Neuf poèmes. Pas un de plus. Rien.
Neuf poèmes en un mois. Ah le vilain
étiage. Il sut ou crut savoir que les
temps étaient venus où l'étain ternit
et les taons s'abandonnent. Nul éclat,
nulle piqûre assassine. La bedaine de
Monsieur Prudhomme lui courbait déjà
la main désertée avant que la tremblante
ne l'emporte vers le cruel hiver.
Alors il se mit dans l'idée d'en faire
un dixième. Ni un enfant tard venu,
ni un billet de loterie, un dixième
poème qui relancerait, de dizaine en
dizaine, du chapelet l'étrange mélopée.
Un poème neuf, de la roupie de sansonnet.
samedi 30 mars 2019
Restaurations
à S. D., avec reconnaissance.
De l'une à l'autre, il n'y a qu'un pas,
ou plutôt un empan. De la farine au plâtre,
affairée, la main se déguise et adopte,
de la baguette, l'oblongue souplesse, et,
de la queue d'aronde, la pâle opalescence.
Sophie passe entre les tables et les enchante,
arrachant des sourires à qui voulait bouder.
Les livres qui baillaient d'ennui se referment
à son approche, faisant briller leur tranche.
Mais le Bar à Lire a fermé et Sophie s'en est
allée, glissant, sous son bras, de Lou les poèmes
apollinariens. Elle a troqué le bleu des tasses
pour le bleu de travail. Elle ne nous restaure plus,
elle restaure le bois et donne aux maisons ravivées
l'envie soudaine de recevoir des convives comme nous.
De l'une à l'autre, il n'y a qu'un pas,
ou plutôt un empan. De la farine au plâtre,
affairée, la main se déguise et adopte,
de la baguette, l'oblongue souplesse, et,
de la queue d'aronde, la pâle opalescence.
Sophie passe entre les tables et les enchante,
arrachant des sourires à qui voulait bouder.
Les livres qui baillaient d'ennui se referment
à son approche, faisant briller leur tranche.
Mais le Bar à Lire a fermé et Sophie s'en est
allée, glissant, sous son bras, de Lou les poèmes
apollinariens. Elle a troqué le bleu des tasses
pour le bleu de travail. Elle ne nous restaure plus,
elle restaure le bois et donne aux maisons ravivées
l'envie soudaine de recevoir des convives comme nous.
Un ami de presque vingt ans
à R. R.
Il est né dans le printemps balbutiant
et, depuis l'âge d'homme, il en fait
une fête, décalée de quelques jours,
sans que l'on ne sache, me confiait
une amie, s'il aime vraiment célébrer
ses ans ou s'il en fait une offrande
à ses proches, fidèles et nombreux.
Voici quelques heures encore, je me
faisais une joie de l'étreindre et
de deviser avec lui, de Calaferte ou
de quelque babiole. Je l'ai à peine
frôlé. Après les embrassades, il a
disparu, passant de groupe en groupe,
essaimer des sourires et voler, de vin
frais, une rapide lampée.
Comme un arc en ciel de mots, en se
taisant, il m'a ouvert à la parole
des autres, de Flandres en Bretagne,
de Corse sauvage en écorce de bois fleuri.
Quel âge a-t-il ?, me demanda t-on soudain.
Tous, aucun, ou celui de nous rendre diserts.
Il est né dans le printemps balbutiant
et, depuis l'âge d'homme, il en fait
une fête, décalée de quelques jours,
sans que l'on ne sache, me confiait
une amie, s'il aime vraiment célébrer
ses ans ou s'il en fait une offrande
à ses proches, fidèles et nombreux.
Voici quelques heures encore, je me
faisais une joie de l'étreindre et
de deviser avec lui, de Calaferte ou
de quelque babiole. Je l'ai à peine
frôlé. Après les embrassades, il a
disparu, passant de groupe en groupe,
essaimer des sourires et voler, de vin
frais, une rapide lampée.
Comme un arc en ciel de mots, en se
taisant, il m'a ouvert à la parole
des autres, de Flandres en Bretagne,
de Corse sauvage en écorce de bois fleuri.
Quel âge a-t-il ?, me demanda t-on soudain.
Tous, aucun, ou celui de nous rendre diserts.
lundi 18 mars 2019
Improviser
- Un proviseur ?
- Non. Improviser.
Im-pro-vi-ser.
Silence. Le monde
se lézarde quand
l'ordre se fait
la malle. Soudain
ou à petits pas.
La mer est étale,
le proviseur sourit,
à la porte du lycée
dans un monde comme
il faut. Pas une ride,
chacun à sa place. On
ronfle sur ses deux
oreilles, pas vrai ?
- Bof. Pas moi. Oreilles
bouchées, je n'entends
plus rien. - Tant mieux,
laissez envahir vous ouïes
d'incongruités pratiques.
Improvisez. Si je vous dis
«Dakin», à quoi pensez-vous ?
- Couleur rose, javel, panaris.
- Que nenni : Moi je pense à ma
petite Dakinoise, ma Daki-ki, ma
Dakinoise. - Mais non, vous êtes
dur de la feuille, c'est d'une petite
Tonquinoise que parle la chanson.
- Tss, à d'autres, moi, je dis et je vis.
- Non. Improviser.
Im-pro-vi-ser.
Silence. Le monde
se lézarde quand
l'ordre se fait
la malle. Soudain
ou à petits pas.
La mer est étale,
le proviseur sourit,
à la porte du lycée
dans un monde comme
il faut. Pas une ride,
chacun à sa place. On
ronfle sur ses deux
oreilles, pas vrai ?
- Bof. Pas moi. Oreilles
bouchées, je n'entends
plus rien. - Tant mieux,
laissez envahir vous ouïes
d'incongruités pratiques.
Improvisez. Si je vous dis
«Dakin», à quoi pensez-vous ?
- Couleur rose, javel, panaris.
- Que nenni : Moi je pense à ma
petite Dakinoise, ma Daki-ki, ma
Dakinoise. - Mais non, vous êtes
dur de la feuille, c'est d'une petite
Tonquinoise que parle la chanson.
- Tss, à d'autres, moi, je dis et je vis.
Solution
Rose, la solution. Forte
odeur de Javel qui tranche
avec l'impression visuelle.
Le verre est clair et fin,
humble récipient aux parois
tièdes qui attend un doigt
blessé, rougi par l'inflammation.
Dialogue sourd. Le doigt se ridera
et la solution, d'un coup, un seul
s'en ira rejoindre le gouffre du non-dit.
Qui se souvient de l'eau de Dakin de son
enfance ? Personne. Ou toi qui souffres.
odeur de Javel qui tranche
avec l'impression visuelle.
Le verre est clair et fin,
humble récipient aux parois
tièdes qui attend un doigt
blessé, rougi par l'inflammation.
Dialogue sourd. Le doigt se ridera
et la solution, d'un coup, un seul
s'en ira rejoindre le gouffre du non-dit.
Qui se souvient de l'eau de Dakin de son
enfance ? Personne. Ou toi qui souffres.
Vida, mi vida.
Eres mi vida y no te lo he dicho
o tan poco. Amanecer entre luces,
derecha la mano te roza el muslo
izquierda antes de levantar-se y
alejar-se. Prudente distancia, leve
sonrisa del salón acogedor y frío.
No me volveré a dormir i escribiré.
Hasta que el día se abra y me seque
los dedos, antes, a tu lado, ágiles.
Eres mi vida y no te lo he escrito
o tan poco. Anochecer entre rocas
de mi isla, húmeda huella de tu paso.
o tan poco. Amanecer entre luces,
derecha la mano te roza el muslo
izquierda antes de levantar-se y
alejar-se. Prudente distancia, leve
sonrisa del salón acogedor y frío.
No me volveré a dormir i escribiré.
Hasta que el día se abra y me seque
los dedos, antes, a tu lado, ágiles.
Eres mi vida y no te lo he escrito
o tan poco. Anochecer entre rocas
de mi isla, húmeda huella de tu paso.
Là-bas
L'océan s'apprête à t'avaler,
noir, épais, grave et lent.
Je ris de son inextinguible
faim, tu ne feras que le griffer
d'un trait de plume blanche, quand
l'été, ici, finira. Jamais l'occident
ne s'est préparé à une aussi soudaine
et inéluctable renaissance. À deux.
Le boussole est entre les mains de l'historien
des Hauts de France. Tièdes et chaleureuses,
elles te guideront et, de toi, apprendront une
grammaire neuve dans des regards d'enfants qui,
ici ou là, sauront communier au bleu de ton regard.
noir, épais, grave et lent.
Je ris de son inextinguible
faim, tu ne feras que le griffer
d'un trait de plume blanche, quand
l'été, ici, finira. Jamais l'occident
ne s'est préparé à une aussi soudaine
et inéluctable renaissance. À deux.
Le boussole est entre les mains de l'historien
des Hauts de France. Tièdes et chaleureuses,
elles te guideront et, de toi, apprendront une
grammaire neuve dans des regards d'enfants qui,
ici ou là, sauront communier au bleu de ton regard.
mardi 5 mars 2019
La lectrice
Nul ne la contraint. Elle lit
quand ça lui sied ou que ça lui chante.
L'heure est toute violette quand elle
se penche sur la page et le monde,
alentour s'abolit. Simplicité de
l'alcôve sombre et du drap clair.
Les heures défileront, au gré du
va et vient des signes. Un doute subit
et le boustrophédon s'ébranle, qui
la saisit, Pénélope neuve défaisant
son ouvrage pour le reprendre sur un
point découvert ou malicieusement inventé.
La lectrice ne compte pas ses heures et, si,
sur son ouvrage, elle s'endort, c'est de songer
aux livres espiègles qu'il lui reste à corner.
quand ça lui sied ou que ça lui chante.
L'heure est toute violette quand elle
se penche sur la page et le monde,
alentour s'abolit. Simplicité de
l'alcôve sombre et du drap clair.
Les heures défileront, au gré du
va et vient des signes. Un doute subit
et le boustrophédon s'ébranle, qui
la saisit, Pénélope neuve défaisant
son ouvrage pour le reprendre sur un
point découvert ou malicieusement inventé.
La lectrice ne compte pas ses heures et, si,
sur son ouvrage, elle s'endort, c'est de songer
aux livres espiègles qu'il lui reste à corner.
lundi 4 mars 2019
Trini
Podria ser el nom d'una dona
estimada. D'ulls de lluna i
de cabells d'atzabeja.
Però és el diminutiu d'un barri.
O de dos, separats per una via
ampla i remorosa.
De les dues Trinis, m'estimo
més la vella que cobreix un
turó amb el pas parsimoniós
d'uns veïns des de fa poc afincats.
És un marge inefable, una frontera
callada, invisible per aquells
que cremen el quitrà de la ronda
resseca. M'hi sento bé quan hi faig
el vermut, nostàlgic de terres
llunyanes i d'un mar distint i semblant
on es conta, amb veu ronca i maneres
del sud, la lenta lletania dels dies.
***
Ce pourrait être le prénom d'une femme
aimée. D'yeux de lune et
de cheveux de jais.
Mais c'est le diminutif d'un quartier.
Ou de deux, séparés par une voie
large et bruyante.
Des deux Trini, je préfère
la vieille qui recouvre une
colline du pas parcimonieux
d'habitants depuis peu installés.
C'est une marge ineffable, une frontière
tue, invisible par ceux
qui brûlent le goudron du périphérique
desséché. Je m'y sens bien quand j'y prends
l'apéritif, nostalgique de terres
lointaines et d'une mer différente et pareille
où l'on raconte, d'une voix rauque, avec des manières
du sud, la lente litanie des jours.
estimada. D'ulls de lluna i
de cabells d'atzabeja.
Però és el diminutiu d'un barri.
O de dos, separats per una via
ampla i remorosa.
De les dues Trinis, m'estimo
més la vella que cobreix un
turó amb el pas parsimoniós
d'uns veïns des de fa poc afincats.
És un marge inefable, una frontera
callada, invisible per aquells
que cremen el quitrà de la ronda
resseca. M'hi sento bé quan hi faig
el vermut, nostàlgic de terres
llunyanes i d'un mar distint i semblant
on es conta, amb veu ronca i maneres
del sud, la lenta lletania dels dies.
***
Ce pourrait être le prénom d'une femme
aimée. D'yeux de lune et
de cheveux de jais.
Mais c'est le diminutif d'un quartier.
Ou de deux, séparés par une voie
large et bruyante.
Des deux Trini, je préfère
la vieille qui recouvre une
colline du pas parcimonieux
d'habitants depuis peu installés.
C'est une marge ineffable, une frontière
tue, invisible par ceux
qui brûlent le goudron du périphérique
desséché. Je m'y sens bien quand j'y prends
l'apéritif, nostalgique de terres
lointaines et d'une mer différente et pareille
où l'on raconte, d'une voix rauque, avec des manières
du sud, la lente litanie des jours.
Le conseil
Un lien de tendresse
mâtiné de ferme rigueur :
voici le conseil.
mâtiné de ferme rigueur :
voici le conseil.
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