jeudi 20 octobre 2016

Le parti-pris du belvédère

à L. R.

On dit que le paysage est né
au XVIe siècle, avec l'individu.
Portion de territoire embrassée
par le regard personnel.

Le belvédère a suivi qui soignait
l'observation en la délimitant.
Une amie très chère m'a dit

qu'elle aimait le mot. Je l'ai 
écoutée puis je me suis interrogé.
Comme elle, j'aime les belvédères.

Mais mes belvédères sont intérieurs.
Parodiant le diable boîteux de Lesage,
je me place dans l'angle ombreux

d'un café et je bois la vie alentour.
Conversations d'amies sur fond de jeux
télévisés, vaisselle parsimonieuse

derrière le comptoir. Allées et venues
des clients habituels qui, vieillissants,
y mendient leur salut quotidien.

Tenez, ce soir, à l'heure où les chiens 
ont des dents de loup, je me suis assis
dans un quartier oublié de tous

et qui donna pourtant à la France un premier
ministre renégat. Et là, au Quimet, tout contre
les vitrines de mignonnettes dépoussiérées,

j'écoute, regarde, et deviens homme, à petites
lampées. Que serais-je sans ces habitués qui,
sans le savoir, m'ont ouvert les bras ?