jeudi 17 novembre 2016

Sa voix

Je ne la connaissais pas.
Je me l'étais imaginée, bien sûr,
quand, pour la deuxième fois,

en proie au mal, soucieuse pour
ses enfants, elle s'était évanouie,
me laissant le silence pour parfum.

Ou dans les chaudes inflexions de
ses amis, une heure durant, parlant
d'elle, la citant, la récitant.

Grain clair-obscur, un peu gros sous
les doigts, comme semoule de kamout
ou grève de la Côte Vermeille.

Puis elle m'est venue, sans crier gare,
à deux pas de la place Wilson, dans un
café étincelant sentant la friture bon

marché et la hâte incessante des étudiants
vers le soir. Ce furent d'abord quelques
minutes. Impérieuses, dictées par une courte

visite à un ami sien, curieux libraire au
pandémonium moisi et au nom stendhalien.
Coupées par le réveil du petit, se blotissant

dans la chaleur maternelle. Puis le temps nous 
fut donné, en amples nappes, sans limite.
Curieusement, j'étais intarissable, lui narrant

ma vie par ses bords singuliers. Je lui laissai
peu d'espace, elle sut s'y glisser. Avec son rire
unique, amusé, dans la spontanéité d'une enfant

s'abreuvant à la source, avant de se coucher. Elle
me donna sa confiance, dès le début. Son cou endolori,
sans qu'elle n'y fît attention, se dégagea de l'étreinte

d'une écharpe enfiévrée et, dans les interstices, que,
volubile, à peine je lui laissais, elle m'apparut 
tout entière pour ne plus jamais me quitter.