samedi 30 janvier 2016

Un dialogue

Les vitres s'étaient embuées,
la pluie, au dehors, ne se voyait
presque plus. Le froid était une
illusion.

Sur l'étroit canapé, le petit avait
du mal à trouver le repos. Dans un coin,
le bras tendu par la presbytie, le père
lisait.

Les yeux enfiévrés, il se reconnaissait
dans la parabole du voyageur. Il n'aurait
pas voulu être dérangé. Et pourtant il sourit,
soulagé, 

quand son fils lui parla, d'une voix fine et aiguë.
Le bras retomba, la tablette d'ivoire s'assombrit
et le dialogue commença, hésitant au tout début,
avant de se développer 

moelleusement, comme la couette sous laquelle l'enfant
n'avait pu trouver le sommeil. De quoi parlèrent-ils,
ces deux hommes qu'un demi-siècle unissait ? De peu,
de beaucoup.

De leur mère, mieux qu'ils n'auraient su le faire en présence
de ces dernières. Pourtant, du petit, la mère se tenait non loin,
immobile profil d'albâtre bordé de claire laine bouclée, mais elle
ne pouvait entendre,

le père s'en assura. Alors la parole se libéra et, sans jamais le dire,
le père se revit enfant avec un même amour pour sa précieuse maman. 
«On n'a qu'une maman», entreprirent-ils de dire maladroitement. Et le reste
échappe à la littérature.