vendredi 17 mai 2019

Un hommage muet

à O.M.M.

La foule se presse dans la librairie.
On a dressé des chaises pliantes qui,
bientôt, ne suffiront pas.

Il y a là des collègues, des amis, des
curieux, des aveugles de mémoire, aussi,
aux yeux opaques et bien ouverts.

Le livre présenté est épais, un éventail
de papier mat et de photos, parcouru de
signets jaunes. Sur la gauche, parfaitement

alignés sur leurs chaises, cinq personnes,
trois femmes et deux hommes, tiennent en main
un semblable éventail, plus large et plus fin.

Ce sont les lecteurs qui ponctueront la présentation
de fragments voisés, témoignages sur le pouce, réflexions
ou fictions mémorielles. L'heure est grave et le propos

dévoile la peine et la souffrance, le déchirement entre
deux pays et deux langues, rien que la parole ne puisse
entièrement porter. Voire. Sur la fin, une confidence,

soufflée dans un sourire triste, livre l'origine première.
À rebours, l'oméga d'un prénom. Hommage de parents à celle
qui les a sauvés et qui se termine par un «e» muet que,

jamais, ils ne parviendront à prononcer. Un prénom qui,
toujours, portera les deux terres imbriquées et qu'encore
le timbre fait vibrer, comme passent les pages.