La scène est au bord du grau,
entre mer et étang. Non loin,
les enfants jouent à chercher
des vers pour la pêche des grands.
Il n'est pas midi, l'heure du café
et du thé vert brûlant. Le dialogue
courbe les visages et caresse les
mains. Je me suis écarté et vous
regarde longuement, tout à la joie
de cette heure inouïe. Du vent dans
les branches de sassafras me revient
soudain à l'esprit. Mais Obaldia est
si loin avec son Kentucky d'opérette.
Nous sommes à Minorque, au cœur d'une
réserve et je vous aime, mes parents,
mon ami. Maryse est de côté. Sa voix
se casse dans l'émotion. Je bois ses
paroles enthousiastes, à mi chemin
entre trois langues. Au centre est Adeline,
si belle. Elle voit ce que nos regards trop
bas ne savent voir : l'ouvrier sur le toit
qui chaule les tuiles à l'aide d'un balai
improvisé, les écailles des langues qu'ébarbent
ses doigts neufs. Pourquoi un concept si clair
dans une langue, aux modalités surprenantes,
peine-t-il à se faire entendre dans une autre
unifiée ? Paco, à sa droite, a la parole lente
et posée. Il ne juge ni sélectionne, il dissèque
chaque mot comme l'ongle brise la coque du fruit
sec pour en extraire le noyau savoureux. Je ne les
écoute plus et mes mains épousent mes cuisses.
La concorde naît par delà les mots, à l'ombre
grêle des tamariniers touffus...