mercredi 9 septembre 2015

Bleu de nuit

Le tube est dur que la main
a torturé. Le bouchon de côté,
un peu de poudre durcie s'en est
allée.

Noire. Noire fard de la tragédienne
que la larme ravivera. Odeur entêtante.
Je me penche. L'odeur est forte mais
la couleur 

n'est pas l'imaginée. Indigo ? Non. Plus
foncée : bleu nuit. Bleu du drap froissé
quand, à trois heures, l'aiguille se détache
et, perçant ton sommeil,

te laisse éveillée, comme moi, au même instant.
Si loin, si près. Si loin de toi, si près de moi.
L'eau calme se brouille sous le fracas des express
qui la longent.

Tu hésites. Cassant le livre à la couverture foncée,
tu es éblouie par la double page blanche. Il n'est pas
coupé. Nul couteau ou coupe-papier dans l'immédiat.
Il te faudrait

descendre, ouvrir le tiroir glacé. Le livre aurait alors
perdu son attrait neuf. Aussi tu le reposes et portes la
main à ta bouche. La main gauche, la main du cœur. 
Tu la respires longuement.

Elle sent la gouache que loin, si loin, j'avais cru déboucher,
et dont, peintresse d'une nuit, tu avais voulu peindre mon sommeil,
afin de nourrir, dans l'inconscience des cils clos, de toi le rêve
énamouré.