Ils se sont tus, il y a longtemps déjà.
Sur la nuit des terrasses, dans la ville
chaude et bruyante. Baisers de mots
soufflés dans le cliquetis métallique
des anciens combinés. On refaisait le monde,
sans vraiment y toucher. Les points cardinaux
étaient posés. De Dunkerque à Tamanrasset, comme
aurait dit un vieux général, secoué par un combat
second, et dont la verve césarienne savait encore
faire mouche. À force de caresser entre nos mains,
le globe de métal et de jouer, yeux clos, à découvrir
les lieux du monde où nous pourrions aller, nous nous
étions tracé une géographie de fantaisie, avec son pôle,
son équateur et ses points cardinaux. Le temps était nôtre,
si l'espace nous était refusé. Alors les baisers... De sel
et de passion, de lèvres éprouvées d'une pulsion, puis desserrées
avant que le sang qui les gorge au monde ne s'écrive. Peaux collées,
épousées, tièdes de la sueur proche des haleurs descendant les canaux.
Des mots, de sages mots. Des mots fauves sentant la savane âpre,
la joute délicieuse au bord de la mer en été. Le tulle délicatement
enlevé, la saharienne sur le rivage brusquement déposée, les pieds
des amants nus faisant du sable une joyeuse panade milanaise avant
de courir souples et comme dissociés dans le soir finissant.
Nostalgie ? Non pas. Bonheur serein. Je sens la voile se gonfler.