à mon père
Tu aurais eu quatre-vingt-quatorze
printemps en cette chaude journée,
près des traverses goudronnées
que tu aimais. Tu me disais, narquois,
que le monde n'existait pas avant ce jour
de juin de mil neuf cent vingt-cinq.
Je me récriais, flattant ton immense
mémoire, tu ne répondais pas. Tes beaux
yeux bleus s'étaient délavés au fil
des ans et Proust, pages serrées, dormait
auprès de Balzac dans la grande bibliothèque
sombre. Tu avais peut-être raison, je n'y étais
pas. Mais là, un an et onze jours après que
la chaleur eut quitté ton front, tu es là
par la voix et le geste que je n'oublierai pas.