J'ai toujours aimé l'accessoire, le marginal,
le cycliste réparant son pneu crevé sur le bord
de la route, le jardin japonais sur le chapeau
de la vieille Anglaise, le lacet défait du soulier
gauche de mon professeur d'histoire. J'ai la conviction
que la vie y passe et s'y dit avec plus de justesse que dans
les scènes centrales. Plus que de ses films de cape et d'épée,
je retiens de Jean Marais sa visite inopinée au café de mon grand-père,
souriant à la petite caméra que tenait mon père. Et il m'arrive d'aller
dans les cafés feindre de travailler, de lire ou d'écrire, pour glaner
de l'accessoire toute l'essence dissimulée. Il pleut au dehors. Fort, dru,
et les clients entrent en hâte, les parapluies se serrent en jarre et chacun
dégoutte un peu de l'histoire d'une existence. Les eaux se mêlent en un miroir
qui renvoie un peu de ce que je fus en cette heure et que je dois à mes congénères.