À Fabienne Amadori
Pilote, pilotin, pilotine...
Le pilote avec son bateau
effilé, tout comme le bateau-phare,
a guidé mon enfance dunkerquoise,
dans ce port gris foncé, à la surface
moirée, où mon père travaillait dans
l'administration des douanes.
Des années plus tard,fortuitement,
j'appris que le président Chirac
avait été pilotin dans ses jeunes années
jouant au loustic en route pour le Vénézuéla.
De la pilotine, j'ignorais qu'elle ramassait
le bateau du pilote dans une bonbonnière de
lettres et de sons. Une amie me l'apprit par
une belle histoire. Elle concevait alors un
programme informatique à l'usage des pilotes,
des commandants de bord et de leurs armateurs.
Il fallait éprouver le progiciel ; on la manda.
Sans se départir de son élégance, elle monta
dans la haute cabine, toute à ses calculs et
aux manies des armateurs jaloux. Elle avait
oublié l'indispensable épreuve du feu, ou
plutôt de l'eau, en l'occurence. Le navire
prenait de la gîte, chaussée de fins escarpins
à talons, elle entreprit la descente. Les marins
rougeauds riaient à gorge déployée. Elle n'en menait
pas large. En bas, si bas, tout contre l'écume étaient
les haubans de la minuscule pilotine. Le jeu -mais elle
ne riait pas- consistait à saisir prestement le hauban
et à passer d'une embarcation à l'autre. Entre les deux,
les flots grondaient, avides d'engloutir cette informaticienne
trop belle pour être vraie. Elle ne disait rien et, avec grâce,
s'empressa de saisir fermement le cordage tendu. De la suite,
je ne traiterai pas, elle avait réussi son examen de passage.
Un parmi tant d'autres. À Barcelone je lui promis de l'écrire,
l'amour de Clara, un temps, m'en détourna. Et le voici, Fabienne,
comme promis.