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samedi 13 septembre 2025

TOUT ÇA / TOT AIXÒ

 J’ai vu tomber en cascade des flocons immenses et blancs

comme un chapelet macabre de pétards... qui une fois au sol brûlaient tout ;

et alors,

j’ai vu les hôpitaux submergés par un courant constant

de corps blessés entrant dans ce courant incessant.


J’ai vu se dresser les paumes, se dresser la prédication, et... aussitôt après,

j’ai vu tomber sur ces mêmes espérances... des dizaines,

des centaines de kilos de bombes et d’armement ;

et alors,

j’ai vu le sol d’une école tapissé

d’une étendue de linceuls d’un blanc immaculé.


J’ai vu des nuages de feu, des nuages de poussière, des nuages de cendre,

parce que tout n’était que fleurs brûlées, oliviers brûlés, personnes brûlées ;

et alors,

j’ai vu des ambulances avec des moribonds, des blessés, des infirmiers...

des ambulances prises au pièges dans des rues intentionnellement picorées.


J’ai vu couper l’électricité et couper l’eau. J’ai vu s’éteindre la voix

et se fermer les yeux, la vie de deux-cents journalistes, un par un.

J’ai vu l’élimination chirurgicale par les snipers :

universitaires, designers, docteurs, artistes, professeurs... poètes ;

et alors,

j’ai vu le drone, ce jouet des tueurs à gages, faire feu,

faire feu sur un jeune à bicyclette.


J’ai vu la séparation des corps dans une large file :

les femmes et les enfants à gauche, les hommes à leur droite... les hommes marchant.

Et ces hommes je ne les ai pas revus.


J’ai vu des dizaines de bras maigres se tendre avec des casseroles, des écuelles multicolores,

dans l’attente d’une louche d’eau avec quatre grammes de riz ;

et alors,

j’ai vu des enfants mangeant de la nourriture pour chien, mangeant de l’herbe, mangeant du papier et des pierres... et buvant de l’eau des flaques de la mort.


J’ai vu les intempéries dans les maisons, les intempéries dans les tentes,

les intempéries dans les rues de la mort...

et alors,

j’ai vu des pêcheurs mitraillés sur la plage

et des corps écrasés par la chute de caisses de biscuits secs

du haut de deux avions.


J’ai vu des bébés en chair et en os agoniser dans des couveuses, comme des urnes

transparentes.

J’ai vu des congélateurs de glace transformés en morgue où s’empilaient des corps ;

et alors,

j’ai vu des mains, amputées, des bras amputés, des jambes amputées...

comme on ampute l’espoir.


J’ai vu des pères et des mères gratter le sol et les murs pour en sauver des vies...

d’un, de deux, d’innombrables immeubles effondrés ;

et alors,

j’ai vu de petits yeux et de petites mains suppliant pour leur corps emmuré,

piégé entre les pages du livre d’un futur définitivement cimenté.


J’ai vu les quinze membres d’une même famille (grands-parents, parents, fils, nièces, oncles)

fauchés d’un seul coup par la faux d’une haine acharnée ;

et alors,

j’ai vu accroché au fer forgé d’un immeuble éventré,

et qui se balançait, le corps d’un jeune, là-haut, au quatrième étage… et qui se balançait.


J’ai vu bombarder des écoles, des universités, des mosquées,

et jusqu’à des cimetières rasés et profanés.

J’ai vu de profondes et longues excavations dans le sable,

avec des dizaines de corps dans les linceuls bleus… impunément rangés ;

et alors

j’ai vu des chats, des chiens, des mules et des chevaux… honteux et désorientés.


J’ai vu aller d’ici à là et de là plus au-delà,

des milliers de personnes marchant en caravane.

J’ai vu des orphelins sans chaussures et sans pain ;

et alors,

j’ai vu deux frères le visage tout blanc abattus

au moment de grappiller la farine d’un sac.


J’ai vu ces mêmes hôpitaux, vus il y a maintenant un an,

rasés, bombardés et effondrés ;

et alors,

j’ai vu deux sacs poubelles contenir

les restes humains de frères de sang.


J’ai vu une fois, deux fois, trois fois se dresser une main ensanglantée

voter contre un cessez-le-feu, voter contre un cessez-le-feu ;

et alors,

j’ai vu s’étendre le siège de la violence,

et, comme une immense toile d’araignée, s’étendre le siège de la faim.


Derrière tout cela j’ai vu mourir un monde et renaître une bête :

la bête éternelle.


Et tout ce que j’ai vu,

    tout ça nous l’avons tous vu.

Et tout ce que j’ai vu

    les autres l’ont aussi vu.


TOT AIXÒ, poème de Neus Purtí Cirera @neuspcirera mis en musique par Sebe Helde 

traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví

=> lecture en catalan

=> lecture en français


He vist una caiguda en cascada de volves immenses i blanques

com una mascletà macabra … que en tocar terra tot ho cremava;

i llavors,

he vist els hospitals regats per un corrent constant

de cossos ferits entrant dins el corrent incessant.


He vist aixecar els palmells, aixecar la prèdica, i… tot seguit,

he vist caure sobre aquells mateixos anhels… desenes,

centenars de quilos de bombes i d’armament;

i llavors,

he vist el terra d’una escola encatifat

amb una estesa de mortalles d’un blanc immaculat.


He vist núvols de foc, núvols de pols, núvols de cendra,

perquè tot eren flors cremades, oliveres cremades, persones cremades;

i llavors,

he vist ambulàncies amb moribunds, ferits, infermers…

ambulàncies atrapades entre carrers intencionadament picotejats.


He vist apagar el llum i apagar l’aigua. He vist apagar la veu

i apagar els ulls, la vida de dos-cents periodistes, d’un en un.

He vist la quirúrgica eliminació dels franctiradors:

catedràtics, dissenyadores, doctors, artistes, professors… poetes;

i llavors,

he vist el dron, la joguina dels sicaris, disparant:

disparant sobre un jove amb bicicleta.


He vist la separació dels cossos en llarga filera:

dones i canalla a l’esquerra, homes a la seva dreta… homes marxant.

I a aquests homes ja no els he tornat a veure.

He vist desenes de braços prims allargant-se amb cassoles i palanganes multicolors,

esperant un cullerot d’aigua amb quatre grams d’arròs;

i llavors,

he vist nenes menjant menjar de gossos, menjant herbes, menjant paper i pedres

… i bevent aigua dels bassals de la mort.


He vist la intempèrie de les cases, la intempèrie de les tendes,

la intempèrie dels carrers de la mort…

i llavors,

he vist el metrallament d’uns pescadors vora la platja,

i l’aixafament de cossos per la caiguda d’unes capses de rònegues galetes

des de dalt d’un parell d’avions.


He vist uns nadons de carn i ossos agonitzant dins incubadores, com a urnes

transparents.

He vist frigorífics de gelats a mode de morgue on s’hi han apilat uns quants cossos;

i llavors,

he vist mans, amputades, braços amputats, cames amputades…

com qui amputa l’esperança.


He vist pares i mares gratant el terra i les parets per sostraure’n vida…

d’un, de dos, d’incomptables edi cis esfondrats;

i llavors,

he vist uns ullets i unes manetes suplicant pel seu cos emparedat,

atrapat entre pàgines d’un llibre d’un futur ara cimentat.


He vist els quinze membres d’una mateixa família (avis, pares, lls, nebodes, oncles)

segats d’un sol cop per la falç d’un odi contumaç;

i llavors,

he vist agafada d’un ferro de forja d’un edifici esventrat,

el cos oscil·lant d’una ànima jove, allà, a la quarta planta… oscil·lant.


He vist el bombardeig d’escoles, d’universitats, de mesquites,

i fins els cementiris arrasats i profanats.

He vist profundes i llargues excavacions a la sorra,

amb desenes de cossos amortallats de blau… impunement arrenglerats;

i llavors,

he vist gats, gossos, mules i cavalls… avergonyits i desconcertats.

He vist anar d’aquí cap allà, i d’allà cap a més enllà,

a milers de persones caminant en caravana.

He vist orfes sense sabates i sense pa;

i llavors,

he vist dos germans amb el rostre emblanquinat abatuts

en el moment d’espigolar la farina d’un sac.


He vist aquells mateixos hospitals, vistos ara fa un any,

arrasats, bombardejats i esfondrats;

i llavors,

he vist dues bosses d’escombraries contenir

les restes humanes d’uns germans de sang.


He vist una, dues, tres vegades aixecar-se una mà ensangonada

votar en contra un alto el foc, votar contra un alto al foc;

i llavors,

he vist estendre’s el setge de la violència,

i, com una immensa teranyina, estendre’s el setge de la gana.


Rere tot això he vist morir un món i renéixer una bèstia:

la bèstia de sempre.


I tot això que jo he vist,

    tot això ho hem vist tots.

I tot això que jo he vist

    també ho han vist els altres.

mercredi 28 mai 2025

Bouleternère, 18 avril

J'ai déjeuné avec moi-même
Concentrée sur moi-même
La tête vers le Canigou
La montagne et moi

Ce chant des merles
Égayait le silence
Le vol sinueux du gypaète
Je ne l'ai pas observé, seul celui de l'aigle royal

Et de quelque autre vautour
Et de quelques pics noirs
Des oiseaux volubiles
Je me rappelle le rire

Les coups de houe contre la terre
Terreuse des champs d'abricotiers.
Comme ils sont bons, les abricotiers
Marmelades et confits

Le vent fou me ravissait mes feuilles
J'achevais ma présentation du soir à Ille
Merveilleuse soirée
Confite dedans mon cœur

Rosa Miró Pons, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

jeudi 22 mai 2025

Utérinement parlant / Uterinament parlant

À mes trois filles

Sauvagement originale
Sauvagement passionnée
Sauvagement dangereuse
Sauvagement magique
Sauvagement énigmatique

J'aurais respiré différemment et distincte
Les ailes ne l'ont pas permis
Fruit de la non ingravité
J'ai changé ces prémisses pour
Trois fruits en moi
Merveilleusement doux
Originaux, magiques, passionnées

Marmelade, miel, sirop
Un concentré dans de petits
Flacons, essence d'humanité
Belles du dehors, mais ce qui est mieux :
On ne peut plus belles du dedans

Rosa Miró Pons, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví


A les meues tres filles

Salvatgement original
Salvatgement apassionada
Salvatgement perillosa
Salvatgement màgica
Salvatgement enigmàtica

Hagués respirat diferentment i distinta
Les ales no ho van permetre
Fruit de la no ingravidesa
Vaig bescanviar aquelles premises per
Tres fruites a dins meu
Meravellosament dolces
Originals, màgiques, apassionades

Melmelada, mel, almívar
Un concentrat en petits
Flascons, essència d’humanitat
Belles per fora, però el millor:
Bellíssimes per dins

lundi 5 mai 2025

Changement de vérité

Mon cœur tremble
ma voix ne peut sortir
et même ma plume
ne m'aide à ressentir.

Mes lèvres se ferment
mes yeux n'y voient pas
mes jambent s'arrêtent
mes doigts n'écrivent pas.

Je ne veux que comprendre
ce qui se passe dans ma tête
pour pouvoir entreprendre
un changement de vérité.

Mireia Pujol, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

El meu cor tremola
la veu no pot sortir
ni tan sols la ploma
m'ajuda a sentir.

Els llavis se'm tanquen
els ulls no hi veuen
les cames es paren
els dits no escriuen.

Només vull entendre
què passa pel meu cap
per poder emprendre
un canvi de veritat.

mercredi 23 avril 2025

Un jour...

Un jour pour voguer sur
des bateaux en papier,
pour contempler
les vagues, écouter les mouettes
et écrire des géométries linguistiques.

Un jour pour changer de paradigme et tisser
des pensées
avec davantage de lenteur et de bonhomie,
pour parler avec les 
amis d'histoires et
de poèmes.

Un jour pour humer les roses,
comprendre la raison des
épines, et vouloir
capturer la magie du moment.

Magda Seoane, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

Dia per navegar amb
vaixells de paper,
per contemplar
les ones, escoltar les gavines
i escriure geometries lingüístiques.

Dia per canviar de paradigma i teixir
pensaments amb
més lentitud i bonhomia,
per conversar amb els
amics de les històries i
els poemes.

Dia per olorar les roses,
entendre el perquè de
les espines, i voler
capturar la màgia del moment.

lundi 24 mars 2025

Désir / Desig

Que mon corps tremble de désir
Ça m'est déjà arrivé au début
Quelle joie de me trouver
À désirer des mains expertes
Rien
Tout est resté dans l'encrier
Digital
Imprimé
Pauvre de moi qui ne me comprends pas

Rosa Miró i Pons, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

Que el cos tremole de desig
Ja ha passat a l'inici
Quin goig trobar-me
Desitjant mans expertes
Res
Tot ha quedat en lletra de tinta
Digital
Impresa 
Ai de mi que no m'entenc

lundi 10 mars 2025

Et, malgré tout, l'amandier....














Tandis que l'Europe, comme jamais, se réarme,
poussée par la peur et un futur incertain...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré les vidéos de magnats indécents,
rêvant d'hôtels de luxe sur des ruines injustes...
l'amandier poursuit sa floraison.

Et malgré les souffrances de ceux qui ont tout perdu
dans les crues sous le faix de politiciens corrompus...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré la fonte des glaces polaires,
les inondations et la sécheresse qui tuent...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré les discours de haine et le racisme
qui font tache d'huile et horreur...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré tous ces méchants et ces menteurs
qui s'abritent derrière des discours de foi et de moralité...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré la souffrance des femmes et des enfants du monde entier,
subissant encore abus et mépris...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré la détresse de nos paysans
dont la fin signifiera notre faim...
l'amandier poursuit sa floraison.

Malgré les menaces sur notre langue
qui nous poussent à lutter pour l'école en catalan...
l'amandier poursuit sa floraison.

Et c'est parce que l'amandier continue de fleurir
que nous, dressés et opiniâtres,
nous devons être un peuple en lutte, résistant et plein d'espoir.

© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví

samedi 2 novembre 2024

Ma terre se noie / La meva terra s'ofega

Ma terre est endeuillée.
Son cœur se noie sous le ciel vomissant
Tragédie humaine
Tragédie annoncée
Apocalypse dévastatrice

Ma terre s'est remplie
D'ombre
Des centaines de morts
Où s'en sont allés les disparus
Mères d'amies sans maison
Sans denrées
Sans eau
Sur le sentier de boue
De la capitale jusqu'à Alfafar
De Xiva à Picanya
Paiporta, Aldaia, Torrent, Massanassa, Sedaví

Noire comme une rose turque d'Halfeti
L'âme crie impuissante et déchirée
Ma terre se noie
Et mon cœur ne sait où s'agripper 

Rosa Miró, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

La meua terra està de dol
El cor s'ofega amb els vòmits del cel
Tragèdia humana
Tragèdia anunciada
Apocalípticament i devastadora

La meua terra s'ha omplert
D'ombra
Centenars de morts
On  han anat els desapareguts
Mares d'amigues sense casa
Sense queviures
Sense aigua
Per la sendera de fang 
Des de la capital fins Alfafar
Des de Xiva a Picanya
Paiporta, Aldaia, Torrent, Massanassa, Sedaví

Negra com una rosa turca de Halfeti
L'ànima crida impotentment desgarrada
La meua terra s'ofega
I el meu cor no sap on arrapar-se