à Mme G., qui jamais ne me lira
Elle dansait avec son mari, à minuit,
dans le hall de l'immeuble, éméchés
tous deux, cigales d'un été qu'ils croyaient
infini. Le mari s'en est allé. Vers la terre
aveugle dont on ne revient pas. Des splendeurs
passées, contre vents et marées, demeure le coupé
improbable dont le violine pâlit, garé à la
sempiternelle place. Je l'ai connue quarante années
durant. Je savais qu'elle habitait l'un des appartements
du haut, en ignorant l'étage ou la position cardinale. On
lui glissa à l'oreille mes splendeurs passées dans le domaine
informatique, j'acceptai de venir la dépanner. Je connus
enfin l'appartement du sixième nord-est, dans sa décrépitude.
Les tables remplies de papiers, de factures surtout. Les tableaux
pâlissant sous les regards absents. Les prises mal assurées,
toussant leur flamme verdâtre à l'approche d'un cordon neuf.
Elle me montra un très petit ordinateur et une tablette épaisse,
tout aussi petite. Je n'y pus rien. Des attrape-nigauds pour
appâter le chaland et qui tombent en panne, l'engagement signé.
La cigale, esseulée, s'était appauvrie. Un habile aigrefin lui
avait fait signer un contrat léonin. Je ne pus rien ou presque pour
rétablir la téléphonie. Mon habileté m'avait fait pénétrer au cœur
de son système mais je butai contre le mur d'argent. Elle voulut me
remercier de mes déplacements. Elle n'avait rien qu'un bel ours en
peluche comme on en tire en foire. Elle me le donna, pour mon enfant
petit qui depuis s'y agrippe, le couvrant de baisers.
Elle dansait avec son mari, à minuit,
dans le hall de l'immeuble....