samedi 23 août 2025

Jaune total

Tout fut tendu de jaune.
Les tables, les présents.
Le cœur des invités
venus la célébrer.

Et on laissa les pleurs,
à l'ombre des cyprès,
pour peindre son visage
du jaune de mamie.

Des grands aux plus petits,
à l'arrière petite,
tout n'était que sourires
et visages riants.

Je crus sentir parfois,
dans les conversations,
la voix un brin cassée
de ma mère adorée.

vendredi 22 août 2025

Un lieu coquet

C'est une vaste cour,
entre deux bâtiments.
On y trouve la paix,
les yeux dans les nuages.

Tout en haut des Bégons,
en plein cœur de l'Auvergne,
il est un lieu coquet
où s'apaise l'esprit.

Venus de Catalogne,
nous y avons rencontré 
la douceur des prés verts
et le son des troupeaux.

Un portail vermillon
et un salon tout vert,
la chaleur d'un foyer
où fume le café.

Nous en repartirons
avec la nostalgie
de qui a pu goûter
un répit dans sa course.


L'homme en blanc

À Henri 

Il était l'homme en blanc,
venu pour tes obsèques,
après s'être perdu
dans les rues du quartier.

Il était un sourire
à la voix éraillée.
Le chaud accent de Sète
et les bras qui étreignent.

Il est cet homme en blanc
qui conduit sa famille,
parmi les prés en fleurs,
en haut de la Cerdagne.

Parcimonieusement

Avec parcimonie.
Parcimonieusement. 
Le désir a changé
et la peau imagine.

Le café du matin,
le soleil au jardin.
Les traces de l'orage 
sur la chaussée mouillée.

Les détails qui dessinent
le sourire du jour
et le corps qui s'éveille...
... parcimonieusement.

jeudi 21 août 2025

Ange

C'est un souffle léger
qui glisse entre les doigts
et fait de chaque geste
comme une action de grâce.

L'ange est un prêt de Dieu
ou un don des humains.
Il est le lien sacré
entre les êtres aimants.

L'ange est une lectrice
qui cueille sur l'écran
les traces d'un poète
qui remercie le monde.

Un père avec sa fille

Un père avec sa fille
tout en haut du village.
Deux sourires unis
par l'objectif du fils.

Douceur de la famille
et lenteur nécessaire.
Le temps s'est arrêté
pour les laisser s'aimer.

Le matin peut attendre
avec la pluie d'été.
Un père avec sa fille
sous l'objectif du fils.











Photo : Vincent Bourret

Au goût de paradis

C'est un joli trajet
d'une famille heureuse.
Une heure de pas lents
en marge du village.

Clémence et Anaïs
trônent sur leur monture,
encadrées par l'amour
des proches cheminant.

Ils ne tarderont pas
à rentrer au bercail.
Un pré sur les hauteurs
au goût de paradis.










Photo : Vincent Bourret

Un poste avancé

C'est un poste avancé
de bois et de silence.
Un belvédère bas
sur l'eau de Berbezit.

Un étang de noirceur,
étranger aux nuages
qui passent lentement
entre les sapinèdes.

J'y ai vu des pêcheurs
aux gestes lents et sûrs,
quêtant de l'onde noire
une offrande soudaine.











Photo : Roser Blàzquez

Ave Maria

Elle est celle qui guide
sous le ciel menaçant,
entre les herbes rases
et les sapins serrés.

Elle nous montre la voie
sur un chemin sans pierre.
Son prénom est de mer
et son cœur est de feu.

Salut à toi, Marie,
mère de toute mère.
Miroir attendrissant
des âmes qui espèrent. 











Photo : Roser Blàzquez

Libellules dorées

Libellules dorées,
gardiennes des murs tendres
d'un logement coquet.

Vous êtes les témoins
des émerveillements
de voyageurs sereins

qui s'arrêtent ici
pour goûter la verdeur
des prés et des forêts.

Insectes de métal,
sur le mur punaisés,
continuez à veiller.



Un triangle verd

A l'Aina petita,
per molts anys
de vida i d'amor

Sorollosa petita,
manyaga i concentrada.

De la mà de Julie,
combregues amb la festa.

De Millars ets reineta
i d'Aire Nou, mascota.

Us observa l'Alícia,
com mare, com amiga.

I totes tres formeu
un bell triangle verd!















foto: Alícia Bosch Mesegar

Dans les yeux de Clémence

 J'ai retrouvé la joie 
dans les yeux de Clémence.
Une histoire d'étoiles,
mon nez rouge en rhapsode.

J'ai fait de son regard
un doux inspirateur
et j'ai tiré du lieu
les détails de mon conte.

J'ai retrouvé la paix
dans la voix de Clémence,
courant dans la maison
pour exprimer sa joie.



mardi 19 août 2025

Un départ pour sa terre

Le vent se lève,
il faut tenter de vivre.
                Paul Valéry

On a gréé la barque,
le départ est prévu.
Sur le quai de Port-Vendres,
les amis sont venus.

La noble catalane
est lourde de présents,
de baisers, de caresse,
de souvenirs anciens.

Les enfants se souviennent,
qui tiennent le cordage.
Ils le lâchent soudain
quand vient la Tramontane.

Le terme en est connu.
C'est l'île de Minorque.
L'anse de Binibeca
avec son sable blanc.

Les frères

Elle nous aimait tous deux,
elle nous aimait chacun.
Elle parlait de ses fils,
mais elle aimait les frères.

Notre complicité,
née au printemps des ans
et que le proche automne
patine de détails.

Notre appel d'hier au soir
en est la preuve vive.
Notre mère partie,
les frères la font vivre.

Comme une offrande

Elle est allée chercher
du poulpe pour son fils,
au marché de Sarcelles,
un dimanche d'été.

C'est un pèlerinage,
un retour au passé.
Tout l'amour d'une mère
pour son fils attristé.

Ils se sont attablés
autour du plat brûlant.
Leur silence à tout deux
était comme une offrande.

Esquellots d'agost

Esquellots dels ramats
que passen a la nit.
El cel de cotó gris
no plora Sant Llorenç.

Escoltem els sons lents,
estirats en hamaques.
Hem apagat la ràdio
i gaudim la frescor.

Hem confiat al cel gris
tots els nostres desitjos.
Unes coses petites:
la pau i la concòrdia.

Mes noires pages blanches

Mes noires pages blanches,
mes insomnies d'été.
L'absence de la mère,
ton souffle à mes côtés.

Mes yeux sont desséchés.
Qu'il me coûte d'écrire.
Et pourtant je le fais,
en clignant des paupières.

J'ai perdu ma lectrice
et pourtant tu es là,
qui me liras bientôt,
le front sur mon épaule.

Elle m'a donné la vie
mais là mort me l'a prise,
petite dame vive
qui aimait tant la terre.

Que cette nuit est froide
qui bientôt ne sera.
Que belle est cette terre
oû tu attends mes pas. 

dimanche 17 août 2025

Cadavre-exquis

C'est un cadavre-exquis,
de couleurs et de formes.
La feuille se déplie
et naît la silhouette.

La présence gracile
d'une chimère neuve.
Une tête de faune
et trois échasses grêles.

Au centre est l'abdomen :
une robe jolie,
unissant les dessins
qui parachèvent l'œuvre.





















© Jérôme, Anaïs & Camille


Une pierre bleue

C'est une pierre bleue. 
Un saphir de frontière, 
cueilli par un douanier 
finissant sa journée.

Un cabochon de nuit
pour fermer un anneau
fruit d'une poignée d'autres,
portés par les ancêtres.

Un bijou symbolique,
sceptre d'une lignée,
que les doigts nus refusent
pour le donner au cou.


 

Au sortir de son lit

En chemise de fil
et pantoufles de feutre,
maman aimait surfer
au sortir de son lit.

Les courriels de ses fils,
les poésies nocturnes,
les nouvelles du jour
cueillies en plusieurs langues.

La fenêtre était vaste
et son esprit curieux.
Elle s'unissait au monde
en un remerciement.



Un kiosque à Malo-les-Bains

La musique à cessé.
les musiciens partis,
le kiosque retrouve
la froideur du béton.

Avril soixante-trois,
sur la Place Turenne,
une femme regarde
l'étrange construction.

En son sein un enfant,
à sa main son aîné.
La musique reprend
et Malo lui sourit.

samedi 16 août 2025

La fille du soleil et de la mer

Elle virevolte seule,
dans sa verdeur pâlie, 
étrangère au regard
des passants qui la fuient.

Elle est née du ressac
des vagues de l'été,
cherchant dans le soleil
une union passagère.

Et le moment s'installe,
pour crier aux façades
et aux marchands du temple
la peine de la mer.

Il y avait autrefois
sur cette place grise
de goudron et de pas
une côte légère.

Du sable et des buissons,
les filets des pêcheurs,
les barques reposant
avant le lamparo.

Un jour viendra peut-être
où la mer rejoindra
la statue de Vanczak
qui vit de son ressac. 



















Photo : Carolyn Wood

Samedi neuf août

C'est le jour de maman,
c'est le jour de Fatiah.
Un jour d'été somptueux
dans un quartier tout blanc.

C'est comme un condensé
d'une vie de sourires,
où l'heure réunit
deux berges de la mer.

L'Algérie de Fatiah,
lointaine et adorée.
La plage de Collioure
dans le cœur de maman.

Et comme un point médian,
Minorque l'île blanche,
terre de deux lignées,
Guasteví et Gomila.

Ce fut un jour heureux,
autour d'un bol de soupe,
la chorba de Fatiah,
comme passion magique.

Maman s'est endormie
dans la nuit qui suivit,
en gardant dans son cœur
le soleil de ce jour. 
















© Gumersind Gomila

vendredi 15 août 2025

Assomption

C'est le jour de Marie
et elle nous a quittés,
pour rejoindre la Vierge
qui fait des mots croisés,

sur une table jaune,
dans le Jardin d'Eden
avec une brunette 
qu'on appelle Florence.

Elle lui apprend à lire,
entre les cases noires,
les mots de la tribu 
de ceux restés ici.

Perte

   Que cette terre est belle.
                Maryse Bourret

J'ai perdu ma lectrice,
j'ai perdu son regard.
Son émerveillement
devant chaque poème.

Elle me disait souvent :
Comment fais-tu, Michel ?
alors que je tirais mes vers
de son éducation.

Une curiosité constante,
la passion de la vie,
le choix d'objets petits
pour s'exprimer en grand.

Un instant d'absolu

C'est l'ombre d'un visage,
c'est l'ombre d'un chapeau,
qui confie à un oncle
le départ de sa nièce.

La grâce d'un bristol, 
par les regards usés
et la délicatesse
d'un instant d'absolu. 





Dels presents als absents

El somriure dels ulls,
el somriure dels llavis.
Un instant de silenci
enmig de la conversa.

Convergeixen mirades,
l'estiu atura el temps.
Han buidat el seu got
pensant en la Marisa.

La Marisa elegant
que se solia asseure
a la mateixa taula
amb el seu fill Alain. 


Foto: Carolyn Wood 





La mort del garrofer

El garrofer ha mort.
Ai, pobre garrofer...
El garrofer d'en Paco
ofert à la Marisa.

Una llavor de l'illa
una llavor de vida. 
Les fulles de tardor,
la crescuda dels anys.

Les brases de l'estiu 
cremant la galeria,
l'escassetat de l'aigua,
el finestral tancat.

Il y eut...

Il y eut cette embrassade
sur le seuil du palier.
La mère avec la fille,
la fille avec la mère.

Il y eut ces mots si beaux.
Il y eut ces mots si simples.
Des galets gris usés
par le torrent des jours 

Il y eut cette autre femme
dont le parfum flottait
sous la lumière jaune
d'un plafonnier d'été.

jeudi 14 août 2025

La fille de Minos et de Pasiphaé

Ce sont des fleurs séchées
d'un jaune éblouissant
qui font un beau bouquet 
pour rappeler les goûts

d'une femme de l'ombre
qui aimait le soleil
et l'or des fleurs cueillies
pour éclairer sa table.

Madame Guasteví
incarnant un instant 
la fille de Minos 
et de Pasiphaé.




Hasard précieux

Derrière la maison,
à l'heure du dîner,
Ils se sont réunis
pour converser ensemble.

Le sourire les guide,
au hasard des propos.
On parle du passé
mais surtout du présent.

C'est un hasard précieux
qui les a attablés
derrière la maison,
à l'heure du dîner.

Trio

Deux femmes en soirée,
deux femmes discutant
dans un coin du jardin.

Une troisième est là,
échappant à la vue
mais rêvant dans le vent.

Une femme petite,
fille d'un cafetier 
et d'une artiste en herbe.

Quel trio merveilleux : 
deux femmes souriant
au bras d'une troisième.


Potion magique

C'est la potion magique
préparée par Fatiah 
qui régale à minuit
la lignée réunie.

On ne peut la décrire,
on ne peut que l'aimer,
cette soupe brûlante
tirée d'une marmite.

Je l'ai souvent reçue
au pied du vieil immeuble
avec deux pains tout ronds
de semoule pétrie.

La chorba dont maman 
me disait qu'elle l'aidait
à reprendre des forces
pour affronter la vie.

Et voilà qu'elle enchante
ses petits fils aimants
rendant à leur grand-mère
un hommage épicé.

Infirmiers

À Sébastien, Inès et Caroline

Ce sont les infirmiers
d'un quartier de blancheur,
frappant à chaque porte
pour panser les douleurs.

Ils viennent le matin
et repartent le soir
ne ménageant jamais
ni leur temps ni leur aide.

Ce sont les messagers
de la bonté humaine
qui parlent en soignant
les âmes avec le corps.

Ma mère les connut
avant la mort soudaine,
ma mère les aima
saison après saison.


Filius dolorosus

À mon frère chéri

Il cherchait le mot juste 
pour exprimer la peine 
et ce fut la douleur
qui frappa à son front.

Douce comme l'image
de la mère en allée
et terrible à la fois
comme un malheur ailé.

La douleur des semblables
devant les yeux fermés 
et les mains à jamais
croisées dessus le torse.

Il aimait sa maman
dans de menus détails 
qu'il voyait à présent
silencieux sur la table.

Mater dolorosa,
filius dolorosus.
Le calvaire aplani
sur une nappe jaune.

Lunettes préparés
pour un matin d'été
qui jamais ne viendrait
après la nuit funeste 

et l'incompréhension
devant le bois verni
où sa mère vivrait
des siècles de silence.

mardi 12 août 2025

Comme dirait tonton Michel

Les jouets c'est la vie 
et le serpent sillonne 
sur le lino usé.

Comme un tour de magie
la main d'Adam réveille
les jouets endormis.

La vie c'est de jouer 
un peu plus chaque jour,
sans cesser de sourire.

Une noble meunière

Il y avait tant de joie,
au milieu de leurs pleurs.
La joie de tes voisins
célébrant ta bonté.

Bien plus d'un demi-siècle
à parler à chacun,
à consoler les peines
et sourire aux naissances.

Tu as vu battre un cœur,
tout le cœur d'un quartier,
notre Moulin-à-Vent,
saisi de ta fenêtre.

Elvire et sa poussette,
Pépé fumant sa pipe
et Jean-Charles montant
tenir sa pharmacie.

Il y avait tant de peine,
dans leurs yeux embués,
citoyenne d'honneur
de notre beau quartier.



La voix de Khadija

La voix de Khadija,
la voix de la douceur.
La voix d'une famille
partageant notre peine.

La lenteur de ses mots,
graves et respectueux.
Tout un passé de jours
revenant parmi nous.

La famille Chaib,
avec ses deux piliers :
le souriant Harrag
et notre sœur Fatiah.



lundi 11 août 2025

Que cette terre est belle !

Que cette terre est belle !
disait-elle naguère,
devant le gazon sec
et les murs aveuglants.

Elle aimait cette terre
jusque dans ses détails.
Un hanneton perdu
en marge de la rue.

Que cette terre est belle !
disait-elle à Fatiah,
en songeant à nous autres
poursuivant son chemin.

Un verre d'eau tiédie

Un verre d'eau tiédie,
sur un rebord de table,
et je revois ma mère
s'abreuvant peu à peu.

Une élégance lente,
le prix de chaque chose.
De l'eau du robinet,
pas de l'eau cachetée.

Un verre d'eau limpide,
le miroir de son âme,
et sur sa main jolie
des loupes par milliers.



Pour ton dernier voyage

Pour ton dernier voyage,
tu partiras léger.
Un chemisier à fleurs
et une jupe blanche.

Tes souliers si récents
qui sont couleur de sable.
Du sable de ton île
et de Canet si proche.

Des teintes élégantes,
le souffle de l'été.
Des objets en sourire
et mon cœur qui te suit. 





Les larmes de Fatiah

Les larmes de Fatiah,
la compagne fidèle
de l'hiver d'une vie
qui finit en été.

Les larmes de Fatiah,
après son rire franc
qui égayait tes jours
et apaisait tes nuits.

Les larmes de Fatiah
écoutées hier midi,
devant l'immeuble blanc
où elle t'accompagnait.

Les larmes de Fatiah
et ton visage beau
devant ce plat de soupe
que pour toi elle faisait.

















Dernière photo de maman
par Fatiah, le neuf août, à midi.

Liseuse

Tu aimais la lecture
qui te tenait assise
dans un fauteuil d'osier,
auprès du long buffet.

Tu lisais des romans
que je te choisissais
au hasard des idées
que tu me suggérais.

Il y a, dans ta liseuse,
cette poignée de livres
qui partent avec toi,
ma précieuse maman.

Trente ans

À la fille petite du Café Rouge

Le siècle avait trente ans
et tu étais la petite,

la petite dernière
de cafetiers d'ici, 

venus d'une île proche
dont ils avaient l'accent

et déjà tout enfant
tu lisais en public

les vers de ton cher oncle
chantant notre Collioure.

Ce siècle aura trente ans
et tu es notre grande.

Llapis blau

M'has ensenyat la llengua
d'un poble mil·lenari,
en les nostres converses
després dels encreuats.

Un ram de flors lleugeres
dins d'un vas de cristall,
bevent de l'aigua clara
dels segles proppassats.

M'has donat la confiança
d'un locutor novell,
traçant el meu camí
amb el teu llapis blau.

Ta lampe

J'ai retrouvé ta lampe,
au creux de tes draps blancs.
Le cylindre d'argent
qui te guidait la nuit.

Et je t'y ai revue,
marchant à pas comptés,
de ta chambre au couloir,
du couloir à la chambre.

Ta lampe m'a confié
la chaleur de ta main,
la force de tes pas
sur mon chemin de vie.

dimanche 10 août 2025

Le soleil du Moulin

À la mémoire de notre mère
et grand-mère

Elle était le soleil,
un soleil en petit,
un soleil qui caresse
et ne dessèche pas.

Elle donnait à chacun
le prix de l'attention.
Sa parole était juste
et son cœur généreux.

Sa voix était cassée,
douce coquetterie,
et elle nous parlait fort
dans sa cuisine jaune.

Elle s'en est allée
ce dimanche en dormant,
sur la pointe des pieds,
pour ne pas déranger.



samedi 9 août 2025

Lluna negra

La lluna no té pressa.
Theodor Kallifatides

La lluna no té pressa.
Qui la mira s'ho creu,
quan la veu retallada
per la cursa del sol.

Tan clara té la faç
que presenta a tothom.
Tan fosca és l'amagada
que no coneix ningú.

Aquesta lluna negra
invita a l'ataràxia.
La lluna no té pressa,
la lluna negra almenys. 



Tant qu'il...

Tant qu'il me reste à vivre,
tant qu'il vous reste à lire.
Mes vers parmi les livres
qui vous sont un bouquet.

L'hiver déjà frissonne,
tout au creux de la source.
La source de l'Évêque
où m'ont porté mes pas.

Tant qu'il me reste à lire,
tant qu'il vous reste à vivre.
Mes yeux sur les récits
que je lis avec vous.

Lettre de son Moulin

    Que Daudet me pardonne...

C'est l'homme du moulin,
la voix qui vient après.
Le souffle du passé
à travers une lettre.

Les mots en sont choisis,
la dignité superbe.
Tout comme un chuchotis
monté à la tribune.

C'est l'homme du moulin
qui se confie soudain,
quand le lit s'est fermé,
dessous la lune noire.

Un brin de paradis

Il a fêté hier
ses trente-six étés
avant la lune pleine
qui comblera ses souhaits.

Un cadeau de Sophie
préparé en secret.
Une escapade tendre
au pays des grands peintres.

Et le temps a cessé
son incessante course
pour offrir à tous deux
un brin de paradis.



Lune du monde

La lune est sur le monde,
avec ses cicatrices.
Une face veinée
de tant de pleurs actuels.

Les pleurs des enfants nus
quémandant la farine
qui maquille son disque
à l'heure du coucher.

Ici on l'a regarde,
le cœur plein de désirs.
Là bas on s'en détourne,
le corps plein de blessures.

Lluna de l'esturió

De l'esturió la lluna.
Lluna plena d'agost.
Els amants la saluden
amb desitjos callats.

La foscor és de foc,
Com el vermell d'un ou.
Un rovell de llum clara
per fecundar la terra.

De l'esturió la lluna.
Moneda de gegant.
Al Miracle l'he vista
un divendres d'agost.

vendredi 8 août 2025

Désormais

Sur deux vers empruntés
par mon cousin

Elle revient désormais,
sous un nouvel aspect,
la fille des faubourgs
et des petits cafés.

Elle a choisi sa place
dans l'ombre du côteau,
tout de près de ce jeune homme,
aux deux trous au côté.

Elle parle avec Rimbaud,
Vallès, José Bové,
tout en maniant la langue 
qu'avec nous elle parlait.

jeudi 7 août 2025

Deux gentleman

Ce sont deux gentilhommes
d'un monde sans noblesse.
Si l'un côtoie les chiffres,
l'autre cueille des vers.

Ils ont sur notre monde
un regard sans aigreur,
délaissant la puissance
pour le cœur des petits.

Ils grattent la surface
du vernis mensonger
pour rendre à la matière
la candeur du vieil arbre.

Ce sont deux gentilhommes,
ou, mieux, deux gentleman.
Nostalgiques d'un temps
dont ils font leur demain.

À l'ombre des cyprès

Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
                                                             Paul Valéry

Je repense à demain
et je pense à treize heures,
dans un coin de Paris
après midi sonné.

Je pense à Frédérique
que je n'ai pas connue
et à tous ses amis
qui seront là pour elle.

À l'ombre des cyprès,
parmi des noms fameux,
un lit attend déjà
la dormeuse éternelle.

Et pourtant l'air s'emplit
de son rire et des yeux
dont elle faisait profit
à tous ceux qui l'aimaient.

Un jour, dans le Quinzième,
mon cousin m'en parla.
Et son prénom naquit
d'entre les vers futurs.

La mémoire est ainsi
qui fouille le passé
pour rendre à l'avenir
la grâce méritée.














Sanctuaire du Miracle (Catalogne)

Tot esperant el rostoll

Han segat el blat ros.
Han fet callar les màquines.
El camp és de silenci
i d'espera pacient.

Recolliran la palla,
en faran unes bales
per preparar l'hivern,
el recer de les bèsties.

Friso per retrobar
el rostoll del Miracle,
el calendari gris
de l'any que va passant.



Els barrets dels amics

A l'Elena i a l'Hervé

Els barrets dels amics.
De palla i de desig.
El desig del descans,
la palla del deler.

Han deixat el vilatge
per la costa d'agost.
El vermut a la fresca
i la conversa amena.

Els barrets dels amics
són el meu calendari
a l'hora de les gràcies
donades a l'entorn.

lundi 4 août 2025

Banc suggestiu

Adossat a la casa,
ens espera el banc vell,
amb respatller corcat
per tant d'anys malanats.

S'hi recolzen ancians
nostàlgics de la infància,
quan jugava la colla
a saltar i parar.

Requereix la lectura
un banc amb historial
per regalar a tothom
un seient suggestiu.



Trumfes bullides

A la memòria de l'avi Francesc

Amb all i julivert,
les trumfes del dinar.
Oval de perfecció
amb un raig d'oli verge.

Han bullit vint minuts
en un fogó proper,
ballant en pell de bruixa
i carn de peixeter.

Les menjarem aviat,
com un agraïment
a la feina dels homes
que ens donen els seus fruits.