dimanche 16 juin 2024

Et si les mots...

Et si les mots n'étaient
que des bulles de son,
aventureuses boucles
noircies par le profond.

D'entre les formes sombres,
au prix de vingt collages,
ils porteraient ici
la parole d'avant.

La toile est palimpeste
où chacun lit les mots
que les cours des écoles
ont emplis de passion.














© Joseph Maureso

Ἔργα καὶ Ἡμέραι

La taula és com un full
de paper blanquinós.
Cada dia al matí,
en Tomeu hi escriu

un retrat del seu hort,
generós i superb.
Un cant a la natura,
sense mots ni gramàtica.

Els seus girs són de mans,
de passió i paciència.
Un discret homenatge
als Treballs i als Dies.














© Tomeu Pons

Terrasseta al matí

Terrasseta al matí
de rajoles quadrades.
Un mirall de la terra
on pasturen cavalls.

Lectura fabulosa
que t'obre nous camins
per la geografia
d'una comarca nova.

Terrasseta petita 
on creixen maduixeres.
Un racó misteriós
per llegir-hi al matí.














© Roser Blàzquez Gómez

Grammaire

La grammaire t'attend
qui a ouvert ses pages
pour t'offrir en baillant
le fruit de tant d'années.

On la croit indigeste,
rigide et ennuyeuse,
elle est le résultat
de millions de sujets

qui ont pris la parole,
en hésitant en peu,
pour fixer à jamais,
les règles du discours.

Renaissance

C'est une renaissance
qui m'a tiré du puits
où me tenait captif
l'épuisement des jours.

Renaissance des mots,
des voix et de leur timbre.
Le goût de bien traduire
les chansons des amis.

Il y a tant de cadeau
dans les vers qu'ils écrivent
que je me sens renaître
quand je lis leurs rondeaux.

Loin des sapins bleus

Le temps est si précieux
et les chemins nombreux.
Délaisse les fâcheux
et va vers d'autres lieux.

Ça sent le romarin,
la prune et le jasmin.
Marche donc sans nul frein
du soir jusqu'au matin.

Le temps est si précieux
et les chemins ombreux.
Le ciel sera tout bleu
selon ce que tu veux.

CHEMINS / CAMINS

Je me suis arrêté et j'ai ouvert une carte
avec mille chemins dessinés,
des routes que je ne connaissais pas,
que je n'avais jamais regardées.

Quand ça fait des années que tu chemines
sur le même sentier tracé,
tu ne vois pas ces traverses
qui passent à côté.

Il faut mettre le frein, s'arrêter,
regarder au nord, au sud,au delà...
Et les routes apparaissent.
L'important est de cheminer !

Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

M'he aturat i obert un mapa
amb mil camins dibuixats,
rutes que desconeixia
que mai havia mirat.

Quan fa molts anys que camines
pel mateix sender traçat,
no veus aquelles draceres
que transiten pel costat.

Cal posar el fre, aturar-se,
mirar al nord, al sud, enllà...
I les rutes apareixen.
El que importa és caminar!

Timbre oblitéré

Du noir sur le blanc cru 
ou du gris sur l'ivoire, 
les lettres se disjoignent
du ton qui les portait.

La chaleur de la voix, 
un regard amusé...
Tout ce qui fait le sel 
de la conversation. 

Mon poème est bien triste 
qui fouille entre les signes
pour retrouver l'accent 
du timbre que j'aimais.

samedi 15 juin 2024

La marque de la grâce

La France traversée
et le cœur qui chagrine.
Les souvenirs sont tant
à l'aune des valeurs.

Au pays du Grand Maulnes,
Sologne aux pleurs de saules,
une dame a grandi
qui vous laisse aujourd'hui.

Génération passée
qui reste dans vos cœurs.
La marque de la grâce
ne s'efface jamais.

Iris

Une fleur vous est née
dans le coton de juin.
Iris aux yeux fermés
et au sourire d'ange.

La douceur des couleurs
lui fait de beau pétales.
La fleurette de juin
appelle nos regards.

Un jour viendra bientôt
où, délaissant les langes,
elle courra dans vos bras
vous couvrir de baisers. 

vendredi 14 juin 2024

Relectures

Ces livres qu'on relit
tout au long de la vie
sont comme des rues claires
au milieu de la nuit.

On y revoit des murs
qui semblent différents
et quand la pluie redouble 
on veut presser le pas.

Délice du retour
et frustration des pages.
On sent la fin venir
qui annonce la mort.

La dame au violoncelle

À Madame Bouaziz

Elle est venue un jour
me rapporter un livre.
C'était un livre mien
qu'elle avait recouvert

d'un habit de plastique,
fermé aux quatre coins,
la sage transparence
d'un protège-cahier.

La dame au violoncelle,
ancienne institutrice,
m'a parlé longuement
de mes poèmes simples.

Et dans ses mots jolis,
j'ai retrouvé l'enfant
qui, voici cinquante ans,
descendait l'escalier,

entendant sur sa gauche,
comme un présent divin,
l'harmonie de l'archet
d'un instrument nouveau.



Parole sans paroles

Que mes mots sont étroits
qui cherchent un seul sens
quand le chant d'un oiseau
s'offre sans rien vouloir.

Parole sans paroles,
offrande généreuse.
Des inflexions heureuses
qui portent mon écrit.

J'aime les écouter
en renonçant au sens
qu'apporte chaque son
que je crois isolé.

Avant qu'il fasse jour

Il est cinq heures dix,
les oiseaux sont entrés
dans le jardin ombreux
qui jouxte ma maison.

Au chant d'un isolé,
répondent d'autres trilles.
Le ciel déjà blanchit
qui quitte sa torpeur.

Il est temps de gagner
le clavier qui attend
et de leur rendre hommage
avant qu'il fasse jour.

Paraula de paraules

Paraula de paraules,
la veu mare dels mots.
La llengua i el paladar
ja formen el llenguatge.

El diccionari vell
és un calaix de sastre
on pelluquen els llavis
quan volen seduir.

Paraula de paraules,
la veu de l'estimada
que amara la mirada
en llegir-la de nou.

L'écrit est parole

Oui, l'écrit est parole
qui prend voix sous les yeux,
dans le ballet rapide
d'un regard qui renaît.

Les mots du dictionnaire
prennent un sens nouveau,
dans la musique exquise
du timbre deviné.

Le grave les transporte
avec ses inflexions
et le texte dessine
les lèvres de l'aimée  

mercredi 12 juin 2024

Llibertat

I quan tancà la porta, 
li vinguè l'alenada,
la llibertat sobtada, 
trobada a la ciutat.

El reconeixement 
per les tasques humils,
la paraula donada
a qui no pot parlar.

I quan tancà la porta,
volgué besar el terra,
el sòl del seu país
que tant la seduïa.

lundi 10 juin 2024

Les gens de peu

J'aime les gens de peu
qui marchent les mains vides,
en baillant aux corneilles,
sans se soucier du temps.

Ce sont des gens de bien,
étrangers au pouvoir,
se contentant d'un verre
au troquet du village.

Un verre de vin rouge,
ou bien de blanc limé,
qui glisse sur le zinc,
leur simple voie lactée.

Pain de vérité

La moisson est passée,
laissant à l'étendue,
l'or du chaume repu
s'offrant au ciel de juin.

Les montagnes au loin
s'effacent dans la brume,
pour donner au champ nu
la primeur du cliché.

Le tracteur est rentré,
chargé de gerbes blondes.
Bientôt on pétrira
un pain de vérité.











© David Lleonard Fiol Junyent

Renversement

le pays qui pavoise aux couleurs 
du sang et de l’or de vidangeur.
  André Pieyre de Mandiargues

La face révulsée,
les lignes se diluent.
La fange gagne l'eau
qui menace la vie.

Alors la tête sort,
un diable de sa boîte,
pour respirer un air
bientôt irrespirable.

La peste brune avance,
c'est l'or des vidangeurs,
la face reste pâle
qui veut lui résister.














© Odile Marot

dimanche 9 juin 2024

Zavanaise

Épreuve de papier
que tu peinturluras,
d'un noir de prison pleine
et de l'or des exclus.

Un antipalimpseste
pour effacer l'écrit
et proclamer au monde
la primeur du visuel.

Javanaise plastique,
guinguette de pigments,
et, pour moi, plus que tout,
la force de ta main.














© André Ròber

Encre passagère

J'aime cette grisaille
qui m'accueille au matin.
Le café sur le feu,
les oiseaux au jardin.

Lenteur de mon dimanche
qui me voit feuilleter
un mince roman neuf
et tant de feuilles vertes.

La grisaille a un prix,
celui de mon regard.
Sa teinte le remplit
d'une encre passagère.

vendredi 7 juin 2024

Finis terræ

J'ai d'autres finisterres
que la pointe bretonne.
Les trois têtes d'un chien
entre deux Catalogne.

Cap de Creus en petit,
joyau de mon enfance,
Cap Cerbère joli
que bordent les voiliers.

J'ai d'autres finisterres
où jeter mon chapeau,
en rentrant de la plage
où j'ai goûté son eau.



L'arquitecte dels mots

A Estel Aguilar i Ismael Pelegrí,
amb agraïment

Ici tout est négligeable, 
et cependant tout compte.
Paul Valéry, Eupalinos

Dels poetes amats,
ha tret la senzillesa,
les paraules del poble,
la bona construcció.

Lectures escollides
de Lorca i Valéry.
Dins la butxaca fosca
brilla un sol de paper.

Arquitectura noble,
poemes compassats,
la sorra era calenta
sota els peus d'en Gomila.










Aveu

J'ai parfois renoncé
à traduire des vers.
Des vers que j'admirais,
des vers qui m'inspiraient.

Par peur de les trahir.
Ou de les écorner.
De les voir s'affadir
écrits sur mon cahier.

J'ai parfois renoncé
à écrire des vers.
Parce qu'ils étaient écrits
dans la voix des amis.

Osier

Les fauteuils s'accumulent 
comme un sable poussé 
par le vent du rivage 
contre un blockhaus désert.

Délice de l'instant
qui découpe le monde
en tranches de couleurs,
comme en quatre périodes.

L'osier tressé de gris,
la plage insaisissable,
l'encrier du voilier
et l'azur infini. 













© Catherine Archo

La longue robe blanche

La salle est surchauffée.
Les élèves tricotent 
des écharpes de mots 
pour les longs soirs d'hiver.

Maxence est au piano, 
qui reçoit les poèmes.
Sous la blancheur des pages, 
C'est d'autres voix qui chantent.

Bientôt viendra le livre,
l'écharpe d'Arlequin,
La longue robe blanche, 
passant de main en main.

La naissance du mot

Il y a cette naissance. 
La naissance du mot. 
Quand cesse le sommeil,
au milieu du silence.

C'est un mot isolé, 
à la rondeur exquise.
Une cerise en bouche 
qui cache son noyau. 

On croit le retenir 
mais déjà il s'en va,
vers d'autres insomniaques 
qui ne l'attendaient pas 

jeudi 6 juin 2024

Le sable sous les pieds

Le sable sous les pieds
les moule d'or solide,
ralentissant la marche
qui les conduit à l'eau.

Le sable sous les pieds
les arrache à la vie,
jusqu'à les vivifier
dans les langues marines.

Le sable sous les pieds
gomme nos différences,
et nous unit enfin
avant de disparaître.

Un repas frugal

C'était un œuf bouilli,
tout blanc sous la coquille,
un corpuscule tiède
attendant le repas.

Le couteau déplié
et le poivre à gros grains.
Une pincée de sel
et un peu de salade.

Un déjeuner frugal
pour goûter de la vie
les offrandes multiples
dans sa simplicité.

LE CIEL DE LA HAUTE VALLÉE

Quand il est revenu,

dévoré par la faim immense

que peignait le souffle des montagnes,

tu as pensé qu’il venait pour rester.

Il y a tant de fois où tu es revenu

a la haute vallée et aux plaines étendues

sous le calme tendu de la nuit,

que le souvenir t’a fait croire qu’ils existaient.

Rien de ce que tu vois ne promet

le ciel quand il était à nous,

et s’habillait de morceaux

appris que nous languissions de retenir.

Maintenant que je sais qu’il ne se souvient pas

de nous, je l’ai regardé,

pour la dernière fois, avec des yeux à toi,

et je me suis accroché à cette part de moi

qui languissait sans qu’il

ne puisse le découvrir.


Lluís Bosch, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví

Impudence pudique

Il y a cette impudence,
cachée aux yeux profanes.
Le calice serein
ourlé de lèvres fines.

La tension silencieuse,
l'offrande aux yeux curieux,
la pâleur de la peau
qui rosit par endroits.

Il y a tant de pudeur
pour qui saura se taire
et emporter un peu
de la beauté du glaive.














© Tomeu Pons

mercredi 5 juin 2024

Elynn

C'est un rai de lumière
qui traverse le ciel,
en offrant à chacun
la paix de son prénom.

La sainteté le porte,
en nommant l'infini.
Ce sont pourtant les humbles
qu'il convie sous son toit.

Un rayon de soleil
qui fait du porte à porte,
en offrant à chacun
le feu de son prénom.

Et si...

Et si le sable était 
cette étendue dorée
qui naît au bord du bois
pour embrasser la mer...














© Catherine Archo

Mains

J'ai regardé ta main,
ta main qui me quittait,
et j'ai fermé les yeux,
pour la garder en moi.

Une main éprouvée
par les douleurs du monde,
une main caressée
par la douceur de l'onde.

Tu as regardé ma main,
ma main qui te quittait
et tu as fermé les yeux,
pour la garder en toi.

Vers d'autres horizons

C'est l'oiseau que j'aimais,
l'oiseau sous les nuages.
L'écriture bleutée
qui passe sans un chant.

C'est l'oiseau que j'aimais,
étranger à mes yeux,
volant dessus le monde
où marchent mes semblables.

C'est l'oiseau que j'aimais.
Je l'ai laissé partir.
Sans un regard pour moi,
vers d'autres horizons.



De belles asphodèles

Fantaisie des mots francs
courant entre les doigts.
Frottements de syllabes
entre bouche et oreille.

Je crois en leur pouvoir,
à ces mots de l'enfance
forgés par l'âge adulte
sous le marteau d'airain.

Fantaisie des mots lents
chuchotés au printemps.
De belles asphodèles
buvant l'eau du ruisseau.

Amor d'escates grises

He deixat a la bústia
una carta d'amor.
Un plec d'escates grises
amb tinta de pop mut.

Secret de la missiva
que ningú pot entendre,
tret de la popa muda
d'un vaixell amarrat.

Incomprensible amor
que viu del moviment
d'unes escates grises
en mans d'un bon carter.

Entre-deux

C'est le fil de la nuit,
la nuit entre deux jours.
Les pointes acérées,
unies étroitement.

Le carrosse est citrouille
et les chiffres basculent. 
On est déjà demain
et hier est encor' chaud.

Les lèvres se rejoignent
eu un baiser furtif.  
Le drap est une voile,
et les pieds gouvernail.

mardi 4 juin 2024

Pudeur

Il est une pudeur
qui émousse les sens
et fait des mains de l'autre
le siège du respect.

Le cou est la colonne
qui a nom dignité
et l'angle des épaules
la place en société.

Un profil de noirceur,
la vague des cheveux,
le galbe de la cuisse,
un soupçon de mollet.

Il est une pudeur
qui a nom nudité.
Sur un papier ivoire,
elle sait se réserver.














© Odile Marot

Portrait de vie

Sur une tache jaune,
j'ai bâti un portrait
et d'un clown du ruisseau
j'ai allongé le nez.

Une oreille à l'écoute
et la joue bleuissante.
La moustache en déroute
et le papillon feint.

D'un regard éperdu,
j'ai fait un portrait plein.
Et, sur la toile noire,
j'ai restitué la vie.














© Bernard Nicolau

De la voix à la voile

C'est la voix de l'automne,
c'est la voix de la peur.
C'est la voix de l'espoir
qui peint les murs en blanc.

Marelle de couleurs.
Des crayons plein les poches.
L'envie de voir grandir
la princesse d'automne.

C'est la voile d'automne,
c'est la voile des fleurs.
C'est la voile de lin
qui va vers le soleil.

Gruissan, leurs amours

Il y avait l'étendue
de la plage à Gruissan,
de légers moutons blancs
sur le bleu de la mer.

Et il y avait Corinne,
dans les yeux de Paco.
Un instant de beauté
pour enchanter les flots.

Trenet chantait Gruissan,
du haut du Grand Soleil.
Ça sentait l'aïoli
et la joie des amis.








© Paco Gomila Pons




Sensualité austère

Libation du matin,
à petites lampées.
Dans sa robe de bure,
l'abeille est si goulue.

Cocarde de passion,
pétales turgescents.
La fleur se rend enfin
à l'austère visite.

Des amours matinales,
naîtra l'or du couchant.
Sensualité du miel
entrevu sur tes lèvres. 














© Tomeu Pons

Une serviette illustrée

Un peu d'encre de chine
pour signer le papier
d'une humble serviette
friande de nos lèvres.

La silhouette assise
d'un convive égaré
dans la pieuse Gérone
où il fait bon flâner.

Dans la sacoche blonde
qui revient au Taller,
la serviette illustrée
contera son histoire. 













© André Ròber

lundi 3 juin 2024

Douceur à Montescot

Douceur de l'amitié.
Un dîner de printemps.
Quelques gésiers confits
avec des échalotes.

Montescot silencieuse
est le centre du monde.
De Berlin et Minorque
sont les amis choisis.

Bientôt viendra le tour
de l'antique comté,
la parole du soir
et la nuit de sommeil.



dimanche 2 juin 2024

Jaillissement

J'ai vu jaillir soudain,
d'entre les brumes grises,
la silhouette altière
d'un château du Bas-Rhin.

Des couches indistinctes
de pigments minéraux.
De la terre de Sienne
au bleu de corindon.

J'ai cru venir à moi
le phrasé d'Hölderlin,
le cru d'Apollinaire
et l'eau de ceux qui fuient.


© Odile Marot

Soleil dominical

Comme un vin de vigueur.
                         Rimbaud

Le soleil s'est levé,
quand tu t'es réveillée.
Bercée par la pluie forte
sur le vasistas clos,

tu avais perdu pied,
échappant à l'ondée.
Le sommeil était lourd,
les rêves enlisés.

Le soleil du dimanche
t'a rendue à la paix,
effaçant sous son feu
les vaines perfidies.

Fille de Barcelone

Je viens de retrouver,
au fond d'un encrier,
tes lettres hasardeuses
dont j'écrivais mes vers.

Le B de la balance,
du bien, de la bonté,
de la barque rapide
et du Banyuls bien frais.

Mes vers ne seraient rien
sans ces lettres légères,
ton bien et ta bonté,
fille de Barcelone.



Glaïeuls

Un ramo de gladiolos frescos 
en la tumba de su madre.
      Gabriel García Márquez

Je ne les aimais pas
et voici qu'ils m'appellent,
ces glaïeuls par brassées
que le printemps m'apporte.

Les couleurs délicates,
la forme d'un hommage
discret et silencieux
aux mânes des jardins.

Glaïeuls de ma vieillesse;
l'inattendu présent 
des amis de la vie
retournant au foyer.














© Tomeu Pons

Silence / Silenci

Le silence nouveau, épais et si digne,
m'accueille et me pénètre de paix intérieure.
Il a laissé au loin les cris de l'imposture
et les voix mensongères crachant leur rancœur.

Le silence nouveau est un nid, une prière,
c'est un atelier, un refuge, la cime et le sentier.
Silence profond -que la spirale ne trompe pas -
puits virginal, semé, souffle et refuge.

Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

El silenci novell, espès i tan digne,
m'acull i m'amara de pau interior.
I deixa ben lluny els crits d'impostura,
les veus mentideres que escupen rancor.

El silenci novell és niu, és pregària,
és taller, és rebost, és cim i sender.
Silenci profund -que l'espiral no enganya-
pou verge, sembrat, alè i recer.

Un Quichotte dansant

Un Quichotte dansant
sorti d'entre les pages
d'un livre pour écrire,
c'est une belle aubaine.

L'acrylique est une encre
qui aime les consonnes
et voit dans les voyelles
l'âme de cette danse.

Don Quichotte a vieilli
et Zavan le ravive.
Sans son Sancho Panza
le voilà qui revit.














© André Ròber

Trapezi de blancor

Trapezi de blancor,
costat de la façana.
Un rellotge de llum
amb una finestreta.

Una crosta de sucre
amarga i lluminosa.
El detall vespertí
d'un caminar plaent.

Gràcies al bon amic
que em regala un puntet
de la meua illa blanca
quan començ es meu dia.











© David Lleonard Fiol Junyent

Écriture au matin

J'aime écrire au matin
dans le chant des oiseaux
étrangers au vieux coq
qui s'égosille au loin.

Il y a des craquements,
une fraîcheur légère.
Le réveil du village,
un dimanche de juin.

La lumière est si claire,
le chévrefeuille doux.
Son odeur me parvient
par la brise légère.

Un couple de jadis

Le rabot et l'aiguille.
Les copeaux, les coupons.
Un couple de jadis
cousant et découpant.

Un jardin de couleurs,
de senteurs et de bruits.
La transmission d'un art
longuement partagé.

Je ne connais leur nom
ni leur noble apprence,
mais je sais toutefois
qu'ils ont fait mon présent.

Solstice de l'an neuf

Et la pluie est tombée
sur le logement neuf,
coulant sur les velux,
inondant la terrasse.

Une eau pour emporter
les traces du passé,
la douleur imposée,
l'égoïsme des grands.

Le ciel s'est purifié
des ultimes scories,
préparant la Saint-Jean,
solstice de l'an neuf.

Dos ribots, dues vides

Dos ribots encerats
com uns mobles antics,
amb la fulla d'acer
protegida pel terra.

Són els guardians callats
de l'escala del pis,
parell de servidors
sota el bon Déu vos guard.

Emblema dels dos sogres
que visqueren amb ells.
Dos ribots, dues vides,
carrer del Canigó.

samedi 1 juin 2024

Dalt de la fusteria

Como un documento inalterable.
           Fito Páez

Dalt de la fusteria,
contra el cel estrellat,
s'escriuen versos purs
sense rima ni metre.

Bonic agraïment
al cor tendre del poble,
amb la vista perduda
cap als romances vius.

Qui diu que l'existència
és només de poder?
Ja conec cançonetes
que em diuen el contrari.



Chaos minéral

À Sonia et Lionel

Le chaos est un ordre
qui se moque du temps.
Géométrie géante
de pavés émoussés.

Des amis s'y rejoignent
en une action de grâce.
Le Caroux sanctuaire
d'un immuable monde.

Quand ils le laisseront,
le chaos restera
comme un gardien serein 
de leurs pas dans le monde.










© Lionel Itié

La vie en marche

Caminante no hay camino,
se hace camino al andar.
              Antonio Machado

Le noir de l'anarchie
et le sang de la lutte,
la silhouette marche
d'un pas tout argenté.

La vie est un chemin
qu'on saisit en profil.
C'est le peuple qui lutte
et non l'individu.

Au diable les portraits
de riches maniérés,
je veux du papier kraft
pour m'en faire des tracts.



Drapeau universel

C'est un joli drapeau
qui flotte par lui seul.
Fuyant les lignes droites,
il imprime la vie.

Le bleu du ciel profond,
la terre rougeoyante.
Le sable moucheté
de pas indéchiffrables.

En son centre est le feu
mais c'est un feu inerte.
Et bien loin sont les guerres
de ce drapeau béni.














© Odile Marot

Un nid sous un toit / Un niu sota taulada

Dans un beau nid sous un toit,
j'embrasse le ciel, je danse avec les astres,
debout en plein soleil ou dans le vent qui souffle.
Le nid m'accueille. Inespérée,

ma chance embrasse l'air
et devient un havre au soir.
Sous la lune ou le soleil je suis un air,
un chant de joie et de louange.

Le Canigou sous un toit,
a des plumes d'or, le bois des arbres.
Ça sent le vert et fleure la rosée.
Joli clin d'œil à l'espérance.

Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

En un bell niu sota teulada
abraço el cel, danso amb els astres,
dreta a ple sol o amb la ventada.
El niu m'acull. Inesperada,

la meva sort abraça l'aire,
i es fa recer en la vesprada.
Amb lluna o sol em faig tonada
un cant de goig i de lloança.

El Canigó, sota teulada,
té plomes d'or, fusta dels arbres. 
Fa olor de verd, gust de rosada.
Pica l'ullet a l'esperança.

Figures

Mais quels sont ces visages
grattés par le dalon,
sur la peau de mouton
qui sert de palimpseste ?

Des figures sans ombres,
des bustes, des profils. 
L'humanité brisée
en quatre individus 

Ou bien la diffraction
d'un personnage unique.
Mystérieuse apparence
qui attend une voix.













© André Ròber

Terrasseta

És una terrasseta
oberta a les praderes.
S'hi beu un cafè fort,
tot mirant els cavalls.

Les eugues matineres
amb els potres mamant.
La foscor de la serra
del costat de Montbrú.

La terrassa és estreta.
Hi creixen les maduixes.
Una talaia justa
per admirar el món.

Signature

La nuit touche à sa fin
et les oiseaux s'ennuient
ils guettent la lumière
qui les fera chanter.

À chaque arbre un chant neuf
pour célébrer le jour.
Des trilles harmonieux
ou un son lancinant.

C'est une signature
qui n'est jamais semblable.
À chaque jour son chant
et son auditeur neuf.

La peau des lèvres

Les lèvres sont de peau
et la nuit les oublie.
Paupières de papier
que le sommeil referme.

Les mots ne sortent plus
et la pensée s'envole.
Rêves inavoués,
songes inachevés.

La peau des lèvres est douce
qui quitte le sommeil.
Mais plus que des baisers,
c'est un café qu'elle veut.