vendredi 31 octobre 2025

Terres

Il est l'amant des terres.
Des terres qui reposent
sur des meubles choisis
loin du four de cuisson.

Il les cueille matin
dans des terres lointaines
pour les garder le soir
à l'abri des frimas.

Et ce faisant il fait
à notre terre mère
le plus beau des hommages
que son cœur désirait.




















© Gumersind Gomila
photo : Éric Talavan


Ai-je choisi d'écrire ?

Ai-je choisi d'écrire ?
Je cueille des boutons
qui demain écloront.

Des fleurs en devenir,
des parfums devinés
qui font ouvrir les yeux.

Et si les lettres courent
sous ma main empressée,
mon cœur toujours soupire.

Ai- je choisi d'écrire ?
Je n'en suis pas si sûr.
...Et pourtant je le fais. 

Un arbre perd ses fleurs

Et beaucoup y sont nés
et beaucoup s'y sont tus
dans la maternité
du quartier des Lilas.

Sur un colimaçon
des grappes de fleurs mauves
rappellent le combat
au service des femmes.

Des femmes rentrant lasses
en ressortaient plus fortes
des bras couleur lilas
d'un personnel humain.

Bientôt les fleurs choiront
de l'escalier vernis
d'une maternité
qui honorait la vie. 



jeudi 30 octobre 2025

La danse du poulet

La danse du poulet,
pas celle de la dinde.
Ding ! Dong ! Ding ! Dong !

Le poulet se dandine
mais il ne vole pas.
Ding ! Dong ! Ding ! Dong !

Et la dinde non plus
qui le jalouse un peu.
Ding ! Dong ! Ding ! Dong !

La danse du poulet
au sortir du goûter.
Ding ! Dong ! Ding ! Dong !



mercredi 29 octobre 2025

Les amants de Plailly

Que sombre était Madère. 
Que sombre l'île brune
et les eaux agitées
par les pleurs d'une dame.

Une dame de France
arrivée pour fêter
les ans ensoleillés
de son époux chéri.

Mais le cœur est un traître
qui ne suit pas l'amour
et cesse un jour de battre
sous la poitrine tendre.

La dame est revenue
sans son époux chéri.
Depuis Madère pleure
les amants de Plailly.

samedi 25 octobre 2025

De l'or encore chaud

Du pain dans un torchon.
Des miches rondes et tendres
toutes poudrées de blanc.

Et une soupe tiède,
pieusement emballée
à l'abri des poussières.

Et voici dans mes mains
de l'or encore chaud.
La chorbah de Fatiah,
portée par Khadidja.



El campionat d'abans / Le championnat d'avant

El campionat d'abans.
La pilota de cuir,
el fang i les baralles.

Jugant cada diumenge,
inventaven rellotges
de dies, no pas d'hores.

El campionat d'abans
a vegades reviu,
tot creuant el carrer,

quan en Fafa retroba
en Jean-Paul el forçut
i s'inventen partits.

***

Le championnat d'avant.
Le ballon en cuir,
la boue et les bagarres.

Dimanche après dimanche,
Ils inventaient des horloges
de jours et non pas d'heures.

Le championnat d'avant
parfois revit,
en traversant la rue,

quand Fafa retrouve
le costaud Jean-Paul
et qu'ils s'inventent des matchs. 


jeudi 23 octobre 2025

Cœur bleu pâle

J'ai vu un cœur bleu pâle
un petit cœur tout tendre.
Une larme de joie
venue d'yeux bleuissants.

Et j'ai tenu ce cœur
dedans ma main si large,
comme un point lumineux
me montrant le chemin.

J'ai refermé mes doigts
et j'ai souri au monde.
Le ciel était bleu pâle
et la pluie rayonnait.



Prune

Elle était la douceur.
Je la connaissais peu.
Nous nous frôlions parfois
et nous nous respections.

Elle habitait tes meubles
et franchissait tes portes.
Elle avait pris du vent
les rafales soudaines.

On me dit qu'elle n'est plus.
Qu'elle n'est plus avec toi.
Avec son miaulement
et son pas délicat.

Mais je la sais encore,
encore à vos côtés.
Vous qui saviez l'aimer,
tout au long de l'année.

Elle avait de la lune
la noirceur et le son.
Elle s'appelait Prune.
et c'est ainsi qu'elle est.

Fougère

Que serait la lumière
sans la verte fougère ?
Ses feuilles dentelées
en magnifient le sens.

C'est comme un éventail
dans la main du destin,
un sablier des heures,
des instants et des siècles.

Que serait la fougère
sans le vent du soleil ?
Sa main toujours attend
sa caresse soudaine. 



















photo : Carolyn Wood

Combat des jours

Des griffes de nature
s'accrochant à la vie. 
Des racines puissantes
qui bravent les années.

Le silence du bois
me chuchote à l'oreille
qu'il n'est pas d'existence
sans un combat secret.

Et les feuilles qui jonchent
la lente promenade 
sont l'expression ultime
de ce combat des jours.






















photo : Carolyn Wood

Les yeux d'Angelina

Et les yeux d'Angelina
sur un lit d'hôpital
ont questionné mes doutes
et ma vision des jours. 

Ses yeux qui me parlaient
bien mieux que des paroles
de l'épreuve terrible
qu'elle venait de subir.

Ses yeux de revenue
du monde des ténèbres
et la lente cuillère
de sa fille à côté.

Générations d'Y à Z

À X et S.

Et les lettres défilent
pour découper le temps.
Les natifs du vieux siècle
terminent l'alphabet.

Les certitudes d'hier
chancellent à leur tour.
Un coronavirus 
a bouleversé la donne.

Mais l'interrogation 
est source de sagesse.
Bienheureux trentenaires
qui ne sont pas bravaches. 

mercredi 22 octobre 2025

La noieta del banc

La noieta somnia
entre el banc i l'om vell.
Fingeix de ser dormida
quan li bull el magí.

Imagina l'amor
de la mà d'un galant.
Un galant dels seu barri
amb cabell arrissat.

La noieta ha deixat
un lloc lliure al costat.
Perquè vingui el noiet
amb un ram de floretes.



Orides

Et la mort t'a saisie,
il y a longtemps déjà,
avant ce nouveau siècle
qui te ressemble tant.

Tu as fait des combats
les grains de tes poèmes,
ensemençant la plage
d'idées que nous suivons.

Tu étais philosophe
et regardais la langue
comme un monde à construire
en toute égalité.

La rose était un mot
au-delà des pétales,
ce monde à conquérir
que tu nous a confié.

La lumière est en nous

A luz está
em nós: iluminamos.
          Orides Fontela

La lumière est ainsi
qui joue à cache-cache.
Délaissant les parvis,
elle guette les recoins.

Foin de ces lampadaires
qui découpent les gens
en autant de cadavres
jetés sur la chaussée.

La lumière est en nous
qui jaillit dans la nuit,
dans l'interstice tendre
de lèvres assoiffées.

La lumière est de mots,
de mots et de silence.
Un frôlement discret
qui échappe à l'envie.

Cer le désir est là,
sorti d'entre les pierres,
les sombres sortilèges
d'un limonaire honteux.

Un désir de lumière
qui joue à cache,
dessillant nos paupières
et empourprant nos joues.

À prudente distance

J'ai laissé dans ma poche
les clés de ton jardin.
J'ai préféré te suivre
dans tes rêves soudain.

Que belle est cette absence
qui nous tient éloignés,
à prudente distance,
le désir éveillé.

Tu as laissé dans ta poche
les sons de mes chansons.
Tu as préféré me suivre
dans mes rêves enfin.

Entre lleixes

A coisa contra a coisa.
            Orides Fontela

He decidit d'aprendre
el brasiler modern
de la mà de l'Orides
que dorm entre les lleixes.

Les lleixes del Casino,
la blanca biblioteca
de Manresa la justa,
un matí de tardor.

Les roses són descloses.
Ja ballen totes soles
la samba matinera
la d'una sola nota.






Nous

Da nuces pueris.
Gabriel Ferrater

 al Pere Figueres

Han desfilat les xifres
pels meus ulls afamats.
I m'he guardat el nou
abans del precipici.

La vírgula infinita
que tanca cada vers,
invitant el poeta
a caminar tot sol.

La novetat insigne
és de nou i de nous.
Les fruites del verger
amb el brot de l'instant.

De ciment i de vidre

Basta o profundo ser
em que a rosa descansa.
                Orides Fontela

M'ha vingut una rosa
de ciment i de vidre.
Una rosa bonica
dels murs de l'hospital.

Acompanya sa mare
del matí a la nit.
Una rosa desclosa
que somriu a la vida.

Amb una cullereta
li dona de menjar
unes trumfes bullides
amb un pessic de sal.

La meva rosa tendra
no para de somniar.
En els llibres de fora
que l'obren a la nit.

A la nit compartida
amb l'amant dels estels
que ve del sud de França
per olorar sa mà.

dimanche 19 octobre 2025

Semblança

Sembla un port de l'Orient
amb la llum del Japó.
Els núvols són de tinta
i la mar de platí.

És hora llevantina
mirant cap al matí.
Diumenge de tardor
amb pretensions d'estiu.

M'ho regala el bon Joan,
des de l'illa adorada.
Un clixé matiner
que valdrà tot el dia.













foto: Joan Verger

samedi 18 octobre 2025

El bon fricot d'en Fafa

El bon fricot d'en Fafa
El fricot de la nit.
Fricot de remembrances
de la iaia adorada.

La cassola de fang,
la trumfa, el costelló,
uns brins de julivert
i l'amor de la iaia.

El bon fricot d'en Fafa,
la sorpresa del dia.
Un plat de porcellana
i les hores s'aturen.



vendredi 17 octobre 2025

Du saint patron à l'enfant nouveau-né

À mon petit-fils, avec amour

La voix intérieure qui nous parle
                                Saint Augustin


Il était, disait-on,
le seul à pouvoir lire
tout seul dans sa conscience
sans prononcer les mots.

Il était de la langue
un gardien audacieux
et comme Saint Jérôme
il en buvait le suc.

Un jour, il y a longtemps,
je fis un cours sur lui.
Je délaissai l'espace
pour partager son temps.

L'opposant à Bergson
je saisissais alors
l'immense intelligence
des sages méditant.

Bien des siècles ont passé
et les langues ont changé.
Mais du bon saint d'Hippone
je garde la leçon.

En voyant Augustin,
serein dans son berceau
et fermant ses beaux yeux
pour mieux goûter la vie,

je songe à ses parents
qui, en le prénommant,
firent du philosophe
un gardien avisé.

Et quand sur le drap tendre
je saisis une pointe
d'un bonnet orangé
qui le garde du froid,

je sens le saint patron
qui en silence lit 
du petit Augustin
la vie qui se construit.



mardi 14 octobre 2025

Castell horitzontal

Castell horitzontal,
castell de mans i passes.
De la porta de Salses
al noble parlament.

No coneix cap frontera
i s'enfaixa solet.
Ses camises són mil
i tots sou enxanetes.

Descarregant castells
pels pobles del país
heu après a lluitar
per la independència.

La pinya ho és tot.
Sense ella no sou res.
Els camins són castells
per animar la gent.

Països catalans,
països d'una llengua
on ningú no existeix
si no viu amb els altres.

Valuosa convivència
que trenca les barreres
i fa de les muntanyes
el ferment del demà.

Castell horitzontal,
castell de bona gent.
De la porta de Salses
al noble parlament.












foto: Hervé Pi

vendredi 10 octobre 2025

Detrás de la corbata

Je découvre mon frère
que j'ai toujours aimé
dans de menus détails
qui parsèment les jours.

Un souvenir soudain :
nous revoilà enfants,
faisant des macaquaises
sur les lits appariés.

Merveille de maman
qui vit encore en nous
et couve ses deux fils
de son amour sans fin.

Le rire de Maguie

Le rire de Maguie,
le rire du bonheur.
Un rire se moquant
bien du qu'en-dira-t'on.

Le rire de ma tante
et ses cheveux bouclés.
Ses lunettes épaisses
et ses mains tricotant.

Le rire de Guiguite
m'est revenu soudain,
alors que je lisais
les poésies de l'oncle.

jeudi 9 octobre 2025

Surcroît

   Un surcroît de devoir vivre 
                     François Cheng

Elle m'a laissé le goût,
non pas le goût de vivre,
mais celui du bien vivre
pour prolonger le sien.

Elle avait ce sourire,
cet émerveillement
qui sied aux gens de bien
sur le chemin de vie. 

Et voici que je laisse
mille et un artifices
pour cueillir avec elle
un pissenlit dans l'herbe.

J'en souffle l'auréole
pour détacher les germes
de ces milliers de vies
que ma marche prépare

et je chante avec elle
Que cette vie est belle !
au seuil d'un nouveau jour
qui prolonge sa vie. 

Un lendemain d'anniversaire


   ''what is an un-birthday present?"
   "A present given when it isn't your birthday, of course."
    Lewis Caroll 

Plus que l'anniversaire,
le jour tant attendu,,
son lendemain serein
rempli de ses odeurs.

Les deux bougies soufflées,
le sucre du gâteau,
les rires des parents
si présents aux oreilles.

Un non-anniversaire
mais un jour qui en porte
la trace indélébile
pour s'ouvrir à la vie.

mardi 7 octobre 2025

Callistemon

Callistemon per dos,
dolces inflorescències,
collides per la mà
de la meva estimada.

Un regal delicat
que prossegueix l'encant
de la seva presència
al meu palau de vidre.

Callistemon vermell
com una flor siamesa
unint les esperances
d'uns nuvis de paper.



Un foyer de papier

Comme un ambassadeur
de papier bleu de Prusse,
mon chapeau est resté
au chaud chez des amis.

Des amis délicieux
qui ont fait du papier
l'âme de leur maison
en un bel arc-en-ciel.

Des couleurs à foison
et des millions de pages. 
Une briqueterie
pour bâtir des empires 

ou, plus modestement,
un foyer confortable
où les livres vous offrent
des vies et des pays.

samedi 4 octobre 2025

Apéritif

J'aime l'apéritif
pris sur la table ronde,
il ouvre l'appétit
et pose le rituel.

Dans les assiettes plates,
la danse des saveurs.
Le salmis de pintade,
les champignons sautés.

Les fromages par trois
dont celui singulier
qui fait de l'abricot
un réhausseur de goût.

Mais l'appétit qui s'ouvre
a besoin de l'après.
Du canapé moelleux
où la langue pétille.

Un trait de citronnade,
des livres partagés
et le passé renaît
au fil de nos devis.

Cremallera oberta

La cremallera oberta
d'un estoig de saló
deixa entreveure els dits
entre les plomes fosques.

Tot un dia d'escrits,
de notes, de dibuixos,
de ganes retingudes
i de desig sobtat.

L'estoig és un vaixell
de bodega silent.
S'hi couen els secrets
que callarà la tinta.

Veles

Les veles del deler
són llençols de lli fí
de cotó vermellenc
de seda carmesina.

L'espera del delit
les infla de bon vent.
Un garbí de frescor,
un guergal de muntanya. 

Les veles del plaer
s'amainen al matí,
confiant a cada amant
les ones del bon dia.

vendredi 3 octobre 2025

Un salmis de pintade

  À Nathalie & Édouard

De la faïence rose
ornée de végétaux
et en son cœur tiédi
un salmis de pintade.

Une cuisse jolie
et une fricassée
d'odorantes girolles
cueillies dans la fraîcheur.

Ainsi fut le repas
de mes amis choisis.
Une table de fête
avec mille devis.



Xofars de l'esperança

Banyes de Jericó,
xofars de l'esperança,
que feren caure els murs
després de la batalla.

Són banyes del passat,
del llibre desaprès
per qui castiga els homes
insultant a llur Déu.

Les banyes del present
són uns vaixells petits,
una flotilla plena
d'honor i de respecte.

Els han empresonat
i ja jeuen les barques
mes són llavors de vida.
              ... I caurà Jericó.
                   
                Josué, 6, 1-27














By courtesy of Vilaweb


Chophars de l'espérance

Chophars de Jéricho,
trompettes d'espérance,
jetant à bas les murs
juste après la bataille.

Trompettes du passé,
du livre désappris,
par qui châtie les hommes
en insultant leur Dieu.

Les cornes du présent
sont de petits bateaux,
une flotille pleine
d'honneur et de respect.

Ils sont emprisonnés,
les barques sont couchées,
comme un ferment de vie.
                Jéricho tombera.

                     Josué, 6, 1-27

Amb la T del desTí

Una lleTra ho és ToT
que poT enamorar.
TronTolla el funcionari,
Tecleja malamenT,

posanT una denTal
on esperaven ela,
com per preveure un dia
un enconTre sobTaT.

El meu amic en Joan,
me'n brinda el moT Tendre.
La KeTly del seu cor
fa brillar l'alfabeT.

Tout plein de pleins

À Laurence & Olivier
du Café de France

C'est une ritournelle,
une chanson légère,
la rengaine jolie
d'un café de l'automne

accueillant Isidore
et les passants du jour.
Le catalan s'y donne
en accents impétueux.

Assis sur la banquette,
j'écoute et me régale.
Que l'automne est joli
perçu depuis la salle.

La chanson est partie,
je la porte avec moi,
avec tout plein de pleins
pour enchanter mon cœur.



jeudi 2 octobre 2025

Apaisement poétique

La poésie m'apaise
quand les soucis m'empêchent
de profiter du jour.

Elle est comme un sourire
passant de bouche en bouche
avant de s'envoler,

laissant au fond du cœur
une force sereine
qui aide à profiter.

Inspiration

Il faut au cœur des songes
laisser faire la nuit
et chercher dans la veille
les mots auxquels on tient.

De jolis coquillages 
et des tessons de verre
émoussés par ces vagues 
qui jamais ne s'endorment  

Alors naîtront les vers
sans qu'on n'y prenne gare
et les mots reviendront
s'inscrire dans les vers.

Harmonie parfaite

Mon frère et mon neveu
m'ont offert ces jours-ci
tout un monde à foison.

La chaleur des devis
et les fruits de la terre
rissolant sous nos yeux.

La magie de ma mère
faisant de son silence
un ferment éternel.

Trois journées partagées
du matin à la nuit
en parfaite harmonie.

Que belle...

Que belle est cette terre
et la mer qui l'attend 
au coucher du soleil.

La fine ligne beige
du sable fin qui boit
l'eau salée de la plage. 

Que belle est cette mer
qui reçoit de la terre
l'espoir des pauvres gens. 

Insolente présence

L'absence de ma mère
dans sa maison si vide
suspendue au tic-tac
d'une horloge sans but.

La nappe toute jaune
où je vois les griffures
de son stylo précis
jouant aux mots-croisés. 

Sur le buffet un saint
de bois et de couleurs
qui se tait en priant
pour son âme partie.

Et dans nos cœurs d'enfant
la présence insolente
de sa voix qui riait
et ne nous quitte pas.

viXCa

La llengua capgirada,
una sopa de lletres
que malviu tot cridant.

Quatre lletres de sang
amb una creu al mig
d'un bon Jesús plorant.

Un insult a la gent
i als bons diccionaris
que vetllen pels seus dies. 

La follia d'un home
que ha deixat la seva 
per un plat de llenties.

Que morin els cartells
que capgiren la llengua
amb l'odi dels botxins.

Rêves...

J'ai rêvé de la paix,
de la paix intérieure
des esprits chamboulés. 

J'ai rêvé d'herbe rase
et d'un enfant jouant
sur elle à cloche-pied.

J'ai rêvé d'une enfant
savourant au matin
un bon chocolat chaud.

J'ai rêvé de ce rêve
qui me tient éveillé
et ne me laisse pas.

J'ai rêvé du silence
dans les murs de ma mère
demeurés sans sa voix. 

Puis j'ai cessé mes rêves
et t'ai vue près de moi
me sourire en pleurant.

lundi 22 septembre 2025

Une grillade familiale

Le grill de Saint Laurent
ne tire pas des larmes,
il accueille serein
l'offrande de Victor.

Les côtes sont de veau
et d'un bœuf médaillé.
Les ceps des vieilles vignes
font un lit de rougeur.

Le dîner sera bon
qui nous rassemblera
dans la ferveur d'un soir
où nous serons unis.

Nous le célébrerons
en pensant à Mamie
qui surnommait Victor
son petit marmiton. 






Dins els ulls de la nora / Dans les yeux de la bru

Les floretes són grogues
i l'espelma vermella.
La pregària és senzilla
en la capella vella.

És dia de tristor,
és dia d'alegria.
entre final d'estiu
i dia de tardor.

Colors de Catalunya
i colors de Marisa.
El record de la sogra
dins els ulls de la nora.

L'escena és al Miracle,
on resa el santuari
per les persones bones
que han deixat els seus.

***

Les fleurettes sont jaunes
et rouge est la bougie.
La prière est si simple
dans la vieille chapelle.

C'est un jour de tristesse
et c'est un jour de joie,
quand l'été est fini
et l'automne commence.

Les couleurs catalanes,
les couleurs de Maryse.
La belle-mère vit
dans les yeux de sa bru.

La scène est au Miracle,
où prie le sanctuaire
pour les bonnes personnes
qui ont quitté les leurs.













foto: Roser Blàzquez

Un monument discret

Un monument discret
per publicar l'amor
que sent una noieta
per un noi del seu poble.

Un grapat de pedretes,
unes fulles de roure.
Una lletra elegant
que es vol inesborrable.

El còdol que és al mig
té forma del seu cor.
El cor de la noieta
d'on raja tinta pura.


 

Un lieu discret

Il est un lieu discret
pour écrire matin,
à l'heure où les clients
occupent la terrasse.

J'y compose parfois
dans mes deux langues mères,
puisant dans l'atmosphère
l'impression de l'instant.

Le sourire de Jade
et la voix de Fafa.
Le comptoir où l'on vient
refaire sa journée.

Les sénateurs dehors
donnent à l'intérieur
le crédit nécessaire
pour s'y sentir chez soi.

Les tabourets sont hauts
qui attendent les heures
où l'on dégustera
des bières et du Byrrh.

Mais pour l'instant j'écris
devant un café noir
en songeant à ceux qui
après moi y boiront.





vendredi 19 septembre 2025

Vingt septembre

À la fin de l'été,
au début de l'automne,
elle est née d'Antoinette
un matin de septembre.

C'était un samedi
et son père servait
les clients habituels
dans leur petit café.

À la fin de l'été,
au début de l'automne,
je sens grandir en moi
sa présence discrète.

mercredi 17 septembre 2025

Trombones oubliés

C'est le dernier achat
que je fis à ma mère.
Un jeu d'attache-lettres
pour classer ses papiers.

Des trombones pour rire,
des boucles argentées,
serrées dans une boîte,
dans un ennui discret.

À lequel échoira
un hasard profitable,
celui d'être choisi
pour classer des papiers ?

Mais ma mère n'est plus
et la boîte est fermée.
Dans le noir du buffet,
elle attend sa lumière.





lundi 15 septembre 2025

Un bouquet pour Yuki

Elle s'appelle Yuki,
je ne la connais pas.
Une amie du quartier
de mon cousin second.

Elle est un pont léger
entre deux langues sœurs
qu'unit l'humanité
et disjoint la graphie.

Elle va de l'une à l'autre,
cueillant des fleurs françaises
pour un faire un bouquet
à porter au Levant.

Elle s'appelle Yuki,
je ne la connais pas,
mais Thierry la connaît
qui lui offre un bouquet.

samedi 13 septembre 2025

TOUT ÇA / TOT AIXÒ

 J’ai vu tomber en cascade des flocons immenses et blancs

comme un chapelet macabre de pétards... qui une fois au sol brûlaient tout ;

et alors,

j’ai vu les hôpitaux submergés par un courant constant

de corps blessés entrant dans ce courant incessant.


J’ai vu se dresser les paumes, se dresser la prédication, et... aussitôt après,

j’ai vu tomber sur ces mêmes espérances... des dizaines,

des centaines de kilos de bombes et d’armement ;

et alors,

j’ai vu le sol d’une école tapissé

d’une étendue de linceuls d’un blanc immaculé.


J’ai vu des nuages de feu, des nuages de poussière, des nuages de cendre,

parce que tout n’était que fleurs brûlées, oliviers brûlés, personnes brûlées ;

et alors,

j’ai vu des ambulances avec des moribonds, des blessés, des infirmiers...

des ambulances prises au pièges dans des rues intentionnellement picorées.


J’ai vu couper l’électricité et couper l’eau. J’ai vu s’éteindre la voix

et se fermer les yeux, la vie de deux-cents journalistes, un par un.

J’ai vu l’élimination chirurgicale par les snipers :

universitaires, designers, docteurs, artistes, professeurs... poètes ;

et alors,

j’ai vu le drone, ce jouet des tueurs à gages, faire feu,

faire feu sur un jeune à bicyclette.


J’ai vu la séparation des corps dans une large file :

les femmes et les enfants à gauche, les hommes à leur droite... les hommes marchant.

Et ces hommes je ne les ai pas revus.


J’ai vu des dizaines de bras maigres se tendre avec des casseroles, des écuelles multicolores,

dans l’attente d’une louche d’eau avec quatre grammes de riz ;

et alors,

j’ai vu des enfants mangeant de la nourriture pour chien, mangeant de l’herbe, mangeant du papier et des pierres... et buvant de l’eau des flaques de la mort.


J’ai vu les intempéries dans les maisons, les intempéries dans les tentes,

les intempéries dans les rues de la mort...

et alors,

j’ai vu des pêcheurs mitraillés sur la plage

et des corps écrasés par la chute de caisses de biscuits secs

du haut de deux avions.


J’ai vu des bébés en chair et en os agoniser dans des couveuses, comme des urnes

transparentes.

J’ai vu des congélateurs de glace transformés en morgue où s’empilaient des corps ;

et alors,

j’ai vu des mains, amputées, des bras amputés, des jambes amputées...

comme on ampute l’espoir.


J’ai vu des pères et des mères gratter le sol et les murs pour en sauver des vies...

d’un, de deux, d’innombrables immeubles effondrés ;

et alors,

j’ai vu de petits yeux et de petites mains suppliant pour leur corps emmuré,

piégé entre les pages du livre d’un futur définitivement cimenté.


J’ai vu les quinze membres d’une même famille (grands-parents, parents, fils, nièces, oncles)

fauchés d’un seul coup par la faux d’une haine acharnée ;

et alors,

j’ai vu accroché au fer forgé d’un immeuble éventré,

et qui se balançait, le corps d’un jeune, là-haut, au quatrième étage… et qui se balançait.


J’ai vu bombarder des écoles, des universités, des mosquées,

et jusqu’à des cimetières rasés et profanés.

J’ai vu de profondes et longues excavations dans le sable,

avec des dizaines de corps dans les linceuls bleus… impunément rangés ;

et alors

j’ai vu des chats, des chiens, des mules et des chevaux… honteux et désorientés.


J’ai vu aller d’ici à là et de là plus au-delà,

des milliers de personnes marchant en caravane.

J’ai vu des orphelins sans chaussures et sans pain ;

et alors,

j’ai vu deux frères le visage tout blanc abattus

au moment de grappiller la farine d’un sac.


J’ai vu ces mêmes hôpitaux, vus il y a maintenant un an,

rasés, bombardés et effondrés ;

et alors,

j’ai vu deux sacs poubelles contenir

les restes humains de frères de sang.


J’ai vu une fois, deux fois, trois fois se dresser une main ensanglantée

voter contre un cessez-le-feu, voter contre un cessez-le-feu ;

et alors,

j’ai vu s’étendre le siège de la violence,

et, comme une immense toile d’araignée, s’étendre le siège de la faim.


Derrière tout cela j’ai vu mourir un monde et renaître une bête :

la bête éternelle.


Et tout ce que j’ai vu,

    tout ça nous l’avons tous vu.

Et tout ce que j’ai vu

    les autres l’ont aussi vu.


TOT AIXÒ, poème de Neus Purtí Cirera @neuspcirera mis en musique par Sebe Helde 

traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví

=> lecture en catalan

=> lecture en français


He vist una caiguda en cascada de volves immenses i blanques

com una mascletà macabra … que en tocar terra tot ho cremava;

i llavors,

he vist els hospitals regats per un corrent constant

de cossos ferits entrant dins el corrent incessant.


He vist aixecar els palmells, aixecar la prèdica, i… tot seguit,

he vist caure sobre aquells mateixos anhels… desenes,

centenars de quilos de bombes i d’armament;

i llavors,

he vist el terra d’una escola encatifat

amb una estesa de mortalles d’un blanc immaculat.


He vist núvols de foc, núvols de pols, núvols de cendra,

perquè tot eren flors cremades, oliveres cremades, persones cremades;

i llavors,

he vist ambulàncies amb moribunds, ferits, infermers…

ambulàncies atrapades entre carrers intencionadament picotejats.


He vist apagar el llum i apagar l’aigua. He vist apagar la veu

i apagar els ulls, la vida de dos-cents periodistes, d’un en un.

He vist la quirúrgica eliminació dels franctiradors:

catedràtics, dissenyadores, doctors, artistes, professors… poetes;

i llavors,

he vist el dron, la joguina dels sicaris, disparant:

disparant sobre un jove amb bicicleta.


He vist la separació dels cossos en llarga filera:

dones i canalla a l’esquerra, homes a la seva dreta… homes marxant.

I a aquests homes ja no els he tornat a veure.

He vist desenes de braços prims allargant-se amb cassoles i palanganes multicolors,

esperant un cullerot d’aigua amb quatre grams d’arròs;

i llavors,

he vist nenes menjant menjar de gossos, menjant herbes, menjant paper i pedres

… i bevent aigua dels bassals de la mort.


He vist la intempèrie de les cases, la intempèrie de les tendes,

la intempèrie dels carrers de la mort…

i llavors,

he vist el metrallament d’uns pescadors vora la platja,

i l’aixafament de cossos per la caiguda d’unes capses de rònegues galetes

des de dalt d’un parell d’avions.


He vist uns nadons de carn i ossos agonitzant dins incubadores, com a urnes

transparents.

He vist frigorífics de gelats a mode de morgue on s’hi han apilat uns quants cossos;

i llavors,

he vist mans, amputades, braços amputats, cames amputades…

com qui amputa l’esperança.


He vist pares i mares gratant el terra i les parets per sostraure’n vida…

d’un, de dos, d’incomptables edi cis esfondrats;

i llavors,

he vist uns ullets i unes manetes suplicant pel seu cos emparedat,

atrapat entre pàgines d’un llibre d’un futur ara cimentat.


He vist els quinze membres d’una mateixa família (avis, pares, lls, nebodes, oncles)

segats d’un sol cop per la falç d’un odi contumaç;

i llavors,

he vist agafada d’un ferro de forja d’un edifici esventrat,

el cos oscil·lant d’una ànima jove, allà, a la quarta planta… oscil·lant.


He vist el bombardeig d’escoles, d’universitats, de mesquites,

i fins els cementiris arrasats i profanats.

He vist profundes i llargues excavacions a la sorra,

amb desenes de cossos amortallats de blau… impunement arrenglerats;

i llavors,

he vist gats, gossos, mules i cavalls… avergonyits i desconcertats.

He vist anar d’aquí cap allà, i d’allà cap a més enllà,

a milers de persones caminant en caravana.

He vist orfes sense sabates i sense pa;

i llavors,

he vist dos germans amb el rostre emblanquinat abatuts

en el moment d’espigolar la farina d’un sac.


He vist aquells mateixos hospitals, vistos ara fa un any,

arrasats, bombardejats i esfondrats;

i llavors,

he vist dues bosses d’escombraries contenir

les restes humanes d’uns germans de sang.


He vist una, dues, tres vegades aixecar-se una mà ensangonada

votar en contra un alto el foc, votar contra un alto al foc;

i llavors,

he vist estendre’s el setge de la violència,

i, com una immensa teranyina, estendre’s el setge de la gana.


Rere tot això he vist morir un món i renéixer una bèstia:

la bèstia de sempre.


I tot això que jo he vist,

    tot això ho hem vist tots.

I tot això que jo he vist

    també ho han vist els altres.