jeudi 14 mai 2015

Cala Galdana

C'est là que tout commença. Ou peut-être que non.
Et puis oui, en fait. Le coup, à tout le moins. La certitude
d'un monde qui s'achève et la ruée
féroce et sans scrupule, l'ombre première
des embruns dévastés comme une fange pluvieuse
par des trottoirs du sud, la magnifique tromperie,
le paysage neuf enflammé par la blessure immense
qui engloutissait la pinède au bord même de la plage.
Avant que n'apparût la langue noire,
dans une longue descente nous traversions des chemins 
serpentant humblement vers la crique
d'une heureuse journée de dimanche,
sous ces aimables pins dont se repaîtrait
sans pitié le corps pesant du monstre.
Ce fut peut-être le début, peut-être en ai-je l'impression.
L'image conservée de l'enfant que j'y étais
demeure inaltérable au fil des ans,
comme le torrent qui descend d'Algendar
devant les yeux encore fascinés
par le cours permanent qui vivifie.
Et dans le souvenir voyage le paradoxe
fixé au cœur même de l'ample crique
qu'ils sanctifièrent avant qu'elle ne fût vendue.

Pere Gomila, Géographies du vent, trad. du catalan par Michel Bourret Guasteví