Figurez-vous un estaminet
en bordure du canal, mâtiné
de poste de l'octroi.
Maçonnerie épaisse, ouvertures étroites ;
aux murs des trophées de jouteurs,
de la réclame et des photos
de gloires anciennes. La salle est
à l'avenant. Banquettes de moleskine
havane, guéridons en marbre, chaises
de bois tourné. De biais, un piano droit
éventré donne à l'ensemble un vague air
de café-concert. Derrière le comptoir,
bel homme, le patron essuie des verres
avec parcimonie. Devant nous, quelques
fleurs de saison et deux verres de chardonnay
clair. Le décor est posé, le lieu va vivre,
à son rythme, c'est à dire au tien, au mien,
la salle s'animera sans que nous n'y prenions
garde, l'horloge sombre cèdera son balancier à
tes boucles exquises, bleues de mer profonde.
Je boirai tes paroles pour plus tard, quand
les verres vidés, il nous faudra reprendre
la route, le sourire aux lèvres, plaisamment.