vendredi 10 mai 2019

Le travail d'une vie

L'or coule, épais, liquoreux,
il dégoutte de la cuillère
tenue négligemment.

Quand il atteint la table,
le miel essaie de se fondre
au vernis qu'il mime.

Sans succès. Le convive,
s'appuyant de ses deux mains
sur l'ample table havane, pour
appuyer son propos, peste.

L'or colle à sa main gauche que
la serviette ne parvient pas à
faire disparaître. L'orateur

s'emporte, s'empourpre et s'en va.
Au sous-sol, sous le jet tiède
des sanitaires, il se défera

prestement de ces larmes d'or.
Le travail d'une vie. Quarante
journées, du levant au couchant,

à butiner mille fleurs. Sèche,
couchée sur le côté, l'abeille
s'envole dans le vent et les fleurs


à sa mémoire replient leurs pétales,
naguère de velours. Un convive, rassuré,
reprend son monologue présomptueux.