spirale, ni de dos collé. Ils ignorent le massicot
qui dénature la page libre. Quels seront-ils ? Je n'en sais

rien mais je me sens prêt à les tenir. Au hasard des nuits 
et des senteurs remémorées, entre lune, aube et matin.

vendredi 8 septembre 2017

Comme un bol orange

Comme un bol orange de chicorée
Leroux, fumant, le soleil me regarde
que l'amour secret proclame. J'y vois

le souvenir nocturne du trajet d'un
ami minorquin et qui m'avait confié de
la lune pleine la fulgurance tremblante.

Que belles sont ces lueurs rondes, l'une
d'or, l'autre blafarde, qui effacent les
distances entre les lecteurs de l'absolu.

Une fine plaquette rouge

Je vis entouré de livres. C'est ainsi.
Depuis longtemps. Étudiant, je consacrais
ce que me donnaient mes parents à en acquérir
de nouveaux, au papier fin et jauni et à la reliure

en peau de veau. Ceux qui viennent me visiter pensent
que j'en ai beaucoup et que je les ai tous lus. Ils prennent
le désordre de mes trois étroites bibliothèques pour le signe 
d'une activité effrénée. S'ils revenaient quelques semaines

plus tard, ils s'apercevraient de leur bévue. Je n'ai pas beaucoup
de livres et je ne les ai pas tous lus. Mais ils me font côté et
j'aime y vérifier ce que je croyais avoir oublié ou m'émerveiller
à nouveau devant le point noir nervalien. Or, voici que, naguère,

alors même que de Kamel Daoud je lisais le dernier roman sur une
fine plaquette rouge qui pourrait contenir les lectures de dix vies,
je les ai vus qui me regardaient, convaincus, tout à coup, de l'inanité
de leur présence au monde. L'un d'eux surtout, dont j'avais coupé

les pages voici quarante ans avec mon Laguiole d'interne. S'était-il 
aperçu que son alter ego, sous forme digitale, s'était tapi bien au chaud
de la fine plaquette ? Je ne sais. Toujours est-il que je crus le voir
trembler de ses deux-cents feuillets. Nul reproche dans aucun de ces volumes

à la couverture souvent brisée ou écaillée, à la tranche noircie par mes doigts
ou jaunie par les ans. Une confiance plutôt. Sous les auspices de l'imposant
dictionnaire catalan, valencien, baléare en dix volumes qui sait bien, lui, que 
la consultation de son édition digitale ne m'empêche pas de lui caresser les côtes.

mercredi 6 septembre 2017

Il est

Il est des objets qui vous brisent le cœur.
Des objets de rien du tout. Du fer blanc
mal embouti et qui ne pèse même pas son
kilo.

Tenez, une simple boîte de conserve, dans
une marque bon marché et dont l'étiquette
trompeuse vante l'excellence. Eh bien, 
cette

simple boîte m'a tiré les larmes des yeux,
par ma négligence. Il y a quelques semaines,
à la demande de mon grand Hadrien, je l'avais
achetée

pour qu'il s'en régale un midi, à l'ombre de
la maison blanche. Les jours sont passés, la
noîte s'est tapie parmi d'autres, toute fière
de briller

de son or et de son argent de pacotille et j'ai
oublié de la débusquer en tordant le cou à son
maudit orgueil. Alors, dépité, il ne me reste 
plus 

qu'à ravaler mes larmes et à regarder, fiévreux,
la date de péremption : mars 2020 avant qu'elle
ne se gonfle de botulisme insidieux. Je souris.
Et la lui garde.

mardi 5 septembre 2017

Qui se'n recorda? / Qui se souvient ?

Qui se'n recorda,
d'aquelles tartanes
velles que portaven
la gent al mar

a l'agost? Hi pens
mentre mir lentament,
amb pausada parsimònia
una foto que m'acaba

d'enviar un amic car.
L'agost se'n va anar
i la foscor ja s'ha
menjat una part

del mar. De la gent
només queden uns pocs
avesats que ja no fan
l'home mort sinó

que se planten dins 
la sorra, ben dempeus
per a retardar la nit
amb fam de llop

de tardor. Llombrígol
del món, mortífer migjorn
de sa meva illa, parla'm,
mostra'm

el camí per on portar 
l'estimada antes que
se'ns empassin els dies
aspres de l'hivern.

***

Qui se souvient
de ces vieilles 
carrioles qui menaient
les gens à la mer 

en août ? J'y pense
tout en regardant lentement,
avec une infinie parcimonie,
une photo qu'un ami cher

vient de m'envoyer.
Août s'en est allé et
l'obscurité a déjà mangé
une partie

de la mer. Des gens,
il ne reste que quelques
habitués qui ne font plus
la planche mais

qui se plantent dans 
le sable, bien debout
pour retarder la nuit
avec sa faim de loup

d'automne. Nombril
du monde, mortifère midi
de mon île, parle-moi,
montre-moi

le chemin par où mener
mon aimée avant que nous
soyons avalés par les jours
âpres de l'hiver.




samedi 2 septembre 2017

Une belle enfiévrée

La nuit fut erratique
et tu cherchais ma main.

L'eau des alcarazas ne
suffisait plus alors,

en souvenir ma peau se
fit buvard pour venir

t'éponger. Elle te sembla
de mille ans. À distance,

glacée la mienne y fut 
toute semblable. Union.

Au matin, la fièvre disparut.
Tu ne le savais pas. Moi, oui.

vendredi 1 septembre 2017

T'aimer

T'aimer, t'aimer...
À en perdre le souffle ?
Non pas. Plutôt à doucement

le retrouver. Paisiblement.
T'aimer à en écrire la nuit
et parfois même, comme ici,

en pleine journée. T'aimer 
à concevoir de menus projets
qui, tous ensemble, en forment

un grand. T'aimer pour le plaisir
de saisir ton sourire mutin derrière
tes lunettes de couleur. Éperdument.