mercredi 12 avril 2023

Abstractions (I)

Tu as voulu choisir la forme régulière,
et les alexandrins au charme redoublé.
Ta vie s'écrit en six, délaisse donc les rimes
et les strophes carrées comme un vilain bouquet.
Tu ne sais que trop bien que la clarté messied
aux rats de bibliothèques qui lui préfèrent l'ombre.
Bientôt tu sortiras arpenter la campagne
au bras de celle que tes lèvres ont dessinée.
Elle connaît la vie qui court entre les herbes
et les branches de buis qui meurent à l'aurore.
Laisse-toi donc guider et voile ton regard,
sa voix est capitaine d'un joli brigantin.
La ville s'est enfuie que l'on croyait de pierres.
Le clocher seul surnage de l'épaisse fumée.
Si le soleil se couche, gagnez tous deux le large
et oubliez des prés la douceur veloutée.
Choisissez donc une île et plantez y la tente
comme font les bédouins, allant toujours vers l'ouest
en quête d'un pilote, Mermoz ou bien Saint-Ex.
L'alexandrin t'enchaîne et ce n'est pas sa langue.
Son cœur est catalan et tes vers s'y déchaînent.
Laisse donc faire l'île et sa peau chantera.