mercredi 5 août 2015

Histoire de couper les cheveux en quatre

Imaginez deux sirènes, au plus chaud de la saison,
dans cette période qu'on appelle l'été de l'été.

Deux sirènes loin des côtes et que la piscine,
élégamment dallée, ne parvient plus à rafraîchir.

Elles ont laissé le village et arpentent lentement
la rue piétonne de la ville non loin en compagnie

de leur mère amusée. Leur objectif à toutes deux,
pourtant assez différentes, est d'écourter les pointes

de leur chevelure brune. Rien de plus, rien de moins.
Objectif louable et à peu de frais. Un sirop brûlant

coule sur la chaussée, comme résine en pinède. La boutique
du coiffeur se rapproche, surmontée du curieux cylindre

tricolore. La masse des cheveux est intenable et le bandana
n'est déjà plus qu'un lointain souvenir. Le coiffeur -ou la

coiffeuse car en cet instant de la nuit mon imagination défaille-,
en les voyant toutes deux, affûte ses ciseaux. Ce n'est plus
une coupe mais de la sculpture, le poignet lui fait mal qui

perle de rosée. À ses pieds, deux masses de cheveux bruns,
que l'on jurerait jumelles. Sa boutique fermée, le coiffeur

se rendra compte qu'il a oublié d'en balayer le sol. Vous dirais-je
qu'en me promenant la nuit dans la ville en silence j'ai été

alerté par un bruit comme de glissement sourd et que, me penchant
sur la devanture aveugle, j'ai cru y voir les queues de deux sirènes.