samedi 28 mai 2016

L'aprenenta de poeta

Un divendres, a la tarda,
una alumna se m'acostà.

Amb un feix de fulls
i un posat solemne.

Em mirà i parlà,
la solemnitat se n'anà.

Un sonet comentava,
en tan sols una hora

o mitja. Mai havia escoltat
una paraula tan clara.

No li mostrava res. Al final,
cità Miquel Martí i Pol

i al silenci ens deixà.
Calderó, point d'orgue.

Al francès tornàrem, que
mai havíem deixat. De versos

no n'escrivía gens, em confessà.
Naixia una poeta, ara li puc contar.

Les imaginer

La photo est petite, elle pèse deux ou trois kilos,
version contemporaine des médaillons anciens.

Une mère et sa fille s'y tiennent, comme un miroir
riant. S'étreignant par les bras et se frôlant les tempes.

L'une à la coupe ébouriffée, l'autre aux longs cheveux
châtains. Derrière elles, les arbres veillent. Serrés

et silencieux. Mais qui donc est le photographe qui,
un instant les prit ? Témoin de leur heure complice,

du sel de ce moment. Bien sûr, sous ces mots, je pourrais
vous la reproduire, je n'en ferai rien et vous laisse

tranquillement,
vous les imaginer.

Des larmes chargées de présent

«La poésie est une arme chargée de futur».
Paroles militantes, foi dans un avenir meilleur.

Mais que sont les mots de Celaya face à la douleur 
d'une amie ? Longtemps, il n'en sut rien, ou presque,

la confidente se taisait et ses larmes ravalaient.
Un jour n'y tenant plus, elle sortit de par la ville,

tenant son ventre déchiré, ses jambes ne la portaient pas,
essouflée elle s'affaissait, quand elle vit, à la dérobée,

un banc calme, de bois et de fonte ordonné, lui tendre
les bras ou, du moins, une assise commode. Elle s'y assit

et s'y endormit, ne sentant pas derrière qu'un homme la frôlait,
un musicien des rues, saltimbanque retraité, qui d'un limonaire,

ou d'une vielle, tirait des mélodies surannées. De présent, ses 
larmes se chargèrent et les vers, longtemps retenus, s'animèrent.

Alors qu'importent Blas de Otero, Goytisolo ou Gabriel Celaya,
mon amie souffrait et elle m'offrit ses vers, sans rien me demander.

Claire lumière

Chiara, svetlana, clara, claire :
italien, russe, catalan, français,

les langues s'ouvrent à la lumière
puis se referment derrière l'ineffable.

«Que la lumière soit, et la lumière fut.»
«Fiat lux et lux fuit». Du premier l'on fit

une automobile, du deuxième un savon, et le reste,
disparut entre les pages de la Vulgate épaisse.

Les comètes recèlent, paraît-il, en leur queue,
de la glycine sans couleur ni pétale. Un acide aminé

complexe à la saveur légèrement sucrée. Principe de vie,
d'un amplement mouvement semé et qui disparaît aussitôt

passé l'astre de glace chevelu. Ainsi est la lueur qui embrase
tes yeux et que l'obscurité avale, la distance épuisée. D'elle

et des moments heureux ne subsistent alors que le mot bref
au cœur ouaté de voyelle allongée. Chiara, svetlana, clara, claire.

Quartier

La lune était en son troisième quartier,
il ne le savait pas, il l'ignorait,

tout comme il ne connaissait des fleurs
que la caresse légère et le bouquet de

couleurs odorantes. Dans une maison haute,
étroite, sans compagne ni passé, il avait

tant à apprendre et si peu de temps à consacrer.
Du moins le croyait-il jusqu'à ce qu'il lise,

par hasard ou presque, les pleurs d'une amie
confiés à un journal discret, l'épuisement sur

un banc, la main sur le ventre broyé, et cette vielle,
derrière elle qui soudain joue et joue, lancinante.

La lune était en son troisième quartier,
il ne le savait pas, il l'ignorait.

mardi 24 mai 2016

Emballée

Il grêlait fort et le vent faisait trembler
les fragiles volets. Il grêlait fort et l'esprit
allait vite, cliquetant sans répit, dans le noir.

Le temps, au dehors si hostile, s'était soudain
emballé. Exorbités, deux êtres conversaient
sans jamais s'échanger. Confiance de l'altérité.

Assumée, revendiquée. Découvrir des pans d'un passé,
semé de points communs, de vies croisées, de tranches
non encore entamées. S'emballer, ne pas se donner

le temps de réfléchir, de raisonner, d'apprécier
la tranche ainsi exposée. La garder pour plus tard.
La savourer enfin dans l'absence. Atypifiée.

dimanche 22 mai 2016

Douceur de la veille

Le jour est laiteux, l'immeuble fourmille
de mille bruits. Deux enfants dorment
paisibles. Respirations croisées.

Je les ai veillés sans qu'ils s'en doutent,
sourire aux lèvres, sens aux aguets.
Trop brève pour eux, la soirée les avait

vus jouer, bavarder, s'inventer un monde
neuf dans les rires et les mets dévorés
sur le pouce. Ils ont grandi. Encore.

samedi 21 mai 2016

Deux trottinettes

Elles s'ennuyaient dans une étroite
remise de parpaings bruts, à peine
chaulés. Imbriquées, coincées par

une poussette double, ancienne et
vaniteuse. Deux garçons les voulaient,
bavards et rapides. J'avais du mal

à ouvrir la porte. On eût dit que je
la forçais. Délice du larcin inventé.
De leur sortie, je ne garde mémoire.

Mais depuis lors, me poursuit l'entrelacs
du bleu et du rouge sur le gravillon
terne de la place. La pluie, un temps

menaçante, les regardait et suspendait
sa course. Enrubanné de fleurs flétries,
le Général ne cillait. Sa fine moustache

tremblait, je l'aurais juré. Les deux
compères du kebab mangeaient avec parsimonie,
tout à la nostalgie de la contemplation.

Eux aussi avaient été des enfants joueurs
à patins, skate, BMX ou trottinette. Qu'importent
les roulements, glisser à deux, sans dire mot,

sauter, slalomer, glisser, rider et éclater de
rire, à l'unisson. C'était un soir de mai. 
Sur une place, une amitié naissait.

jeudi 19 mai 2016

Un cocktail du bout du monde

L'heure est incertaine,
la table sombre.
Personne.

Dans une flûte effilée,
le bleu s'épaissit de
la pulpe

de fruits improbables,
de vieux rhums
oubliés.

N'était la distance.
je rejoindrais
Incontinent

le photographe
silencieux. Mais
le continent

est autre et
le contenant
dissuade.

Più nessuno
mi porterà
nel sud.

mercredi 18 mai 2016

Anodin

Je ne crois pas pas à l'anodin,
je recueille dans ma main les perles
envoyées, nichées au cœur de tes mots.

L'inconscience m'avais gagné quand tu
me les glissas dans un message bref
que nos fonctions induisaient.

Je le reçus à l'heure sans aiguille,
où la nuit traîne encore et exige que
l'on s'asseye au bord des mots.

Mon écran petit s'était allumé. Je lus
la missive et y souscrivis puis, comme
une récompense à la tâche des hautes heures,

j'écoutai la perle annexée. Petite et dense.
Quatre-vingts millions de bits serrés, aveugles,
obéissants, qui inventaient une musique qui,

à son tour, mimait la pluie ressouvenue. Non pas
l'averse d'été des Quatre Saisons, non : une pluie
de l'intime que d'autres oublient mais qu'un cœur

attentif garde pour la tourner en bouche. Il n'est
rien d'anodin. Il y a ces sons. Il y a nos pluies.
Merci.

dimanche 15 mai 2016

Mai(s)

à Vincent, Jérôme et Hadrien.

«- En mai, fais ce qu'il te plaît.»
«- Mais...» «- Il n'y a pas de mais 
qui tienne.»

«- Alors, mon bon ange, si tu le dis,
j'enlèverai, un temps, son «s» à la terrible
conjonction.»

«- Mais pourquoi donc, et pourquoi si terrible ? »
«- Parce qu'elle gâche nos belles journées et nos
riches initiatives...»

«...et parce que trois de mes beaux enfants y sont
nés, neuf mois après la floraison de l'été. Parce que,
sous leur regard...

«...je n'ai qu'une saison, où la glycine déjà s'évanouit
et où déjà prennent force les cerises. Parce qu'enfin
le monde quitte les conjectures et abolit la conjoncture»

« - Qu'il en soit donc ainsi. Un temps, rien qu'un temps.
Trente-et-une journées, presque autant que les dents qui,
depuis bien longtemps, leur font croquer la vie.»

samedi 14 mai 2016

Un instant de musique populaire

Images et sons volés, à la sauvette,
tremblants et parasités. Le harpiste
laisse se balancer son instrument d'or

sur son épaule sombre. Plus rien des 
outrances merveilleuses de Queen.
La mélodie épurée monte à l'aigu

et quitte la terre de nos ancêtres.
Je songe aux angelots silencieux qui
traversent les générations et sourient

à la moindre de nos tendresses. En quelques
pincements, Park Stickney les rejoint et, sans
jamais nous enlacer, nous envoûte infiniment.


À un ami dans la peine

à L. A.

Comme si je le pressentais,
je regardai longuement le mondial
de pétanque. Deux triplettes.

De deux continents, unies par une
même visière. Jeu lent et grave.
La terre battue de mes souvenirs

s'était transmuée en cailloutis
gris et sonore. Les boules noires
l'emportaient, le tireur malgache

écartait d'un éclat les sphères
d'argent qui osaient s'approcher
du bois. Je sombrai bientôt dans

le sommeil, le mondial était devenu
un bourdonnement terne quand m'arriva
un message de la compagne de mon ami.

C'en était fini. Au matin, après une nuit
de lutte inconsciente. Je revoyais mon ami
la veille. Tout ne s'était pas encore

accompli. Mais ses bras et ses joues tremblaient
d'un feu que je ne lui connaissais pas. Celui de
l'enfant qu'il fut et que jamais je ne connus.

dimanche 8 mai 2016

Une nappe de coton

tendue dans le sous bois,
entre les épineux desséchés,
sur la pierraille et les insectes
curieux.

Un simple drap brodé du chiffre d'aïeux
oubliés et qui reçoit le vin frais et
quelques gâteaux secs. Équilibre instable,
urgence 

de l'échange. On trinquera puis on jouera
aux osselets, de la terre au ciel. On rira,
les bulles glisseront sous les doigts et l'or
envahira la nappe.

Autrement

T'aimer. Autrement.
À distance, sans nulle
complaisance. T'aimer
en pensant, sans cesse,
à tes grands yeux
dessillés.

T'aimer contre la société,
sans en parler aux amis.
T'effleurer et m'unir,
sans jamais te peser,
te porter en moi,

frissonner quand le froid
du petit matin me surprend
dans un train, imaginer
ta peau si claire et ces baisers
que jamais nous ne nous offrîmes.

Souhaiter que la vie soit longue 
encore et nous offre un frôlement
de nos chairs car nos âmes, elles,
fraient depuis longtemps dans le
ruisseau vif.

T'aimer. Autrement.
Devant l'écran, à cinq-cents lieues
de ta terrasse atlantique, imaginer
les agrumes clairs et la semoule que
ta main, nostalgique, égrène.

vendredi 6 mai 2016

Brut

Une amie, naguère,
me demandait si 
je retouchais
mes vers.

Si je les ébarbais,
les polissais,
les réécrivais
longuement.

Non. Mon art est brut,
suite d'instantanés.
La ponctuation m'obsède.
Dans son silence,

elle dit le souffle
et le rythme. Alors, oui,
je la retouche.
Et l'orthographe aussi.

Refuser

Refuser la photo,
trop facile et qui
tue le mouvement.

S'efforcer de garder
ce que l'œil, fugace
et lent, grave.

Au-dessus du sable,
en limite de grève,
tout contre le canisse,

une plante grêle danse,
vert tendre grumeleux.
Sur l'une des tiges,

une jolie fleur jaune,
quatre pétales en croix
liés.

La danse étourdit, l'œil
doute et craint l'oubli,
les lèvres sourient.

Refuser la photo, laisser
le bras ballant, boire
enfin l'instant.

Et fêter le printemps.

Au cirque

Et Martí de montrer du doigt
les étoiles qui naissent sous
le chapiteau bleu.

Le soir n'est pas encore tombé, 
la toile mal ajustée laisse
passer le jour, 

le spectacle tarde. Temps de
réclame et de ventes colorées.
Soudain les tigres 

rugissent contre les grilles.
Aladin caresse de la main
la blondeur de Martí 

puis saute dans l'arène. 
La magie a joué. Un autre moi
sourit.


Ce fut

Ce fut une journée paisible,
de soleil et de mots fléchés,
tout contre les succulentes,
les herbes endunées.

L'eau était glacée, le soleil
enjôlait, l'œuf dur prenait
le goût de l'iode et les propos
volaient.

Non loin, les cerfs-volants peinaient,
vagues étendards de conflits oubliés.
L'un d'eux s'emmêla, provoquant l'ire
batave. Nous en riions, comme des

écoliers. Le soir nous surprit, le
cabriolet nous attendait, brûlant
encore des feux de la journée.
Ma peau avait rougi, 

je dormis mal, le sourire aux lèvres.
La peine d'une amie, le vide dévorant,
un temps, de soleil et de mots fléchés,
l'avaient quittée.

mercredi 4 mai 2016

Une maison étroite

La rue est froide et vide,
silencieuse, interminable,
elle longe la voie des express
qui se taisent à cette heure.

Sur la droite est une grille
haute, à la peinture écaillée,
un cadenas compliqué la barre.
Au delà sont les herbes folles,

rudérales à peine domestiquées.
La sente se devine avec difficulté, tracée
par d'autres mollets, en d'autres temps.
La ville n'est plus et la campagne

est improbable. La marche est pénible
à la lueur du croissant et l'espoir bientôt
vous abandonne. C'est alors qu'elle se dresse,
miroitant de son unique fenêtre. Toute en tranche

et en hauteur. Une demeure d'un seul tenant.
Pièce unique avec sa mezzanine. Chaleur des
coussins, odeur prégnante du bois neuf.
Nous y voilà réunis, à deux, à quatre, à six.

Les heures s'écoulent lentes, les corps dansent serrés.
Une rare voisine, alarmée par le son, se joint au groupe.
Le vin rouge est épais et les voix chevauchées s'empâtent.
L'aurore tarde à venir, on sent qu'il faut partir.

Longtemps je me rappellerai l'étroitesse du lieu,
son improbable implantation, longtemps je me souviendrai
qu'à Billy Paul, se soir là en dansant resserrés
nous rendîmes hommage, avant de nous évanouir.

Quatrième de couverture

Mon informatique est de broussaille
et d'impulsions. De lignes de chiffres,
d'anglais de pacotille. Les yeux, les doigts,
le clavier me sont un guide incertain.

Je ne lis plus. Il fut un temps où les revues
rythmaient ma voie. Bien avant Linux, il y a
plus de douze ans. Je caressais les quatrièmes
de couverture.

L'une chantait les mérites d'un progiciel de
ma région, Windev, sur papier glacé où le jaune
étincelait. Mille fois je songeais à l'installer,
mille fois j'y renonçais.

Mais il était là, comme un talisman, un viatique
possible qui cependant jamais ne m'accompagnerait.
Une amie m'y fait songer ces jours-ci. Mon informatique
est de broussaille et d'impulsions. Et mes vers aussi.

lundi 2 mai 2016

D'amour et d'amitié

D'amour je n'aime plus,
le sus-je d'ailleurs,
le sus-je ? D'amitié
je fourmille.

D'amour je n'aime plus,
la courbe de ta peau
sous mes doigts tiédit.
La rêvé-je, la rêvé-je ?

L'amitié, cette espiègle,
m'enjôle de sa gouaille ;
sans sexe, âge ou couleurs,
elle parle vermillon.

L'amour a mes faveurs,
je le chante et le cherche,
d'un regard déporté, à pleine
bouche je l'embrasse. Puis me tais.

La veu dels amics

M'arribà de sobte,
sopàvem amb unes pizzes
i xerràvem. Fou curt,dens,
de flaire afegida.

Eren a la muntanya,
en podia sentir la remor
tèbia. No sé si es trobaven
a les acaballes

del dinar o començaven a fer
un nou vermut. Al meu costat,
la tendra veïna es callà.
Qui portava la veu cantant

del grup era la Noémie. Tenia
molt poc de temps, l'allargava
per a enriquir-lo amb el gruix
dels mesos compartits a dos, tres

o dotze. No sé quan s'acabà la trucada,
recordo que la veïna em mirà amb infinita 
complicitat. La pizza s'havia refredat. 
Una mica. No gaire.