lundi 31 mai 2021

ORBIS TERRARUM

Le vent s'est posé et la pluie volette,
inconstante ondée qui ne fait que passer,
jalouse du soleil qui darde ses ultimes

rayons. Or tendre des feuilles nouvelles,
qui renvoient dos à dos l'eau et le feu,
avant de les inviter à un joli pas de deux.

Rafraîchi par la bruine, le soleil se défait
et son ample cape devient manteau d'Arlequin.
La terre n'est plus plate. Orbis terrarum!



samedi 29 mai 2021

Angulaires

Les angles se coupent
et se recoupent, d'ombre
et de lumière.

Nulle baie pour taire
aux autres l'intimité
d'un instant.

Dans un recoin, le velours
et le bois précieux, tapis,
invitent au recueillement. 



La maison que je veux / La casa que vull

From Edward Hopper
La maison que je veux toute à nous
a une porte ouverte sur la liberté
avec une brise marine pour nous dépeigner,
des paysages  au goût de sel et des champs semés.

Des fenêtres qui nous lancent à l'aventure
de nous laisser surprendre et de naviguer,
et, en même temps, la discrétion d'une cheminée qui flamboie
et réchauffe à tout moment nos cœurs fatigués.

© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

La casa que vull que sigui ben nostre
té una porta oberta a la llibertat
amb brisa marina que ens despentini,
paisatges amb gust de sal o sembrats.

Finestres que ens llencin a l'aventura
de deixar-nos sorprendre i navegar,
i alhora, discreta, una llar que cremi
i escalfi a tothora els cors cansats.

QU'IL EST DUR DE VIEILLIR...

Un ancien premier ministre français, candidat malheureux à la mairie de Barcelone, s'est ému récemment de la pochade qu'avait réalisée à son endroit une émission à succès de la télévision catalane.

Cet éternel jeune homme connaît depuis quelques années une érosion rapide à la mesure du rythme effréné auquel il nous avait habitué et dont le fond de teint de sa caricature est un signe assez juste.

Quand il a pointé son nez dans la course à la magistrature suprême, parlant à l''envi dans un catalan qui est sa langue première mais qu'il a toujours refusé de parler dans les Pyrénées Orientales, le cantonnant à quelque intervention gouilleuse en Andorre, tous mes amis d'Horta, son quartier d'origine, dont deux grands écrivains, me félicitaient comme si j'avais quelque chose à y voir. 

Puis, au fil des mois, ils ne m'en ont plus parlé. À l'approche du scrutin, il n'y avait, dans son quartier, qu'une seule affiche de campagne hâtivement ficelée à un arbre de l'avenue qui y mène et qui porte le nom d'un très grand poète catalan, grand-père d'un grand maire et président de la Généralité.

On connaît la suite de ce qui ressemble, il faut bien le dire, à une pantalonnade, sous couvert de palinodie.  

Je ne parlerai pas, toutefois, en tant que Barcelonais de cœur, mais de Minorquin d'âme et d'origine. 

Cet émule de Rastignac, au nom de dépression géologique entre deux éminences montagneuses, a insulté l'île de mes ancêtres à deux reprises. 

Tout d'abord par un mariage dispendieux qui était insultant pour une population aux minces revenus, puis en se carapatant dans une luxueuse propriété appartenant à sa fraîche épousée, patronne d'une entreprise pharmaceutique florissante, pendant le premier confinement, alors que le COVID faisait des ravages sur l'île.

Je ne dirai rien des lourdes allusions que glisse le clip (le Mac chipé, la veste farcie de gros billets), je n'en sais rien ni ne veux le savoir.

Je me contente de songer à une vieille dame digne qui avait apprécié l'ancien édile d'Evry et qui en parle maintenant avec une lucidité que seuls les chansonniers osent avoir.

Sic transit gloria mundi.

PS : il y a quelques années j'ai prononcé au Ministère des Finances, en espagnol, une conférence sur les transformations urbanistiques de Barcelone à la faveur des Olympiades. On avait annoncé sa venue...ajournée pour cause de défense d'un 49.3 devant l'assemblée. Un signe, déjà ?




Un ram fugaç

Tendra ofrena de nens 
entremaliats al migdia.
De roselles, un ram. Fugaç



Nature et culture

Tendres émanations
de jaune et de vert.

Libre feuillage pommé
aux courbes turgescentes.

Évanescence du graffiti
qui feint l'effroi du coup

de frein avant de disparaître.
En témoins, les herbes grêles.



Palimpsest

Pàl·lid imprès, palimpsest.
Taques brunes de tinta amiga
que deixa una dedicatòria

en tancar-se el llibre. Gairebé
invisibles, com constel·lació
de cor i d'ànima. Gargots vans

que només diuen que un canell,
un dia, s'esforçà i imprimí el seu
pas per aquesta terra de llibres.



jeudi 27 mai 2021

De porta endins

Una platja de llençols prims amb
lluentons estrellats. Silenci de 
molsa fresca amb un dring temblorós.

La intimitat s'hi viu, no s'hi proclama.
Converses moltes, carícies i fregaments 
inconfessos, fan de la cambra petita

un univers cardinal. Pluja bona d'àtoms
innumerables. Per poc es diria que la lluna
està festejant amb venus. O qualque escorpí.

Home sweet home

No vull una casa de granit dur
i catifes flonges, amb escala
de caoba i música mel·líflua.

Vull un prat bord, de terra endins,
al fons d'un vell carreró oblidat, 
de roselles moltes i poques abelles 

tafaneres. Un lloc íntim on aparcar
el meu cos cansat i la meva ànima
desperta. I estimar-t'hi. Estimar-te...



Déployer les volets

Quelqu'un avait tiré
les lourds volets d'acajou.
Je ne voyais plus le parc

de ma place. Alors, délaissant
les manuels d'économie inclinés,
je me levai et m'en fus les ouvrir,

sans nulle autorisation de l'employée
assise devant son écran. Quelle ne fut
pas ma joie devant le spectacle muet

des enfants courant autour de la pièce
d'eau et des cygnes déployant leurs ailes.
En partant, je négligeai de tirer les volets.

Nit d'esma

No ensumarem mai
l'agra flaire dels malsons,
d'abraçar-nos tant.

Sourires

Je souris en silence.
Je t'écris et tu ne
le vois pas encore.

Tu souris en silence,
paupières closes, et 
ne le sais pas encore.

La plage est de noir
pailleté et mes doigts
courent sur le clavier.

Ton souffle

J'aime écouter ton souffle régulier,
la nuit quand le silence se fait
et que l'obscurité se teinte d'orange

vif. Je suspends alors le mien et me fonds
dans ta respiration, imaginant tes paupières
closes comme autant de voiles sur le lac

de Constance. Heures longues, tendres minutes
acidulées comme un bonbon tout rond de la Pie
qui chante
. Je peux alors m'endormir. Avec toi.

mercredi 26 mai 2021

Gòndoles

Gòndoles a la nit,
tan lentes, tan suaus.
Gòndoles de pell clara

sobre l'albufera de cotó blanc.
Sorra arrugada per on voguen
peixos nus i llaüts tendres.

Gòndoles al matí,
enlluernades, atònites.
Gòndoles ja despertades.

Et si on jouait...

À mon frérot

«Et si on jouait
à ce qu'on serait
des frères...»

Syntaxe alambiquée
de ceux qui s'aiment
et naissent à la langue.

Cinquante-huit années
se sont écoulées, si proches
ou douloureusement éloignées

et pas une ombre ne s'est dessinée,
entre lui et moi. Un vocabulaire
s'est tissé, que je garde secret

mais que nos enfants connaissent,
proches eux aussi en tant que Cousinets.
Joyeux anniversaire, mon cher Alain !

mardi 25 mai 2021

Une sorcière échevelée

Elle n'a voulu, ni l'or des Amériques,
ni les joyaux doux d'un ami minorquin,
elle a préféré offrir, entre deux rires,

des fils d'argent, à mes doigts fatigués.
On la croit au volant d'un monstre de la route,
mais elle dit convoyer des amis au pas lent,

dans nos rues tout étroites. Elle fait des onguents,
des sirops embués et de drôles de potingues. Elle joue
à la sorcière. Mais, elle si bonne, l'est-elle vraiment ?

Innamoramento

Les fenêtres sont larges,
qui jouent aux quatre coins.
Pas un bruit ne perce.

Au dehors, comme un défi
à l'intraitable gravité,
deux pulls, encore mouillés,

se balancent en cadence.
Les manches se frôlent.
Subtile sensualité.



Il aura fallu

Il aura fallu des heures
et bien de la patience
pour que cesse le lent

cliquetis des roulements
à billes. D'un cycliste
printanier, rattrapé par

la fringale ? Non. D'une
jeune fille en fauteuil,
qui dévore des livres.

Síndria

Al Joan, bon amant
de la nostra llengua

Una síndria partida,
ni bífia ni bífida,
un regal de la terra

amanyagada, a finals
de maig, per amants
assedegats. Maragda

presumida i rubí tímid.
Haurà festejat la terra
amb aigua? O amb sol?

Fulles i fulls

Tarda somnolenta.
Suaument replegats,
inclinats alguns,

els llibres dormisquegen.
Olor de fusta bona i cera
oblidada en qualque raconet.

A fora se senten refilets
i ballen lentes les fulles
vernals. O seran fulls arrencats?



Una conversa

De nit, a les fosques,
amb flaire de mel i llet.
Una conversa lenta, un batec

de pell i llavis que s'escolten
i es comprenen, des de més d'un 
segle compartit. Un xerrar suau

a les palpentes, esperant el trenc
de l'alba, mentre cantussegen baix
els ocells d'un carreró de vila.

Compassion

La compassion. Pas la pitié.
Le bras autour de l'épaule
qui grelotte, pas la pièce

de métal vil qui tranche et
soumet. La parole qui se pose
et écoute enfin, sans juger.

Aimer l'autre sans le réduire
ni le posséder. Ni même songer
qu'on l'aime, en le regardant.

Le considérer. Vieille étymologie.
Comme on embrasse, du regard,
les étoiles du firmament.

Laisser infuser, tout doucement
cet amour universel qui nous tient
liés et libres. À jamais. Pour si peu.

lundi 24 mai 2021

Caminem

Caminem per la sorra,
ambdós, a passes lentes,
no ens deixem guanyar
per la tramitació.

El camí és molt llarg,
la flaire saborosa.
I de la font al doll,
només veig ton somriure.

Em donaràs confiança
t'interrompré sovint.
Ambdós fecundarem
el camí per seguir.


Parle-moi

Parle-moi du chemin,
de la sente humide,
du tendre romarin,
dessine-moi tes rides,

quand j'ai les yeux fermés.
Pour qu'elles m'accompagnent
du printemps à l'été,
vers l'hiver et l'automne.

Parle-moi des senteurs
que les journées dérobent
et de ce long bonheur
que la nuit nous accorde.

vendredi 21 mai 2021

Funambule

Funambule entre deux langues,
je laisse les Pyrénées geler
mes basques et me voler deux

ou trois mots cependant que,
hardiment, je les franchis.
Rude barrière du Cadí et,

dans les prés, le beurre tiède
des boutons d'or. Dis-moi, belle
ombre, m'ofereixes lletoses?














By Courtesy Of Roser Blàzquez Gómez

Tan dolç com...

Tan dolç com un nom de poeta,
llegir epigrames del Marcial
em bressola el cor. I l'ànima.

Esclaus alliberats pels bons mots,
retrets i insults oblidats. La vida
agra o saborosa que tan pocs professors

de llatí saben comunicar, quequejant
declinacions com qui caga a les fosques.
Amb xuletes vanes, m'he fet avions de paper.








Conco, saps una cosa?

Conco, saps una cosa?
Han donat es teu nom
a un certamen poètic,

una ventada de versos
joves, de S'Altra Banda
al teu carrer de Gràcia.

Conco, saps una cosa?
Diuen que ben prest 
batejaran es fillets

amb es nom de Gumersind.





Escarapel·la de colors

Porto a la solapa
una escarapel·la de colors
un regalet de la natura,

a la vora dels caminois.
No vull senyal de partit
ni de convicció volàtil.

Em deixo endur pel ventolí
de la plana i el torb dels pics.
Quan aterrarem, senyora lluna?





















By Courtesy Of Roser Blàzquez Gómez

Albertianes

Una encaixada de mans,
a la biblioteca nova,
sobtada i, alhora, lenta .

Un gest tan vell com pur,
d'exquisida cortesia i que
havíem après a oblidar.

L'Albert em saluda i conversem
una mica. Em quedaré pensatiu,
agraït, i colliré un volum en llatí.

Escriure

Escriure. Des d'una biblioteca
petita, silenciosa, a la fresca,
sabent-te al pis de sota.

Escriure per a tu. Emmascarat,
amb ulls de foc i mà de tinta.
Viure aquests minuts de cómplice

presència i deixar vagar l'esperit,
cap a una platja de sorra fina,
a Tossà. O Binibèquer...

jeudi 20 mai 2021

Sira

No us mostraré
son rostre bonic,
que els rostres

nounats són fràgils
i de pares amants.
Us oferiré tres dits

que ja fan irradiar
el llençol de cotó,
com alba llevantina.

Dits delicats, ja forts
i llestos, de nissaga
bona i keikogis llampants.

La vida s'escriurà a poc
a poc, seguint son ritme bo.
Beceroles de llar i de Sira.



mercredi 19 mai 2021

«Oh my god!, what happened?»

«Oh my god!, what happened?»
Dernières paroles d'une princesse
aux abois. La vie n'est déjà plus

et les mots sont de sable. Le cœur,
par deux fois, ou trois, s'arrête.
La voix s'envase et le sourire meurt.

Plus de vingt-trois ans écoulés,
avec les larmes de ma belle sœur,
et ces mots ultimes qui m'obsèdent.

Haiku vain

Ma chanson est tendre,
or elle a perdu ses mots.
Les retrouverai-je ?

Nit d'insomni

Nit d'insomni, vent de bojos,
últimes hores sota l'estricte
jou de l'antic toc de queda.

L'hule groc viu, tan silenciós 
entre els cruixits, m'invita
a escriure, mentre estàs dormint.

Hores de pau, abans del retrobar,
del cafè cremant i del cel de cotó 
fosc estrellat. Hores necessàries.

Et le soleil...

Et le soleil s'est enfin couché
sur l'ample estuaire de la Gironde.
Les oiseaux se sont tus, enivrés
d'iode et de sirènes criardes.

Les lamproies, au fond serein de l'onde,
digèrent la vase, échappant aux pêcheurs.
L'horloge a perdu ses aiguilles aiguës

et la belle, piquée au doigt par sa marâtre,
attend sagement son beau prince de papier.

Le soleil s'est enfin couché. J'écris. Et m'endors.

N'écrire qu'un livre

N'écrire qu'un livre, le ressasser,
le jour, la nuit, en tournant gravement 
dans sa librairie, laisser les inscriptions

en lettres de feu sur les poutres du plafond
infuser et se mettre à écrire fiévreusement,
comme si la vie en dépendait, car la vie, certes

en dépend ; elle dépend du faire qui n'est jamais 
tout à fait lui sans le dire, l'écrire, en volutes
de suie ou en arabesques  d'encre brune.

Devenir enfin Montaigne, au terme de son vivre,
les pages refermées, alors que la folie des hommes
étrangle le voisin avec qui naguère on buvait.



mardi 18 mai 2021

Vents d'ouest

Au terme des express,
quand ceux-ci s'enrouent,
est la halte atlantique,

la bouffée saline et iodée
de l'aimé qui attend son aimée
et déjà emporte son bagage.

Que de nuits occupées à échanger
fiévreusement mots et musiques
et qui soudainement s'évanouissent.

Deux jours d'ombre et de lumière,
à laisser leurs épaules à la caresse
des vents d'ouest. Petite victoire

contre le temps et la terre limoneuse.
Victor est à Camille et ses traits
disparaissent soudain. Le silence se fait.

Un herbier

Un herbier de fantaisie,
patiemment constitué,
fleurs qui transsudent
entre les pages closes.

Mais un herbier moderne,
de clichés et de clavier.
Des poèmes illustrés,
encore non publiés.

Un herbier de Malvoisie,
pour enivrer sagement
l'aimé au cœur de braise,
l'aimée au cœur de sang.

Aloe Vera

À Roser

Plante petite, verte
et grassouillette.
On te tient à l'abri
mais tu es toujours là.

Telle une pince de crabe,
l'aimée en brise un bras,
pour en tirer une gelée,
royale s'il en est.

Et d'un geste lent,
elle panse son aimé.
Apaisée la brûlure,
le gel s'est évaporé.



Premi de cor, premi de tinta

A na F. i na M.

Qui té la tinta freda
li rebutja la mà,
gent de molt poca fe
i de cultura insulsa.

Mes el meu cor batega
quan li veig el somrís,
ma premiada és de cor
i els àngels mai vençuts.

lundi 17 mai 2021

No colliré

No colliré flors
ni les acariciaré mai
amb el dors de la mà.

Esperaré pacient que
me n'enviis els clixés
il·lustrats amb mots teus.

I deixaré que corrin lentes
per les meves venes amb
tendre batec d'heptasíl·labs.

Presència

Al bell mig de la nit,
al seu cor de sang viu,
pintes de blanc les parets.

Tendre agraïment de qui
no buscava despertar-se
i que rep l'insomni com un do.

M'invento el caminar ràpid,
sota un sol de justícia, entre
Moià i la gloriosa Artés,

una cava de vins, la gana
dels amics, un diumenge
de flors, sense rams, a ras

de terra, el somriure cansat
del rostre estimat, i les ganes
d'acompanyar-te sempre.

                                On siguis..

dimanche 16 mai 2021

Estràbic? Estrany hàbit.

Un somriure guenyo,
dibuixat a les palpentes,
m'ha robat el cor.

Ne s'use que si l'on s'en sert

Une vieille réclame, 
pour les piles Wonder :
ainsi vivent les langues,
loin de l'éternité.

Parler et converser,
échanger s'émouvoir,
ah la belle entreprise
qui ne vaut pas un sou.

Choisir un joli mot,
sur un beau coup de dé
et changer tout de go,
voici la liberté.

Parlez donc toute langue
sans crainte de l'user.
Et bien loin d'étourdir,
vous vous ferez aimer.



Tout le monde peut-il être poète ?

Je ne sais que penser, qui s'envole déjà,
et voilà que s'effeuillent la rose, le réséda,
les pâles lueurs vives de mon esprit curieux,
batifolant léger sur un nuage bleu.

Je me tais et contemple. Dans la foule si grise,
chaque face est un saint ; je ne sais que penser.
Le possible m'ennuie, lui préfère le souhait.
Devoir être poète, ah la belle entreprise.

J'en connais deux ou trois, qui songent à s'y coller,
cherchant dans le travail le parfum du gratuit,
la liberté soudaine, le vertige des sons,

ce brin de nuit de nacre où le sourire luit,
et les vers insolents visent le mirliton,
avant de s'endormir, sous les plus doux baisers.

samedi 15 mai 2021

BLANCHE REBUFFADE

Ultime enfarinage
de cet hiver entêté
qui refuse de se retirer,

et étend son blanc manteau,
tout en en faisant un glacier
de brume, de neige et de glace.

Blanche rebuffade 
de celui qui se sait vaincu
par le nouvel éclat de la vie.

© Roser Blàzquez Gómez, traduit
du catalan par Michel Bourret Guasteví


















photo : Lionel Itié

lundi 10 mai 2021

Raig

Raig de sol i de mel,
llampec lent de la pell,
fulgor melós dels llavis

quan em despertes a la nit.
Doll de llum i de llet,
batec tendre d'uns avets

entre mar i muntanya, a anys
llum de la vida innecessària.
Raig de mel i de sol.

Posta de sol

S'acomiada el dia
amb uns llençols de satí
i ta casa exulta.
















foto: Roser Blàzquez Gómez

Poppy

Aussi discret que libre,
bien caché dans un chapeau,

Poppy t'observe,
il a bien de la patience

et ne veut point t'effrayer.
Il s'approche lentement de toi
avec son museau et sa jolie frimousse.

© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví



Une rouille

À Sophie et Xavier

Une rouille à la sétoise,
entre de hauts murs blancs,
une rouille qui va mijotant

sous une baguette en bois clair.
Des calmars, du vin rouge de Mâcon,
et tout l'amour d'un jeune couple

qui va et vient avant de dresser
la table. Des vins fins, du riz noir
le charme unique de la famille réunie.



Il y eut

À mon fils Vincent

Il y eut les longues balades
à bicyclette, le long des halages
étroits, l'eau sombre et limoneuse,

les péniches aphones amarrées
et les mouettes venues du lointain.
Il y eut la ville évacuée, le gravier

gris, la signalétique hasardeuse, puis,
en marge du fleuve, les grands livres
dressés et ce bateau phare sans nuit.



Desig de nit

Calamarsa de nit,
trobada de bon matí.

Un grapat de sal marina
amb nostàlgia de port franc.

La miro tant que sento que es desfà
i em torna a la nostra platja illenca.

Mar llunyana, mont proper, calamarsa 
divina pels amants del desig fructífer.













By Courtesy Of Roser Blàzquez Gómez

samedi 8 mai 2021

Confluence

La rivière est un fleuve qui s'oublie
avant de buter contre d'autres eaux,
tempétueuses, celles-ci. Confluence.

Union de la force et de la langueur.
Le cours d'eau poissonneux se dilue
et se mêle à l'épaisseur de l'onde.

Ça sent la vase et le fioul bon-marché.
Où sont les haleurs qui faisaient le régal
des lavandières pour quelque menue monnaie ?

Un chemin oublié

Délaissant le halage,
la passerelle de bois
dur se perd dans la rive.

Épaisseur de l'eau languide
et fraîcheur du vent coulis.
Le matin est à la flânerie,

le long de la Varenne. Nul pont
pour les amours anciennes. La vie
exige de réinventer des chemins.



jeudi 6 mai 2021

אמן

Com un cargol cap al centre
del misteri, la joia dantesca
invita a caminar cavil·lant

i a resar amb paraules antigues
que uneixin els vius amb els morts.
Memento mori. Recorda que la vida

és fràgil i la mort tan segura. Però,
no deixis mai d’aprofitar-la i d’estar-li
sempre agraït. Per sæculis sæculorum.

Amén.





















By Courtesy Of Joan Bagur Garrido

mercredi 5 mai 2021

σύμβολον

5 de maig. Plorava l’anelleta vella
davant d’una finestra fosca. Havia
perdut l’aparellada, grosella tendra

del seu cos, goteta de sang rodona
de dos cors allavòrens agermanats.
De sobte vingué un home de ponent

fort, llest i arterós. Amb metall de terra 
mare i coral de la mar tan propera, li regalà 
l’ànima bessona que li faltava tant. Símbol.





















By Courtesy Of Joan Bagur Garrido

mardi 4 mai 2021

L’ULL DE LA SIRENA

Vòrtex contingut en una massa
melosa d’or fos. La jove sirena
està enamorada i li pica l’ullet

a l’àcrata illenc. Nineta viva,
enlluernadora. Silenci tendre
d’un cargol virtuós que batega.

No la mireu, que us hipnotitzarà,
com una gallina en mans bruixenques.
Però estimeu-la i deixeu-la anar...




















By Courtesy Of Joan Bagur Garrido

lundi 3 mai 2021

Laurentines

Éole se taisait, qui riait dans sa barbe,
avant de lâcher, comme un avare subitement
enivré, une poignée de piécettes en or.

C'étaient de vieilles laurentines, pâles
et ingravides, telle une poussière d'étoiles
immémorielle.

Éole se taisait, et, au-dessous de la voûte
des cieux odorants, une sorcière enjouée
cueillait enfin l'herbe de la liberté.

Com una estrella llorentina

Com una estrella llorentina
que en passar, deixa un baf
daurat i una pols molt fina,

mon cor es despertà de cop,
quan, de portes enfora, naixia
l'alegre rosa de maig.

Foren converses infinites i
rialles per ses butxaques.
No paràvem mai. De la nit

tancada al més nu dels matins.
No sabíem qui érem, ni sabíem
a on anàvem. Ens guiava l'estel.

Deux fragilités

À Dalida et Chet

Deux fragilités en devenir,
car le présent est si plein
pour les fragiles que le futur
les boit déjà. Inexorablement.

Improbable rencontre entre la fille
d'Alexandrie et le beau gosse de Yale.
Vêtements compassés, sourires forcés
à quatre-vingt-dix degrés l'un de l'autre.

Leurs peaux se sont-elles frôlées
et leurs longs bras étreints ?
Je n'en sais rien, mais dans mon cœur
résonne My Foolish Heart.



dimanche 2 mai 2021

Ciel

Tourbillons gris perle
épais, comme nés en automne,
farcis de pluie et de vent,
ils nous prennent toute chaleur.

Menaçant le printemps,
ils volent ciel et soleil.
Si triste en est notre foyer...
D'où tirerons-nous du réconfort ?

Ça fait sept jours qu'ils s'imposent,
et règnent en tout lieu.
Que le bon Éole souffle et les emporte
car nous voulons voir le ciel !!!

© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví




No hi ha distància

De bon matí, uns versos,
espontanis o de repte.
Unes cosetes senzilles

amb gust de xocolata bona.
Els vells llits tenen cel
i els somriures sabors mil.

De bon matí, uns besos,
de llavis a penes tancats
i de cors meravellosament oberts.

Cel de llit

Un cel de llit tot blanc,
de guix antic i llàgrimes moltes,
un cel de llit ben sorprès que mira
en silenci com es desplega la carpa.

Parella de pallassos, malabaristes
immensos, ombres venecianes i cavalls
embogits. Tanta senzillesa a recer
d'un bon de cel de llit pur i ver.

No sortiràs avui

No sortiràs avui
pels camins dels afores.
La pluja desdibuixa
els camps primaverencs.

Et quedaràs a casa
sota la manta verda
i llegiràs l'Aloma,
perduda per son barri.

Et somriurà la llar,
de llenya confitada
i somniaràs ben prest
abans que es pongui el sol.

Onde aveugle

La vieille familiale, harassée,
a fini sa course dans les halliers.
Le bleu ciel brillant a changé

sa livrée coquette pour une rouille
terreuse. Édentée, énuclée, elle sourit
au temps qui, pour nous, passe encore

et qui, pour elle, s'est arrêté. L'Aronde,
en perdant deux lettres, s'est muée en
onde si proche qui rêve de Méditerranée.








By Courtesy Of Lionel Itié

Xicolata

Tan espessa que la O
original s'hi atura
en una I de cullereta.

Delícia col·lectiva
a cada banda fronterera.
Tanco els ulls i la revisc.

Un dia, a Palau de Cerdanya,
t'hi portaré, i en beurem
una tassa fumant, o dues...