jeudi 21 mai 2015

Formatell

Des étés vibrants de l'enfance,
m'arrive, frais, le parfum de la terre,
des chemins ravinés par le grincement des charettes
dans le temps doux où l'on courait entre les clôtures,
des jeux sur l'aire et des porches de tendresse,
inconscients dans un décor amène
des travaux de jadis, longues journées
que le paysan engraissait
de la sueur crue du métayer.
Dans les flashes subtils de la mémoire,
je retrouve la fraîcheur du souvenir de mes oncles
et le nom de Formatell évoque toujours
la plénitude qui se dégage de ces années
quand les champs de Minorque se maintenaient
au fil lent des générations
qui en reçurent les fruits, la sagesse
des racines du peuple et du parler.
À présent, à l'heure des fermes abandonnées,
des champs déserts de vie et des bastides
qui vivotent silencieuses, alanguies
comme un corps désolé qui s'incline déjà,
une île qui vit du soleil et de son paysage,
il y en a encore qui attendrissent
la terre, la fécondent et la maintiennent
abondante en fruits et généreuse.
Peut-être que les semences ou le bétail d'aujourd'hui
seront les graines pour des lendemains plus riches
en maturité et en désir de ces mains
qui sont amour fécond sur la terre.

Pere Gomila, Géographies du vent, traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví