À Lionel et Julie, à Marie aussi.
I - Le labyrinthe
Il y eut, au cœur même de la nuit ventée,
le lacis minéral, au bord de l'encre noire,
ces mots qui nous tenaient abrités après avoir
quitté les amies de Julie, envolées, sur un parking
de maraudes comblé. La marche était rapide, la parole
mesurée. De Gruissan j'entrevoyais les enseignes éteintes.
Les oiseaux s'en étaient allés loin. Seuls cliquetaient
les cordages. Au terme de la course, un autre parking
avala le jeune couple ami et je m'en fus, sur la route
venteuse, vers cette Catalogne où mes parents dormaient.
II- La ribambelle
Comme le photographe traquant l'angle d'un regard, le décroché
d'une corniche, je cherchais un motif et la soirée avançait
quand soudain je la vis serpenter, cette longue ribambelle
de jeunes-filles enjouées. Ribaudes d'un soir longeant les
guinguettes à musiques avant de disparaître dans la nuit. Près
de la bodega des municipaux où rissolaient des sépious, il se passa
un phénomène étrange. La ribambelle fut sur le point d'accrocher le front
disjoint de garçons, mâchoires serrées, prêts à en découdre et qui ne firent rien.
III - Le pain perdu
Nous rivalisions pour savoir qui offrirait aux autres un peu de leur repas.
Marie, la première, fut la plus prompte. Et en un tournemain, la directrice
me laissa le billet bleu à la main comme un amoureux transi sur le quai d'une gare
désertée. Je me rattrapai pour la boisson avec la complicité de municipaux avisés.
Lionel, fut le deuxième larron - Marie faisant Jésus - et nous offrit de Buster Keaton
une pantomime ventée. Il emplit notre table d'assiettes en cartons portant chacune deux
tartines de pain perdu recouvertes de sucre et de pâte à tartiner. La tramontane s'en mêla,
les assiettes volèrent et les tartines churent. En bonne tourneuse, Marie s'en fut discuter
le bout de gras avec les confiseurs voisins et parvint à leur soutirer en plus des envolées
quelques tartines supplémentaires que le pauvre Lionel fut contraint d'avaler : Gruissan, mes amours...