dimanche 30 juin 2024

Action de grâce

Et j'ai aimé la vie,
la vie qui s'écoulait
dans le jour finissant.

J'ai dédaigné la haine
et pansé les blessures
de mes amis du soir.

La vie me l'a rendu
dans le sourire franc
d'une enfant de la rue.

Cançó per al món

Qui creu que la cançó
és filla de l'escrit,
de la mètrica justa
d'un ser assalariat?

La cançó és de l'aire,
del desig, de l'atzar,
de tantes coses bones
que ben pocs saben dir.

I qui no pot dir canta,
i fa seva la veu
del cantautor discret
escrivint per al món.



Han donat a la mà

Han donat a la mà
el preu dels coneguts,
la calor d'altres mans
compartint l'amistat.

Han donat a la mà
el tacte de la fusta,
el frec de la pell clara
del carinyo al costat.

Han donat a la mà
una ploma de dies,
amb la tinta segura
de qui se sap de pas.

Resonarán sus versos

Que ya no estoy en el camino.
          José Agustín Goytisolo

Palabras sencillas
de poeta sencillo,
para la hija escrita
en una hoja blanca.

Palabras ajustadas
al filo de los días,
de las noches insomnes
velando por los niños.

Pasarán meses, años,
gran parte de la vida.
El padre morirà,
resonarán sus versos.



Croyances

Qui croit que l'écriture
est fille de l'aurore,
longtemps se lévera
pour prendre son cahier.

Mais l'écrit ne se donne
qu'à qui se laisse aller,
négligeant des horaires
le corset affûté.

Qui croit que la lecture
est mère de la nuit,
longtemps se couchera
sans avoir à veiller.

Écriture

Sa tête écrit souvent
quand sa main s'abandonne
aux châteaux de l'été
que le sable façonne.

Elle rêve d'un cahier
qu'elle ouvrirait tantôt
à l'heure de la sieste
ou des concerts lointains.

Sa tête écrit longtemps
mais la vie la reprend
qui, pour elle, écrira
de lentes mélodies.



samedi 29 juin 2024

Llengua (in)qüestionable

Qüestionaràs la llengua
amb un quadern petit.
Un girs estrafolaris
i les dites de tots.

Com es pot enserrar
l'idioma en poques pàgines
i veure'l bellugar-se
al cor de Barcelona?

Passat l'U de juliol,
tornaràs a la llengua.
Aquella ben nostrada
que no qüestionaràs.

Lona

La lona és una vela,
un regal de l'estiu.
Un quadrat de desig
que beu la llum del sol.

A l'ombra de la tela,
creixen uns maduixers,
de fulles ben espesses
per protegir els fruits.

Sota la vela tendra,
la taula ens acull tots,
amb cafè del matí
o pernil de la nit.

La lona és una pàgina
per escriure-hi novel·les,
de la mà d'una dona
del cim del Canigó.

Un carré de lin clair

J'ai rêvé d'une voile
tendue sur la terrasse.
Un carré de lin clair
pour protéger du chaud.

Et sous ce carré clair,
une humble romancière,
annotant ses écrits
de crayons de couleur.

Je la retrouverais
autour d'un bon café.
Elle toute à sa prose
et moi tout à mes vers.

Saint Pierre et Saint Paul

De Saint Pierre et Saint Paul,
le jour tant attendu.
La moiteur de l'été
et le chant des oiseaux.

On dit les jours plus courts,
on soupe à la lanterne,
l'été est déjà là
mais l'école lambine.

Le matin est paresse
autour du café noir.
On fait des courants d'air
pour retarder le chaud.

Les enfants se délassent
qui délaissent la classe,
pensant au cours suivant
qui les verra grandir.

Un jour, il y a longtemps,
de Saint Pierre et Saint Paul,
naquit mon bon grand-père
qui avait un café.

Merveilles de l'enfance,
nous allions au marché.
Il achetait la terre
pour mieux m'en régaler.

Et me voilà grand-père
d'une jolie Clémence,
avec des yeux tout ronds
pour découvrir le monde.

Dans moins d'une semaine,
je la retrouverai,
au centre de l'Auvergne,
qui est comme un marché.

mardi 25 juin 2024

Le souffle sur ta peau

Sur ta peau le désir,
en ondes langoureuses.
Sur mes doigts le plaisir,
en pigments audacieux.

De la clarté au sombre,
du toucher à l'envie.
Qui dit que la tendresse
est chose volatile ?

Pinceau ondulatoire,
dansant élégamment,
où est donc ta limite
quand le souffle se tait ?














© Odile Marot

lundi 24 juin 2024

Roses teresianes

Tres roses del jardí,
tres roses de família.
De color de la pell
i del cor de la vida.

Una frontera lleu
al llindar sud del poble.
La dolça benvinguda
per als nous habitants.

Tres roses del camí,
tres roses de comarca.
Un punyat de pell rosa
per celebrar l'estiu.



vendredi 21 juin 2024

Surface

Sur quelques vers de Colette Planas

Le cosmos reste coi
devant tant de souplesse.
Une brassée de vie
qui recherche son sens.

Volée de feuilles vives,
syllabes hiéroglyphes.
Il est un Champollion
dans chacun des lecteurs.

Les oreilles dressées,
le poème est surface
de ce lac inconnu
qui dort au fond de nous. 

Noces bleues

C'était la route bleue.
Un homme et une femme, 
fuyant la sale guerre
en parcourant les mers.

Un arc de cercle long
vers la Mélanésie.
Une cabine humble
et des gens ordinaires.

Lui, l'homme de la ville,
le dandy cultivé.
Elle, la singulière
qui connaissait les arbres

C'étaient leurs noces bleues
contre vents et marées.
L'amour d'un écrivain
et d'une poétesse.







Un sostre de paper

Ben lluny de l'estucat,
del marbre dels palaus,
el sostre és de paper
amb bombolles de guix.

Baixa fins al carrer
on vetllen els peus nus,
les maletes de cuir
i les ganes d'amor.

Quan em sorprén l'insomni,
me'n faig un pergamí,
una pell de moltó
per escriure els meus dies. 

Amb el foc del delit

Viatjaré a la nit
en un vaixell de lli.
La fusta serà vela
amb proa de desig.

Faré del teu silenci
la pell del mar serè.
M'inventaré un sud
de sorra i cocoters.

Deixaré el taüt
del sostre blanquinós,
sense mots ni cançons
a l'hora del repòs.

M'esperarà la nit
pels caminois illencs,
la lluna de l'estiu
amb el foc del delit.

jeudi 20 juin 2024

Fulgurance vive

J'aime voir les photos 
des temps immémoriaux
que l'on sème pour moi
sans savoir que j'existe.

J'y cueille des détails,
l'amour des choses simples,
une rangée d'immeubles
souriant à la mer.

La baie est un miroir
où je cherche en rêvant
la fulgurance vive
des gens de mon passé. 



Dels meus germans sofrint

Cuelgo de un árbol marchito
Mi muceta de doctor.
                        José Martí

Pobres paraules meves
escrites a la nit,
quan tanta gent pateix
esperant el matí.

El patiment encega
en mossegar la carn.
Hi ha milers de poetes
que callen per sofrir.

Riques paraules meves
transcrites a la nit
de la boca callada
dels meus germans sofrint.

Un tableau de couleur

C'est comme un tableau neuf
sorti de la nuit noire,
le cliché d'un poète
qui marche dans les champs.

Ses pigments sont d'eau claire,
d'air pur et de soleil.
Il est le généreux
qui transcende le monde.

Il pleut sur mon village
des gouttes de noirceur,
mais j'ai devant les yeux
un tableau de couleur.














© Tomeu Pons

L'absolue liberté

C'est un choc nécessaire,
qui gronde sous le mot.
La vanité réclame
du noir sur la couleur.

Une fleur de bitume
écrasée par nos pas.
Un crachat d'anthracite
au milieu de la page 

Le peintre est un voyant
qui fouille dans les mots,
pour traquer de l'instant
l'absolue liberté.














© Roger Esteve

Verbigération

La verbigération
est une logorrhée
qui ne dit pas son nom
mais court de bouche en bouche.

Du président usé
au ravi de la crèche,
des colonnes de presse
aux crises des cités.

La verbigération
est anti-poésie.
On s'y laisse endormir
et on est en prison.

Les poètes sont là

Les poètes sont là
que l'on croyait ailleurs.
Partis au firmament
ou dormant sous la terre.

Certains sont sourciers,
soumettant leurs vers francs
au rythme mélodieux
des voyelles qui bruissent.

L'hiatus et la diphtongue
sont déjà le reflet
d'un monde qui s'entend
ou de foules qui grondent.

Certains sont métronomes,
sans compter sur leurs doigts.
D'autres aiment le libre
cours des vers sans métrique.

Les poètes sont là
pour renifler le sol
et trouver dans la boue
la source des faux-pas.

mercredi 19 juin 2024

Nouvel ordre

Quel est ce nouvel ordre 
sous le soleil grisé ?
C'est l'ordre du désir
qui joue de ses crayons.

Le jaune et le rosé 
aiguisent la cité.
Les fenêtres sont closes
et l'on boit de l'orxata.

La ville est en hauteur.
Les couleurs sans laideur.
Je suis le spectateur
du ballet des fusains.











© François Lewandrowski


Sublime vanité

L'ombre et la blancheur
Le chaos et la grâce.
Le profil en abyme
qui perd jusqu'à son grain.

Tout n'est que vanité 
et le vent se suspend
à la tache pâteuse
et aux contours légers.

Et pourtant c'est l'unique
que le peintre saisit.
Sa vanité sublime
vaut toutes les richesses.












© Roger Esteve

Du noir à la clarté

Au centre était le noir,
à la langueur exquise,
convoquant la couleur
de ses bras alanguis.

Puis vinrent les clartés,
les pistils lumineux,
le désir et l'envie
de s'éloigner du cadre.

Dessous était l'écrit,
la griffure intestine,
et les doigts de l'artiste
nourrissant nos regards.














© Roger Esteve

Els batecs de la muda

Els batecs de la muda
m'han arribat al cor,
amb vint-i-un poemes
de sang i d'esperança.

D'hivern i primavera,
de forma breu o llarga,
amb fotos o tot nus
m'han mostrat el camí.

El camí de l'honor
i de la dignitat.
L'amor de la gent bona
i dels potents la misèria.

Tots ens direm Aurora

Tots ens direm Aurora,
Aurora Picornell.
De sang el seu record,
de negror el seu rostre.

I no hi haurà ningú
per estripar-nos l'ànima.
La portarem a dintre,
per mots i per carrers.

Les illes són de terra,
els dies són d'aurores.
L'orgull es diu Aurora,
Aurora Picornell.

Als llavis d'Isabel

De l'armari inventat,
has tret un poemari.
Del Salvat-Papasseit,
el suc i la llimona.

Als llavis d'Isabel,
una rosa de versos.
L'ofrena de l'Antoni
al seu amor naixent.

Més vera és la novel·la
que la mateixa història
per dirigir-se al cor
amb tinta de colors.













mardi 18 juin 2024

Entre poetes

Avui seu els poetes,
nosaltres els oients.
Nos feu viatjar per mons 
nascuts dels vostres mots.

Alguns amb veu pilleta,
d'altres amb lletra grossa,
heu tractat d'igualtat
millor que molta gent.

El poema és una arma
que commou sense sang.
No guanyareu pas sous
mes donareu la pau.

La pau dels vostres mots,
de la vostra consciència.
Un donatiu de franc
que nos sap enriquir.

Enhorabona, alumnes
d'escoles i col⋅legis,
de liceus i de patis
on viu la diferència,

no pas com una plaga,
l'instrument del menyspreu,
mes com una promesa
d'un avenir millor.

lundi 17 juin 2024

No hi ha lluna a la nit

No hi ha lluna aquesta nit.
                Rosa Miró Pons

No hi ha lluna a la nit.
A la nit dels insomnis.
Només el blanc del sostre
i el gris dels llençols freds.

El passadís desert
s'ha quedat sense peus,
sense petjada tèbia
de qui vol beure llet.

El sostre és un rectangle
que voldria ser full.
La lluna és un tinter
que s'escapa de sobte.

C'est le désir de toi

C'est le désir de toi
qui me pousse à écrire
trois strophes toutes simples,
comme on sort au jardin.

Mon désir est de rêves
et d'écrits partagés.
Ta prose et puis mes vers,
ta langue et puis la mienne.

C'est le désir de toi
qui guide mes écrits,
comme on vit au jardin
la course des saisons.

Un instant du regard

Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, 
en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, 
musicalement se lève, idée rieuse ou altière, l’absente de tous bouquets.
                                                                                    Stéphane Mallarmé

Et si l'œuvre n'était
que la couleur des yeux.

Des yeux qui s'y reposent
et des yeux qui s'y cherchent.

Mouvements de griffures
et langueur du pinceau.

Quelle est donc cette fleur
dont le bouquet ne veut ?

Mais le cœur la demande,
mais le cœur la supplie.

Si rouge est son réel
si jaune est son désir.

Un instant du regard
peut changer une vie.














© Roger Esteve

Langueur

C'est un petit concert
dont j'ai vu un extrait.

Je n'y suis pas allé
et pourtant j'en reviens,

le cœur tout boursouflé
du chagrin partagé.

La plainte languissante
est celle de mon âme

et les mains qui se meuvent
semblent m'appartenir.

Un samedi de juin,
au cœur d'un gros village.

Des amis réunis
et la langueur qui prend.














© Taller Tretze

dimanche 16 juin 2024

Et si les mots...

Et si les mots n'étaient
que des bulles de son,
aventureuses boucles
noircies par le profond.

D'entre les formes sombres,
au prix de vingt collages,
ils porteraient ici
la parole d'avant.

La toile est palimpeste
où chacun lit les mots
que les cours des écoles
ont emplis de passion.














© Joseph Maureso

Ἔργα καὶ Ἡμέραι

La taula és com un full
de paper blanquinós.
Cada dia al matí,
en Tomeu hi escriu

un retrat del seu hort,
generós i superb.
Un cant a la natura,
sense mots ni gramàtica.

Els seus girs són de mans,
de passió i paciència.
Un discret homenatge
als Treballs i als Dies.














© Tomeu Pons

Terrasseta al matí

Terrasseta al matí
de rajoles quadrades.
Un mirall de la terra
on pasturen cavalls.

Lectura fabulosa
que t'obre nous camins
per la geografia
d'una comarca nova.

Terrasseta petita 
on creixen maduixeres.
Un racó misteriós
per llegir-hi al matí.














© Roser Blàzquez Gómez

Grammaire

La grammaire t'attend
qui a ouvert ses pages
pour t'offrir en baillant
le fruit de tant d'années.

On la croit indigeste,
rigide et ennuyeuse,
elle est le résultat
de millions de sujets

qui ont pris la parole,
en hésitant en peu,
pour fixer à jamais,
les règles du discours.

Renaissance

C'est une renaissance
qui m'a tiré du puits
où me tenait captif
l'épuisement des jours.

Renaissance des mots,
des voix et de leur timbre.
Le goût de bien traduire
les chansons des amis.

Il y a tant de cadeau
dans les vers qu'ils écrivent
que je me sens renaître
quand je lis leurs rondeaux.

Loin des sapins bleus

Le temps est si précieux
et les chemins nombreux.
Délaisse les fâcheux
et va vers d'autres lieux.

Ça sent le romarin,
la prune et le jasmin.
Marche donc sans nul frein
du soir jusqu'au matin.

Le temps est si précieux
et les chemins ombreux.
Le ciel sera tout bleu
selon ce que tu veux.

CHEMINS / CAMINS

Je me suis arrêté et j'ai ouvert une carte
avec mille chemins dessinés,
des routes que je ne connaissais pas,
que je n'avais jamais regardées.

Quand ça fait des années que tu chemines
sur le même sentier tracé,
tu ne vois pas ces traverses
qui passent à côté.

Il faut mettre le frein, s'arrêter,
regarder au nord, au sud,au delà...
Et les routes apparaissent.
L'important est de cheminer !

Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

M'he aturat i obert un mapa
amb mil camins dibuixats,
rutes que desconeixia
que mai havia mirat.

Quan fa molts anys que camines
pel mateix sender traçat,
no veus aquelles draceres
que transiten pel costat.

Cal posar el fre, aturar-se,
mirar al nord, al sud, enllà...
I les rutes apareixen.
El que importa és caminar!

Timbre oblitéré

Du noir sur le blanc cru 
ou du gris sur l'ivoire, 
les lettres se disjoignent
du ton qui les portait.

La chaleur de la voix, 
un regard amusé...
Tout ce qui fait le sel 
de la conversation. 

Mon poème est bien triste 
qui fouille entre les signes
pour retrouver l'accent 
du timbre que j'aimais.

samedi 15 juin 2024

La marque de la grâce

La France traversée
et le cœur qui chagrine.
Les souvenirs sont tant
à l'aune des valeurs.

Au pays du Grand Maulnes,
Sologne aux pleurs de saules,
une dame a grandi
qui vous laisse aujourd'hui.

Génération passée
qui reste dans vos cœurs.
La marque de la grâce
ne s'efface jamais.

Iris

Une fleur vous est née
dans le coton de juin.
Iris aux yeux fermés
et au sourire d'ange.

La douceur des couleurs
lui fait de beau pétales.
La fleurette de juin
appelle nos regards.

Un jour viendra bientôt
où, délaissant les langes,
elle courra dans vos bras
vous couvrir de baisers. 

vendredi 14 juin 2024

Relectures

Ces livres qu'on relit
tout au long de la vie
sont comme des rues claires
au milieu de la nuit.

On y revoit des murs
qui semblent différents
et quand la pluie redouble 
on veut presser le pas.

Délice du retour
et frustration des pages.
On sent la fin venir
qui annonce la mort.

La dame au violoncelle

À Madame Bouaziz

Elle est venue un jour
me rapporter un livre.
C'était un livre mien
qu'elle avait recouvert

d'un habit de plastique,
fermé aux quatre coins,
la sage transparence
d'un protège-cahier.

La dame au violoncelle,
ancienne institutrice,
m'a parlé longuement
de mes poèmes simples.

Et dans ses mots jolis,
j'ai retrouvé l'enfant
qui, voici cinquante ans,
descendait l'escalier,

entendant sur sa gauche,
comme un présent divin,
l'harmonie de l'archet
d'un instrument nouveau.



Parole sans paroles

Que mes mots sont étroits
qui cherchent un seul sens
quand le chant d'un oiseau
s'offre sans rien vouloir.

Parole sans paroles,
offrande généreuse.
Des inflexions heureuses
qui portent mon écrit.

J'aime les écouter
en renonçant au sens
qu'apporte chaque son
que je crois isolé.

Avant qu'il fasse jour

Il est cinq heures dix,
les oiseaux sont entrés
dans le jardin ombreux
qui jouxte ma maison.

Au chant d'un isolé,
répondent d'autres trilles.
Le ciel déjà blanchit
qui quitte sa torpeur.

Il est temps de gagner
le clavier qui attend
et de leur rendre hommage
avant qu'il fasse jour.

Paraula de paraules

Paraula de paraules,
la veu mare dels mots.
La llengua i el paladar
ja formen el llenguatge.

El diccionari vell
és un calaix de sastre
on pelluquen els llavis
quan volen seduir.

Paraula de paraules,
la veu de l'estimada
que amara la mirada
en llegir-la de nou.

L'écrit est parole

Oui, l'écrit est parole
qui prend voix sous les yeux,
dans le ballet rapide
d'un regard qui renaît.

Les mots du dictionnaire
prennent un sens nouveau,
dans la musique exquise
du timbre deviné.

Le grave les transporte
avec ses inflexions
et le texte dessine
les lèvres de l'aimée  

mercredi 12 juin 2024

Llibertat

I quan tancà la porta, 
li vinguè l'alenada,
la llibertat sobtada, 
trobada a la ciutat.

El reconeixement 
per les tasques humils,
la paraula donada
a qui no pot parlar.

I quan tancà la porta,
volgué besar el terra,
el sòl del seu país
que tant la seduïa.

lundi 10 juin 2024

Les gens de peu

J'aime les gens de peu
qui marchent les mains vides,
en baillant aux corneilles,
sans se soucier du temps.

Ce sont des gens de bien,
étrangers au pouvoir,
se contentant d'un verre
au troquet du village.

Un verre de vin rouge,
ou bien de blanc limé,
qui glisse sur le zinc,
leur simple voie lactée.

Pain de vérité

La moisson est passée,
laissant à l'étendue,
l'or du chaume repu
s'offrant au ciel de juin.

Les montagnes au loin
s'effacent dans la brume,
pour donner au champ nu
la primeur du cliché.

Le tracteur est rentré,
chargé de gerbes blondes.
Bientôt on pétrira
un pain de vérité.











© David Lleonard Fiol Junyent

Renversement

le pays qui pavoise aux couleurs 
du sang et de l’or de vidangeur.
  André Pieyre de Mandiargues

La face révulsée,
les lignes se diluent.
La fange gagne l'eau
qui menace la vie.

Alors la tête sort,
un diable de sa boîte,
pour respirer un air
bientôt irrespirable.

La peste brune avance,
c'est l'or des vidangeurs,
la face reste pâle
qui veut lui résister.














© Odile Marot

dimanche 9 juin 2024

Zavanaise

Épreuve de papier
que tu peinturluras,
d'un noir de prison pleine
et de l'or des exclus.

Un antipalimpseste
pour effacer l'écrit
et proclamer au monde
la primeur du visuel.

Javanaise plastique,
guinguette de pigments,
et, pour moi, plus que tout,
la force de ta main.














© André Ròber

Encre passagère

J'aime cette grisaille
qui m'accueille au matin.
Le café sur le feu,
les oiseaux au jardin.

Lenteur de mon dimanche
qui me voit feuilleter
un mince roman neuf
et tant de feuilles vertes.

La grisaille a un prix,
celui de mon regard.
Sa teinte le remplit
d'une encre passagère.

vendredi 7 juin 2024

Finis terræ

J'ai d'autres finisterres
que la pointe bretonne.
Les trois têtes d'un chien
entre deux Catalogne.

Cap de Creus en petit,
joyau de mon enfance,
Cap Cerbère joli
que bordent les voiliers.

J'ai d'autres finisterres
où jeter mon chapeau,
en rentrant de la plage
où j'ai goûté son eau.



L'arquitecte dels mots

A Estel Aguilar i Ismael Pelegrí,
amb agraïment

Ici tout est négligeable, 
et cependant tout compte.
Paul Valéry, Eupalinos

Dels poetes amats,
ha tret la senzillesa,
les paraules del poble,
la bona construcció.

Lectures escollides
de Lorca i Valéry.
Dins la butxaca fosca
brilla un sol de paper.

Arquitectura noble,
poemes compassats,
la sorra era calenta
sota els peus d'en Gomila.










Aveu

J'ai parfois renoncé
à traduire des vers.
Des vers que j'admirais,
des vers qui m'inspiraient.

Par peur de les trahir.
Ou de les écorner.
De les voir s'affadir
écrits sur mon cahier.

J'ai parfois renoncé
à écrire des vers.
Parce qu'ils étaient écrits
dans la voix des amis.

Osier

Les fauteuils s'accumulent 
comme un sable poussé 
par le vent du rivage 
contre un blockhaus désert.

Délice de l'instant
qui découpe le monde
en tranches de couleurs,
comme en quatre périodes.

L'osier tressé de gris,
la plage insaisissable,
l'encrier du voilier
et l'azur infini. 













© Catherine Archo

La longue robe blanche

La salle est surchauffée.
Les élèves tricotent 
des écharpes de mots 
pour les longs soirs d'hiver.

Maxence est au piano, 
qui reçoit les poèmes.
Sous la blancheur des pages, 
C'est d'autres voix qui chantent.

Bientôt viendra le livre,
l'écharpe d'Arlequin,
La longue robe blanche, 
passant de main en main.

La naissance du mot

Il y a cette naissance. 
La naissance du mot. 
Quand cesse le sommeil,
au milieu du silence.

C'est un mot isolé, 
à la rondeur exquise.
Une cerise en bouche 
qui cache son noyau. 

On croit le retenir 
mais déjà il s'en va,
vers d'autres insomniaques 
qui ne l'attendaient pas 

jeudi 6 juin 2024

Le sable sous les pieds

Le sable sous les pieds
les moule d'or solide,
ralentissant la marche
qui les conduit à l'eau.

Le sable sous les pieds
les arrache à la vie,
jusqu'à les vivifier
dans les langues marines.

Le sable sous les pieds
gomme nos différences,
et nous unit enfin
avant de disparaître.

Un repas frugal

C'était un œuf bouilli,
tout blanc sous la coquille,
un corpuscule tiède
attendant le repas.

Le couteau déplié
et le poivre à gros grains.
Une pincée de sel
et un peu de salade.

Un déjeuner frugal
pour goûter de la vie
les offrandes multiples
dans sa simplicité.

LE CIEL DE LA HAUTE VALLÉE

Quand il est revenu,

dévoré par la faim immense

que peignait le souffle des montagnes,

tu as pensé qu’il venait pour rester.

Il y a tant de fois où tu es revenu

a la haute vallée et aux plaines étendues

sous le calme tendu de la nuit,

que le souvenir t’a fait croire qu’ils existaient.

Rien de ce que tu vois ne promet

le ciel quand il était à nous,

et s’habillait de morceaux

appris que nous languissions de retenir.

Maintenant que je sais qu’il ne se souvient pas

de nous, je l’ai regardé,

pour la dernière fois, avec des yeux à toi,

et je me suis accroché à cette part de moi

qui languissait sans qu’il

ne puisse le découvrir.


Lluís Bosch, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví

Impudence pudique

Il y a cette impudence,
cachée aux yeux profanes.
Le calice serein
ourlé de lèvres fines.

La tension silencieuse,
l'offrande aux yeux curieux,
la pâleur de la peau
qui rosit par endroits.

Il y a tant de pudeur
pour qui saura se taire
et emporter un peu
de la beauté du glaive.














© Tomeu Pons