Je t'ai vu regarder la page de l'horoscope,
chercher des mots qui te révèlent, tu fais
comme si tu avais le temps de traverser des ponts,
de prendre le soleil dans des îles de l'Adriatique,
sur des plages de galets et de pins.
Je t'ai vu regarder les cyprès du cimetière ;
je t'ai vu, la tête dressée, faisant semblant
de savoir la manière de regarder des cyprès.
Tu as la goutte au nez qui perle.
J'ai vu ta façon de regarder le maçon
qui refermait la dalle avec du ciment.
Tu as vu les roses, le bouquet de lavande.
J'ai vu ta façon de le regarder. Et la mer bleue.
Esteve Miralles, Comme si tu avais le temps (traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví)
T’he vist mirar la plana dels horòscops,
buscar paraules que et revelin, fas
com si tinguessis temps de creuar ponts,
de prendre el sol en illes de l’Adriàtic,
platges de roca i pins.
T’he vist mirar els xiprers del cementiri;
t’he vist, el cap alçat, fent com si sí,
com si sabessis com mirar xiprers.
Tens un moquet aigualit que se’t perd.
T’he vist com te’l miraves, el paleta
que tancava la làpida amb ciment.
Has vist les roses, i el manat d’espígol.
He vist com te’l miraves. I un mar blau.
mardi 30 septembre 2014
Le feu brûle (El foc crema)
LE FEU BRÛLE
J'ai su que tu marchais
dans une rue déserte ;
il fait froid, l'air est humide,
tu marches et tu désires
que ta promenade ne s'arrête pas,
que tu puisses poursuivre
ton chemin jusqu'à la voiture,
que tu puisses découvrir
la façon d'y parvenir.
Tu laisses l'air peigner tes cheveux,
l'air devenir
une main consolatrice
Tu te laisses embrasser par l'air humide.
Qu'il t'embrasse et te morde les lèvres.
Quand tu y arrives,
tu refermes la portière de la voiture. Tout fait silence,
toute la musique fait silence et les paroles
perdent leur sens.
C'est un pleur nu.
Tu fuis à pied, et la chanson te fait choir.
J'ai su que tu marchais
dans une rue déserte ;
il fait froid, l'air est humide,
tu marches et tu désires
que ta promenade ne s'arrête pas,
que tu puisses poursuivre
ton chemin jusqu'à la voiture,
que tu puisses découvrir
la façon d'y parvenir.
Tu laisses l'air peigner tes cheveux,
l'air devenir
une main consolatrice
Tu te laisses embrasser par l'air humide.
Qu'il t'embrasse et te morde les lèvres.
Quand tu y arrives,
tu refermes la portière de la voiture. Tout fait silence,
toute la musique fait silence et les paroles
perdent leur sens.
C'est un pleur nu.
Tu fuis à pied, et la chanson te fait choir.
Esteve Miralles, Comme si tu avais le temps (traduit du catalan par Michel Bourret Guasteví)
EL FOC CREMA
He sabut que camines
per un carrer desert;
fa fred, fa un aire humit,
camines i desitges
que el passeig no s’aturi,
que puguis fer durar
el camí fins al cotxe,
que puguis descobrir
la manera de fer-ho.
Deixes que l’aire et pentini els cabells,
que l’aire sigui
una mà de consol.
Deixes que et besi l’aire humit,
que et besi i que et mossegui els llavis.
Quan tu hi arribes,
tanques la porta del cotxe i tot calla;
tota la música calla i la lletra
no té sentit.
És un plor despullat.
Fuges a peu, i la cançó et fa caure.
vendredi 26 septembre 2014
Nouria
Je ne la connais pas et ne la voudrais point connaître,
tant je sais qu'elle rend mon ami bienheureux. Ne vous méprenez
pas, ils ne sont pas amants. Ils s'estiment, ne se chérissent
pas, et si Saint-Pierre, dans son tri colossal, devait en choisir
deux, il les prendrait assurément, pour lui faire devis. Elle est
aussi brune que la lumière chante son nom, si mon souvenir ne m'égare.
Je la vis sur une photo, contre un mur, qu'elle photographiait. Ou bien
l'ai-je rêvée ? En ce temps-là, mon ami était dans la peine, elle lui
portait secours. Aujourd'hui il l'accompagne et l'automne est moins froid.
tant je sais qu'elle rend mon ami bienheureux. Ne vous méprenez
pas, ils ne sont pas amants. Ils s'estiment, ne se chérissent
pas, et si Saint-Pierre, dans son tri colossal, devait en choisir
deux, il les prendrait assurément, pour lui faire devis. Elle est
aussi brune que la lumière chante son nom, si mon souvenir ne m'égare.
Je la vis sur une photo, contre un mur, qu'elle photographiait. Ou bien
l'ai-je rêvée ? En ce temps-là, mon ami était dans la peine, elle lui
portait secours. Aujourd'hui il l'accompagne et l'automne est moins froid.
Le premier ciné
à N. et L.
Je n'y étais pas, il a cligné des
paupières et me l'a glissé, soudain,
volant au temps deux bonnes journées.
C'était à l'heure où Mercure tranche
la semaine en deux comme un vulgaire
pâtisson. Ils se tenaient la main et
faisaient la queue. Comme tant d'autres,
eux qui ne s'en rapprochent pas. Les tickets
collaient dans leurs mains jointes. Ils s'assirent,
la salle fit silence et la lumière fut. Dans le noir,
leurs yeux brillaient. Bien sûr, on dira qu'ils allaient
voir un film sur leur métier, ou tout comme. Des jaloux,
sans doute. Ou bien des fous insensibles. Moi je préfère
savoir qu'ils se serrèrent quand l'amitié y prit le pas.
Je n'y étais pas, il a cligné des
paupières et me l'a glissé, soudain,
volant au temps deux bonnes journées.
C'était à l'heure où Mercure tranche
la semaine en deux comme un vulgaire
pâtisson. Ils se tenaient la main et
faisaient la queue. Comme tant d'autres,
eux qui ne s'en rapprochent pas. Les tickets
collaient dans leurs mains jointes. Ils s'assirent,
la salle fit silence et la lumière fut. Dans le noir,
leurs yeux brillaient. Bien sûr, on dira qu'ils allaient
voir un film sur leur métier, ou tout comme. Des jaloux,
sans doute. Ou bien des fous insensibles. Moi je préfère
savoir qu'ils se serrèrent quand l'amitié y prit le pas.
Nostalgies de la vigne
Mes mains sont lisses et froides ;
si leurs plis sont des sillons,
j'en ignore le sens. J'aimerais,
parfois, qu'elles collent du moût
rougissant de septembre avant de
s'empoussiérer au coucher.
Alors je serais autre, je n'écrirais
peut-être plus, je m'étendrais dans
l'odeur des vendanges et, les yeux
fermés, je m'inventerais un monde par
delà la colline mauve où meurent les vignes
et j'y attendrais le printemps, en éternel
retour.
si leurs plis sont des sillons,
j'en ignore le sens. J'aimerais,
parfois, qu'elles collent du moût
rougissant de septembre avant de
s'empoussiérer au coucher.
Alors je serais autre, je n'écrirais
peut-être plus, je m'étendrais dans
l'odeur des vendanges et, les yeux
fermés, je m'inventerais un monde par
delà la colline mauve où meurent les vignes
et j'y attendrais le printemps, en éternel
retour.
Je ne suis qu'un truchement
Étudiant le discours des antipodes dans les proses française et espagnole du XVIe siècle, voici bientôt trente ans, je me suis intéressé à l'humble figure du truchement qui, sans autre outil que son oreille, sa langue, sa mémoire et son intelligence, aidait les hommes à se comprendre. Je lisais alors Cernuda et j'étudiais Montalbán. Or en exergue de Los mares del sur, le vers de Salvatore Quasimodo "più nessuno mi porterà nel sud" m'était un écho de "Quizá mis lentos ojos no verán más el sur", premier vers d'un poème du Sévillan qui se réclamait de son seul désir. Deux vers masculins, un décasyllabe pour l'italien, un alexandrin de quatorze pieds pour l'espagnol. Une même nostalgie pressentie et un paysage qui s'évanouit cependant que les yeux avouent qu'ils ne pourront plus l'embrasser.
Alors oui, poète, professeur ou traducteur, je ne suis qu'un truchement qui met des mots sur la gerçure d'un sourire.
mercredi 24 septembre 2014
Clara
à M., qui se reconnaîtra
Une amie que le temps avait oublié
m'a contacté et, de fil en aiguille,
dans les silences de l'écran, sa fille
Clara m'est apparue, sans un mot, discrète,
belle comme le jour qui la vit naître au
cœur de Poblenou aux premiers jours du printemps.
Son frère a forci que j'avais quitté enfant, sa frange
brune charme les filles dans son lycée des bords de
Méditerranée, je ne le sais mais l'imagine. Pour l'instant,
je me suspends au sourire de lumière que dessine pour moi,
en cette nuit inattendue, une enfant de six mois dont voici
quelques minutes à peine j'ignorais jusqu'au nom et qui croît
désormais parmi nous.
Une amie que le temps avait oublié
m'a contacté et, de fil en aiguille,
dans les silences de l'écran, sa fille
Clara m'est apparue, sans un mot, discrète,
belle comme le jour qui la vit naître au
cœur de Poblenou aux premiers jours du printemps.
Son frère a forci que j'avais quitté enfant, sa frange
brune charme les filles dans son lycée des bords de
Méditerranée, je ne le sais mais l'imagine. Pour l'instant,
je me suspends au sourire de lumière que dessine pour moi,
en cette nuit inattendue, une enfant de six mois dont voici
quelques minutes à peine j'ignorais jusqu'au nom et qui croît
désormais parmi nous.
dimanche 21 septembre 2014
Versos impensables
Un día me aventuré,
diciendo que no lo haría.
Que no lo conseguiria.
La pluma se me quedaba
helada en el tintero. La lengua
de Castilla harto me suena ajena
y tan bellos son los versos del hermoso
asesinado de Granada la morena. Después
de leer "la muchacha dorada se bañaba en el
agua / y el agua se doraba", me di cuenta de que
jamás lo conseguiría y heme aquí escribiendo en
español. No os asustéis, que la cosa va en vano.
diciendo que no lo haría.
Que no lo conseguiria.
La pluma se me quedaba
helada en el tintero. La lengua
de Castilla harto me suena ajena
y tan bellos son los versos del hermoso
asesinado de Granada la morena. Después
de leer "la muchacha dorada se bañaba en el
agua / y el agua se doraba", me di cuenta de que
jamás lo conseguiría y heme aquí escribiendo en
español. No os asustéis, que la cosa va en vano.
Un non-anniversaire
Que belle est la journée qui suit l'anniversaire,
ma mère se promène dans les pièces et l'appartement
est un jardin qu'éclairent les fleurs du chemisier.
Elle me parlait naguère des fêtes de son enfance et
des cadeaux reçus, humbles et savoureux. En ce temps
là, la France était en guerre et les sourires gerçaient sur
le front des amis. Que belle est la journée et que lente
est l'espérance de jours meilleurs qui autrefois l'étreignait.
La dureté s'en fut, elle garde son cœur d'enfant. Et chantonne.
Una conversa / Une conversation
Amb poques paraules, profundes,
a cada banda de la frontera. Havia
començat la tardor i no ho sabíem.
començat la tardor i no ho sabíem.
La conversa s'aturà a la mitja nit,
un silenci dens, fosc, m'arribà de sobte.
Pensí en el conco Sindo i sa platja dorada.
un silenci dens, fosc, m'arribà de sobte.
Pensí en el conco Sindo i sa platja dorada.
***
De peu de mots, profonds,
de part et d'autre de la frontière. L'automne
avait commencé et nous ne le savions pas.
avait commencé et nous ne le savions pas.
La conversation cessa sur le fil de la nuit,
un silence dense, sombre, me parvint d'un coup.
Je pensai à mon oncle Gumersind et à sa plage dorée.
un silence dense, sombre, me parvint d'un coup.
Je pensai à mon oncle Gumersind et à sa plage dorée.
samedi 20 septembre 2014
L'amour d'une mère
C'est son anniversaire et elle ne le sait pas encore.
Elle dort, dans le frigo silencieux est une bouteille
cachetée. Du vin blanc de Pinet que nous déboucherons
à midi. Pour moi. Même le jour de son anniversaire, elle
nous abreuve de détails petits et infinis. Elle connaît
chacun de ses enfants et de ses petits-enfants sur le bout
de ses doigts que l'on jurerait dix mille. Elle dort encore,
je fais silence. La maison est encore fraîche. Son sourire,
au réveil, sera encore la profusion de son amour pour nous.
Elle dort, dans le frigo silencieux est une bouteille
cachetée. Du vin blanc de Pinet que nous déboucherons
à midi. Pour moi. Même le jour de son anniversaire, elle
nous abreuve de détails petits et infinis. Elle connaît
chacun de ses enfants et de ses petits-enfants sur le bout
de ses doigts que l'on jurerait dix mille. Elle dort encore,
je fais silence. La maison est encore fraîche. Son sourire,
au réveil, sera encore la profusion de son amour pour nous.
Île
Avec son chapeau circonflexe,
elle se ferme sur elle-même
et retient la terre qui sans
elle se dissoudrait dans la mer.
Chapeau de chinois décollé du rocher,
elle se rétracte sous le couteau et
la goutte de citron. Je ferme les yeux
et la goûte. Elle est la mer tout entière
à la pointe de ma langue, orpheline de saveurs.
Rocher à la noix de coco sur la plaque noire et
brûlante, elle se dore derrière la vitre du four,
se ride et s'épanouit. Froide, elle tient dans mon
poing qui sans elle perd tout sens. Elle a un nom, le
saviez-vous ?, qui la rend plus intime encore. Des deux
sœurs, elle est la plus petite, l'indomptée silencieuse.
Minorque de mes ancêtres, de mon amour et de mon avenir.
elle se ferme sur elle-même
et retient la terre qui sans
elle se dissoudrait dans la mer.
Chapeau de chinois décollé du rocher,
elle se rétracte sous le couteau et
la goutte de citron. Je ferme les yeux
et la goûte. Elle est la mer tout entière
à la pointe de ma langue, orpheline de saveurs.
Rocher à la noix de coco sur la plaque noire et
brûlante, elle se dore derrière la vitre du four,
se ride et s'épanouit. Froide, elle tient dans mon
poing qui sans elle perd tout sens. Elle a un nom, le
saviez-vous ?, qui la rend plus intime encore. Des deux
sœurs, elle est la plus petite, l'indomptée silencieuse.
Minorque de mes ancêtres, de mon amour et de mon avenir.
jeudi 11 septembre 2014
Joc brut i al·legat
UN EXEMPLE DEL JOC BRUT DELS ESPANYOLISTES
amics del facebook, no sé si ho sabeu, fa unes quantes setmanes, van piratejar la base de dades de l'ANC de la qual sóc soci. Com a membre del grup de traducció em vaig assabentar al mateix començament.
Us copio l'email que circula entre nosaltres, típic d'un joc brut i groller que es beneficia de la munió d'adreces robades:
"Estimats amics,
Estem molt agraïts per la seva disposició a participar i donar suport a la nostra causa, tant important com és la nostra Catalunya independent. Us donem les gràcies a tots i cadascun de vosaltres!
No obstant, a causa de la sobrecàrrega de multitud de gent que s´espera a l'esdeveniment de la V del 11S, li instem a romandre a casa i donar suport desde casa, perque ens preocupa la seva seguretat. Si us plau no acudeixi al lloc de l'esdeveniment de la V de dijous, ja que podria ser perillós.
Nosaltres actualitzarem els pròxims esdeveniments- tenim molts preparats i comptem amb vostè!
Comitè Permanent l'ANC"
ANEU A LES V
***VISCA CATALUNYA INDEPENDENT***
Prof. Dr. Michel Bourret, catedràtic de literatura catalana (Universitat Paul-Valéry de Montpeller)
*****
ALEGATO PRO DOMO
Desde hace unas cuantas semanas, voy recibiendo -pocos pero significantes- correos electrónicos que me tachan de traidor. Durante más de veinte años fui titular y luego catedrático de literatura española contemporánea. Formé decenas de profesores de secundaria, titulares y hasta catedráticos de universidad. Sin mi modesta aportación, novelistas y poetas de lengua castellana no tendrían el éxito que tienen hoy en Francia. Mi gusto por la cultura española, por España misma, no ha desaparecido, ni mucho menos, si bien me duele esta España de hoy. Pero este amor no me impide defender ni promover el derecho legítimo de la nación catalana a tener, por fin, un estado propio.
Una senyora ens ha deixat
a Madame Ablard
Quan jo era petitet em semblava
una reina. Alta, ben pentinada,
negra del tot amb un olor permanent
a l'Ambre solaire de les platges
d'abans.
Durant anys i anys, pujàrem junts per
l'estret ascensor de casa de mos pares.
Era tímida, jo també. Sabia que era
del Barcarès i que als ulls del seu marit,
la bullinada
era el millor plat del món. Vivia al costat
de la seva filla tan estimada, tan negra com
ella, tan tímida con ella, i, segur, amb la
mateixa cultura, senzilla i profunda. L'apreciava.
Mai ho va sebre.
Quan jo era petitet em semblava
una reina. Alta, ben pentinada,
negra del tot amb un olor permanent
a l'Ambre solaire de les platges
d'abans.
Durant anys i anys, pujàrem junts per
l'estret ascensor de casa de mos pares.
Era tímida, jo també. Sabia que era
del Barcarès i que als ulls del seu marit,
la bullinada
era el millor plat del món. Vivia al costat
de la seva filla tan estimada, tan negra com
ella, tan tímida con ella, i, segur, amb la
mateixa cultura, senzilla i profunda. L'apreciava.
Mai ho va sebre.
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