vendredi 31 mai 2024

Un plâtre retiré

Le plâtre retiré,
la pâleur de la peau,
l'impossible contact
avec le monde froid.

L'enfant cherche sa place
et le sommeil la fuit,
car sous ses bandelettes
elle était à l'abri.

Et voici le soleil,
les gestes et puis la voix
qui menacent sa jambe
en ôtant tout repos.

Mais l'enfant est solide
et rit de mille langues.
Demain sera plus beau
qui la verra courir.

Une peine sans mots

Les mots sont de chacun,
il ne sont de personne.
Que la peine survienne
et la langue se tait.

Bienheureux les Anciens
qui nous parlaient de tout
et voyaient dans les dieux
la forme de nos pleurs.

Mais les Anciens sont loin
et la peine est présente.
Alors, pour l'honorer,
je me tais à mon tour.

Comme un Ecce homo

Anguleuses coulées.
À tu et à toi.
Sur un lit de pétales,
le silence est pronom.

L'essentiel encadré.
Singulière beauté.
Pas une couleur.
Les tons se sont donnés.

La bougie disparue,
le tableau est ainsi.
Offert. Tout cru.
Comme un Ecce homo.





















© Esteve Sabench

Dialogue

Sur la rêche blancheur,
le pinceau va et vient,
en cherchant son semblable
aux patins de soie brune.

Ah, la belle clarté
et l'ample patinoire!
Un camaïeu de bleus
qui rougit à l'envi.

La vague veut le sable,
mais le sable est de mots.
Un dialogue s'instaure
à l'ombre du pinceau.














© Colette Planas

mercredi 29 mai 2024

Joli tapis

C'est une plaine immense
que dominent des monts.
L'or s'unit à l'orange
en sombres mamelons.

La feuille s'ennuyait
sur la table timide,
quand il lui prit soudain
la folie des pigments.

La jolie dystopie 
lui fit perdre les sens.
Se jetant du balcon,
elle devint un tapis.

© Colette Planas

mardi 28 mai 2024

Miracle

A la Roser, amb amor

I fou tot un miracle 
La reinvenció d'un mot,
paraula sepultada
entre pàgines velles.

Un fruit d'agost del Vint,
nascut de les converses 
d'uns amics literaris
caminant de bracet.

I quatre anyets després,
la brúixola dels dies
els mostra un nou camí,
carrer del Canigó.


mercredi 22 mai 2024

La brume et la brune

Et la brume a blanchi
les cheveux de ma brune.
C'était un soir de mai,
à l'heure des amants.

Nous étions tous les deux,
sur le quai Freyssinet,
dans le port de Dunkerque,
et elle me souriait.

Et soudain le coton
de la brume nocturne
m'a voilé son regard,
ses lèvres et son passé.

La brume m'a volé
la brune que j'aimais
et depuis lors je marche
tout seul sur le vieux quai.



Drapeau

Que j'aime ce drapeau
en bandes horizontales.
Le gris de la pierraille
et le vert des buissons.

Nuages en tons de gris
qui courent à la mer
et la brique brisée
qui descend l'escalier.

Un drapeau de concorde
qui mène les familles
à sortir en campagne
pour vivre leur bonheur.














© Catherine Archo

Saudade

Tristesa indefinida,
enyor que neix dels ulls.
L'equilibri és perfecte
entre el cel i la mar.

Els núvols són les ones
que recorden les barques
de tant de mariners
que s'hi van ofegar.

Saudade de maig...
La foto d'aquarel·la.
Un clixé d'absolut
per temps tan relatius.














© Joan Verger de la Caixa B

Leçon de choses

Une leçon petite.
La transmission sereine
de gestes quotidiens,
à l'aune du jardin.

Relais de l'œil curieux,
la main fouille la terre,
dégageant des racines
les tubercules blond.

Et ça sent l'ocre brun,
le terreau et l'humus.
Une leçon de choses
pour enfants d'aujourd'hui.




Du divan

Les lueurs du jardin
ont bu l'encre des mots
et le divan accueille
mon attente indocile.

Au diable le plafond

Mon ciel s'était voilé
de plâtre et de grisaille,
cachant à mes yeux las
l'infini des étoiles.

Alors je l'ai crevé,
à l'aide de mes mots.
Je me suis inventé
l'immensité bleu nuit  

Au diable le plafond
et son étendue vierge,
je veux fouler les cieux
de mes pas de géant.

Envie

Aux portes du jardin,
de lourdes roses veillent,
par grappes de blancheur 
à la senteur exquise.

On longe les cannisses
et on s'emplit la vue
de plantes vivrières,
d'herbes aromatiques.

Crinière ébouriffée
qui verdit sous la vue,
donnant au lent passant
l'envie d'y pénétrer.


mardi 21 mai 2024

Fautes

Et si les fautes étaient
le sel de cette vie ?
Non pas les grosses fautes
mais les fautes vénielles.

Les glissements de plume
ou de voix enrouée.
Les omissions soudaines
à l'heure du départ.

J'aime les fautes douces
et le pli d'une lèvre.
L'offrande d'un esprit
au monde des lecteurs.

Quand j'ai passé la porte

Quand j'ai passé la porte, le printemps m'attendait.
Des fleurs de toutes sortes ouvraient sur le jardin,
feignant tant bien que mal de sembler anodin,
alors qu'à son spectacle longtemps je m'attardai.

La pluie avait cessé et le jour s'allongeait.
Chaque rangée offrait bien des fruits de ce monde.
De la coriandre verte, de la rhubarbe oblongue,
et, sous la terre meuble, de très pâles dragées :

des patates grenailles arrachées en bouquet.
Des laitues et des choux poussaient dans les rangées,
attendant les hommages d'un arrosoir rangé.

Un figuier anarchique figurait un bosquet
pour donner au jardin les parfums de son ombre
pendant que, dans un coin, rigolait un concombre.



Un petit jardin

C'est un petit jardin
qui avoisine les autres.
une pièce vert clair
d'un patchwork de nations.

La maîtresse des lieux
sarcle avec bonhomie
la coriandre invasive
et invite à bêcher.

Les enfants se rassemblent
pour creuser en silence
et tirer de la terre
des petites patates.

Plus loin, dans une haie,
les framboises jaunissent
et ploient sous leur poids d'eau,
comme pour se cacher.

On se croirait ailleurs
et on est bien chez elle.
Ses yeux ont la couleur
des plantes ses amies.



Mélange

Mélange des passions
et des mains sur la table.
Les encres sont violines
et les papiers de riz.

Mélange succulent
qui me vient à la bouche
quand je pense à midi
et aux poissons grillés.

Grillade sur la braise,
mélange de saveurs.
L'offrande de la plage
aux amoureux transis
.

Deux langues, un cahier

Un cahier tout rayé
et l'encre qui y glisse.
La main qui disparaît
au profit de ses mots.

L'écriture est plurielle
qui regarde et traduit.
Les sons y dodelinent
sur un rythme semblable.

Il y a bien des années
et deux ou trois frontières,
entre les vers premiers
et leur adaptation.

Le cahier refermé,
le poème a deux voix
et le vent de l'été
les confondra enfin.

Un son dans la nuit

Et j'ai senti tomber,
sur le caillebotis,
l'orange de l'hiver 
que l'on n'a pas voulue.

C'est un son grave et mat
que je garde en mon for,
pour prolonger longtemps 
le don qu'elle fit au ciel.

Un soleil en petit,
lustré par les averses,
aimé par les insectes
qui s'y sont faufilés.

Orange ambassadrice 
des efforts quotidiens
d'un arbre mirifique
qui ne voulait qu'aimer.

lundi 20 mai 2024

Au milieu de la plage

La barque est sur le sable
qui s'ennuie des embruns.
Son ventre s'est vidé
des poissons argentés.

Une bâche la couvre,
comme un linceul de lin
et sa coque sanglotte
de ne plus naviguer.

Et pourtant elle est belle,
au milieu de la plage,
donnant à son ivoire
des couleurs inouïes.

Le bleu des Caraïbes,
le rouge des enfers,
le brun d'Anatolie
et le vert de l'espoir.

Découvre-toi, ma barque,
dévoile fièrement,
ton ventre qu'a nourri
le peuple de la mer.

C'est toute une famille
qui vit de tes sorties
et qui boit maintenant
le fruit de tes filets.

Goûts dévoilés

J'aimerais naviguer 
sur ta voile de mots,
sur ton cahier rayé
que surfilent des boucles.

Ta parole est ancienne,
ton émotion si neuve.
Le tiroir s'est ouvert
sur les livres aimés.

Et les pages s'envolent,
au gré des vents de mer,
confondant l'encre bleue
avec l'onde saline.

Je suis resté à quai
et, de là, je te vois,
gonflée par le zéphyr
qui te ramène au port.

La voile est constellée
de boucles océanes,
et j'y lis interdit
le fruit de tes pensées.

Les langues se mélangent,
quand s'affale la toile,
et ton regard m'apprend
ce que tu as aimé.

N'aie pas peur des fantômes

N'aie pas peur des fantômes
qui dorment entre tes draps.
Leur suaire est de lin,
leur parfum de lilas.

Ferme les yeux la nuit,
ils chanteront pour toi
la ballade insensée
des amants sous la lune.

N'aie pas peur des fantômes,
invite-les céans.
Leur parole est un baume
pour tes nuits de papier.

Mise en abyme

En abyme la vie.
La petite fenêtre
en marge du tableau.

La clé de l'existence
offerte aux initiés
qui s'y penchent pour lire.

Ne me dis rien de toi
mais mets-toi en abyme
et je te comprendrai.

Comme un portulan

C'est comme un portulan
qui délaisse la terre,
pour la ligne des côtes
et les phares des ports.

Le profil essentiel,
ses ombres et ses craintes.
Le regard d'obsidienne
qui voit sans regarder.

Et pourtant en son centre,
je sens crisser la peau,
son velouté serein
qui échappe à mes mots.









© Odile Marot

La claror de la forma

He deixat penetrar,
dins la casa silent,
el cant trist dels ocells
que vetllen sense somnis.

He mirat llargament
com clareja el seu cel.
Immòbil sense núvols
en espera pacient.

He agraït la vida,
pròdiga en refilets,
que treu de la foscor
la claror de la forma.

Qui signe le désir

J'ouvre de part en part
les fenêtres du bas,
pour y laisser entrer
le chant des oiseaux las.

Des oiseaux sans sommeil
dans le noir qui déteint.
Des oiseaux qui ne rêvent
mais font naître les miens.

Je suis sur la côte est
de mon île à l'aurore
et mes pieds nus crissant
sur le sable glacé.

Bientôt viendra d'orient
la lumière solaire.
Mes rêves la dessinent,
la désirent et l'appellent.

Ainsi sont ces oiseaux
qui peuplent Montescot
de leur chant immobile
qui signe le désir.

En ondes langoureuses

Je me suis levé et pour toi j'écris,
la bouche sèche, les yeux brûlants, sans larme.
Il fait encore nuit mais des bandes de clarté
donnent à mes yeux cette eau que le sommeil leur vole.

Les oiseaux chantent clair. Combien sont-ils ? Je ne sais.
Proches et lointains, ils guident mes doigts sur le clavier.
Une pie les bouscule, qui traverse la maison de part en part.
Ils n'en ont cure et poursuivent leur chant discontinu.

J'ai laissé le mètre policé, le simple hexasyllabe, cette sécurité
de l'écriture humble. J'écris sans y prendre garde, comme on s'éveille
à la vie, intimidé, désirant combler par une écriture hâtive
le battement d'un cœur qui renaît, bat, et se répand en ondes langoureuses.

dimanche 19 mai 2024

Un golf bien tropical

Un petit paradis
caché dessous les pins
avec une eau si bleue
qu'on se croit à Hawaï

et l'on oublie le temps
en découvrant les trous,
au creux de l'herbe verte
ou des rochers discrets.

Les âges s'y confondent
quand ils manient le club,
un œil sur le carnet
où ils pointent leur score.

Au terme du parcours,
on souhaite y revenir,
en dégustant un cône
ou un petit café.














Blanche espèce

L'argile rouge a bu la blanche espèce.
Paul Valéry

La feuille est un champ clos
où dansent les couleurs.

Au hasard du pinceau,
des gerbes de fourrage,

ou l'œil sombre d'un puits
buvant la blanche espèce.

Au centre est la blancheur
ourlée de rouille tendre.

Et parfaisant l'ovale,
la verdeur se disloque.














© Odile Marot

Geranis

Una aquarel·la viva
despatxada al matí.
La blancura dibuixa
les flors de la passió.

Rere la finestreta,
dins del test de fang clar,
la terra és de negror
amb l'aigua ja beguda.

Metzina de les fulles
que em torben la mirada.
Qui són aquests geranis
que m'han robat el temps?














© Francesc Garcia Arbós

Le chant d'un rossignol

Le chant d'un rossignol
me tire de mes livres
et du lent cliquetis
qu'exige le poème.

C'est un chant solitaire,
tout en messages brefs,
coupé de longs silences
qui veulent m'interrompre.

Alors je fais silence
et délaisse l'écrit
pour comprendre la voix
de qui veut me parler.

Flors

Les flors d'un bon poema
no necessiten vas.
Neixen de la facúndia
d'un rapsoda de maig.

Amb camisa hawaiana
i posat de tribú,
les regala a tothom
i tothom les escolta.

Les flors d'un bon moment
venen del cor del poble,
del vell ajuntament
on saben convidar.














© Diana Prieto Pérez

Sobres. Necessàries

A en Paco i en Toni

El que sobra del vespre,
sobre el marbre glaçat.
L'or de copes amigues,
el silenci dels plats.

El que rebutjaran
en tancar el cafè.
Les sobres del menjar
el plàstic del Coyote. 

La remor de la gent,
conversant sense límits.
El record d'un concert
que us ha reunit.

Temperatures

M'agrada la frescor
d'un rierol de maig
cantussejant baixet
entre les herbes altes.

És la sang de la terra,
la fosca transparència,
que regala a la mà
uns còdols amb passat.

M'agrada la tebior
de la gespa de juny,
allargant el bon dia
fins a la freda nit.

samedi 18 mai 2024

Éphémères

Si fraíchement cueillies 
dans le jour déclinant,
elles s'épuisent à vivre
dans l'ostensoir d'un vase.

Les pétales blanchissent,
avant de choir légers.
Sur la table de bois,
naissent des feuilles vierges.

Les roses sont ainsi,
embellies par la chute
et les couleurs fanées
de leur robe d'un jour.



Pour dérouter le temps

Le plafond était haut.
Les enfants attablés
crayonnaient sur les feuilles
le fard de leur visage.

Un moment d'exception,
en marge du repas.
Dans une niche à gauche,
quelques livres précieux.

Sur le mur, le bleu vif
d'un tableau en horloge,
sans l'ombre d'une aiguille,
pour dérouter le temps.



Pergola de mai

Pétales de couleur
et le ciel qui rougit.
D'entre les feuilles vertes,
une aquarelle rose.

Ah la jolie tonnelle,
la pergola de mai,
le plafond de douceur
pour vivre le goûter.

Plus loin est le jardin,
avec son île au centre.
Des flèches ventousées
que tirent les enfants.

vendredi 17 mai 2024

Les roses sans odeur

Les roses sans odeur,
aux pétales exquis,
me parlent à l'oreille,
avant de s'endormir.

Elles me soufflent tes mots,
le timbre de ta voix,
tes silences profonds
et le vent de la plaine.

Dans un recoin ombreux
d'un jardin de la ville,
je les sens qui s'animent
avant que d'expirer.



Ségrégation

Marelle improvisée
dans la cour de l'école.
Parmi les gravillons,
la craie avance et trace.

C'est un jeu interdit
aux garçons de mon âge
que l'on réserve aux filles,
derrière le grillage.

Des écoles jumelles
mais des cours séparées.
La marelle est aux filles,
les cow-boys aux garçons.

Longtemps j'ai désiré
voir tomber le grillage,
pour retrouver enfin
la pleine humanité.

Mystère

Night has a Thousand Eyes.
                Cornell Woolrich

Il y a tant de mystère
dans l'ombre d'une porte.
Des odeurs de lessive
et un bébé qui pleure.

Le noir s'y peuple enfin
de milliers de regards.
Toute une vie passée
à l'ombre de la porte.

Mais quand viendra la nuit,
la porte refermée,
le mystère naîtra
des corps qui s'y rassemblent.



Infàmia

Han matado un hombre,
han roto un paisaje.
         Francisco Candel

A la vora del camí, 
han desfet un armari.
L'han col·locat força bé
per al dia del Judici.

Mentrestant patirà el bosc
davant de tanta infàmia.
Han volgut matar un bosc,
han trencat un paisatge.


© Tomeu Pons

Alternances

J'aime alterner les langues
dans mes poèmes brefs.
La force d'une image
ou la rondeur d'un mot.

Les langues m'accompagnent
au fil de ces écrits,
en vers de six syllabes,
sans rime ni bijou.

J'aime changer de langue,
au gré de mes envies
et quand j'écris dans l'une,
je sens l'autre pointer.

Una vinya a l'estiu

M'agrada fer campana
per les pàgines denses
d'un bon amic dels mots
que defugeix l'oblit.

Amb unes pinzellades
d'esguard entremaliat,
ens torna a cadascú
la passió del llenguatge.

La forma del poema
per ell és paisatge,
una vinya a l'estiu
esperant el celler.









La gerra blava

Lleument despentinada,
prescindeix de l'espai.
Dels murs del gran Cézanne
no queda ni el detall.

Lleugeresa de l'aigua
que sol rodejar l'illa,
contra l'olorós oli
de la Sainte-Victoire.

Un regal del matí,
donat amb senzillesa.
Aquarel·la velera
navegant per l'onatge.














© Francesc Garcia Arbós

Attente

Sur la table deux livres,
minces et odorants.
Sur la table deux livres
qui vont changer de mains.

Odeur de café fort,
brouhaha dans la salle.
Conversation amène
entre amis de cent jours.

Collés contre la table,
leurs pages bien serrées,
les ouvrages attendent
le retour de chacun.


Rêve de peinture

J'ai rêvé de fruits pleins,
gourmands et savoureux. 
J'ai rêvé d'impressions
que je croyais réelles,

jusqu'au réveil soudain,
qui les a fait partir,
qui les a révélées.
Mon rêve était d'envies.

Envies de compotiers
tracés sur le papier
et de tableaux exquis
que pour nous vous peindrez.

jeudi 16 mai 2024

Estoreta bonica

Estoreta bonica
d'escuma fosquejant,
quin és el teu secret
que m'amagues dormint?

Dibuixes per la sala
uns quadrats d'alegria
o esperes a la tarda
uns insomnes vetllant?

T'he tornat a guardar
amb les motxilles grosses,
el xandall de franel·la
i el meu esguard d'infant.

Via crucis (en petit)

He vorejat els tolls
de l'antiga ciutat,
per provar el silenci
dels carrers refredats.

Plaça de les Patates.
Primera estació.
He sentit la paraula
del padrí traspassat.

Plaça de les Palmeres.
Segona estació.
M'ha vingut a la ment
una olor de maduixes.

Fruits

J'ai vu des fruits jaloux
de belles échancrures,
casser leur gangue rouge
pour exhiber leur chair.

Un chapelet de nonnes
courant à l’angélus,
avant de succomber
à la prune violine.

J'ai vu des fruits heureux
du regard des passants,
rêvant de langues brunes
goûtant à leurs douceurs.














© Odile Marot

Le poète et l'aquarelliste

Le poète est si peu
devant l'aquarelliste
et l'encre de ses vers
se dilue en une ombre.

Il faut toute une vie
de vers et de figures
pour s'approcher un brin
d'un bouquet de couleurs.

Alors chaque matin,
pour emplir mes poumons,
je baigne mon regard
dans l'eau des aquarelles. 















© Francesc Garcia Arbós

La passion des voitures

À Richard, avec reconnaissance

Le temps n'a pas de prise
sur les grands passionnés.
Les voitures vieillissent
mais pas leurs amoureux.

Au fil de leurs paroles,
on découvre des mondes.
Des sorties à Revel
à bord d'une DS.

Le temps n'a pas de prise
mais il se multiplie
et je revois ravi
les camions de l'enfance.

Le Peugeot des pompiers
livrant notre cantine.
Les marmites fumantes
et la joie du repas.

Bien sûr, on me dira
que ça prend de la place,
quarante-cinq voitures
et si peu de hangars.

Mais la passion permet,
au hasard des rencontres,
de retrouver l'un deux
vingt-cinq années plus tard.



mercredi 15 mai 2024

Bouquet d'enthousiasme

Le sang s'est épuré,
il a perdu ses larmes,
au profit d'autres larmes,
de joie et de gaieté.

Sur la feuille impatiente,
des traînées de liquide.
La lymphe transparente
et les pétales sang.

Un bouquet d'enthousiasme,
rassemblé pour vos yeux,
afin de vous guider
dans ce jour de partage.














© Francesc Garcia Arbós

Cascall marí

Sembla tan lluny del mar
amb el seu vestit groc.
Un tafetà ballant
per celebrar el dia.

Un regal per als ulls
de l'amant de natura.
El somriure joiós
d'un rellotge de dia.

El cascall mariner
és una flor nostàlgica
que treu l'or dels seus pètals
del passat oriental.














© Tomeu Pons

Oblits

Has tornat a la nit
la pau de la consciència.
La signatura tendra
dels somnis oblidats.

Un somriure agraït
al sostre de guix blanc.
El testimoni mut
del repàs de les hores.

Ja vindran d'altres hores,
la claredat del dia.
Converses oblidades,
a l'hora de l'insomni.

Rien de spectaculaire

La nuit est un silence,
un cliquetis de doigts.
Le battement d'un cœur 
qui cogne sous la peau.

Rien de spectaculaire,
des mouvements légers. 
Le frottement des draps
par les pieds esseulés 

La nuit est une attente,
le cri blanc d'un plafond
qui cherche son pareil
sous d'autres latitudes.

Le ballet de la nuit

Contre la dalle froide,
les pieds viennent et vont.
Le ballet de la nuit,
en quête de boisson.

Ainsi j'écris mes vers,
tout barbouillé d'eau froide,
retrouvant du passé
la marche lancinante.

Le contact des carreaux
est un jardin d'Eden.
Sensualité facile
au cœur des insomnies.

lundi 13 mai 2024

Glissement du désir

Le leurre est la surface
étale de la toile,
qui se brise en un gouffre
d'anthracite pâteuse.

C'est là que l'on se glisse
entre les draps de lin,
pour goûter du carmin
la ligne délicieuse.

Peinture du désir 
qui suggère et se tait.
Sous la toile est l'eau vive
où nagent les amants.













© Odile Marot

dimanche 12 mai 2024

Charnière

Le dedans, le dehors.
La verdeur des prairies,
la noirceur du salpêtre.
La charnière du corps.

La silhouette est lourde
qui joint les opposés.
Épaules de blancheur
et visage oublié.

Plus bas est la ceinture,
où se joignent les mains,
pour empêcher la marche
à l'épaisse charnière.














© Odile Marot

La couleur de l'instant

C'est l'instant que je cherche
dans les tableaux d'Odile.
Non pas l'instant du peindre
mais celui de le vivre.

Les pliures ombreuses,
le brillant du cliché.
La précipitation
de la gourmande offrande.

C'est alors que s'apaise
ma quête de l'instant.
Et je goûte, insensé,
la couleur des volumes.














© Odile Marot

Aporie

Il est tant de paroles
qui valent par leurs sons,
non par le sens fugace
qu'on leur donne souvent.

Aporie redoutable
pour le traducteur lent
qui se lève un dimanche
et se met au travail.

Les clavettes cliquettent,
la mer fait le dos rond,
avec un ton distinct
de la langue première.

samedi 11 mai 2024

Fent campana

Fent campana un dissabte,
hem donat una volta
a la maternitat.

Les herbes amb els arbres
els arbres amb les herbes.
Silenci i dignitat.

Fent campana un dissabte,
ens han tornat la fe
en la humanitat.



LA TERRE EN FRICHE

Accompagné par le reflet effréné

d’un rai de lumière qui atterrit sur les marges,

tu es attiré par le vol incertain d’un nuage tendre

étendu sur la poussière sereine qui inonde le ciel,

la terre se cuit de feu, de faim et de cendre.

Et tu envies les images qui s’unissent

au silence de lèvres scellées

à la pensée qui t’oublie au monde.

Et le regard fixe sur la terre âpre,

tu peins la sécheresse de ton ombre,

tels des fils de soie blanche au firmament.

Quand les nuages emporteront les paroles,

nous vivrons le battement absent de leur retour.


Lluís Bosch, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

La calor de l'estima

A la Marina Rossell
i a l'Antoni Ros Marbà

El blau amb el vermell,
dos colors apagats
per donar a les mans
la calor de l'estima.

Una taula senzilla.
Ulleres, got de vi.
Frugalitat dels plats
a punt de refredar-se.

Aquesta és la lliçó
de l'amistat sincera,
dels anys transcorreguts
sens oblidar-se mai.



Bois flotté

Que sont les siècles pour la mer ?
                                Max Gallo

Reposant sur la grève
un bois flotté attend
celui qui y verra
d'étranges ressemblances.

Tranchant sur les montagnes,
des immeubles en béton
imposent leur superbe
à l'anse de Rosas.

Et l'humble bois flotté,
déposé par les flots,
mimant leur construction
en crie la finitude.












© Lionel Itié

Orant

À mon fils Vincent

C'est un lointain ancêtre,
priant dans un lieu saint.
Délaissant les gisants,
Monseigneur est orant.

Il y a bien des années,
un fils mien y trouva
la semblance des traits
avec notre lignée.

Et quand je le retrouve,
en revoyant ma vie,
je ne puis m'empêcher
de lui donner raison.














Mgr Étienne Bourret,
cathédrale de Rodez