samedi 29 juillet 2017

Le pont tiers

Longtemps je pris le pont qui enjambait le Rhône,
en voiture sombre, vitres fermées. Je voyais alors
à côté de mon arche, un peu en contrebas, un pont

suspendu que, secrètement, je désirais. Des voitures
affinées par la distance le traversaient lentement,
suivies de quelque camion grave et lancinant. Puis

je pris un pont second, à vive allure d'un train clos
vers la capitale où étaient mes fils. Je ne vis plus
ce pont tiers qui avait durablement nourri ma fantaisie

de marinier sans péniche. Je l'oubliai et l'eau toujours
passait, faisant tinter les grains de raisin des crus
avoisinnant. Et puis tu vins, nous naquîmes l'un à l'autre,

je commençai, çà et là, à délaisser l'olivier pour le buis,
nous entreprîmes d'emprunter ce pont tiers, suspendu à
notre commun désir, ensemble ou séparément. Il s'incarna.