jeudi 4 septembre 2025

Magrana del matí

Magrana del matí.
Magrana de rojor.
Un record delicat
de l'escultor Mallol.

Magrana del matí,
desperta el meu amor
que navega pel mar
dels records infinits.

Magrana del matí,
saluda l'Anaïs,
la meva filla rossa
que camina somniant.

mercredi 3 septembre 2025

Invitation

La blancheur et le vert
pour inviter matin
le bleuté de la mer
que retient le brouillard.

C'est un havre de paix
contre les vents mauvais
et les jours inféconds
que le siècle réserve.

Il y a de la douceur,
de la rigueur aussi.
Une harmonie du lieu
qui invite à rêver.













photo : Béatrice Combal

En gauchissant...

Ma mère était gauchère.
Gauchère contrariée.
Sa main écrivait droit,
son esprit s'envolait.

Mais dans les menus gestes
du rituel quotidien,
elle revenait souvent
à son instinct premier.

En revoyant soudain
ses petites cuillères,
je retrouve sa main
les rangeant lentement

et je me fais gaucher
l'espace d'un instant
pour les ranger aussi
en gauchissant ma main.



lundi 1 septembre 2025

Un regard malicieux

C'est un ciel bien curieux
qui accueille le soir,
relevant son teint pâle
d'une touche de jais

et d'une étole rose,
épaisse et duveteuse
qui rappelle les nuits
des palais orientaux.

Le soir n'est pas un deuil.
Il nous dit à demain,
posant sur notre terre
un regard malicieux.










photo : Roser Blàzquez

vendredi 29 août 2025

Pluie d'été finissant

À la famille de Plailly

Et la pluie est tombée
sur le parasol vert,
lui donnant cette eau vive
qui le teinte de bleu.

C'est une pluie lustrale
qui lave la douleur,
pour mieux la raviver
bien loin du funéraire.

Elle glisse sur le toit
des constructions voisines,
pour signifier à tous
que nous sommes égaux.

Égaux devant la peine
et l'incompréhension.
Égaux devant la joie
qui nous maintient unis.














Photo : Alain Bourret

jeudi 28 août 2025

Un trajet

Mon frère et mon neveu
sur les routes la nuit.

Les nuits de France Culture
et la conversation.

Et au milieu des champs
une pose médiane

pour rencontrer un brin
la famille auvergnate.

Le trajet sera long
comme un apprentissage,

celui d'une vie neuve
qui arrive bien tard.

Et mieux que Saint Christophe,
l'assomption de Marie,

l'ascension de Maryse
veillant sur leur trajet.

Sur une nappe jaune

Sur une nappe jaune,
des présents délicats.
Tout un repas de rêve
préparé par Fatiah.

De la soupe et des pains
farcis de mille arômes.
Puis le sucre si fin
de ses pâtisseries.

Ce sont des provisions
pour un très long voyage.
Un voyage de deuil
très loin de notre mère.

Voyant notre tristesse
et nos airs abattus,
elle nous a ranimés
des mets les plus exquis.

Sur une nappe jaune,
tout un enchantement.
Et les yeux de maman
nous regardant dîner.



Deux cousins de dos

 À Axel et Martí

J'ai saisi deux cousins
dans le soir de Palau,
au terme d'un repas
qui nous vit tous unis.

Le soleil disparu,
à la lueur d'un spot,
ils devisaient de tout
et je n'en savais rien.

Mais je savais déjà,
au côté de mon frère,
qu'ils vivaient cette vie
où nous nous régalons.




Cent vingt ans et un jour

Cent vingt ans et un jour,
dans une rue étroite
de Mahon l'orientale
naissait un enfant blond

prénommé Gumersind.
Il était le dernier
d'une fratrie heureuse
qui riait en jouant.

Il adorait son père,
un noble savetier
et allait avec lui
croquer les herbes folles.

Cent vingt ans et un jour
et mon cœur qui chavire
en pensant à sa nièce
qui vient de nous quitter.



Ce qui n'était qu'à elle

Étrange obligation
que d'écrire matin
des vers sur mes lectures
ou mon goût de la vie.

La jaune rudérale
ou le chant des oiseaux.
Des vers de Valéry
ou la voix de l'aimée.

J'ai perdu ma lectrice.
Ma lectrice première
que j'ai vu cheminer
au fil de mes écrits

jusqu'à me lire enfin
avec sa grosse loupe
donnant à chaque mot
la valeur de l'effort.

Elle s'en émerveillait,
je voulais bien la croire.
Mes vers étaient sincères
et mes mots quotidiens.

Je lui dois de reprendre
cet art au jour le jour
et offrir à chacun
ce qui n'était qu'à elle.

mercredi 27 août 2025

Comme un alignement

À Vincent et à toute notre famille

Comme un alignement
d'étoiles dans le ciel,
trois messes célébrées
pour notre aïeule insigne.

À Plailly, à Brioude
et dans son cher Moulin,
trois messes célébrant
la vie d'une Meunière.

D'une simple habitante
de ce quartier si blanc
qu'il semble posé là
sous le regard de Dieu.

Prières d'intention
pour son âme si noble
mais aussi pour la paix
entre les religions.

Pour chaque individu,
au-delà de son groupe
car ma mère aimait tant
les personnes uniques.

Amarillo, groc, jaune, giallo

Amarillo no és groc
fou el meu últim curs.
I ara veig el groc
a cada hora del dia.

El groc dels tovallons
i de les estovalles.
El groc de les parets
i de les nostres platges.

Amarillo no és groc
i jaune no és pas giallo.
Mes l'or que els uneix tots
és fruit de nostra terra.

Dorénavant

J'ai laissé s'installer
le décès de ma mère
et j'ai laissé passer
les jours en travaillant.

À des choses petites
et pourtant essentielles.
Avec mon cher Alain,
mes enfants, mes neveux,

ma compagne et les leurs.
Sur cette nappe jaune
où elle aimait remplir
ses tendres mots croisés.

Et le manque s'installe.
Et le manque me fait.
Je suis fils de ma mère
qui aimait tant la terre.

Je dois à cette terre
tout l'amour de ma mère
et à chaque buisson
la caresse des yeux.

Qu'il est dur de la perdre
et doux de la savoir
si présente à mes gestes
du matin à la nuit.

Elle m'a appris à vivre,
à ne jamais froisser
le don de cette vie 
qui à bien peu échoit.

Elle était l'élégance,
elle était la constance.
Jusqu'à sa dernière heure,
elle souriait toujours.

Dernière action de grâce
devant un bol de soupe,
préparé tendrement
par son amie Fatiah,

compagne de ces heures
qui la verraient s'éteindre,
le cœur plein des saveurs
de l'Algérie lointaine.

Et puis dorénavant
il m'appartient de vivre
sans sa main délicate
mais dans son cœur présent.

Un rectangle gris

C'est un rectangle gris
d'une peau délicate.

L'épiderme tanné
d'un bovin d'autrefois.

Il contient quelques pièces
et un billet plié.

Je l'avais oublié
au bon Café de France,

en déjeunant naguère
avec mes deux petits.

En toute discrétion,
sa patronne est venue

me le rendre soudain.
et prolonger son cours.

C'est un rectangle gris
de générosité.

La générosité
d'un couple de Palau

qui a fait de son café
un havre de confiance.



Trucada de pallasso

Trucada de pallasso
per acabar l'estiu,
abans de la reentrada
dels mainatges d'aquí.

Dels nins i dels seus mestres.
I dels pares també.
Floreix el Rosselló
per fruir d'aquests dies

de mandres infinites,
d'espertinars tardius,
d'entrepans compartits
sota els arbres cansats.

Ben prest enyorarem
les hores sens agulles,
la sorra del Racó,
les pizzes de Palau.

Trucada de pallasso
per prolongar l'estiu,
preparar el nou curs
i fer reviure el Mixi.






Generositat

El meu amor fa anys,
sense un crit, sense un buf.
Un somriure de llavis
rere els mots del matí.

Fa anys sota teulada,
a dalt del Canigó.
No pas de la muntanya
mes d'un carrer del poble.

El meu amor fa anys.
Diuen cinquanta-cinq.
En fa cinquanta mil
de generositat.

Cinquante-cinq étés

À Roser, avec amour

Chaque doigt de tes mains.
Cinq et cinq.
Tes années dans nos yeux.
Cinq et cinq.

Cinquante-cinq étés
de Miracles soudains,
lectures infinies
et inventions sans fin.

Je n'en connais que cinq
mais j'en connaîtrais mille
tant tu les multiplies
ces années de bonheur.

Chaque doigt de tes mains,
chaque ongle de tes doigts.
Ton souffle sur mes vers
et mes vers sur tes ans.

mardi 26 août 2025

Vingt-six août

C'était un vingt-six août
de l'an deux-mil-quatorze.
À la fin de l'été,
dans la chaleur intense.

La chaleur a baissé
et le ciel s'est fait gris
mais juste onze ans plus tard,
mon cœur bat la chamade

Comme il faisait alors,
il dort sereinement,
dans l'attente d'un jour
qui le verra grandir. 

Du treize à onze ans

Onze ans pour le rugby,
pour le rugby à treize
dans le club de Palau,
son village second.

Il aime bien l'effort
et la force soudaine,
quand il court sur le pré
du stade Georges Vaills.

Mais je crois qu'il préfère
les repas d'après-match,
leurs grillades énormes...
...qui se répéteront.




Avui Martí fa anys

Avui Martí fa anys,
onze anys exactament.
Dues xifres ben rectes
i tan fortes com ell.

En Martí és un roc,
forçut i eixerit,
amb un cor generós
que serveix a tothom.

Del dia prefereix
l'hora dels bons dinars.
Golafre i llaminer,
és home de mil taules. 



lundi 25 août 2025

Une joue de porc

C'est une joue de porc
mitonnée par mon frère.
Un souvenir prégnant
de notre bonne mère.

Il l'a fait cuire au four
avec quelques herbettes
et un peu d'huile grasse,
comme elle faisait naguère.

Il m'en a fait présent
pour dîner à Palau,
le cœur dans la cuisine
de notre bonne mère.



Laberint de ganxet

Laberint de ganxet.
De llanes i colors.
Un laberint de camps
i no pas de palau.

Hi reconec bancals
de pèsols i mongetes
amb aigua de la font
que fecunda la terra.

És obra de l'amada
i no soc pas Odisseu,
mes un humil poeta
seguint el seu ganxet.



samedi 23 août 2025

Jaune total

Tout fut tendu de jaune.
Les tables, les présents.
Le cœur des invités
venus la célébrer.

Et on laissa les pleurs,
à l'ombre des cyprès,
pour peindre son visage
du jaune de mamie.

Des grands aux plus petits,
à l'arrière petite,
tout n'était que sourires
et visages riants.

Je crus sentir parfois,
dans les conversations,
la voix un brin cassée
de ma mère adorée.

vendredi 22 août 2025

Un lieu coquet

C'est une vaste cour,
entre deux bâtiments.
On y trouve la paix,
les yeux dans les nuages.

Tout en haut des Bégons,
en plein cœur de l'Auvergne,
il est un lieu coquet
où s'apaise l'esprit.

Venus de Catalogne,
nous y avons rencontré 
la douceur des prés verts
et le son des troupeaux.

Un portail vermillon
et un salon tout vert,
la chaleur d'un foyer
où fume le café.

Nous en repartirons
avec la nostalgie
de qui a pu goûter
un répit dans sa course.


L'homme en blanc

À Henri 

Il était l'homme en blanc,
venu pour tes obsèques,
après s'être perdu
dans les rues du quartier.

Il était un sourire
à la voix éraillée.
Le chaud accent de Sète
et les bras qui étreignent.

Il est cet homme en blanc
qui conduit sa famille,
parmi les prés en fleurs,
en haut de la Cerdagne.

Parcimonieusement

Avec parcimonie.
Parcimonieusement. 
Le désir a changé
et la peau imagine.

Le café du matin,
le soleil au jardin.
Les traces de l'orage 
sur la chaussée mouillée.

Les détails qui dessinent
le sourire du jour
et le corps qui s'éveille...
... parcimonieusement.

jeudi 21 août 2025

Ange

C'est un souffle léger
qui glisse entre les doigts
et fait de chaque geste
comme une action de grâce.

L'ange est un prêt de Dieu
ou un don des humains.
Il est le lien sacré
entre les êtres aimants.

L'ange est une lectrice
qui cueille sur l'écran
les traces d'un poète
qui remercie le monde.

Un père avec sa fille

Un père avec sa fille
tout en haut du village.
Deux sourires unis
par l'objectif du fils.

Douceur de la famille
et lenteur nécessaire.
Le temps s'est arrêté
pour les laisser s'aimer.

Le matin peut attendre
avec la pluie d'été.
Un père avec sa fille
sous l'objectif du fils.











Photo : Vincent Bourret

Au goût de paradis

C'est un joli trajet
d'une famille heureuse.
Une heure de pas lents
en marge du village.

Clémence et Anaïs
trônent sur leur monture,
encadrées par l'amour
des proches cheminant.

Ils ne tarderont pas
à rentrer au bercail.
Un pré sur les hauteurs
au goût de paradis.










Photo : Vincent Bourret

Un poste avancé

C'est un poste avancé
de bois et de silence.
Un belvédère bas
sur l'eau de Berbezit.

Un étang de noirceur,
étranger aux nuages
qui passent lentement
entre les sapinèdes.

J'y ai vu des pêcheurs
aux gestes lents et sûrs,
quêtant de l'onde noire
une offrande soudaine.











Photo : Roser Blàzquez

Ave Maria

Elle est celle qui guide
sous le ciel menaçant,
entre les herbes rases
et les sapins serrés.

Elle nous montre la voie
sur un chemin sans pierre.
Son prénom est de mer
et son cœur est de feu.

Salut à toi, Marie,
mère de toute mère.
Miroir attendrissant
des âmes qui espèrent. 











Photo : Roser Blàzquez

Libellules dorées

Libellules dorées,
gardiennes des murs tendres
d'un logement coquet.

Vous êtes les témoins
des émerveillements
de voyageurs sereins

qui s'arrêtent ici
pour goûter la verdeur
des prés et des forêts.

Insectes de métal,
sur le mur punaisés,
continuez à veiller.



Un triangle verd

A l'Aina petita,
per molts anys
de vida i d'amor

Sorollosa petita,
manyaga i concentrada.

De la mà de Julie,
combregues amb la festa.

De Millars ets reineta
i d'Aire Nou, mascota.

Us observa l'Alícia,
com mare, com amiga.

I totes tres formeu
un bell triangle verd!















foto: Alícia Bosch Mesegar

Dans les yeux de Clémence

 J'ai retrouvé la joie 
dans les yeux de Clémence.
Une histoire d'étoiles,
mon nez rouge en rhapsode.

J'ai fait de son regard
un doux inspirateur
et j'ai tiré du lieu
les détails de mon conte.

J'ai retrouvé la paix
dans la voix de Clémence,
courant dans la maison
pour exprimer sa joie.



mardi 19 août 2025

Un départ pour sa terre

Le vent se lève,
il faut tenter de vivre.
                Paul Valéry

On a gréé la barque,
le départ est prévu.
Sur le quai de Port-Vendres,
les amis sont venus.

La noble catalane
est lourde de présents,
de baisers, de caresse,
de souvenirs anciens.

Les enfants se souviennent,
qui tiennent le cordage.
Ils le lâchent soudain
quand vient la Tramontane.

Le terme en est connu.
C'est l'île de Minorque.
L'anse de Binibeca
avec son sable blanc.

Les frères

Elle nous aimait tous deux,
elle nous aimait chacun.
Elle parlait de ses fils,
mais elle aimait les frères.

Notre complicité,
née au printemps des ans
et que le proche automne
patine de détails.

Notre appel d'hier au soir
en est la preuve vive.
Notre mère partie,
les frères la font vivre.

Comme une offrande

Elle est allée chercher
du poulpe pour son fils,
au marché de Sarcelles,
un dimanche d'été.

C'est un pèlerinage,
un retour au passé.
Tout l'amour d'une mère
pour son fils attristé.

Ils se sont attablés
autour du plat brûlant.
Leur silence à tout deux
était comme une offrande.

Esquellots d'agost

Esquellots dels ramats
que passen a la nit.
El cel de cotó gris
no plora Sant Llorenç.

Escoltem els sons lents,
estirats en hamaques.
Hem apagat la ràdio
i gaudim la frescor.

Hem confiat al cel gris
tots els nostres desitjos.
Unes coses petites:
la pau i la concòrdia.

Mes noires pages blanches

Mes noires pages blanches,
mes insomnies d'été.
L'absence de la mère,
ton souffle à mes côtés.

Mes yeux sont desséchés.
Qu'il me coûte d'écrire.
Et pourtant je le fais,
en clignant des paupières.

J'ai perdu ma lectrice
et pourtant tu es là,
qui me liras bientôt,
le front sur mon épaule.

Elle m'a donné la vie
mais là mort me l'a prise,
petite dame vive
qui aimait tant la terre.

Que cette nuit est froide
qui bientôt ne sera.
Que belle est cette terre
oû tu attends mes pas. 

dimanche 17 août 2025

Cadavre-exquis

C'est un cadavre-exquis,
de couleurs et de formes.
La feuille se déplie
et naît la silhouette.

La présence gracile
d'une chimère neuve.
Une tête de faune
et trois échasses grêles.

Au centre est l'abdomen :
une robe jolie,
unissant les dessins
qui parachèvent l'œuvre.





















© Jérôme, Anaïs & Camille


Une pierre bleue

C'est une pierre bleue. 
Un saphir de frontière, 
cueilli par un douanier 
finissant sa journée.

Un cabochon de nuit
pour fermer un anneau
fruit d'une poignée d'autres,
portés par les ancêtres.

Un bijou symbolique,
sceptre d'une lignée,
que les doigts nus refusent
pour le donner au cou.


 

Au sortir de son lit

En chemise de fil
et pantoufles de feutre,
maman aimait surfer
au sortir de son lit.

Les courriels de ses fils,
les poésies nocturnes,
les nouvelles du jour
cueillies en plusieurs langues.

La fenêtre était vaste
et son esprit curieux.
Elle s'unissait au monde
en un remerciement.



Un kiosque à Malo-les-Bains

La musique à cessé.
les musiciens partis,
le kiosque retrouve
la froideur du béton.

Avril soixante-trois,
sur la Place Turenne,
une femme regarde
l'étrange construction.

En son sein un enfant,
à sa main son aîné.
La musique reprend
et Malo lui sourit.

samedi 16 août 2025

La fille du soleil et de la mer

Elle virevolte seule,
dans sa verdeur pâlie, 
étrangère au regard
des passants qui la fuient.

Elle est née du ressac
des vagues de l'été,
cherchant dans le soleil
une union passagère.

Et le moment s'installe,
pour crier aux façades
et aux marchands du temple
la peine de la mer.

Il y avait autrefois
sur cette place grise
de goudron et de pas
une côte légère.

Du sable et des buissons,
les filets des pêcheurs,
les barques reposant
avant le lamparo.

Un jour viendra peut-être
où la mer rejoindra
la statue de Vanczak
qui vit de son ressac. 



















Photo : Carolyn Wood

Samedi neuf août

C'est le jour de maman,
c'est le jour de Fatiah.
Un jour d'été somptueux
dans un quartier tout blanc.

C'est comme un condensé
d'une vie de sourires,
où l'heure réunit
deux berges de la mer.

L'Algérie de Fatiah,
lointaine et adorée.
La plage de Collioure
dans le cœur de maman.

Et comme un point médian,
Minorque l'île blanche,
terre de deux lignées,
Guasteví et Gomila.

Ce fut un jour heureux,
autour d'un bol de soupe,
la chorba de Fatiah,
comme passion magique.

Maman s'est endormie
dans la nuit qui suivit,
en gardant dans son cœur
le soleil de ce jour. 
















© Gumersind Gomila

vendredi 15 août 2025

Assomption

C'est le jour de Marie
et elle nous a quittés,
pour rejoindre la Vierge
qui fait des mots croisés,

sur une table jaune,
dans le Jardin d'Eden
avec une brunette 
qu'on appelle Florence.

Elle lui apprend à lire,
entre les cases noires,
les mots de la tribu 
de ceux restés ici.

Perte

   Que cette terre est belle.
                Maryse Bourret

J'ai perdu ma lectrice,
j'ai perdu son regard.
Son émerveillement
devant chaque poème.

Elle me disait souvent :
Comment fais-tu, Michel ?
alors que je tirais mes vers
de son éducation.

Une curiosité constante,
la passion de la vie,
le choix d'objets petits
pour s'exprimer en grand.

Un instant d'absolu

C'est l'ombre d'un visage,
c'est l'ombre d'un chapeau,
qui confie à un oncle
le départ de sa nièce.

La grâce d'un bristol, 
par les regards usés
et la délicatesse
d'un instant d'absolu. 





Dels presents als absents

El somriure dels ulls,
el somriure dels llavis.
Un instant de silenci
enmig de la conversa.

Convergeixen mirades,
l'estiu atura el temps.
Han buidat el seu got
pensant en la Marisa.

La Marisa elegant
que se solia asseure
a la mateixa taula
amb el seu fill Alain. 


Foto: Carolyn Wood 





La mort del garrofer

El garrofer ha mort.
Ai, pobre garrofer...
El garrofer d'en Paco
ofert à la Marisa.

Una llavor de l'illa
una llavor de vida. 
Les fulles de tardor,
la crescuda dels anys.

Les brases de l'estiu 
cremant la galeria,
l'escassetat de l'aigua,
el finestral tancat.

Il y eut...

Il y eut cette embrassade
sur le seuil du palier.
La mère avec la fille,
la fille avec la mère.

Il y eut ces mots si beaux.
Il y eut ces mots si simples.
Des galets gris usés
par le torrent des jours 

Il y eut cette autre femme
dont le parfum flottait
sous la lumière jaune
d'un plafonnier d'été.

jeudi 14 août 2025

La fille de Minos et de Pasiphaé

Ce sont des fleurs séchées
d'un jaune éblouissant
qui font un beau bouquet 
pour rappeler les goûts

d'une femme de l'ombre
qui aimait le soleil
et l'or des fleurs cueillies
pour éclairer sa table.

Madame Guasteví
incarnant un instant 
la fille de Minos 
et de Pasiphaé.




Hasard précieux

Derrière la maison,
à l'heure du dîner,
Ils se sont réunis
pour converser ensemble.

Le sourire les guide,
au hasard des propos.
On parle du passé
mais surtout du présent.

C'est un hasard précieux
qui les a attablés
derrière la maison,
à l'heure du dîner.

Trio

Deux femmes en soirée,
deux femmes discutant
dans un coin du jardin.

Une troisième est là,
échappant à la vue
mais rêvant dans le vent.

Une femme petite,
fille d'un cafetier 
et d'une artiste en herbe.

Quel trio merveilleux : 
deux femmes souriant
au bras d'une troisième.


Potion magique

C'est la potion magique
préparée par Fatiah 
qui régale à minuit
la lignée réunie.

On ne peut la décrire,
on ne peut que l'aimer,
cette soupe brûlante
tirée d'une marmite.

Je l'ai souvent reçue
au pied du vieil immeuble
avec deux pains tout ronds
de semoule pétrie.

La chorba dont maman 
me disait qu'elle l'aidait
à reprendre des forces
pour affronter la vie.

Et voilà qu'elle enchante
ses petits fils aimants
rendant à leur grand-mère
un hommage épicé.

Infirmiers

À Sébastien, Inès et Caroline

Ce sont les infirmiers
d'un quartier de blancheur,
frappant à chaque porte
pour panser les douleurs.

Ils viennent le matin
et repartent le soir
ne ménageant jamais
ni leur temps ni leur aide.

Ce sont les messagers
de la bonté humaine
qui parlent en soignant
les âmes avec le corps.

Ma mère les connut
avant la mort soudaine,
ma mère les aima
saison après saison.


Filius dolorosus

À mon frère chéri

Il cherchait le mot juste 
pour exprimer la peine 
et ce fut la douleur
qui frappa à son front.

Douce comme l'image
de la mère en allée
et terrible à la fois
comme un malheur ailé.

La douleur des semblables
devant les yeux fermés 
et les mains à jamais
croisées dessus le torse.

Il aimait sa maman
dans de menus détails 
qu'il voyait à présent
silencieux sur la table.

Mater dolorosa,
filius dolorosus.
Le calvaire aplani
sur une nappe jaune.

Lunettes préparés
pour un matin d'été
qui jamais ne viendrait
après la nuit funeste 

et l'incompréhension
devant le bois verni
où sa mère vivrait
des siècles de silence.