vendredi 30 juin 2017
Une paire de sandales
bleues comme les perles qui ceignent ton poignet,
cette paire de sandales avait gardé de la main amie
qui l'avait dessinée le charme désué d'un matin frais
au levant. La brise d'iode et de sel, le cliquetis des
voilures affalées, le regard halé de tant considérer
l'horizon. Mais l'île est loin et les montagnes de la
Drôme déjà t'accueillent. On dit que tu y marches fière
et aimable. Aimante aussi. Serait-ce par ton sang minorquin ?
Une amie
La cuillère de marmelade de prunes ne les a pas
atteints. Laurine s'est levée, toute au réveil
des enfants. L'heure avance et déjà le dernier
jour d'école pointe son nez, qui les appelle.
La haute porte se clôt sur un silence. La pluie
au dehors redouble. Laurine n'aura pas bu son café.
Je pense au regard de ses enfants hier soir, aux
discussions adultes avec Amalia, aux jeux de force
avec Elias. Chaleur de l'accueil, bienveillance de
l'hôtesse. Martí et moi comme deux coqs en pâte.
Sur ma gauche, dans le compotier, les fruits mûrissent.
jeudi 29 juin 2017
Et si
Et si je devais t'inventer,
je ne pourrais le faire.
Tu es l'herbe folle,
que caresse le vent,
le sel de la mer,
au creux blond de la main.
Et si devais t'inventer,
je te voudrais sirène.
mercredi 28 juin 2017
El rastre blau d'un cargol crema
els sentits, néixer la imatge d'una possible
confusió. Considera el cargol clar de la teva
infantesa. Recrea el seu caminar lent cap al
full d'enciam que la mare t'havia confiat.
Pinta de blau el record del seu passeig.
I escriu. De cop i volta, sense pensar-ho.
Tota llenya fa foc. Tota llengua fa foc,
oi, Jordi Pere? I crema el rastre blau
d'un cargol clar que crèiem oblidat. Es
deia Bill. El guardí un parell de dies. Ara
te n'ofereixo, amor, l'emprenta inoblidable.
Écrire et vivre
absence de l'amie dont
l'odeur flotte encore.
Vivre est de présence,
les yeux voilés par le
sang longuement conjugué.
Et quand les deux se veulent
épouser, les mots manquent
que l'ami poète saura nous
débusquer au détour d'un désir :
écrivivre. Comme le chat se fait
chien pour accompagner la course
de son maître d'une lueur rousse
aux senteurs d'encolie, je veux
cueillir des fruits à noyaux
Bordeaux, glacés par la remise,
et revivre le présent que tu m'en
fis naguère pour m'inviter à vivre,
par delà le départ, notre union
inouïe dans une mémoire neuve.
Je les croque et te vis, t'écrivis.
Quand
et que se perdent les trains, quand
les voyageurs harassés sautent en marche
pour aller au hasard des rues, alors il faut
croire à l'amour, à la tendresse aveugle
sous un réverbère trempé par l'ondée, au
crissement lancinant d'essuie-glaces sans fin,
s'inventer la langue par delà les mots et un
chemin neuf, un seul, parmi les milliers
proposés. Au terme seront le lin souple et l'orgeat
doucereux, les doigts croisés qui croyaient s'être
perdus et les heures sans fin, étrangères aux express
qui continuent de zébrer l'encre du sillon. Confiance.
Conscience. Un avenir autre est possible que l'on croyait
perdu. En nous gommant, le matin nous instituera. Enfin.
samedi 24 juin 2017
Il ne suffira pas
Le temps que ça dure ne suffira pas.
Pas même dans les heures claires
d'un solstice écossais. Alors, si tu
veux, mon amour, dans le secret le
plus achevé, noir d'obsidienne et de
jais, nous forgerons les clés d'un
temps nouveau où l'absence est parole
et la distance caresse. Le temps ne
suffira peut-être pas. Mais nous y serons
bien.
Monsieur CHATOUILLE
Elle aimait ce curieux personnage
dont le prénom commençait et
finissait comme le sien.
Chaque soir elle attendait l'heure
où sa mère tirerait le carré broché
où il dormait de la petite pile des
lectures enfantines. Marianne ne
lisait, elle vivait et bien vite perdait
toute corporéité pour devenir
chatouilles. Alors Camille riait. Mieux
que si des milliers de doigts s'y étaient
essayés. Il était une fois. Ou mille...
jeudi 22 juin 2017
Nos mains d'été
à peine halées, elles se frôlent,
se caressent, se recouvrent, se serrent
puis s'apaisent, comme alanguies par la
chaleur de l'été. Nous ne parlons pas,
nous les regardons tous deux comme nos
discrètes ambassadrices, celles qui jamais
ne doutent, plus fidèles que les mots, mais
moins sûres que nos yeux qui jamais ne se quittent.
mercredi 21 juin 2017
Illes meves
limitat. Porten el mateix nom i
conviuen alhora dintre de la meva
memòria. Solc anar-hi unes quantes
vegades a l'any. Tres o quatre diets,
en general. Allí em reuneixo amb uns
amics rics, arraconat en un cafè fosc
o sota els fluorescents d'una tertúlia.
I me'n dibuixo els contorns de pell tèbia.
De mans i fetge
Se solien reunir els dilluns
al capvespre per fer tertúlia.
Eren quatre o cinc, a vegades
vuit o nou. Xerraven fort, tot
menyspreant el partit de futbol
que l'alta pantalla donava. Com
molts forasters, aquesta gent del
poble hi compartia fetge i patates
fregides casolanes. Un dia ens hi
invitaren, amor, te'n recordes?
Ja havíem sopat, a casa d'uns bons
amics. Els vérem parlar dels móns,
els nostres, actuals i passats. Dels
tres Joan que hi havia, el més alt,
amb barba de profeta, parlava molt
menys que de costum. Sa mirada fosca
tenia la profundidat del pou de na
Patarrà. No l'hi demaní res, ni ell me
digué res. Passaren hores i hores. Rebí
un missatge molt dens i llarg que s'acabava
per aquestes paraules: «Es fetge d'ahir era
molt bo, però el de la meva àvia era millor.
La comparació era incomparable.» Amb més força
que la magdalena proustiana o la taronja que Lou
li donà a l'Apollinaire, el fetge olorós del bar
Sa Roda, havia tornat el nostre Txolo al món ric
de la seva infantesa. I ara mateix, a quatre cents
quilòmetres de sa meva illa adorada, tinc la suau
impressió de veure una senyora baixeta que s'eixuga les
mans a l'ample davantal, després de preparar-nos un fetge.
L'homme qui parlait avec Saint François
Vous ne le trouverez pas,
à moins qu'il ne vous invite
à partager le pain et le sel,
au détour d'un buisson d'un
monde à la Thoreau. On le dit
insulaire, je l'ai surpris en
italien sur les coups cristallins
d'un Angélus inventé. il avait
disposé, par devers lui, un écritoire
de fortune et parlait à un saint en
plâtre polychrome, l'une de ces statues
qui firent florès au dix-neuvième finissant.
La porte était entrouverte. Un chat mince,
aux pattes élancées, montait la garde du feu
de son pelage. Ce ne furent que quelques
instants, une poignée de minutes tout au plus,
mais il me sembla que des hommes la guerre
s'était suspendue et que les animaux, autour
d'un saint et d'un poète, avait fait cercle,
pour de la canicule implorer le pardon.
Il me sembla. Et lui, qui me lit, en sourira.
vendredi 16 juin 2017
No vull res més / Je ne veux rien d'autre
un ventolí fresc arran del
mar,
una caseta blanca, de pati
ombrívol i la lectura dels
poetes germans.
La teva presència, somiada,
el parlar pla de l'amic Paco,
una visita sobtada del Joan,
la presència callada de Camus,
els carrers sonors i els camins
olorosos a la nit,
mentre, a La Rueda, Carles, Nando,
Juanjo i noltros fem tertúlia i
hi apreciem la vida vertadera.
***
Le sel du matin à l'est,
une brise fraîche au ras
de l'eau,
une maisonnette blanche,
au patio ombreux et la lecture
des poètes mes frères.
Ta présence, rêvée,
la langue vraie de mon ami Paco,
une soudaine visite de Joan,
la présence silencieuse de Camus,
les rues somnores et les chemins
odorants la nuit,
cependant qu'à La Rueda, Carles, Nando,
Juanjo et nous, nous nous réunissons et
y apprécions la vie véritable.
mercredi 14 juin 2017
Lire entre les lignes
de tes messages brefs,
comme tes doigts fins
glissent sur ma peau.
Lire entre les lignes
de ta main. Paume déclose,
abandonnée. Prendre ton
pouls entre mes lèvres,
te trouver fébrile et m'
improviser garde-malade.
Infusion de fleur d'oranger,
miel des hautes terres.
La roche est forte qui veille.
La Provence, non loin, m'anime
mais déjà la nuit se fait et,
à tes côtés, je laisse entrer
en moi la douce chaleur. Juin,
juillet, l'été en son zénith,
le jus des fraises écrasées par
ta paume ragaillardie, coule sur
mon thorax. Septembre, le sang de
la vigne au fond du calice vif.
Communieras-tu aux deux espèces ?
La nappe déjà est tirée, le repas
sera de chair et la chère sera bonne.
Faces rubicondes que la nuit, jalouse,
avalera pour les restituer au matin,
sans ride, dans la splendeur de l'onde.
mardi 13 juin 2017
Capvespre gris / Une soirée grise
Un febrer de vint-i-vuit diets, plujosos.
Sense esperança. Homes i dones tancats rere
les finestres. No podries abraçar l'illa tota,
ni olorar-ne les tapareres grisenques i tristes.
Un capvespre inventat. Tan real però. No pateixis
que els nostres seran de camamilla i ginebra gelada.
***
Imaginée. Pour toi. Une soirée de février.
Un février à vingt-huit jours. Courts et pluvieux.
Sans espérance. Hommes et femmes enfermés derrière
les fenêtres. Tu ne pourrais pas embrasser toute l'île,
ni en humer les câpriers grisâtres et tristes.
Une soirée inventée. Et pourtant si réelle. Ne t'en fais pas
car nos soirées seront de camomille et de genièvre glacé.
Thème
violent, pas si impulsif, tu m'as déjà trompée
par ce cri de la nuit.» Tu as raison. Je me tais
et me retiens. Qu'est-ce que l'amour ? N'est ce pas
le fuir que de le proclamer comme on s'en va à toutes
jambes une fois le forfait accompli ? Et n'y a-t-il pas
autant d'amour dans ces silences bienveillants, ces ingénus
sourires ? Un ami écrit sous son figuier. Les chasseurs en
ont peur. Il est en chaque vers l'amour et jamais ne le dit.
L'amour sans lien
L'amour dans l'absence et les pas menus. Les lèvres
sont sèches et le souvenir humide. J'aime nos mots,
tu sais ? Nos mots et nos frôlements. L'appareil
brûle dans les mains que le printemps rejette, Je
le refroidis un peu dans l'étroite boîte à gants.
M'auras-tu écrit ? Résister à l'appel du parallélépipède,
me faire palmipède, tête basse, ralentir la marche,
nostalgique de l'étang. S'il m'était donné de pouvoir
t'écrire quarante ans, par touches légères, je le ferais.
Tu souris et te moques. Tu daubes mes ravissements. Sans
lien, l'amour me plaît. Et mon cœur à toi s'attache. Un peu.
Du sel
au bout de filins translucides. Silence.
L'enclos bruisse de centaines de cornes
visqueuses et fugaces sous des coquilles
dures comme des secrétaires anglais. Jamais
l'escargot n'outrepasse la frontière du sel.
Traces que suit le doigt du petit avant que
de le porter à la bouche. Escargots, tortues.
«Dis, papa, pourquoi on ne porte pas de maison,
nous ?». La main tiédit dans le blé de ses cheveux.
Et la parole se retient. Un souffle d'air entre.
Mikado. Ah si le temps pouvait s'arrêter. Un brin.
lundi 12 juin 2017
Mots croisés
à remplir patiemment
ses grilles, de soir
en soir, la loupe dans
une main, dans l'autre
un feutre, toujours le
même, un Pilot. Sa culture
est immense, son vocabulaire
sans terme. Et le geste ne
varie pas. On dirait Perec
et sa vie mode d'emploi.
Elle remplit chaque grille
sans jamais laisser un blanc
puis la biffe d'une croix
gravée qui imprime sa marque
sur la page qui précède. Le
temps a passé, j'ai laissé
disparaître tous ces cahiers.
Je les voudrais garder par
devant moi, comme une petite
encyclopédie, un trésor de la
langue, humble et riche, comme
la vie qu'elle m'a donnée et
dont elle m'enrichit, maman.
mercredi 7 juin 2017
Lève les yeux
replie le couvercle, chausse
les fines lanières de tes sandales
et viens dehors, au pied de la colline
boisée. Tu ne me reconnaîtras pas, j'ai
fait du secret un nouveau mode de vie.
Tu me verras dans un food truck fuchsia,
un antique Combi, adapté à la distribution
de victuailles. Moustachu, coiffé d'un
improbable sombrero, je te préparerai des
burritos à ma façon. Et puis je pousserai
un peu la sono et nous danserons sur l'air
des lampions. Lève les yeux, mon amie, et pars.
Et tant pis si je ne porte pas moustache et
sombrero et vais à pied. Je t'attendrai, tu sais ?
Il est
à la barbe chenue.
Ah je l'entends qui
grommelle, ce phoète
de mes deux... vers.
Non seulement je parle
de lui, mais je le peins
en Dieu le père ou tout
comme. Tssss. Herrero aussi
avait de la gueule et ce sont
les autres qui faisaient le
Jésus quand il en allongeait
une. Bon, revenons à nos duretons
(moutons, ça fait trop tendre et
durillons ça fait vraiment trop vieux).
Je l'ai connu il y a bien longtemps.
Du dedans, si je puis dire, vu son métier.
À quatre pattes (tss, à la niche, Marc Dorcel !)
À quatre pattes, disais-je, pour réparer sa connexion
RTC, l'ADSL n'existait pas et les modems plafonnaient
à 33 ko. Ou 56, je ne sais plus. Nous nous vîmes beaucoup.
sans le prétexte des ratiches qui n'étaient déjà plus
assez nombreuses. Ce midi nous avons dîné à trois, entre
hommes, et il m'a dit qu'il serait toujours là, l'ami. L...
Contrepoint
Éprouver le rythme, la simplicité.
Ramasser une vie dans son poing,
puis l'ouvrir violemment dans le
soir si lointain. Y chercher l'aire
dépouillée, la clairière où épandre
les mots et puis les vers, les regarder
alors que la nuit tombe. Attendre que le
noir et le blanc s'inversent. Guetter
les lucioles qui s'étirent. Y chercher
enfin l'aimée, unique et multiple. Elle.
Octosyllabes, anaphores. Le plein et le
creux. Le printemps et l'hiver. La peau
douce et les mains tavelées. Prendre enfin
conscience de ce que l'on savait déjà,
confusément. Tu es belle, plus belle que si
je t'avais connue matin, ta peau est miroir
et tes mains m'offrent toute la profusion du
monde.
Ta voix me manque
emportée par les vents.
Ta voix me manque, à l'accent
d'autrefois. Timbre ciselé par
tant de paroles et d'années. De
l'enfance lunettée jusqu'au présent
inavoué. Ta voix ne te plaît peut-être
pas... Te l'ai-je demandé ? La mienne se
casse dans le miroir et je ne l'aime pas.
Mais la tienne porte tant d'histoires que
je ne connais pas que les points de suspension
me semblent en marquer les limites. Silence.
Arrêt soudain du cliquetis des doigts. Je me tais
et pense. La voilà, qui m'emporte dans son tournis.
mardi 6 juin 2017
J'ai rêvé
d'un lien délié mais non dénué
de fondement. De peaux jointes,
de doigts-crayons, de voix unies
et désunies, de cris silencieux et
de bouches closes hurlant à la lune.
J'ai rêvé de l'impossible, de la vie
dans la mort, de ton absence en moi,
de ma présence en toi. J'ai rêvé comme
on court le long de l'eau glacée, entre
les gratte-ciel. Je me suis délié, j'ai
bu mes larmes et je t'ai espérée, mon amie.
La deuxième fontaine
les murailles tombées, la troupe
ne défilait plus, l'esplanade
s'endimanchait, les habits étaient
beaux, empesés aussi. On pria la ville
de se mettre au diapason et d'offrir aux
citoyens la fraîcheur que la Siant-Jean
exigeait. Deux fontaines furent disposées,
havres de fraîcheur vespérale. Les décennies
pasèrent, oublieuses, les grands magasins
accaparèrent les chalands et la vaste artère
s'empoussiéra. Le siècle finissait quand un
nouveau maire, proconsul truculent, eut la tocade
d'y vouloir revenir. En toute hâte, on disposa
les fontaines à l'identique, qui dissimulaient
une noria sophistiquée dont nul ne vit jamais le truc.
Chaque mois de septembre, les bizuths venaient recevoir
des anciens l'onction lustrale. Un jour, deux vétérans,
une ancienne épicière et un ancien khâgneux, choisirent
de s'y étreindre pour la première fois. On dit que l'eau
sous leur fougue s'arrêta. Mais on dit tant de choses...
Un pari
Un pari tout simple. Ni d'ivrogne,
ni de boursicoteur. Un pari humble,
de tendresse et de discrétion.
Un pacte à l'encre sympathique, la
plume trempée dans l'eau lustrale
qui griffe le papier. Jetons les discours
aux orties. Croquons la pompe à huile,
la navette fleurant l'eau de fleurs
d'oranger. Tes mots seront les miens
car déjà ils me guident. Bien loin d'un
monde par les autres assigné. Un pari,
tout simple, ma mie, pour remercier la vie.
Il est
Il est si grand. Et depuis si longtemps.
Mon grand fils. Ses cheveux bruns
ondulent en tutoyant les cieux.
Mais il suffit d'un jeu au bord de l'onde,
avec son frère petit, de balles échangées
au zénith pour retrouver la chaleur de
sa douce compagnie. La conduite
anticipée, le ski de fond, les farces
montées avec Thomas ou Jonathan.
Les années passent, le cœur demeure.
Grand, aussi grand qu'il l'est, mon grand
fils, ambassadeur précieux d'une jolie fratrie.
lundi 5 juin 2017
Humilis lupus, lupus malus
je ne l'étais pas. Ballotté entre
les événements sans fin d'un agenda
que je feignais d'endurer mais qu'en fait
j'imposais, esclave de cases de couleurs,
entre supports synchronisés, je pensais
maîtriser la situation. Folie d'un homme.
Vanité. À penser donner beaucoup à tous
mes enfants, en fait je donne bien peu
à chacun, si peu. Des miettes et mon sourire
dans leurs yeux s'efface lorsqu'une autre case
bariolée de mon agenda m'appelle. Vanitas. Mala.
dimanche 4 juin 2017
Il n'était pas
Il n'était pas cinq heures,
mes épaules glacées, quand
je les entendis enfin, ces oiseaux
hors la nuit. Un trille puis deux.
Un chant de quelques secondes
tout troué de sommeil. Puis vinrent
de l'aurore les premières lueurs, l'odeur
cuite de la pâte levée, la toux lancinante
des livreurs de journaux. En une poignée
de minutes, la vie fut amorcée. J'étais
tout engourdi. Je fermai mon écran puis
je me rendormis. À tes côtés, mon amie.
Faites la fête
Faites la fête. Oui, mais quand ?
Quand on ne l'attend plus. Ou quand
les camelots auront fermé boutique.
Avec des fleurs éparses, arrachées
aux bouquets convenus. Attendez
un jour, ou deux. Une semaine. Laissez
parler l'envie. Regroupez-vous à trois
et d'une mère célébrez le tournis.
Riez et pétillez. Ne cherchez rien. Aimez.
samedi 3 juin 2017
Entre les gouttes
Grosses comme des pièces
de cinq sous. Couleur de
lune claire et saveur d'huître
perlière, les gouttes veillent
et me cantonnent. Tes mots
me reviennent en boomerang.
En tendre boomerang comme
une banane en guimauve. Mots
de l'amour et de la concorde,
souffle de vie par delà le sens
offert, reçu, échangé. La frappe
devient difficile, l'écran se baigne
de larmes. De larmes de ciel, car
les cœurps eux rient. Cœurs et
corps épris à distance. À présent.
Tétrasyllabes
Oser aimer
Quatre syllabes
Tout juste comme
Oser t'aimer
Instant délice,
Heures choisies
Ces majuscules
De quatre vers
Et pas un point
Nulle virgule
Quatre fois quatre
Un seul amour
Oser aimer.
Quatre syllabes
Tout juste comme
Oser t'aimer
vendredi 2 juin 2017
Comme
qui se saura bientôt abrité,
comme la faim étreint celui
qui sait la table proche,
ainsi bat mon cœur dans la
poitrine, mes mains se ferment
sur l'image doucement, tendrement
estimée. Le temps peut alors glisser.
L'amour impossible
chagrines procrastinations,
l'amour impossible impose
son rythme et sa nécessité.
La nuit se fait de mots et
le jour invente le silence.
Tant de dialogues, de pas
serrés, avec des inconnus
ou de si peu connus et
l'aimé(e) échappe qu'on croit
tenir d'un mot ou d'un court
message vert, laissant au
rêveur les heures indoues de
la nuit. Jouons : Amour impossible ?
Non pas. L'amour ? Un possible.
Sur un mot
le silence qui précède son
impossible prononciation,
les yeux si clairs qui cherchent
et qui ne trouvent pas. Ou pas
encore. Sur ce mot improbable,
j'écris, curieux de ta pensée
délicate, attentionnée, si loin
des noms d'oiseaux que, d'un
sourire, tu me fais comprendre
qu'ils pourraient venir sous ta
plume bleue, oiseau de paradis,
si le paradis avait le verbe de
l'Intranquillité de Personne.
Mais tu les tais d'un rire
et je suis là, désemparé, à
chercher ce mot qui ne viendra
plus et dont l'absence, profuse,
t'expose à mes yeux et sous mes doigts,
tendre muse qui ne sait «où le lien
conduit, et le temps est là.»
Outre-atlantique
aux cœurs qui ici bas parlent
et se taisent. Là haut, plus
haut que les nuages, le ciel
est toujours beau. Et glacé.
D'une perfection toute divine
et l'avion brûle la fine couche
d'oxygène. Plus bas, l'eau est
sombre et froide, avec des lames
hautes comme des immeubles sans
fenêtre ni habitant. Masque sur
les yeux, les passagers avancent.
L'heure ne cesse de changer, les
repères se bouleversent. Une Babel
comme un terrain de football clos.
Entre deux mondes. Entre deux langues,
dix, vingt. Le silence s'installe entre
ceux qui sont amants ou qui le furent.
L'avenir se conjugue au présent. Mais
quand le présent glisse entre les doigts
jusqu'à l'inconsistance, sans le grain
d'une peau ou la tiédeur d'un souffle
assoupi, l'avion intercontinental devient
une assez juste image de l'amour impossible.