mardi 30 juin 2020

De la poncella a la fruita / Du bourgeon au fruit

De la poncella a la fruita,
navega el meu amor. Turquesa
la mar i fresquet el ventolí.

Generosa, la natura li porta
colors i matèria, tendres ànims 
i temeràries ànimes. El deixo

anar, cap al sud de Quasimodo
o al nord gebrat d'Ibsen. Quan
sigui madur, els mots m'ensenyarà.

***

Du bourgeon au fruit,
navigue mon amour. Turquoise
la mer et frisquette la brise.

Généreuse, la nature lui porte
couleurs et matière, tendres courages
et téméraires âmes. Je le laisse

aller, vers le sud de Quasimodo
ou le nord glacé d'Ibsen. Quand il 
sera mûr, il m'enseignera les mots.


El comiat / Les adieux

A la memòria d'un home

Freds els llençols, no ha tingut prou
temps per acomiadar-se de nosaltres.
Com un home qualsevol, tocat per la

pena aliena i tan propera, li vull
retre homenatge, humilment, escrivint 
a poc a poc, mentre avança lentament

el Leaving del Chet Baker. I penso en
la seva vida desconeguda i insubstituïble,
miracle d'amor i de bocinets de goig.

***

Les draps sont froids, il n'a pas eu assez
de temps pour prendre congé de nous.
Comme un homme quelconque, touché par la

peine d'autrui, si proche, je veux lui
rendre hommage, humblement, en écrivant
peu à peu, cependant qu'avance lentement

Leaving de Chet Baker. Et je pense à
sa vie inconnue et irremplaçable,
miracle d'amour et de petits bouts de joie.


Mil arrugues / Mille rides

Mil arrugues, com un ram de camins.
Avingudes amples i greus, viaranys
estrets, torts i saborosos.

Ronc el saxòfon, el Sonny Rollins
cantussejava The Night Has A Thousand
Eyes. La teva cara, a recer de la lluna,

té mil arrugues de penes i de goig,
com per encaminar els dits curosos
de qualque passavolant de flors de camp.

***

Mille rides, comme un bouquet de chemins.
De larges avenues graves, des sentiers
étroits, biscornus et savoureux.

Avec son saxo Rauque, Sonny Rollins
fredonnait The Night Has A Thousand Eyes
Ton visage, sous l'aile de la lune

a mille rides de peines et de joie, comme 
pour acheminer les doigts soigneux de quelque 
acheteur hasardeux de fleurs des champs.


Mots fléchés

À Thierry

Froissés sur le lit froid,
des mots inachevés.
Le crayon a glissé
sur le sol carrelé.

Tout près de son mari,
debout, un homme pleure
le quotidien enfui
et ses mille saveurs.

Que lugubre est la ferme
qui riait sous leurs pas
prodiguant tous les termes
au panier du repas.

Quand cessera le glas,
au cœur de ce silence,
Thierry se souviendra
de leur munificence.

dimanche 28 juin 2020

Un joieta / Un joyète

Al Joan Bagur Garrido

Li porten petxines quan
no es passeja a la vora
del camí, molt a prop

de l'aigua brava. I amb
els dits, al vespre, cap
cot, al taller familiar,

atura la cursa del temps
i fixa la història dels
materials humils. I rics.

***

On lui porte des coquillages quand 
il ne se promène pas en lisière du
chemin, tout contre

l'eau farouche. Et avec 
les doigts, le soir, tête
basse, dans l'atelier familial,

il arrête la course du temps
et fixe l'histoire des
matériaux humbles. Et riches.

By courtesy of Joan Bagur Garrido


samedi 27 juin 2020

No es pot retenir el vent / On ne peut retenir le vent

«No es pot retenir el vent. 
Si l'empresones, deixa 
de ser vent.» Esgotat,

segueixes llegint, camí
de la plenitud. Passen les
hores d'una bona vesprada

d'estiu. Has deixat enrere
les converses càlides amb la
mare i les sèries manyagues.

Tot teclejant per la foscor
del portàtil, busques, entre
els dits assedegats, la cursa

de l'aire lliure, sec i sucrat.
No el trobaràs, acabaràs el llibre
i acoranaràs el ventolí somiador.

***

«On ne peut retenir le vent.
Si tu l'emprisonnes, il cesse
d'être vent.» Épuisé,

tu continues à lire, sur le chemin
de la plénitude. S'écoulent les
heures d'une bonne soirée

d'été. Tu as laissé en arrière
les chaudes conversations avec
ta mère et les séries plaisantes.

Tout en pianotant sur l'obscurité
du portable, tu cherches, entre
tes doigts assoiffés, la course

de l'air libre, sec et sucré. Tu ne 
le trouveras pas, tu termineras ton livre
et tu câlineras le vent coulis rêveur.

Faltes arrugues / Fautes-rides

No pas arrugues falses,
d'aquestes que es pinten
les jovenetes per jugar.

No: faltes d'ortografia,
dubtes, temblors, mals
usos que signen en viu

l'originalitat de cadascú,
com les arrugues, any rere
any, segueixen les ones dels

somriures o els plecs amargs
de la tristor. Benaurades
faltes que t'acaricien la mà.

***

Non pas de fausses rides,
comme celles que se maquillent
les jeunes filles pour jouer.

Non : des fautes d'orthographe,
des doutes, des tremblements, de mauvais
usages qui signent intensément

l'originalité de chacun,
comme les rides, année après
année, suivent les vagues

des sourires ou les plis amers
de la tristesse. Bienheureuses
fautes qui te caressent la main.

A les bassaroles / Au tout début

Imagína't una bassa petita,
un clot tendre a recer de
la vida àspera i dura.

Un regal inesperat dels dies
confinats. Delicadament cavat,
poc fondo, per recollir-hi

la sal de la vida, com un cocó
de l'illa adorada. De Stendhal
la cristal·lització.

Aquesta seria la metàfora del
vostre amor principiant, tímid,
a les bassaroles del deler.

***

Imagine un petit bassin,
un creux tendre à l'abri
de la vie âpre et dure.

Un cadeau inattendu des jours
confinés. Délicatement creusé,
peu profond, pour y recueillir

le sel de la vie, comme une anfractuosité
de mon île adorée. De Stendhal
la cristallisation.

Telle serait la métaphore de
votre amour commençant, timide,
au tout début de la passion.

vendredi 26 juin 2020

Mes nuits sans Macha

Adolescence heureuse
et inquiète. Complexes.
Nuits de métal lourd,

qui collent aux doigts
comme pétrole de Kippour
et me rejettent d'un coup,

le cœur sec, à sept heures 
en direction du lycée.
Jours stériles sans autres

mots que ceux reçus, que
ceux appris et, patiemment
reproduits. Nul rêve. Néant

sourd que ne trouble jamais
la voix grave de Macha, bouée
lente des insomniaques confiants.

Mes nuits sans Macha sont celles
d'une attente, celles de plages
blanches au couchant, désertes

et que j'aurais aimé peupler.
D'un sourire, d'une écoute,
d'une parole partagée.

Peu à peu, puis soudain, elles
se fendilleront, l'insomnie,
enfin, me gagnera et, faute

d'écouter Macha Béranger, je me 
mettrai à écrire pour toucher du
doigt le gras tendre de sa voix.


Référence

À S., pour l'encourager dans sa quête

La référence ment-elle
qui clapote au gré des
vagues, suivant sans

sourciller l'onde grave
des lourds paquebots ?
Il est pourtant, ici

ou là, des êtres qui la
traquent et la cueillent
sans jamais l'écorner,

fidèles au mouvement
premier du très vieux
dictionnaire. Référer

n'est-ce pas chausser
ses sandales en peau
de chèvre et retourner

au point d'où l'on vient,
pour s'abreuver à la source
vive de tous les mots ?



L'espiral / La spirale

Com un cargol de mots,
sensa terra ni molsa,
l'espiral se m'enfila

per la fantasia mentre
els meus ulls davallen
el relat. Un encontre

falsament casual davant
d'una biblioteca vella,
em desperta l'interès.

Ja no segueixo la cursa
del sentit i ballo amb
els mots. Amorosament.

***

Comme un escargot de mots,
sans terre ni mousse,
la spirale grimpe dans

mon imagination tandis 
que mes yeux dévalent 
le récit. Une rencontre

faussement hasardeuse devant 
une vieille bibliothèque,
éveille mon intérêt.

Je ne suis plus la course
du sens et je danse avec
les mots. Amoureusement.

jeudi 25 juin 2020

Códols / Galets

M'agraden els teus mots,
escampats pel camí tort,
ombrívol amb lleu fresseta

de sàlvia i marduix. Còdols
tímids, rodons i clars, sonors
com unes monedes de plata dins

de la mà del captaire inopinat.
Me n'ompliré una caixa de fusta
bona, i hi seuré. Per inspirar-me.

***

J'aime tes mots, éparpillés 
sur le chemin qui serpente,
ombreux avec un léger bruit

de sauge et de marjolaine. Galets
timides, ronds et clairs, sonores
comme des pièces en argent dans 

la main du mendiant inopiné.
J'en remplirai une caisse de bois
plein, et m'y assoirai. Pour m'inspirer.



Pescalluna / Pescalune

Ja se'n va el sostici d'estiu
amb els seus petards molls i
tebis. Es fan més curtets

els dies i em passo les nits
sense son buscant la lluna
amiga com un pescador a la vora

del grau. Hores llargues de deler,
amb els ulls ben oberts a la foscor.
No necessito ham. De la lluna,

el creixent punxegut em sabrà pescar
el cor i compartir-ne el batec nou,
entre llengües, mars i mirades.

***

Il s'en va déjà le solstice d'été
avec ses pétards mouillés
et tièdes. Les jours se font

un peu plus courts et je passe mes nuits
sans sommeil à chercher la lune
mon amie comme un pêcheur au bord

du grau. Longues heures de passion,
les yeux bien ouverts sur l'obscurité.
Je n'ai nul besoin d'hameçon. De la lune

le croissant pointu saura me pêcher
le cœur et en partager le battement neuf,
entre langues, mers et regards.

mercredi 24 juin 2020

Et, encore aujourd'hui, je pêche des mots...

Je pêche des mots sous l'écume de ma mer,
où des coquillages, encore clos,
thésaurisent des perles sous des vagues rebelles.
Je pêche des mots bien en aval dans la terre.
Des racines qui avancent assoiffées
avides de l'eau fraîche du sous-sol.
Je pêche des mots dans le chaume, l'épi,
dans le vent, dans le bois et les spirales
du croissant laiteux de la pleine lune.
Je pénètre dans une mer de doutes et d'oublis,
opiniâtre recherche de cette voix
qui me glisse entre les doigts comme un alevin argenté,
dans l'immensité bleue de l'écriture.
Et, encore aujourd'hui, je savoure et je pêche des mots...

© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan par M. Bourret Guasteví



http://pescamots.blogspot.com/2020/06/i-encara-avui-pesco-mots.html?m=1

mardi 23 juin 2020

silenci / Silence

M'agrada el silenci
quan camines pels carrers
i no veus ningú

***

J'aime le silence
quand tu marches dans les rues
et ne vois personne.

Gonzales en blanc

El seu nom comença com
una fredor anglesa. Cap
cot, toca delicadament

les tecles blanques del
piano, fent de les negres
unes esculleres fosques

i desertes cap a un mar
que no vol existir. Pura
melodia sense cap recança.

Cançó esdrúixola d'amor
per qui ja no creia en ell.

***

Son prénom commence comme
une froideur anglaise. Tête
basse, il joue délicatement

sur les touches blanches du
piano, faisant des noires
de sombres brise-lames

déserts pointant vers une mer
qui ne veut pas exister. Pure
mélodie sans nul regret.

Proparoxytone chanson d'amour
pour qui ne croyait plus en lui.



Accompagner

Plus que les solos,
la base rythmique.
Sons graves, sourds

et aveugles, sans qui
le solo serait fade ou
incongru. Un bras autour

de l'épaule sans que les
lèvres ne se frôlent ni
que les doigts s'impriment

sur la peau qui frissonne
se rappelant les longues
heures sans compagnie.

lundi 22 juin 2020

Una veu coneguda / Une voix connue

A Gemma

No és una desconeguda.
És diu Gemma. A la meva
llengua, pronunciar el

seu nom és com dir
«Estimo». Em parla
de la seva passió

pels mots i les veus.
Parla clar. Amb emoció.
M'està emocionant i

penso que, si bé no la
conec encara, sa veu ja
m'és coneguda.

***

Ce n'est pas une inconnue.
Elle s'appelle Gemma. Dans ma
langue, prononcer son

prénom, c'est comme dire
«J'aime». Elle me parle
de sa passion pour

les mots et les voix.
Elle parle clair. Avec émotion.
Elle m'émeut et

je pense que, même si je ne
la connais pas encore, sa voix, elle,
m'est déjà connue.


El mont prohibit / Le mont interdit

M'han parlat de llargs
passejos dominicals per
la muntanya.

No he demanat res.
Em guardo el mont, com
un paradís delejat per

a temps millors. Un espai 
de llibertat amb flaire
ombrívola de resina i

bolets. Passes lentes amb
els ulls oberts i l'esquena
nafrada per la motxil·la

grossa. Benaurada crucifixió
del somiador tafaner que ajorna
amb fruïció el retorn al mont.

***

On m'a parlé de longues
promenades dominicales
dans la montagne.

Je n'ai rien demandé.
Je garde en moi le mont, comme
un paradis ardemment désiré pour

des temps meilleurs. Un espace
de liberté avec des odeurs
ombreuses de résine et 

de champignons. Des pas lents,
les yeux ouverts et le dos
blessé par mon gros

sac-à-dos. Bienheureuse crucifixion
du rêveur furetant qui retarde avec
jouissance son retour au mont.

dimanche 21 juin 2020

À six mains

À Hadrien, Martí et Anaïs

À six mains, un bouquet,
de fleurs graciles, simples
rudérales oubliées des passants.

Parfum entêtant de lavande qui
colore leurs mains. Sourires
intimidés, bouquet lié d'un brin

d'herbe, par le plus grand, qui,
une fois le présent accordé, rit
et s'en va en courant. Midi était

le juste et, tout en haut de Saint-Clair, 
Paul Valéry nous souriait, le regard perdu 
sur les porte-conteneurs mouillant au zénith.



Deux ans

Deux ans déjà. La voix de mon père
me manque. Chaude, ronde, avec des
pointes de coquetterie affectée.

Son petit accent biterrois, dont 
jamais il ne s'était départi, même
dans le Nord glacé aux mille canaux

embrumés. Avec ses silences aussi.
La voix de la confidence qui s'était
glissée dans les dernières années,

quand nous partagions le café en poudre
et de spongieuses génoises. Jamais, je
ne la retrouverai. Ni ne l'oublierai.

NUIT MAGIQUE, NUIT DE SONGES...

Pour ne jamais perdre l'innocence des songes.
Pour ne pas tout-à-fait grandir...

Sortir par la cheminée en faisant des bulles de savon
et voler en montgolfière jusqu'à la lune.
Plonger la tête la première dans la mer,
en récitant un poème de brume au goût de citron,
pour cueillir des perles de sucre et m'en faire un collier
qui réfléchisse la verte clarté des lucioles,
avec un parfum de lavande et de genêt.

Et grimper à un arbre, mon sac-à-dos plein de songes bleus,
pour partager le nid d'un aigle aux plumes de coton doux.
Et ensuite apaiser ma soif en suçottant des nuages d'orgeat
le chaume fraîchement moissonné.

Qui pourrait me refuser un songe utopique de cette nuit magique ?
Qui pourrait m'interdire la joie de redevenir enfant ?
Ne serait-ce que le -peu de- temps d'écrire ces lignes.

© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan par M. Bourret Guasteví











http://pescamots.blogspot.com/2019/01/nit-magica-nit-de-somnis.html

Et l'été est venu

Et l'été est venu,
comme si de rien
n'était, à l'amorce

d'une nuit d'encre,
tiède et sans lune.
Au matin, le ciel

prolongeait l'épure 
du printemps et le
silence était celui

d'un dimanche clair
et sans reproche, à
la vive et singulière

fraîcheur. Nul air
désuet, ni souriante
rengaine pour fêter

la musique en ce jour
vingt-et-un. La Saint
Jean approche, avec

son panier de fruits
et de souvenirs frais.
Bon été deux mille vingt !

samedi 20 juin 2020

Bombolles dorades / Bulles dorées

Bombolles dorades,
fines, erràtiques,
viatgeres aillades

que busquen la llum
del dia, i glaçades,
uns llavis càlids

que les sàpiguen
desxifrar. De Juvé
la flor i de Camps

l'esperada serenor.
Buida l'ampolla, ja 
tornen a la foscor.

***

Bulles dorées,
fines, erratiques,
voyageuses isolées

qui cherchent le jour
et, glacées,
des lèvres chaudes

qui sachent les
déchiffrer. De Juvé
la fleur et de Camps

l'espoir de la sérénité.
La bouteille vidée, elles
retournent à l'obscurité.



Prisonniers

Elle rêvait d'être astronaute pour aller sur la lune.
On la convainquit que les rêves ne sont que des rêves. Rien d'autre
et on lui enseigna à broder des étoiles en fil d'or sur le dessus de lit.
Il l'avait décidé, il ferait de la danse classique ;
mais chez lui on lui retira cette folie de la tête.
C'est à présent un avocat implacable,
avec un salaire et un niveau de vie des plus honorables.

© Roser Blàzquez, traduit du catalan par M. Bourret Guasteví

Bijut / Violet

Microcosmus sabatieri

Al meu pare

Com una joia fosca,
amagada entre roques
gebrades, el bijut

espera la mà del pare,
ferma i sibarita,
que l'obrirà, d'un cop,

amb la besierenca navalla 
d'acer esmolada, després
de donar-li un xoc a la

taula de melamina roja
per comprovar que es
mantenia viu.

Oberta, obscena, la seva
carn callada és com un bes
de safrà que espera assedegat

els llavis del pare que s'inclina
amb els ulls tancats abans d'aspirar-ne
la solar essència. Esposalles iodades.

***

Comme un joyau sombre,
dissimulé parmi des roches
gelées, le violet

attend la main de mon père,
ferme et sybarite,
qui l'ouvrira, d'un coup

de son coutelas biterrois
en acier aiguisé, après lui
avoir donné un choc contre

la table de formica rouge
pour s'assurer qu'il
demeurait vivant.

Ouverte, obscène, sa
chair silencieuse est comme un baiser
de safran qui attend assoiffé

les lèvres de mon père qui se penche,
yeux clos, avant d'en aspirer
la solaire essence. Épousailles iodées.



La perle

Sous la caresse de la vague,
un brin audacieuse, l'huître s'entrouvre.
Dans sa coquille, froide et dure,
un reflet de nacre se fait jour.

Cela fait trop de temps que tu vis recluse
craignant l'océan qui t'ha piquée
mais ce qui brille dans tes entrailles est
blanche essence, enveloppe d'un cœur blessé.

Nostalgique d'un baiser d'écume
et une pincée de sel pour l'oubli,
sous la caresse de la vague,
être une belle perle est ton destin.

© Roser Blàzquez, traduit du catalan par M. Bourret Guasteví




















http://pescamots.blogspot.com/2020/06/la-perla.html

Lectura fàcil / Lecture facile

Lligar gestos i somriures,
com la palla prepara la bossa,
amb afecte i lentitud.

Ensenyar els colors i les curves,
riure i ballar. Pescar una A per
la punta i precipitar-la a la O

badant. Fer de la presumptuosa R 
un trampolí per escampar mots. 
Arreu. Per terra i per mar.

***

Lier gestes et sourires,
comme la paille prépare le sac
avec affection et lenteur.

Désigner les couleurs et les courbes,
rire et danser. Pêcher un A par
la pointe et le précipiter sur un O

bayant. Faire du R présomptueux un 
tremplin pour disséminer des mots. 
Partout. Sur la terre et sur la mer.

Per por de magres pluges... / Par peur de maigres pluies

A na Roser

«Per por de magres pluges
l llargs estius sense aigua.»
Falten unes vint hores
abans del nostre estiu.

S'en va la primavera
amb mascareta blanca
i memòria plena
de milers de roselles.

L'aire encara és fresquet,
es desperten fillets.
Entre les mans m'esperen
de Manhattan uns arbres.

Inconfusible veu
del bon amic illòman
amb l'estimada esposa
que s'empassa les guies

per no plorar taronges.
Lentament cau la neu
sobre Lexington Street.
Amb una ploma blava,

desfasat pel Jet Lag,
el poeta retroba
l'illa tan enyorada
amb tendres hexasíl·labs.

El teclat deixaré
per abraçar les pàgines
primes i elegants
d'un hivern estiuenc.

***
«Par de peur de maigres pluies
et de longs étés sans eau.»
Il manque quelque vingt heures
avant notre été.

Le printemps s'en va,
avec son petit masque blanc,
la mémoire pleine
de milliers de coquelicots.

L'air est encore frisquet,
les enfants se réveillent.
Entre mes mains m'attendent
de Manhattan quelques arbres.

Voix unique
du bon ami îlomane
avec son épouse adorée
qui avale des guides

pour ne pas pleurer ses oranges.
La neige tombe lentement
sur Lexington Avenue.
À l'aide d'une plume bleue,

déphasé par le Jet Lag,
le poète retrouve
l'île qui lui manque tant
en tendres hexasyllabes.

Je laisserai mon clavier
pour embrasser les pages
minces et élégantes
d'un hiver estival.





vendredi 19 juin 2020

Ànima / Âme

Com una taca de sal 
al cor dels ulls,
la teva ànima, rara,

m'esmicola la ment
i juga a marraquinca.
Atzar tornassolat

i canyells tan fins
que em van bellugant,
dins la foscor de la nit.

***

Comme une tache de sel,
au cœur des yeux,
ton âme, rare,

émiette mon esprit
et joue aux osselets.
Hasard moiré

et poignets si fins
qui me font vibrer
dans la noirceur de la nuit.


AU DELÀ DES MOTS... MÉTAPHORE DE LA PEUR

Maîtresse du moment, la peur me paralyse.
Son brouillard glacé m'enveloppe,
je connais son abîme sous mes pieds.
Pas la moindre certitude, confiance minée.
Pas une miette de sécurité que le pont supportera.

Mais, malgré tout, j'avance,
un pas, un autre encore, solitude extrême.
Comme prise d'une folle inconscience,
avec rien à perdre si ce n'est la peur,
oppressante, engluante, démesurée.

Et le pont ne tombe pas.
La brume s'évanouit à chaque pas.
Étrangement je me dis que je le savais déjà,
l'autre rive n'est pas le vide,
mais une admirable découverte.

Le risque achemine et le courage trace mes pas.
L'incertitude ouvre un éventail, inimaginable.
Et la peur (la terrible peur !) devient fugace fumée,
apparence glissante de ce je fantomatique
qui, un jour, fut une présence émoussée.

© Roser Blàzquez, traduit du catalan par M. Bourret Guasteví


























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