vendredi 26 septembre 2014

Je ne suis qu'un truchement

Étudiant le discours des antipodes dans les proses française et espagnole du XVIe siècle, voici bientôt trente ans, je me suis intéressé à l'humble figure du truchement qui, sans autre outil que son oreille, sa langue, sa mémoire et son intelligence, aidait les hommes à se comprendre. Je lisais alors Cernuda et j'étudiais Montalbán. Or en exergue de Los mares del sur, le vers de Salvatore Quasimodo "più nessuno mi porterà nel sud" m'était un écho de "Quizá mis lentos ojos no verán más el sur", premier vers d'un poème du Sévillan qui se réclamait de son seul désir. Deux vers masculins, un décasyllabe pour l'italien, un alexandrin de quatorze pieds pour l'espagnol. Une même nostalgie pressentie et un paysage qui s'évanouit cependant que les yeux avouent qu'ils ne pourront plus l'embrasser.
Alors oui, poète, professeur ou traducteur, je ne suis qu'un truchement qui met des mots sur la gerçure d'un sourire.