mardi 14 août 2018

Spectateurs

La pièce s'est tue et les livres regardent,
serrés sur les étagères immobiles qui ploient
sous le faix des années. Pas un ne cille et 

pourtant je vois leurs dos miroiter quand je
passe, lentement, en proie à l'insomnie,
silencieux, retenu. Tranche jaunie, pages

cornées, reliures défraîchies ou brochure
fatiguée, ils quêtent l'œil neuf d'un badaud
égaré. Tournant les talons, je me retire

de la pièce d'habitation et je pars dans la nuit,
les yeux pleins de la supplique silencieuse de
ces pages serrées, où l'encre, soudain, a pâli.