Que restera-t-il de mon passage quand les vents
auront emporté ma poignée de cendres ? Je ne sais.
Je voudrais que quelqu'un retrouve, un jour, cette
photo anonyme d'une présence à la terre, sur la plage.
L'ombre est déjà épaisse, le soir s'annonce. Le sang
de la serviette de coton, autrefois artériel, s'est fané,
adoucissant les plis d'un corps nonchalant. En son centre,
est un petit soleil, comme de rose des vents. Pliée en quatre,
dans le placard ombreux, l'hiver elle m'accompagne de ses rayons
assagis. Un chapeau de papier tressé me donne ombre et contenance,
il joue de miroir avec le cahier de jeux de mots, héritage d'une
passion qui depuis plus de trente ans occupe les mains de ma chère
maman. Pour qui en regarderait la couverture, la surprise lui viendrait.
Ils ont plus de six ans, je les garde comme anchois en saumure, guettant
la désuétude de définitions naguère brûlantes d'actualité et que l'âge
retrouve comme on fouille en tiroir parmi les mouchoirs de tissu blanc.
Enfin, presque dissimulées sont les lunettes noires, clin d'œil à mon cher
fils Vincent. Polarisantes, elles épurent la vie et de Nerval rappellent
le sonore avertissement : «Quiconque a regardé le soleil fixement/ Croit voir
devant ses yeux voler obstinément / Autour de lui, dans l'air, une tache livide.»