1
Le frais e(s)t le fugace
Llacuna, ligne 4, au sortir
de la bouche du métro, une
bouffée d'air frais sur tes
joues. La journée commence,
tu remontes ton col avant
d'entrer d'un bond dans la
boulangerie Pi. Tu demandes
un croissant, comme d'habitude.
Il est tout frais, c'est à dire
qu'il est tiède et imbibe le
papier. Au café Pujol, le tiède
l'aura quitté, un sourire naîtra
sur tes lèvres, fugace.
2
Boire frais pour aller loin ?
La gourde est tiède, peu épaisse,
on la dit en peau de chèvre, elle
perd ses poils noirs et blancs, si
secs sous les doigts. Je dévisse
le bouchon de bakélite et soulève
la petite outre. Le vin rosé coule
gouleyant. Je ferme les yeux, la
referme et la range dans ma besace.
J'appuie sur la pédale droite, la
route sera longue et déjà le vin
n'est plus.
3
De la fraîche froissée par tes doigts
Tu as trouvé un sac de skaï noir sous
la banquette du RER, là où passe le tuyau
brûlant du chauffage. Le wagon est vide.
Sans le relever, tu glisses la main par
l'ouverture béante, ta main aveugle froisse
des papiers par dizaines. Tu reconnais leur
toucher duveteux et sonore : de la fraîche,
beaucoup. Trop ? Tu vérifies que personne
n'est entré et tu fourres le sac dans le tien,
sans le regarder. Ce n'est que chez toi, à l'abri,
que tu en dénombreras le contenu : mille sept cent
cinquante-cinq euros en billets usagés, froissés par
d'autres mains, tant de mains. Malhonnêtes aussi ?